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Droits de l’homme et conservation de l’environnement: cas des droits des peuples autochtones de la forêt


par Marthe Ngo Ngue Tegue
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales 2022
  

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B- Les Droits culturels

Au Cameroun, les droits culturels ont plusieurs conséquences sur les pygmées Baka. Il convient d'en relever les deux plus importantes permettant de percevoir l'impact sur la culture des pygmées. Il s'agit de l'asservissement vis-à-vis des donateurs (1) et de l'acculturation (2).

1- L'asservissement des peuples autochtones vis -à - vis des donateurs

Les pygmées Baka de Mayos et de l'Est Cameroun en général, vivent de subvention importante émanant des bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Cela permet la mise en place de nombreux projets dont ils sont les bénéficiaires directs, avec pour but l'amélioration de leurs conditions de vie. Mais, en ce qui concerne cette aide, le revers de la médaille est que les Baka deviennent dépendants de ces apports financiers ou en nature. Malgré les efforts qui sont faits pour les rendre plus autonomes, les Baka eux-mêmes se rabaissent et se sous-

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estiment. Cette attitude de la part des donateurs est une manière de ne pas leur reconnaitre la capacité de prendre en main leur propre destin. Ils n'ont pas compris qu'à un moment il est important pour les pygmées de se prendre en charge pour obtenir ce qu'ils désirent. Les donateurs se substituent le plus souvent à eux dans la recherche d'une satisfaction de leurs besoins. Ainsi, ils sont habitués à tendre la main et à recevoir, sans que soient fournis d'efforts particuliers. Une particularité de ces pygmées à Mayos est qu'ils ont même pris pour habitude de n'accueillir les étrangers que lorsque ceux-ci sont munis de présents. C'est pour cette raison que l'on observe une réelle paresse au sein des villages Baka. Ils attendent des autres de l'argent, sans vraiment fournir d'efforts considérables.

En dehors de la dépendance causée par la paresse, l'on observe que de par toute cette aide reçue, l'on arrive à les maintenir dans une nouvelle forme de pauvreté, en voulant lutter contre la pauvreté. En effet, certains projets s'étendent sur une longue période et sont durables, à l'instar de la création d'un centre de santé, d'une école. Or, même les vêtements qui sont distribués manquent d'entretien sans parler des infrastructures qui se détériorent sous leur regard passif. L'abandon de l'habitat de forêt les contraint à vivre dans une insalubrité permanente, ce qui amène à penser que les interventions qui sont faites aggravent leur situation de pauvreté, laquelle est remplacée par une autre encore plus néfaste.

Cette forme de pauvreté s'impose aux pygmées car le fait pour les acteurs du développement de se contenter de plaquer sur eux les modèles de développement qui sont propres aux conditions de vie des groupes majoritaires, ne tiennent pas en compte le mode de vie propre aux Baka qui vivent sans laisser de traces dans la forêt. Pourtant, les Baka ne peuvent pas se développer de la même façon que les Bantous. Ainsi, les programmes qui sont définis et présentés n'apparaissent pas être des solutions plausibles aux attentes des Baka du fait de l'inadaptation des méthodes mises sur pied. C'est pour cette raison que, malgré les nombreuses initiatives et l'importance des moyens qui sont déployés, les objectifs d'amélioration des conditions de vie et de lutte contre la pauvreté ont du mal à être atteints. Ce phénomène conduit progressivement à l'acculturation des Baka.

2- L'acculturation de plus en plus accrue des pygmées

L'observation et les entretiens menées dans le village de Mayos ont permis de percevoir l'impact des actions de développement sur la culture des Baka. En effet, l'on assiste à un abandon progressif et bientôt total de tout ce qui constituait la particularité des pygmées. Ils ont délaissé leurs pratiques pour adopter celles du groupe dominant. C'est ainsi que,

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concernant par exemple leur religion, les Baka de Mayos ne font plus vraiment appel à leurs différents « dieux » à cause des actions du développement et de la déforestation. Ils ont donc épousé la religion des « bienfaiteurs ». De plus, les Baka s'expriment en majorité en français ; c'est le cas par exemple du chef traditionnel de Mayos et même lorsqu'ils se parlent entre eux, leur langue est diluée par l'utilisation récurrente du français.

Aussi, les Baka vivent à la fois dans des huttes et des maisons en briques. Malgré qu'ils trouvent confortables leurs maisons en huttes, ils commencent à apprécier vivre dans des maisons en tôles et en ciment, comme les Bantous. En effet, le chef du village interrogé affirme qu'il devient de plus en plus difficile pour eux de monter aux arbres les plus hauts, comme leurs ancêtres auparavant. Ils ont même déjà adapté leur alimentation pour manger régulièrement du manioc, du riz comme les groupes majoritaires, et par moment seulement leur repas traditionnel qui est l'igname sauvage qu'ils trouvent en forêt.

De nombreuses interventions visant au bien-être des Baka ont conduit à des situations d'acculturation. Il existe de ce fait plusieurs formes d'acculturation, que présente Roger BASTIDE qui distingue ainsi l'acculturation forcée de l'acculturation planifiée229. C'est-à-dire qu'elle émane respectivement des cultures jugées supérieures vis-à-vis de celles inférieurs, et celle émanant de notre volonté230.

De par cette analyse de Roger BASTIDE, l'on constate que les Baka émettent eux-mêmes des demandes pour modifier leurs modes de vie et ils accueillent à bras ouverts tout organisme ou personne désireuse de les y aider. Mais l'acculturation que l'on croit planifiée ne s'avère être que forcée, car les besoins qui sont présentés par les Baka proviennent au fond de la volonté des acteurs du développement, qui leur démontrent au préalable que c'est ce qui est bien pour eux. Or, une des preuves que ces actions les minent est qu'ils ne s'y retrouvent pas. C'est pour cela qu'ils ne se livrent pas exemple à de nombreuses perversions, telles que l'ivrognerie.

229 BASTIDE (Roger), Anthropologie appliquée, Paris, Payot, 1971, p58.

230 BASTIDE (Roger), op.cit., p58, pour ce qui est de l'acculturation forcée, les cultures jugées inférieures à la civilisation occidentale sont pressées d'abandonner leurs institutions, leurs idoles et l'ensemble de leurs « mauvaises habitudes » afin de se donner les moyens de partager le bonheur de l'occident. Les collectivités concernées par ce processus voient les traits qui fondent leur identité menacée de disparition. Les individus qui les composent sont réduits à la condition de serf, taillables et corvéables à la merci, après avoir été dépossédés de leurs biens.

Quant à l'acculturation planifiée, elle intervient lorsque le processus de décolonisation est lancé. La décolonisation engendre des hommes libres, mais dont l'identité culturelle est incertaine cherchant à se trouver et à se construire eux-mêmes. L'acculturation planifiée résulte souvent de la demande d'un groupe qui souhaite voir son mode de vie évoluer.

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L'on a pu constater que les acteurs du développement des pygmées de l'Est Cameroun accordent une importance particulière à l'amélioration des conditions de vie des Baka. Mais, ce faisant, ils négligent d'y intégrer les Baka dans la réalisation de leur développement du fait de leur marginalisation qui n'est certes pas suffisante dans la pratique.

SECTION II: LE RESULTAT D'UNE JOUISSANCE INSUFFISANTE
PRISE AU REGARD DE LA PRATIQUE DE TERRAIN

La mise en oeuvre des droits des peuples autochtones au Cameroun nécessite obligatoirement que soient repensés les stratégies et les modes d'actions visant le bien-être des Baka de l'Est. Il est question dans cette section de relever les difficultés majeures qui rendent difficile la mise en oeuvre de ces droits au Cameroun dans le but de proposer des solutions pour une meilleure prise en compte. Pour ce faire, il convient de présenter une réévaluation conceptuelle à la lumière du contexte général du droit des peuples autochtones dans la conservation de l'environnement (I), puis l'existence primordiale des pygmées comme entité à part entière pour la valorisation de leurs droits (II).

I- UNE NECESSAIRE REEVALUATION CONCEPTUELLE A LA LUMIERE DU CONTEXTE GENERAL DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT

La nécessité de revoir le contexte général du droit des peuples autochtones consiste à attirer l'attention sur la prise en compte de leur composante (A) et l'intégration de juridictions spécialisées (B).

A- L'impérative prise en compte des composantes des droits des peuples autochtones

Dans cette partie du travail, il sera question pour nous de présenter la revalorisation conceptuelle de l'identification de l'autochtonie (1) et l'importance des valeurs sociales (2).

1- Une revalorisation conceptuelle de l'identification de l'autochtonie

Certains groupes de peuples autochtones sont identifiés officiellement au Cameroun comme des autochtones de droit. Il s'agit : des Bororos, des pygmées- Bakas, les montagnards, avec une culture différente des autres populations. Cependant, il existe une autre partie de la population qui se considère comme des autochtones par leur naissance et par

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leurs ancêtres. Ce sont des autochtones de fait qui sont nés à un endroit précis et ayant immigré pour s'y installer. Généralement, ils se considèrent comme originaires de.... Et cela prête à confusion, car la Constitution camerounaise de 1996 stipule dans son préambule que : « l'Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones », sans toutefois prendre la peine de préciser qui est autochtone et qui ne l'est pas. Ce qui pose un problème fondamental dans la reconnaissance officielle de ces peuples au Cameroun. Le préambule de la Constitution camerounaise, consacre la préservation des droits des « populations Autochtones »231. Celle-ci ne définit pas véritablement qui est autochtone. Ce qui crée des difficultés d'insertion dans le dispositif de l'administration camerounaise. Le Cameroun n'intègre donc pas la définition internationale de la notion de peuple autochtone et ce, malgré les recommandations claires et répétées provenant des déclarations232, des organes de traités internationaux233 de droits humains y compris la commission africaine234. La réforme de la loi forestière ne prend pas en compte les droits des peuples autochtones235. Le fait pour le constituant camerounais de ne pas insérer de façon précise les droits des peuples autochtones dans le dispositif constitutionnel rend les revendications identitaires des peuples autochtones difficiles.

Il faut relever aussi que les peuples autochtones sont noyés dans la généralité mais aussi dans l'oubli par les politiques d'intégration mises en oeuvre au niveau national. Cela entraîne des discriminations qui sont de deux ordres : celles perpétrées par le groupe dominant et celles émanant de l'Etat. En effet, cette absence de protection laisse libre cours à toutes formes d'exploitation possibles de la part du groupe dominant. Mais, jusque-là, les actions de lutte contre les discriminations demeurent isolées et ponctuelles236.

231 Article 51 conformément à la loi, l'Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des « populations Autochtones » conformément à la loi.

232 L'article 1er de la déclaration sur le droit au développement, adopté par l'assemblée générale des nations unies dans la résolution 41/128 du 4 décembre 1986 qui parle du droit de participer et de contribuer à un développement dans lequel tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés. Le droit de bénéficier de ce développement, et le droit des peuples à disposer d'eux -mêmes.

233 Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit international relatif aux droits de l'homme.

234 Le rapport supplémentaire des droits des peuples autochtones au Cameroun soumis au troisième rapport périodique du Cameroun, section 1, 54ème session ordinaire, octobre 2003, Banjul, Gambie, p. 7.

235 Section 2, op.cit., note 48, p.11. La loi forestière de 1994 utilise la notion de « populations autochtones », « communauté villageoise », de « communauté », sans que celle-ci ne fassent spécifiquement allusion aux peuples autochtones tel que consacrés dans les différents instruments internationaux de protection de ces groupes.

236 C'est le cas du projet de politique sur les populations marginales qui tarde à être finalisé, ce qui laisse ces groupes en proie à de nombreux maux.

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A l'échelle nationale, l'absence de reconnaissance officielle du statut d'« autochtone » aux pygmées constitue la principale source de discrimination de ces groupes sociaux par l'Etat camerounais. A ce jour, on note une adhésion sélective du Cameroun aux instruments juridiques internationaux de protection des droits des peuples autochtones237. En dépit des conventions ratifiées, aucune mesure n'a été prise en vue d'abroger, modifier, ou annuler des dispositions juridiques discriminatoires à l'égard des peuples autochtones. Il en est de même des mesures spéciales visant à leur garantir l'accès dans des conditions d'égalité à l'exercice de leurs droits fondamentaux. Ce qui impacte les valeurs sociales.

