CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
En somme, cette partie nous a permis d'observer et commenter
le contexte global de la conservation de la biodiversité dans le bassin
du Congo. Il a été fait un constat mitigé qui comme nous
l'a démontré le premier chapitre contraste entre des
avancées politiques importantes et des enjeux sous-jacents encore peu ou
mal maitrisés comme les conflits homme grand singe, l'implication des
populations locales et autochtones, des femmes, le rôle
stratégique de certains assistants techniques internationaux, etc. Nous
avons également pu voir le rôle, l'historique et le fonctionnement
de la principale institution décisionnelle de la sous-région dans
la gestion politique des forêts à savoir la COMIFAC.
Cependant, le constat général est que la
gestion des aires protégées dans le bassin du Congo fait face
encore aujourd'hui à une présence occidentale pas toujours
bonifiée au travers de l'assistance technique parfois au
détriment des droits des populations locales et autochtones. Toutefois,
des avancées significatives sont observables au niveau du parc national
de Lobeke par exemple où la sécurité humaine des
populations riveraines est de plus en plus intégrée dans les
processus décisionnels du parc.
La gestion des forêts du bassin du Congo comme nous
l'avons vu, tend fortement vers des processus décisionnels beaucoup plus
intégrés. Aussi, les institutions sous régionales comme la
COMIFAC tendent tant bien que mal à diffuser les objectif du plan de
convergence à l'horizon 2025. Parmi les axes majeurs de ce plan figure
en grande ligne une meilleure absorption de tous les piliers et objectifs du
développement durable et une valorisation des ressources biologiques au
travers de l'écotourisme.
PARTIE II : LES ENJEUX CONTEMPORAINS DE
LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE FACE AU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE
BASSIN DU CONGO
66
S'il est vrai que les réflexions sur la relation entre
les activités économiques et l'environnement étaient
déjà présentes dans la philosophie antique, elles prennent
une place grandissante dans la seconde moitié du XXe
siècle avec l'apparition des pollutions, des déchets issus de
modes de consommation gaspilleurs de ressources, la surexploitation des
systèmes naturels, la consommation croissante d'énergies
d'origine fossile dans un contexte de croissance exponentielle de la population
mondiale. C'est en 1992, année où se déroule à Rio
de Janeiro la deuxième conférence mondiale des Nations Unies sur
l'environnement que le développement durable prends
définitivement corps. À ce « Sommet de la Terre », les
réflexions portent la marque de changements majeurs au niveau mondial :
depuis la conférence de Stockholm (1972), la population mondiale est
passée de 3,5 milliards d'individus à 5 milliards,
l'appauvrissement des pays du Sud s'est accentué ; le remboursement de
la dette absorbe l'aide publique du Nord, etc. La conférence de Rio
aboutit sur plusieurs points : rédaction des principes de la «
Déclaration de Rio », d'un programme d'actions pour le
XXIe siècle avec l'Agenda 21 et de deux conventions :
convention cadre sur le changement climatique et convention sur la
diversité biologique147.
Cependant, malgré cette prise de conscience des
problèmes environnementaux et de sous-développement,
malgré l'accord sur les principes d'une plus grande défense du
patrimoine naturel alliée à une amélioration de la
qualité de la vie pour l'ensemble de l'humanité, les actes qui
traduiraient de manière conséquente ces principes sont encore
trop peu nombreux. Et, lorsqu'ils existent, ils relèvent plus d'actes
isolés que d'une stratégie politique à grande
échelle.
La conservation de la biodiversité dans le bassin du
Congo à ce titre illustre largement cet état de fait. Pour
contribuer à l'objectif général de l'atteinte de l'agenda
2030 des Nations Unies, l'appropriation concrète de ces enjeux est un
impératif pour les aires protégées et les secteurs
d'activités connexes comme le tourisme.
Ainsi, dans le premier chapitre de cette partie
intitulé : Développement durable et conservation de la
biodiversité (Chapitre III), nous ferons un rappel des piliers du
développement durable sous le prisme des sciences politiques et quelques
outils techniques susceptibles d'optimiser leur prise en compte dans la
conservation de la biodiversité.
147 Alexandre Alcouffe et al., « Les enjeux du
développement durable », Université des sciences de
Toulouse, no 57, 2002, p. 1. [En ligne «
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02116569/document
», consulté le 11/072022 à 14 :07 ].
67
Au chapitre suivant intitulé : Tourisme durable au parc
national de Lobéké (Chapitre IV), nous présenterons les
enjeux et la stratégie de développement de l'écotourisme
du parc national de Lobéké à laquelle nous avons
participé et quelques perspectives positives pour la
sous-région.
CHAPITRE III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET LA
CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE
68
Le développement durable fait référence
à toute politique de développement qui s'efforce de concilier la
protection de l'environnement, l'efficience économique et la justice
sociale, en vue de répondre aux besoins des générations
présentes sans compromettre la capacité des
générations futures de satisfaire les leurs. En d'autres termes,
le développement durable est une finalité dont la
réalisation peut faire l'objet de différentes stratégies.
Stratégies qui peuvent quant à elles concerner les
activités d'une entité étatique ou gouvernementale,
entité territorialement décentralisée ou toute forme
d'entreprise (publique ou privée), un groupe social tout autant qu'un
individu.
Les aires protégées en raison de leur
importance pour la planète et les populations riveraines qui en
dépendent presque totalement dans le bassin du Congo, se doivent de
s'approprier le développement durable dans son sens le plus complet. Par
exemple, analyser et optimiser la gestion stratégique de l'environnement
par rapport à l'action politique tout en veillant à une
capitalisation des externalités de l'économie classique pour les
populations riveraines relève encore de l'abstrait pour de nombreux
gestionnaires d'aires protégées en Afrique centrale.
Proposer un modèle d'opérationnalisation des
différents piliers et outils du développement durable pour la
gestion des aires protégées constituera le corpus de ce chapitre.
La (section I) intitulée : les piliers du développement durable
dans la conservation de la biodiversité fera un rappel des objectifs
attendus de chaque pilier du développement durable pour une optimisation
des politiques de conservation de la biodiversité. La (section II)
intitulée : entre pratiques traditionnelles et innovations
scientifiques, présentera de nouvelles approches
largement encouragées pour une conservation durable, efficiente et
efficace de la biodiversité dans le bassin du Congo.
SECTION I : LES PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS
LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE
Les piliers du développement durable que sont
l'environnement, l'économie et le social sont aujourd'hui analyser dans
leur sens le plus large pour en déterminer des actions créatrices
d'un réel changement auprès des populations. Aujourd'hui encore,
la dualité conceptuelle rencontrée dans les courants de
pensée scientifique depuis les origines du concept de
développement durable reste manifeste. Lorsque survient le besoin de ce
développement au sens strict du terme, la durabilité semble
rationalisée par l'impératif économique. La
responsabilité sociétale dans le sens de la recherche du bien
être humain qui quant à elle semble se substitué à
une formalité imposée par le besoin de paraitre conforme aux
normes internationales. Tels sont entre autres les enjeux abordés dans
cette section.
69
Au (Paragraphe I) intitulé : l'environnement et, ou
l'économie ? Nous essaierons de révéler une des causes
tacites du problème, de confronter l'idée selon laquelle l'un de
ces piliers devrait forcément s'opposer à l'autre dans un
processus de développement durable.
Dans le (Paragraphe II) intitulé : la
responsabilité sociétale, il sera question d'aborder
l'éducation environnementale comme un préalable à tout
processus de bien être total pour les générations
présentes et futures.
PARAGRAPHE I : L'ENVIRONNEMENT ET, OU L'ECONOMIE ?
Le rapport Meadows du Club de Rome, intitulé «
Halte à la croissance », dénonce un modèle
économique fondé sur une croissance illimitée. Ce rapport
présente le développement économique et la protection de
l'environnement comme étant antinomiques et appelle à un
changement radical de mode de développement. Or, le
développement durable nous propose aujourd'hui des outils susceptibles
d'associer performance économique et protection de l'environnement.
Ce paragraphe illustrera dans un premier temps l'ASGE
(stratégique de la gestion environnementale) en (A). Il s'agit
brièvement d'un modèle de conceptualisation de la relation qui
existe entre les différents enjeux de chaque concept. Dans un second
temps nous parlerons de l'économie durable (B).
A. L'analyse stratégique de la gestion
environnementale (ASGE) 1. Les origines de l'analyse de la gestion
environnementale
L'analyse stratégique de la gestion environnementale
(ASGE) prend ses racines dans les années 1980 à partir
d'études de cas très diverses, notamment la théorie de la
pratique de la gestion environnementale148. Ces travaux ont
été par la suite largement appuyés par les bases
théoriques d'un réseau de chercheurs qui, de 1976 à 1987,
ont développé la « gestion patrimoniale ». Trois (03)
des fondements de cette théorie sont encore aujourd'hui au coeur de la
mise en oeuvre de l'ASGE :
Cependant, la plupart des approches développées
dans ce champ de l'environnement sur ces mêmes bases à l'exemple
de la gestion patrimoniale, la gestion intégrée, le
développement durable, etc., reviennent en dernière analyse
à instituer comme système d'action pour remédier à
un problème environnemental, le même système d'action qui
porte en lui, souvent profondément inscrites, les causes de ce
problème et l'impuissance ou la réticence à les
résoudre. Il y a là une contradiction essentielle, que ces
approches entendent lever tant sur le plan théorique que pratique, en
posant sous des formes diverses l'hypothèse d'un potentiel de
transformation à mobiliser par une meilleure coordination. Coordination
qui inclurait en autres l'amélioration de la communication, changement
des procédures, l'ajout de nouvelles institutions de coordination
etc.149
Même si ces approches qui posent le problème
environnemental en termes de coordination ou d'action collective en sont encore
à leurs débuts au milieu des années 1980, la
148Laurent Mermet, « L'institution patrimoniale
du haut Béarn : gestion intégrée de l'environnement ou
réaction anti-environnement ? », Annales des
Mines/Responsabilité et Environnement, 2001, p. 9.
149 Idem.
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réflexion critique sur leurs fondements, le constat
qu'elles méconnaissent ou minorent systématiquement certains
aspects des dossiers d'environnement,150conduisent à affirmer
un désaccord théorique fondateur de notre démarche encore
en 2022.
Résumons-le en quelques mots : s'il y a un «
problème » écologique que la gestion existante peine
à résoudre, il faut envisager de changer le système de
gestion ; l'amélioration de la coordination, la collaboration dans
l'action ne sont que des aspects particuliers de ce changement. Il n'y a pas de
raisons de lès considérer a priori comme centraux, encore moins
comme suffisants. La problématique de changement, intrinsèque
à la plupart des situations de gestion environnementale
rencontrées, nous incite à mettre au centre de nos analyses le
projet d'identifier dans les situations concrètes de gestion de
l'environnement, les conditions d'un changement de gestion, sans les postuler
au départ151.
2. Des propositions pour une amélioration
Les principaux théoriciens de cette approche
préconisent comme préalable, la mise en oeuvre d'un cadre pour
une analyse stratégique de la gestion de l'environnement,
articulée autour de quatre (04) principes organisateurs :
· Appuyer l'analyse du système d'action
lié à un problème d'environnement sur une
définition préalable, en termes écologiques, de l'objet
environnemental à prendre en compte et des objectifs poursuivis.
La formule un peu provocatrice « buts dans la nature,
moyens dans la société » ; insiste sur la ponctuation
très spécifique qu'opère, dans le continuum
socio-écologique, l'opération particulière qui consiste
à répondre à une question précise de
responsabilité sur l'état de l'environnement.
· Prendre en compte, dans le diagnostic de la gestion de
cet objet environnemental, l'ensemble des actions anthropiques qui,
consciemment ou non, intentionnellement ou non, ont une influence
déterminante sur ses qualités. C'est cet ensemble que l'on
définit comme la « gestion effective ». Ce concept, souvent
mal compris, opère un décalage majeur par rapport aux habitudes
qui restreignent en général l'usage du mot gestion à
l'intervention délibérée sur une organisation.
Pourtant, le concept de gestion désigne bien aussi
l'exercice de fait, conscient ou non, d'une responsabilité d'ensemble.
Ainsi, une entreprise mal gérée n'est pas tant celle que ses
dirigeants «mal-gèrent» consciemment et activement, que celle
où le management ne parvient pas à insuffler à la gestion
effective la cohérence nécessaire avec les objectifs de
gestion.
· Apporter une attention centrale aux acteurs qui ont
pour mission principale de provoquer des changements appropriés de la
gestion effective de l'objet écologique : ce sont les « acteurs
d'environnement», opérateurs de la « gestion intentionnelle
».
Ce concept est souvent, lui aussi, saisi avec peine. La
tentation est forte, en effet, de considérer comme acteurs
d'environnement tous ceux qui sont impliqués dans le problème
environnemental que l'on considère, ou bien tous ceux qui mènent
des actions à objectif environnemental affiché.
150Par exemple, le rôle essentiel souvent
joué par le mouvement environnemental, le poids des résistances
au changement, la domination exercée à tous les niveaux de la
décision par des réseaux d'intérêts sectoriels, etc.
151 Laurent Mermet, et al., 2005, Op.cit, p. 3.
71
Nous lui donnons un sens plus étroit où le ou
les acteurs qui, dans une situation donnée, jouent effectivement
(à la fois dans le discours et par leurs actions constatées),
vis-à-vis des acteurs responsables des processus dommageables pour
l'environnement ou des acteurs régulateurs (élus territoriaux,
préfet, etc.), un rôle d'agent de changement en faveur de
l'objectif environnemental pris en référence. Là encore,
ce concept porte le poids d'un déplacement de l'analyse qui fait passer
le problème d'environnement du statut de «
problème-collectif-à-résoudre-tous-ensemble »
à celui de responsabilité collective qui ne sera pas
honorée sans l'intervention stratégique efficace d'un agent de
changement, en général minoritaire, au moins au départ.
· Replacer ces analyses dans la perspective dynamique
d'un système de gestion qui change et se structure au fil du temps sous
l'effet structurant des conflits, par lesquels les préoccupations
portées par les interventions de gestion intentionnelle finissent par
être partiellement intégrées. Ce caractère
intégré caractérisant avant tout un résultat de
gestion, même s'il peut aussi porter sur l'intervention de gestion
elle-même152.
Ces quatre principes pris ensemble permettent un recadrage
déterminant pour l'analyse des problèmes environnementaux et dans
un sens plus large les problèmes de développement durable.
À ce titre, l'analyse du concept d'économie durable.
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