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Du respect des droits du nourrisson pendant la vie carcerale de sa mere au Burundi: cas des prisons centrales de Mpimba et Ngozi-femmespar Ildephonse SINDAYIGAYA Univeristé du Burundi - Master complémentaire en Droits de l'homme et Résolution pacifique des conflits 2020 |
Annexe 2 : questionnaire d'enquête auprès des prisonnières ou détenues enceintes, allaitantesou accompagnées par des enfants en milieu carcéral 64 MEDRANO T. et TABBEN-TOUSSAINT (2012), les experts de l`association FHI360 estiment que « les enfants ont besoin de protection parce qu'ils sont physiquement, 1 INTRODUCTION GENERALEAux terme de l'article 19 paragraphe 1er de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant « tout enfant a droit à la protection et aux soins de ses parents et, si possible, réside avec ces derniers. Aucun enfant ne peut être séparé de ses parents contre son gré, sauf si l'autorité judiciaire décide, conformément aux lois applicables en la matière, que cette séparation est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. » Cette disposition est et reste l'idée motrice de l`emprisonnement du nourrisson, bien qu'innocent soit-il, lorsque sa mère est en conflit avec la loi. Les associations « The European Network for Children of Imprisoned Parents, EUROCHIPS » (2007) et INSEE (2000) en traitant respectivement sur la base des Statistiques annuelles pénales du Conseil de l'Europe et les statistiques de l'éducation des enfants en France ont conclu que « même s'il est difficile de se procurer des données exactes sur le nombre d'enfants ayant un parent en prison (...) l'on estime que plusieurs millions d'enfants dans le monde ont un parent en prison - que des dizaines de milliers vivent en prison avec leur(s) parent(s). Un nombre considérablement encore plus élevé est, chaque année, séparé d'un parent emprisonné. Dans l'Union européenne, environ 800.000 enfants sont séparés d'un parent détenu chaque année. » Il est à garder en mémoire qu'environ 980 nourrissons vivent avec leur mère en prison, seulement en Europe en 2010 (The Quaker United Nations Office, QUNO, 2010). Selon Prawo Dziecka do SZACUNKU (1993), « l'enfant est comme un étranger dans une ville inconnue dont il ne connaît ni la langue, ni les coutumes, ni la direction des rues. [...] Il a alors besoin d'un informateur poli. Ne connaissant presque rien de ce qui fait son essence, force est de mettre en place une protection administrative, légale, parentale, tutélaire... pour que son intérêt supérieur ne soit pas mis en cause. » Il est déjà reconnu avec la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant à son 5ème paragraphe que « l'enfant occupe une place unique et privilégiée dans la société africaine et que, pour assurer l'épanouissement intégral et harmonieux de sa personnalité, l'enfant devrait grandir dans un milieu familial, dans une atmosphère de bonheur, d'amour et de compréhension. Il est plus que nécessaire que l'enfant soit avec ses parents ou tuteur légal qui doivent tout faire pour pourvoir à ses besoins. » 2 mentalement et émotionnellement immatures et incapables de se protéger convenablement par eux-mêmes. Plus un enfant est jeune, plus il aura besoin de soins et de protection. » Autant que vrai, la Déclaration des droits de l'enfant de 1959 en son principe 2, « l'enfant doit bénéficier d'une protection spéciale et se voir accordé des possibilités et des facilités par l'effet de la loi et par d'autres moyens, afin d'être en mesure de se développer d'une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l'adoption de lois à cette fin, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être la considération déterminante. » Même dans des moments de guerre ou de révolution, l'intérêt supérieur de l'enfant ne doit aucunement être sacrifié car « avant d'entrer en guerre, une nation devrait prendre le temps de penser aux enfants innocents qui vont être blessés, tués ou se retrouver orphelins. Aucune cause, aucune guerre ne vaut la peine de priver les enfants de leur droit naturel au bonheur. Il faut penser aux enfants avant de faire la révolution » (HAMMARBERG , 2009) Problématique La loi française du 18 janvier 1994 stipule que la santé des détenus est sous la responsabilité du centre hospitalier de proximité (ROCHA, 2010). Angela Pinto Da Rocha, psychologue et coordinatrice de l'unité mobile mère-enfant, renchérit en disant que « la femme enceinte détenue doit bénéficier de la même prise en charge sanitaire qu'à l'extérieur. » Le suivi de la grossesse suppose un accompagnement global de la femme et du couple, tant sur le plan médical que psychologique. Ce suivi, qui peut être réalisé par une sage-femme, commence dès les premiers mois de la grossesse et se poursuit au-delà de la naissance (BERNON, 2008). De plus, une mère détenue peut demander à garder son bébé auprès d'elle jusqu'aux 18 mois de l'enfant, conformément à l'article R57-6-23 alinéa 60 du Code de procédure pénale français, si elle en a l'autorité parentale. « Les enfants à charge sont autorisés à rester avec leur mère en détention jusqu'à un certain âge qui varie en fonction des pays et qui est souvent fixé par la loi » (ATABAY, 2013). Ceci est bel et bien vrai, mais ne suffit-il pas encore, de réglementer la vie en commun de la mère avec son enfant en prison. Le bébé n'a pas le statut de détenu, néanmoins il va vivre auprès de sa mère détenue... Il est libre, libre de sortir et venir à sa guise... Si la loi autorise l'enfant à séjourner en maison d'arrêt, et l'administration pénitentiaire à héberger le bébé, elle n'a pas prévu de ligne budgétaire pour ce dernier (ROCHA, 2010). Cette idée a été confirmée par Julie ASHDOWN, déléguée britannique à la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995 3 et Mel JAMES qui fut consultant d'Amnesty International, Law Society of England and Wales et Penal reform International. Julie ASHDOWN et Mel JAMES, dans leur recherche ont conclu que dans beaucoup de pays, le système pénitentiaire ne constitue habituellement pas une priorité pour le gouvernement, ce qui a pour résultat qu'il est souvent délaissé ou sous financé (ASHDOWN et JAMES, 2010). Pour son crime, la femme enceinte peut se voir sous les verrous. La sauvegarde de l'intérêt supérieur de l'enfant est à l'origine de l'autorisation à la mère qui est entrain de purger sa peine de garder son nourrisson. Ainsi, le questionnement suivant s'impose. Comment est organisé le suivi pré et post natal des femmes enceintes dans les prisons au Burundi ? Le Burundi prévoit-il le budget pour les soins médicaux, la ration, les vêtements et le loisir pour les enfants avec leurs mères en prison ? N'y-a-il pas d'alternatif à l'emprisonnement de l'enfant innocent pour l'infraction commise par la mère ? Hypothèse de travail Les enfants résidant en prison vivent presque toujours dans des conditions plus restrictives que celles dans lesquelles ils vivaient à l'extérieur, même s'ils ne sont pas eux-mêmes détenus et ne devraient pas être traités comme tels. Ce sont en particulier les contacts très réduits avec le monde extérieur et les possibilités de développement souvent limitées qui peuvent être préjudiciables aux enfants, à la fois pendant et après la période passée en prison. Il importe donc, au moment de décider si un enfant va vivre en prison ou non, de peser les avantages probables découlant du maintien de la relation mère-enfant face aux effets néfastes d'un environnement carcéral (ROBERTSON, 2008). Le bien-être d'un enfant peut s'entendre comme la qualité de vie de celui-ci. C'est un état dynamique qui s'améliore chaque fois qu'une personne a la possibilité de réaliser ses objectifs personnels et sociaux. On utilise un large éventail de domaines et d'indicateurs pour évaluer le bien-être des enfants. Le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance utilise notamment six dimensions à cet effet, à savoir : le bien-être matériel, la santé et la sécurité, l'éducation, les relations avec les pairs et la famille, les comportements et les risques et la perception subjective qu'a l'enfant de son propre bien-être. 4 Pour bien mener notre recherche, il nous a fallu partir d'une hypothèse pouvant être confirmée, infirmée ou nuancée. L'hébergement du nourrisson auprès de sa mère en prison se fait-il dans la poursuite de son intérêt supérieur ? Le Burundi pourvoit-il un traitement nutritionnel, sanitaire, vestimentaire, psychosocial et éducatif à l'endroit des enfants mineurs résidant dans des prisons ? Méthodologie Afin de justifier cette hypothèse et d'en émettre des critiques et des suggestions utiles, nous avons interrogé la doctrine à ce sujet. Nous avons visité à cet effet la prison centrale de Mpimba et Ngozi-femmes. Nous avons parlé surtout avec les services sociaux de ces prisons centrales. Nous avons aussi parlé avec les cadres de la direction générale des affaires pénitentiaires. Nous avons également consulté les ouvrages y relatifs dans les bibliothèques (bibliothèque Centrale de l'université du Burundi et celle de l'école doctorale, ancienne CHAIRE UNESCO) mais aussi des sites internet relatives à l'emprisonnement des femmes allaitantes ou enceintes pour trouver des documentations juridiques et doctrinales suffisantes. Nos renseignements se sont reportés également aux rapports des ONGs et des associations de défense des droits de l'homme et des arrêts des Cours internationales et régionales des droits de l'homme. Nous avons fait une recherche documentaire en insistant sur la documentation écrite, tant officielle que privée. Différentes législations ont fait l'objet de nos analyses et d'une comparaison nécessaire afin de tirer des conclusions qui s'imposent. Délimitation Notre travail intitulé « du respect des droits du nourrisson pendant la vie carcérale de sa mère au Burundi: cas des prisons centrales de Mpimba et Ngozi-femmes » est traité sur le territoire burundais et analyse la mise en application des droits du nourrisson vivant avec sa mère dans les prisons du service pénitentiaire burundais en générale et en particulier les prisons centrales de Mpimba et Ngozi-femmes. Ces droits analysés sont principalement le droit à une alimentation, le droit à un accoutrement, le droit aux loisirs, le droit à une nationalité et au nom, le droit au logement et le droit à la santé 5 Intérêt du sujet La présence de bébés et de jeunes enfants incarcérés avec leur mère est ancienne, et elle a commencé à être réglementée en France dès 1923 par les décrets du 19 janvier et du 29 juin qui prévoyaient qu'après le sevrage les enfants pouvaient être laissés jusqu'à l'âge de quatre ans aux soins de leur mère qui, dans ce cas, devait rester dans la prison départementale (DORMOY, 1992). Notre sujet « du respect des droits du nourrisson pendant la vie carcérale de sa mère au Burundi: cas des prisons centrales de Mpimba et Ngozi-femmes » a été choisi pour éveiller les services publics (pénitentiaires, la police pénitentiaire) et privés (les défenseurs des droits de l'homme en général et, en particulier, les défenseurs des droits de l'enfant) à mettre l'accent particulier sur la vie de l'enfant en prison avec sa mère. La vie commençant depuis le stade embryonnaire, il s'agit de faciliter, dans la mesure du possible, la vie de la femme enceinte ainsi que la femme accompagnée de son nourrisson en prison, toujours à la poursuite de l'intérêt supérieur de l'enfant. 6 CHAPITRE I : APPROCHE THEORIQUE DES DROITS DES ENFANTS VIVANT AVEC LEURS MERES INCARCEREES ET LA PROTECTION JURIDIQUE Y RELATIVE L'enfant s'entend comme tout être humain âgé de moins de 18 ans, selon l'article 2 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Avant d'atteindre cet âge, l'homme a déjà franchi et dépassé divers étapes qui nécessitent un éclaircissement à travers les suites de ce document mais aussi, il convient de définir les différentes étapes de l'enfance pour en déduire une catégorie autorisée à rester en prison avec sa mère et enfin la protection juridique de cette catégorie d'enfant. Section 1: les différentes étapes d'enfanceLa prétention que la vie de l'homme commence quand l'enfant nait vivant et viable est balancée avec le principe « infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur »1. La situation de cet enfant, vivant en prison avant la naissance, mérite un examen particulier à côté de l'autre catégorie d'enfant déjà né. §1. L'enfant pendant la conception Selon United Nations Office on drugs and crimes, UNODC (2009), « les circonstances entourant la question des femmes en prison sont à la fois complexes et problématiques, et peuvent rendre très difficile la prise en compte de leurs besoins sanitaires ». La maternité d'une femme détenue est prise en charge dans le respect du droit commun. Seule la mère est privée de liberté, son enfant n'est pas écroué et n'est pas considéré comme détenu. Il n'est donc pas pris en charge par l'administration pénitentiaire, si ce n'est en terme d'hébergement (SANNIER, 2018). Avant la naissance, en fonction des semaines d'aménorrhée faisant déjà la longueur de vie de l'enfant, il y a lieu de distinguer l'embryon du foetus. A. L'embryonSelon le site https://www.futura.sciences.com/sante visité le 22 juin 2020, l'embryon désigne le premier stade du développement d'un oeuf ou zygote, dans le règne animal ou végétal, jusqu'à la formation des principaux organes. La phase embryonnaire chez l'Homme dure environ huit 1Ce principe de droit romain signifie que signifiant que « l'enfant simplement conçu est considéré comme déjà né toutes les fois que cela lui porte avantage » comme le précise le site https://mobile-dictionary.reverso.net/français-définition/infans%20conceptus%20pro consulté le16 novembre 2019 7 semaines. Elle commence au moment de la fécondation de l'ovule par les spermatozoïdes. Les embryons humains soulèvent de nombreux problèmes éthiques. Personne potentielle dès sa conception, l'embryon acquiert le statut de personne humaine à un moment qui relève principalement de conceptions religieuses et philosophiques. Il en découle des attitudes et des opinions contrastées vis-à-vis de l'avortement ou des limites à imposer aux manipulations dont les embryons peuvent faire l'objet, que ce soit pour des objectifs de recherche ou pour des raisons médicales. A ce stade, pas de traitement spécial. Les recherches du médecin Isabelle FAIBIS (2000) prouvent que la majorité des femmes en détention à la nursery découvrent leurs grossesses en prison. B. Le foetus Faisant foi au site https://www.topsante.com/maman-et-enfant/grossesse/la-grossesse-au-quotidien/9 visité le 16 juillet 2020, au fur et à mesure que la grossesse se développe, il se dote d'ébauches caractéristiques typiques et différentes parties du corps apparaissent. A ce stade il prend le nom de foetus, à partir du début du troisième mois jusqu'à la naissance. Ses mouvements commencent à être perçus par la mère entre la seizième et la vingtième semaine de la grossesse. Il s'agit au début de petits chocs, de frôlements qui deviennent peu à peu plus important et sont même souvent visibles lorsqu'on regarde le ventre de la mère. Le législateur burundais, via le code de procédure pénale, reconnait les complications auxquelles peuvent faire face le foetus (Foetopathie) et les soins qu'il exige (foetométrie, foetopathologie et tératologie) et y réserve un traitement particulier : ? En matière de garde à vue prévue aux articles 32 à 40, l'alinéa 3 de l'article 32 en interdit, sauf pour les crimes et moyennant l'autorisations du procureur de la République, pour les femmes enceinte de plus de 6mois ; ? En matière de contrainte par corps prévue aux articles 351 à 360, la femme enceinte de plus de 6 mois est parmi les personnes contre lesquelles, le législateur en interdit l'application. Le législateur réserve une attention particulière à la considération de Mme Coraline SAUSSAY (2018) qui estime que « le temps périnatal est un temps fondamental pour la dyade formée du couple mère-enfant. Il existe un lien très étroit entre l'intense travail psychique familial durant 8 la période prénatale et la construction des liens postnataux. C'est donc une période cruciale pour la mère et son enfant et leur devenir ensemble puis séparément. » C. L'accouchement en prison Il existe dans le monde peu de prisons (s'il en existe) équipées de manière adéquate pour les accouchements et en mesure de traiter les complications qui peuvent survenir. Un grand nombre d'entre elles ne possèdent pas de services d'obstétrique ou de pédiatrie et n'ont aucune expérience en ces domaines et certaines cherchent à éviter d'avoir à assumer ce type de responsabilités (MUSENGEZI et STAUNTON, 2003). C'est pourquoi la pratique normale - et la meilleure - consiste à ce que les prisonnières enceintes accouchent dans un hôpital ou un autre établissement médical, puis retournent en prison après l'accouchement. Parfois, une naissance se produit en prison, soit accidentellement soit à dessein (ROBERTSON, 2008). On cherche à ce que les accouchements aient lieu à l'hôpital, mais «si la naissance intervient dans la prison, un agent de santé doit être présent pour prodiguer les soins nécessaires ou doit examiner la prisonnière et son enfant dès que possible après la naissance (ALEJOS, 2005). Il faut établir pour l'enfant né en prison d'une mère détenue un certificat de naissance, comme pour tout autre nouveau-né. Toutefois, ce certificat ne devrait pas indiquer la prison comme lieu de naissance, afin de protéger l'enfant contre la stigmatisation et d'autres difficultés futures. (ROBERTSON, 2008). §2. L'enfant déjà né Les différents stades de la vie d'un enfant, selon le site http://keepschool.com/fiches-de-cours/primaire/svt-biologie/periodes-vie-homme.html visité le 19 juillet 2020, sont dans l'ordre: Bébé : de la naissance à 2 ans Enfant : de 2 ans à 10-12 ans Adolescent : de 10-12 ans à 18 ans environ. Pour ce qui nous concerne dans cette recherche, nous allons nous focaliser sur les deux premiers (nourrisson et enfant) stades, étant ceux au cours desquels, l'enfant peut résider avec sa mère en prison. 9
Selon le site https://www.msdmanuals.com/fr/professional/p%c3%a9diatrie/croissance-et-d%c3%a9veloppement/ consulté le 21 août 2020 le stade enfant suit le stade bébé, car il débute à 2 ans et dure environ 8-10 ans. Durant cette période, l'enfant va grandir et prendre du poids. Il va aussi apprendre à lire et à écrire et acquérir sa culture de base. Le temps de l'enfant est occupé principalement par le jeu. Pour des enfants, il y a deux façons d'aller vivre en prison avec l'un de leurs parents: ils y sont amenés, ou ils y naissent. Il faut distinguer entre ces deux façons d'entrer en prison et les autorités pénitentiaires les traitent de manières différentes (ROBERTSON, 2008). 1. L'entrée en prison d'enfants nés à l'extérieur Des nourrissons et des enfants vivant à l'extérieur peuvent aller vivre avec leur mère emprisonnée. Leur entrée en prison peut survenir au début d'une peine, en cours de peine ou pendant la préventive (ROBERTSON, 2008). Selon le rapport du Huitième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants à La Havane en dates du 27 août au 7septembre 1990, les femmes sont placées en détention provisoire pour de nombreuses raisons, qui ne sont pas toutes en conformité avec les normes internationales. Le droit international autorise un nombre limité de motifs légitimes pour détenir des personnes qui n'ont pas été reconnues coupables. Ce Huitième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants a institué une méthode d'analyse à deux volets pour tester la nécessité d'appliquer la détention provisoire. Premièrement, pour passer outre au droit à la liberté, il doit exister des raisons de croire que la personne en cause a commis le ou les délits sur lesquels porte l'enquête, c'est-à-dire un soupçon raisonnable. En second lieu, comme ce critère ne suffit pas à légitimer la détention, l'un des motifs suivants doit également s'appliquer: - le risque de fuite de la part du suspect ; 2 Il faut signaler que le 24 novembre 2004, les États-Unis d'Amérique et la Somalie ont signé mais non ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant. 10 - le risque d'autres délits que le suspect pourrait commettre ; - le risque que le suspect n'interfère avec le déroulement du procès ; L'usage excessif de la détention provisoire est un aspect du problème mondial bien connu du sur-emprisonnement (Groupe de travail sur la détention arbitraire, 2006). Le fait d'en user de manière excessive avant jugement a été reconnu par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire et les Organes de surveillances des traités des nations Unies comme un grave problème relatif aux droits de l`homme (TOWNHEAD, 2007). Pour les petits et enfants à charge, la privation de liberté de leur principal « care-giver » a des effets néfastes sur leur vie et la jouissance de leurs droits humains fondamentaux (ALEJOS, 2005). Cela peut directement et très probablement nuire à la survie, à la santé, au développement de l'enfant et à leur bien-être émotionnel - tous les droits humains fondamentaux stipulés dans les principales conventions relatives aux droits de l'homme et la Convention relative aux droits de l'enfant, presque universellement