2- L'importance des valeurs sociales

Comme toute personne, les droits qui sont reconnus dans la déclaration universelle des droits de l'homme sont reconnus à tous les hommes de même qu'aux groupes minoritaires. Sauf que pour les peuples autochtones, c'est la mise en application qui devient un problème. Il existe de nombreuses entorses à ces droits. L'on ne s'attardera que sur quelques-unes. L'éducation continue de poser problème aujourd'hui à cause du calendrier scolaire qui est défavorable les pygmées. En guise d'illustration, l'on peut tenter de remonter le temps en essayant de faire un saut à l'époque du feu président Ahidjo. On avait deux systèmes d'éducation scolaire qui prenaient en compte le climat et existaient dans le grand Nord. Là-bas par exemple quand il faisait tellement chaud il n'y'avait pas école et donc il avait leur programme scolaire qui prenait en compte leur climat. Ce qui donnait droit à deux CEPE : un de la zone septentrionale, et l'autre du Sud. Si aujourd'hui on a une élite du grand NORD, c'est parce qu'on a pris en compte ce phénomène. Mais, avec le mimétisme, on a calqué notre modèle de vie sur celui du colon.

Dans les années 1983 et 1984, les BAYA ont bénéficiés d'une éducation spécifique parce qu'à une époque, on disait que l'éducation est prioritaire. L'on se demande pourquoi les peuples autochtones de la forêt ne bénéficient-elles pas d'une attention aussi particulière du gouvernement, étant donné qu'il y'a des périodes d'activités où en saison sèche si vous allez dans les villages Baka, vous n'allez trouver personne au village parce que tout le monde est en forêt. Il faut donc prendre en compte ces paramètres de besoins des peuples autochtones pour poser des actes forts en matière d'éducation. Maintenant, les périodes de Septembre Octobre sont consacrées à la cueillette, le ramassage de Mango, les mangues sauvages. Les

237 Le Cameroun n'a toujours pas ratifié la convention 169 de L'OIT, spécifiquement consacrée aux peuples autochtones.

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parents qui ont besoin d'une main d'oeuvre pour le ramassage amènent tous les enfants en forêt, et quand c'est la saison sèche on à besoin des jeunes filles pour vider les cours d'eau.

Alors un plaidoyer a été fait pour adapter le système scolaire au rythme de vie des enfants autochtones. Les droits sont là, écrits dans les instruments juridiques au niveau national et international mais c'est l'application qui pose problème. Il faut souligner la question d'accès à la citoyenneté c'est même là la clé car même pour inscrire un enfant il faut un acte de naissance.

Quant à leur alimentation, c'est un peuple qui ne connait pas de réserve, chaque jour ils doivent aller chercher de quoi se nourrir et c'est ainsi tous les jours et toute la vie. Malgré cela, certains ont commencé l'agriculture mais la nature reste importante pour eux. Ils aiment le dire (peuples autochtones), la forêt c'est notre supermarché, c'est notre hôpital, c'est notre pharmacie. La forêt c'est notre lieu de propriété. En effet, c'est à cet endroit qu'ils trouvent le nécessaire pour leur survie. Si la forêt venait à disparaître, il n'y aurait plus de peuples autochtones. Il faut pouvoir les préserver et les inclure dans les activités de la forêt. Il s'agit là d'une volonté politique. Il y'a eu des tentatives à l'instar du MINEPDED qui a mis en place des comités paysans-forêt où l'on retrouve quelques peuples autochtones des forêts. Mais ce qui pose toujours problème, c'est la pratique car les initiatives existent mais, c'est la faisabilité qui n'est pas évidente. Si l'on ne prend pas en compte le facteur anthropologique, sociologique, économique, ça devient peine perdue et des questions vont faire surface parce que dans le fond, l'on n'a pas pris le temps de comprendre ce peuple.

Pour bien comprendre ces actions, il faut tenir compte de l'anthropologie, la sociologie, car ce peuple connait suffisamment la forêt. Par exemple, ils sont capables d'identifier chaque plante et donc il peut être un excellent botaniste. Lorsqu'un animal crie en forêt, il peut identifier la nature dudit animal. Il peut aussi identifier les animaux par rapport aux empruntes au sol. Ce sont tous ces savoirs pour lesquels nous faisons le plaidoyer afin qu'on les valorise et non les mettre de côté pour que les gens disent qu'ils sont attardés. Si les peuples autochtones sont amenés à valoriser leur savoir et leurs connaissances traditionnelles, ce serait une richesse énorme. Si on coupe le lien avec la forêt, ce savoir va se perdre. Les parcs et les réserves forestières limitent leur champ d'action, parce que les connaissances dont il est question ne se transmettent pas dans un tableau. C'est vraiment au pied de l'arbre. La « la forêt étant pour eux « comme un grand livre ».

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway