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Droits de l’homme et conservation de l’environnement: cas des droits des peuples autochtones de la forêt


par Marthe Ngo Ngue Tegue
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales 2022
  

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B- Le cadre réglementaire

Les communautés qui s'auto identifient comme étant autochtones bénéficient du même statut que les diverses communautés locales qui vivent sur l'ensemble du territoire camerounais. Si ce concept laisse clairement percevoir l'existence de groupes sociaux distincts, aucun texte législatif ou réglementaire n'en précise le contenu au plan interne. Il devient donc difficile pour nous de tabler de façon large sur les décrets (1) et arrêtés (2) propres aux droits des peuples autochtones.

1- Les décrets

La mise en oeuvre du cadre juridique de peuples autochtones se heurte à des contraintes majeures liées à l'insuffisance des textes d'application devant préciser les modalités pratiques d'exécution des dispositions d'ordre général.

Les textes d'application pris par l'exécutif (décrets, arrêtés, décisions, circulaires) sont destinés à fournir des indications propres à l'application des lois sectorielles ou de la loi cadre180. Une loi, quelle qu'elle soit, ne peut être efficace si les textes d'application n'existent pas.

On a des textes qui garantissent le bien-être des populations sans discrimination aucune tel que prévu dans la Constitution en matière de ressources naturelles qui est suffisamment outillé en textes d'application. Malgré le fait que la plupart ne porte que sur le mode de

178 Elle met un accent sur les difficultés quotidiennes que rencontrent les peuples autochtones à savoir : la déforestation, les effets néfastes de certaines pratiques pastorales, l'utilisation des infrastructures sociales, les formations sur le fonctionnement des infrastructures socio-économiques dans les domaines variés.

179 DSCE 2009.

180FOTSO (Gilles Herbert), op.cit., note 32, p. 46.

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gestion des forêts, faunes, pêche qui sont les milieux dans lesquels on retrouve les populations autochtones. Nous allons essayer d'énumérer quelques-uns de ses textes :

- Décret n°94/436/PM du 23 août 1994 fixant les modalités d'application du régime des forêts

- Décret n°95-466-PM-du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune ,
·

- Décret n° 95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts ,
·

- Décret du 14février 2012 sur l'étude d'impact environnemental ,
·

- Décret du 14février 2013 sur la réalisation de l'audit environnemental et social. En somme, le dispositif réglementaire élaboré par le gouvernement camerounais ne rend pas suffisamment compte de la protection des droits des peuples autochtones dans la conservation de l'environnement. Mais il n'en demeure pas moins que la législation camerounaise est l'instrument le plus effectif qui permettra de mieux protéger les droits des minorités. Les arrêtés ne seront pas en reste.

2- Les arrêtés

Comme nous avons pu le constater plus haut, l'absence de précision constitutionnelle en la matière est une véritable barrière, laquelle ne permet pas de mettre sur pied un ensemble de textes réglementaires qui organise l'état de protection de la population. Mais, il faut noter que le silence n'est pas total. Il existe néanmoins des domaines qui permettent de protéger implicitement l'environnement des peuples autochtones à l'instar de :

- Arrêté n°078/CAB/PM du 11 octobre 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de l'arrêté n°029/cab/ PM du 9 juin 1999 portant création d'un comité permanent de suivi de la mise en oeuvre des résolutions de la déclaration de Yaoundé sur la conservation et la gestion durable des forêts tropicales ,
·

- Arrêté n°0518/MINEF/CAB du 21 décembre 2001 fixant les modalités d'attribution en priorité aux communautés villageoises riveraines de toute foret susceptible d'être érigée en forêt communautaire ,
·

- Arrêté conjoint n°0000076/MINATD/ MINFI/MINFOF du 26 juin 2012 fixant les modalités de planification, d'emploi et de suivi de la gestion des revenus provenant de l'exploitation des ressources forestières et fauniques, destinées aux communes et aux communautés villageoises riveraines ,
·

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- Arrêté n°126/CAB/PM du 10 septembre 2012 portant création, organisation et fonctionnement du comité national de suivi de la mise en oeuvre de l'accord de partenariat volontaire (APV) sur l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux entre le Cameroun et l'Union européenne ,
·

- Arrêté n° 0001/MINEPDED du 08 février 2016 fixant les différentes catégories d'opérations dont la réalisation est soumise à une évaluation environnementale stratégique ou à une étude d'impact environnemental et social ,
·

- Arrêté n°0002/MINEPDED du 08 février 2016 définissant le canevas type des termes de référence et le contenu de la notice d'impact environnemental.

