Du respect des droits du nourrisson pendant la vie carcerale de sa mere au Burundi: cas des prisons centrales de Mpimba et Ngozi-femmespar Ildephonse SINDAYIGAYA Univeristé du Burundi - Master complémentaire en Droits de l'homme et Résolution pacifique des conflits 2020 |
Section 2. Le suivi pré et postnatal des femmes enceintes en prisonAu niveau du contenu du texte, les Règles de Bangkok régissent le traitement des femmes dans le cadre du système de justice pénale (détention préventive, détention après condamnation,) ainsi que les règles spécifiques concernant la détention de femmes enceintes ou allaitantes et de femmes avec enfant(s) à leur charge (la Coordination des ONG de défense des droits de l'enfant (CODE), 2012). « Les établissements pour femmes ne disposent pas d'unité spécifique pour accueillir les femmes enceintes et les mères avec un nourrisson mais certains ont mis en place des aménagements particuliers comme une salle de jeux et des espaces hors cellule comme l'a aussi confirmé le fonds HOUTMAN cité par la CODE La vie du foetus exige que la mère enceinte ait un logement leur approprié et un traitement spécifique permettant les consultations prénatales et postpartum mais aussi l'intérêt supérieur du foetus pousse le juge à faire beaucoup attention pour la condamnation pénale. « Globalement, presque toutes les femmes enceintes obtiennent des soins prénatals et la majorité d'entre elles va consulter un professionnel (docteur, infirmier, sages-femmes). L'assistance à l'accouchement par des accoucheuses traditionnelles est aussi importante que celle des professionnels médicaux. Plus ou moins 25 % des femmes âgées de 15 à 49 ans sont assistées par un professionnel au cours de leur accouchement. Pour le plan de développement sanitaire (2004) dans son rapport annuel définitif d'activités curatives et préventives des Centres de santé et des hôpitaux 2003 sur la situation des enfants et des femmes au Burundi, l'assistance à l'accouchement par des accoucheuses traditionnelles vient pallier d'une part à l'insuffisance de l'assistance des professionnels médicaux, l'inaccessibilité aux soins dus aux distances d'autre part et enfin, l'inaptitude de la population à prendre en charge les frais médicaux dans les structures médicales modernes. §1. Logement approprié de la mère enceinte dans les prisons, le droit de l`enfant Suivant la règle 5 des règles de Bangkok et l'article 24 du Protocole de Maputo, les locaux hébergeant les détenues doivent comporter les installations et les fournitures nécessaires pour répondre aux besoins des femmes enceintes (...). Ainsi, les règles de Bangkok encouragent les Etats à « définir et encourager les bonnes pratiques eu égard aux besoins et au développement physique, affectif, social et psychologique de l'enfant à naître de cette grossesse. 29 Au-delà de la question de l'adaptabilité d'un lieu de détention pour toute personne détenue, la situation des femmes et plus précisément des femmes enceintes, se pose de manière inquiétante. En effet, nous estimons avec Megan BASTICK (2005) qu'un système pénal pensé pour les hommes ne réussit pas à prendre en considération les besoins propres aux femmes enceintes, et ne réussit pas non plus à répondre aux besoins d'une société confrontée à la criminalité féminine. Plus important peut-être, le système pénal ne parvient pas à prendre en compte les besoins des milliers d'enfants dont la maman est emprisonnée. A la prison centrale de Ngozi, comme le rapporte le PNUD après la visite en 2016, la situation est présentée comme suit : Quand on entre dans les « chambres » ainsi appelées par l'administration pénitentiaire on rencontre des cellules où plus de 100 détenus dorment sur des lits superposés de deux à trois étages par rangée de 5 à 8 sur des matelas sommaires, sans drap ni couverture. Deux toilettes et deux douches. Les plus chanceux ou les plus débrouillards essaient de préserver leur intimité et leurs maigres avoirs en installant de larges tissus comme « cloisons » autour de leur paillasse. L'eau manque dans la prison car la moitié des tuyaux d'adduction est défectueuse. Figure 1 : L'image d'une literie à la prison centrale de Ngozi-femme en 2016 Source : PNUD Burundi / Geneviève DELAUNOY / 2016 - Vue sur une cellule de la prison pour femmes de Ngozi au Burundi La 22ème des règles de Bangkok exige, pour tous les pays des Nations Unies qu'au moment de déterminer la peine à imposer à une femme enceinte ou à une femme qui est le seul ou le 30 Au moment de notre visite à la prison centrale de Ngozi-femme du 22 au 23 septembre 2020, il n'y avait pas de femmes enceintes. Mais, le constat a été que toutes les femmes sont hébergées ensemble sans distinction qu'elles sont enceintes, accompagnées d'enfant ou pas. Quant à la prison centrale de Mpimba, selon le constat de la visite de la prison femme à l'occasion de l'enquête de notre recherche en date du 24 au 28 septembre 2020, de manière générale, les femmes vivent séparées des hommes et les femmes enceintes, allaitantes ou accompagnées des enfants en bas âge sont hébergées dans des chambres isolées des autres femmes.
Se référant à la règle 5ème des règles de Bangkok et l'article 24 du Protocole de Maputo, les locaux hébergeant les détenues doivent comporter les installations et les fournitures nécessaires 31 principal soutien d'un enfant, ou de décider des mesures à appliquer à son égard avant le procès, il faudrait privilégier les mesures non privatives de liberté lorsque cela est possible et approprié, et n'envisager l'incarcération qu'en cas d'infraction grave ou violente. Cette règle trouve sa source au paragraphe du préambule de cette Résolution adoptée par l'Assemblée générale le 21 décembre 2010 sur les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l'imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes. L'enfant se retrouve également diminué dans l'exercice effectif de ses droits. Du conseil du criminologue Dan KAMINSKI (2008), il faut considérer a priori les enfants des détenues comme victimes de l'incarcération de leurs parents et considérer que leurs droits sont effectivement restreints par cette incarcération. La solution évidente est de diminuer le recours à l'incarcération et donc de privilégier d'autres modalités de réaction sociale ou pénale pour un certain nombre d'infractions qui, aujourd'hui, conduisent les gens à la prison. Cette réflexion incite à mijoter aux peines des travaux d'intérêt général ou d'autres peines que la servitude pénale et c'était bien ça l`idéal des règles de Bangkok mais la situation trouvée lors des visites effectuées aux prisons centrales de Ngozi-femme et Mpimba ne cadre pas avec cette préoccupation. La servitude pénale se prononce comme l`unique peine prévue par le législateur. §4. Droit à une identité de l'enfant né en prison En 2006, dans le but de réformer les prisons pour femmes, le Centre International d'Etudes Pénitentiaires a estimé que « les prisons pour femmes ont besoin de politiques concernant la prise en charge des détenues enceintes ainsi que des nourrissons et enfants en bas âge des mères incarcérées et si un enfant naît en prison, le lieu de naissance ne doit pas être mentionné sur le certificat de naissance. L'interdiction de mention du nom de la prison au document de l'enfant vivant avec sa mère en prison est de principe. Au Burundi, la satisfaction de la non mention du nom de la prison hébergeant la mère à l'acte de naissance est réalisée. Au cours de nos enquêtes, aucun extrait d'acte de naissance portait comme lieu de naissance le nom de la prison. Section 3. Les droits du nourrisson vivant avec leurs mères dans les prisons centrales du Burundi à l'instar de celles de Ngozi-femme et Mpimba 32 pour répondre aux besoins des femmes enceintes, des mères allaitantes et des femmes ayant leurs menstruations. Ainsi, les règles de Bangkok encouragent les Etats à « définir et encourager les bonnes pratiques eu égard aux besoins et au développement physique, affectif, social et psychologique des nourrissons et des enfants en cas de détention ou d'emprisonnement de leurs parents ». Cette section nous permet d'analyser la ration, la liberté de sortir et d'entrée des enfants et la crèche et les loisirs des enfants vivants avec leurs mères en prison. §1. La ration de l'enfant vivant avec sa mère en prison L'action du CICR-Burundi entre janvier et septembre 2016, se rangeant dans le but d'améliorer la ration des détenues, a été de fournir à 10 000 détenus dans toutes les prisons du Burundi 64 000 kg de farine, 64 000 kg de haricots, 68 500 litres d'huile de palme et 6 638 kg de sel comme complément alimentaire (. https://www.icrc.org/fr/document/burundi-les-conditions-de-vie-de-milliers-de-detenus-ameliorees) Selon l'enquête de la CNIDH en 2014 sur la thématique « la problématique de la détention préventive et de la surpopulation carcérale au Burundi » la ration journalière prévue pour chaque détenue est toujours constituée de 350 g de haricot, 350 g de farine de maïs ou de manioc, 6 g de sel et 50 g d'huile de palme. Cette cure n'a pas changé au fur des années car elle est restée la même en 2017 comme le rapporte Christine UWIMANA dans les enquêtes dans les prisons centrales de Mpimba, Gitega et Ngozi-femme en raison de son mémoire et dans nos propres enquêtes pour ce mémoire du 21 au 25 septembre 2020 dans les prisons centrales de Ngozi-femmes et Mpimba. Les informations recueillies dans les visites des prisons de Ngozi-femme et Mpimba indiquent que le seul repas par jour, mal préparé, composé de pâte de manioc/de maïs et de haricots est accordé à l'enfant vivant avec sa mère en prison. Ceci dit, la mère allaitante ou vivant avec un nourrisson reçoit une double ration, et si elle est accompagnée des jumeaux, elle reçoit une ration triplée. António GUTERRES, quand il était le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a rédigé le manuel du HCR pour la protection des droits des femmes et des enfants. Dans la considération que l'enfant vivant en prison avec sa mère, le manque de ration suffisante a été problématique. GUTERRES estime que « les gens ne peuvent pas manger de manière rétroactive. Il est extrêmement difficile de réparer le préjudice dû à une nutrition insuffisante dans les cinq premières années de la vie. Le bien-être nutritionnel des mères et des nourrissons 33 est vital. S'il est insuffisant, le préjudice est à la fois durable et dépasse largement les personnes et les familles concernées. La société dans son ensemble subit des pertes quand les enfants ne peuvent pas apprendre, quand l'énergie et la productivité sont restreintes par une mauvaise santé, quand des femmes souffrant de la faim donnent naissance à une nouvelle génération qui est mal nourrie. » Dr Marie-Claude BERTIERE, directeur du Centre de Recherche et d'Information Nutritionnelles et Dominique POISSON, dans la publication « Alimentation et précarité » ont publié un article intitulé « l'alimentation des détenus: garder l'équilibre malgré tout ». Dans cette article, ils ont estimé que « se nourrir en prison n'est pas qu'affaire de calories. Cette assertion, vraie pour tout individu dans n'importe quel cadre -tant l'alimentation renvoie aux notions de plaisir, de psychisme, de sociabilité, etc.- prend une dimension supplémentaire pour les détenus, que l'enfermement rend passifs et isolés. » L'alimentation renvoie la détenue à son corps, à la conservation ou à la dégradation de celui-ci. Les détenus ont une peur aiguë de la dégradation du corps, peur qui se répercute sur la question d'une alimentation des enfants qu'elles allaitent, qui se doit d'être saine pour limiter les risques. C'est dans le souci de remplir cette exigence qu'à la prison centrale de Ngozi-femme, l'ONG « Terre des hommes » fournit, selon les informations recueillies à la prison centrale de Ngozi-femmes, la bouillie, le sucre, les légumes et fruits pour les femmes enceintes, allaitantes et les enfants vivant avec leurs mères en prison. §2. La liberté de sortir et d'entrer des enfants vivant avec leurs mères en prison La considération d'Angela Pinto da ROCHA (2010) que le bébé vivant avec sa mère en prison n'a pas le statut de détenu, qu'il est libre, libre de sortir et venir à sa guise a été admise et inclue dans les règles de Bangkok. Bien que ne trouvant pas de disposition dans le droit positif burundais, cette liberté est effective à la prison centrale de Ngozi-femme mais très réduite à la prison centrale de Mpimba. A Ngozi, les enfants peuvent sortir et entrer à leur guise sans obligation d'être confiné à la cour intérieure de la prison, comme nous l'avons constaté au moment de l`enquête. A Mpimba les enfants ne peuvent pas dépasser le portail, le confirment les résultats de l'enquête que nous y avons faite. 34 §3. La crèche et les jeux des enfants en prison au Burundi À la prison des femmes, le PNUD a rapporté en 2016 que Nadine AKIMANA, Chef du service social, mène des activités psycho-sociales telles que l'écoute, la sensibilisation à l'hygiène et aussi la compréhension de la faute commise « pour que les détenues ne récidivent quand elles sortiront d'ici », dit-elle. Mais les besoins de base sont criants, comme la nourriture adaptée aux bébés. Il en va de même pour les ateliers de formation, de réinsertion et d'alphabétisation. Lors de notre visite, nous l'avons trouvé ainsi à la prison centrale de Ngozi-femme. Avec l'aide des ONG TERRE DES HOMMES et Fondation STAMM, une crèche est bien équipée et entretenue à la prison centrale de Ngozi-femme, ce qui n'est pas le cas à la prison centrale de Mpimba. Figure 2 : La crèche de la prison centrale Ngozi-femme Source : Les photos prises pendant la visite à la prison centrale de Ngozi-femme Les horaires de son exploitation sont affichés à la porte d'entrée de la salle de cette crèche. Les photos de ces horaires sont à la page suivante. 35 Figure 3 : Horaire d'exploitatin de la crèche à la prison Ngozi-femme Source : Les photos prises pendant la visite à la prison centrale de Ngozi-femme Dans le respect de l`intérêt supérieur de l`enfant, ce qui est au fondement de la permission de garder l`enfant en prison avec sa mère, cette dernière participe aux travaux de la crèche d'où un horaire spécial est prévu à cette fin. Figure 4 : Horaire spécial d'exploitation conjointe mère-enfant de la crèche à la prison Ngozi-femme Source : Les photos prises pendant la visite à la prison centrale de Ngozi-femme A la prison centrale de Ngozi-femme, les jeux permettant les divertissent et loisirs des enfants vivant avec leurs mères en prison sont diversifiés. Il s'agit des balançoires, bicyclettes, ballons et autres. A la prison centrale de Mpimba, seule une balançoire est disponible. 36 |
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