ratifiée, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989.2 Le fait de photographier leur mère, la prise de ses empreintes digitales et leur placement en cellule en leur présence peut provoquer chez les enfants des angoisses, des larmes et des frayeurs (WOODROW, 1992). De nombreux enfants ont peur de la police, et à cela s'ajoute l'incertitude et le traumatisme causé par l'arrestation et l'interrogatoire du parent (ROBERTSON, 2007) Il faut dire que la prison, qui est toujours en retard par rapport à la société même si elle en reflète les profondes tendances, a été traditionnellement considérée comme un lieu d'hommes, a priori moins impliqués dans l'éducation de leurs enfants et déresponsabilisés voire déchus de leur rôle paternel. Selon Olive DORMOY, médecin chef de service du SMPR de la maison d'arrêt Paris-La Santé et expert près la cour d'appel de Paris, l'enfant restait lié à la mère mais l'incarcération des femmes a toujours été perçue comme un phénomène marginal car numériquement faible en France (4 à 6 %) donc négligé et non prioritaire (DORMOY, 1992). Malgré tout, selon le rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, bon nombre de détenues ont des enfants de moins de 18 ans. En outre, celles-ci sont plus souvent que les hommes à la tête de familles monoparentales. Les effets d'une détention même de courte durée 11 peuvent être tout spécialement dévastateurs pour une femme, en particulier si elle s'occupe seule de ses enfants. Ce Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation a émis une réflexion engagée « sur l'absence d'incarcération des mères accompagnées de très jeunes enfants, prenant la forme ou bien d'une impossibilité se traduisant par un aménagement de peine, ou bien à tout le moins, d'une suspension de peine pour motif de maternité » (SANNIER, 2018). 2. Les enfants nés en prison Selon le rapport d'activité 2010 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté en France, lors de l'enfermement de femmes enceintes et donc de futures mères, plusieurs intérêts vont entrer en jeu : en premier lieu il s'agit de l'intérêt de l'enfant. N'étant pas considéré comme condamné, sa santé, son intégrité ainsi que son développement ne doivent en rien être entravés ou compromis. Puis, il est question de l'intérêt de la mère : il faut veiller à maintenir ses liens familiaux et à ne pas la priver de ses droits parentaux. Enfin, c'est l'intérêt de l'ordre public qui doit être respecté puisque la mère doit assurer la réparation du préjudice causé à la société. Les femmes enceintes en prison ont des besoins particuliers en matière de santé et de nutrition. Dans certains pays, les femmes détenues sont enchaînées lors de l'accouchement et / ou gardées par gardiens de prison masculins (ALEJOS, 2005). Les droits des mères et des bébés doivent être pris en compte dans le cadre de la grossesse, l'accouchement, l'allaitement et les soins postnatals en prison. Si la mère en a fait préalablement la demande, lorsqu'elle accouche en prison, on lui réserve prioritairement une place (DORMOY, 1992). La présomption devrait être que les bébés doivent rester avec leur mère à moins qu'il n'y ait des raisons impérieuses justifiant leur séparation. Le lien inextricable entre anxiété et stress chez la mère et le bien-être physique et émotionnel du bébé doit être reconnu et pris en compte. Dans les conditions normales, chaque détenue enceinte est attachée à l`unité sanitaire de l'établissement pénitentiaire pour des traitements gynécologiques mais aussi obstétricaux. Le médecin de l'unité sanitaire est chargé du suivi du début de la grossesse et de sa déclaration avant la fin de la quatrième semaine d'aménorrhée. Le service de gynécologie obstétrique de l'établissement de santé de rattachement est chargé, en collaboration avec l'unité sanitaire de l'établissement pénitentiaire, d'organiser l'accompagnement spécifique de la femme enceinte ainsi que la période prénatale. L'accouchement se déroule systématiquement dans une maternité de niveau adapté. Comme toute mère, la personne détenue est accompagnée dans son choix de 12 recourir ou non à l'allaitement. Elle bénéficie des consultations usuelles dans le cadre de la prise en charge postpartum (SANNIER, 2018). |
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