Ces textes susmentionnés, malgré leurs imprécisions sur la question autochtone, reconnaissent aux populations autochtones le droit à la forêt qui est leur milieu de vie. Il convient d'examiner à présent le droit des populations autochtones de faire recours au juge pour la préservation de l'environnement.

SECTION II : LE RECOURS AU JUGE ET LES ACTEURS DIRECTS DE LA PROTECTION DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LE CONTEXTE DE CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT

Il est reconnu à tout individu de faire valoir ses droits comme le disait NELSON MANDELA. « Priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à contester leur humanité même »181. Il existe de nombreux mécanismes permettant de garantir ses droits à l'instar de la saisine du juge (I). Cependant, d'autres acteurs interviennent dans ce processus de préservation de l'environnement (II).

I- LE JUGE DANS LA PROTECTION DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT

Après l'élaboration des textes de lois en vigueur, il s'est posé le problème des juridictions capables de faire respecter ces dispositions. La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples préconisait la création de processus normatif182visant la création d'une commission de l'Union Africaine pouvant adopter des normes, instruments capables

181 https://www.amnesty.org consulté le 24 Juin 2021 à 12:00

182 KEMBO TAKAM GASTING (Hermine), op.cit., note 39, pp. 71-72.

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d'organiser les normes institutionnelles. De ce fait, il convient de présenter le rôle du juge dans la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones sur le plan international (A) et sur le plan national (B).

A- Le rôle du juge international dans la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones

Les systèmes africain, interaméricain et européen des droits de l'homme jouent un rôle important dans la promotion et la protection des droits de l'homme au niveau international, en raison de l'attention qu'ils accordent aux droits des peuples autochtones183. Des initiatives régionales ont également été lancées à l'instar de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (1) et de la Cour Africaine des Droits de l'Homme (2).

1- La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dans la protection des droits des peuples autochtones : cas des décisions sur le peuple Ogoni au Nigéria et sur le peuple Endorois du Kenya

Selon l'article 30 de la Charte africaine qui consacre la création d'une Commission africaine des droits de l'homme et des peuples entrée en vigueur le 2 novembre 1987 à Addis-Abeba en Éthiopie, elle est chargée de « promouvoir les droits humains et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique »184.

La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a pour mission essentielle de recevoir des rapports de pays, d'effectuer des missions sur la base d'allégations de violations massives et graves des droits de l'homme. A cet égard, elle examine des communications relatives à des violations des droits de l'homme et des peuples, à condition que les voies de recours soient épuisées au niveau local185. La Charte prévoit également de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et des peuples en Afrique mais aussi de protéger, d'interpréter ladite Charte. Cependant, il s'avère que la Commission a élaboré une jurisprudence innovante relative aux droits des peuples autochtones, en particulier pour ce qui est de leurs droits culturels et de leurs droits à la terre, aux territoires et aux ressources. C'est la raison pour laquelle l'on analysera les cas des décisions sur le peuple Ogoni au Nigéria et sur le peuple Endorois du Kenya.

183 BRAUN (Treva) et MULVAGH (Lucy) Le système africain des droits humains, op.cit., p. 23.

184 Ibid. p. 24.

185 Les peuples autochtones et le système de protection des droits de l'homme des Nations Unies Fiche d'information no 9/Rev.2 NATIONS UNIES New York et Genève, 2013 p. 36.

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S'agissant de la décision Endorois, cette décision a replacé le droit au développement au centre des préoccupations du droit international en Afrique. En l'espèce, l'Etat kenyan avait expulsé dans les années 1970 des tribus d'éleveurs proches des Masai, les Endorois de leurs terres ancestrales situées dans la province de la vallée du RIFT pour y aménager une réserve faunique et des complexes hôteliers bâtis sur les rives du lac Bogoria. En conséquence, les Endorois avaient été refoulés avec leurs troupeaux vers des terres ingrates et ne pouvaient plus accéder à ce lac bordé de montagnes et de geysers pour leurs cérémonies rituelles. En contrepartie de cette aliénation, l'Etat défendeur ne leur avait octroyé qu'une compensation ponctuelle, symbolique et leur interdisait l'accès à la réserve pourtant constituée sur leur patrimoine tribal collectif, titre de propriété que les juridictions kenyanes s'étaient refusé à reconnaître tout au long de la procédure interne186. Cette décision nous montre à suffisance que les droits des peuples autochtones sur leurs terres, territoires et ressources ont toujours fait l'objet de questionnements sur la scène internationale et nationale, tout comme le principe du préalable libre et éclairé, font partie intégrante du droit des droits de l'homme187. Il s'agit donc de la question de violation de l'intégrité culturelle du peuple Endorois.

De même l'affaire dite des Ogoni au Nigéria dans laquelle des populations résidant dans le Delta étaient victimes d'une pollution massive du fait d'une activité pétrolière intense et non régulée, en est un exemple typique car la commission à tout au long de son raisonnement mis un accent sur les conditions de vie dégradées des Ogoni à cause d'une industrie dont ils ne retirent aucun bénéfice, les violations de la Charte par le Nigéria est finalement retenue au titre de l'article 24 qui stipule « tous les peuples ont droit à un environnement sain et satisfaisant propice à leur développement» et non à l'article 22188. En effet la commission s'est donnée de dénoncer les violations du droit au développement grâce à la pollution.

2- La Cour africaine des droits de l'homme

L'Union africaine (UA) a adopté le Protocole relatif à la Charte africaine des droits

186 ENGUERRAND (Serrurier) L'évolution du droit au développement devant les juridictions et quasi-juridictions régionales africaines Revue Tiers Monde, N ° 226/227, VARIA (avril-septembre 2016), Publié par la Sorbonne, pp. 188-189.

187 Commission Africaine des droits de l'homme, centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights group International ( on behalf of Endorois welfare council) Kenya, communication n°276/03, 25novembre 2009.

188 ENGUERRAND (Serrurier), L'évolution du droit au développement devant les juridictions et quasi-juridictions régionales africaines, op.cit., pp. 182-183.

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de l'homme et des peuples le 10 juin 1998. C'est ce Protocole qui établit la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples dans le but de compléter et renforcer la mission de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples189. L'article 2 de ce Protocole affirme que la Cour complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a confiées à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Ce faisant, la Cour africaine peut solliciter l'avis de la Commission africaine avant de statuer sur la recevabilité d'une requête introduite auprès d'elle. La Cour africaine, pour trancher un litige, n'appliquera pas seulement la Charte africaine, mais aussi d'autres traités ratifiés par les parties concernées. C'est ce qui marque un pan important pour les peuples autochtones qui voient leurs droits reconnus tant par la Charte africaine que par plusieurs traités de l'Union africaine. La Cour africaine est dotée d'une compétence consultative et d'une compétence contentieuse190. L'on peut à cet effet noter comme exemple le premier arrêt de la Cour africaine sur une décision de procédure. Dans le cas d'espèce, la Cour africaine a refusé de statuer sur une requête présentée par un ressortissant tchadien, Michelot Yogogombaye, contre le Sénégal, qui est Etat partie au Protocole. Lors de cette requête, Yogogombaye demandait à la Cour africaine le retrait de la procédure introduite par le Sénégal contre l'ancien dictateur tchadien, Hissène Habré, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au cours de l'exercice de ses fonctions de chef d'Etat. Le Sénégal a remis en cause cette requête en brandissant l'exception préliminaire fondée sur le fait que le Sénégal n'avait pas présenté de déclaration au titre de l'article 34(6) donnant suite à des requêtes individuelles dirigées contre lui. Après vérification de la liste des Etats parties au Protocole, la requête a été rejetée par la commission africaine sous motif selon que le Sénégal ne figurait pas sur la liste fournie191.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery