Section 1 : L'UE, actrice de la normalisation des
relations Serbie-Kosovo
La question de la souveraineté serbe sur le Kosovo est
un enjeu très sensible. Considéré comme « le coeur
historique de la nation serbe », l'ancienne province maintenant
indépendante est source de crispations et de tensions au sein de la
population serbe, qui a vécu la DUT comme une
dépossession89. Cette sensibilité explique que des
crises diplomatiques interviennent régulièrement entre les deux
Etats, chaque incartade d'un côté ou de l'autre de la
frontière étant automatiquement perçue comme une agression
ou une provocation. Dans ce climat tendu, l'Union s'est rapidement
imposée comme l'instigatrice et médiatrice d'un dialogue entre
Belgrade et Pristina (T). Pour que ce dialogue soit réellement
fonctionnel, l'UE a décidé d'en faire une part intégrante
de sa conditionnalité envers les deux Etats dans le cadre du PSA. Ainsi
une conditionnalité inédite « Serbie-Kosovo » a
été introduite dans l'ASA UE-Kosovo (TT)
I) L'UE instigatrice et actrice du dialogue
Belgrade-Pristina
La perspective européenne constitue le moteur et
incitatif le plus puissant à la coopération régionale. En
effet il faut rappeler que l'Union européenne s'est construite et
continue à se construire grâce à la création de
liens étroits entre les États membres dans des domaines
très variés. La réconciliation des voisins par
l'intégration est considérée comme faisant part de
l'ADN
89 Au-delà de nos lectures, nous avons eu
confirmation de cet attachement viscéral lors de conversations avec de
nombreux serbes et bosno-serbes que nous avons eu l'occasion de rencontrer.
40
européen, et donc comme un exercice qui devrait
également porter ses fruits dans les Balkans occidentaux. Convaincue du
rôle fondamental de la coopération et du dialogue pour endiguer le
cycle de la violence, l'UE fait de la coopération régionale un
élément déterminant dans le processus de stabilisation et
d'association.
La coopération et la réconciliation ayant pour
l'Union européenne cette importance toute particulière, l'Union
s'est rapidement engagée en faveur d'un dialogue entre Belgrade et
Pristina. On peut rattacher cette volonté à la philosophie
générale de l'action extérieure de l'Union,
essentiellement préventive. Consciente que les tensions toujours
très présentes entre la Serbie et le Kosovo sont
problématiques, l'UE s'emploie à désamorcer celles-ci, en
encourageant à la tenue d'un dialogue constructif (A). Cette
stratégie et la forte conditionnalité autour du problème
kosovar pourrait d'ailleurs être en train de porter leurs fruits (B).
A) L'encouragement à la tenue d'un dialogue
constructif
L'UE a un intérêt fondamental à la
stabilisation des Balkans occidentaux qui sont devenus une très proche
périphérie depuis l'adhésion de la Croatie. Dans cette
optique, il faut rappeler que le conflit Belgrade-Pristina constitue une
poudrière potentielle, si l'Union européenne n'agit pas comme
médiatrice pour empêcher la situation de s'envenimer. Il faut en
effet garder à l'esprit que le point de départ du conflit en
ex-Yougoslavie fût la cristallisation de tensions ethniques entre la
Serbie et le Kosovo. Face à ce pôle potentiellement
déstabilisateur, l'Union européenne s'est posée en
médiatrice, se servant de sa capacité d'influence pour tenter de
trouver un règlement au conflit. On notera ici que cette posture de
supervision n'est pas sans équivalent en droit international qui
prévoit le recours à l'arbitrage de personnalités
emblématiques pour régler des différends internationaux.
Dans ce cadre, et en l'espèce, l'Union européenne dispose d'une
crédibilité en tant qu'instigatrice et actrice d'un dialogue
réconciliateur en ce qu'elle est elle-même composée de pays
ayant choisi la voie de la réconciliation.
Pourquoi une normalisation des relations entre la Serbie et le
Kosovo est-elle nécessaire ? Après la déclaration
unilatérale d'indépendance du Kosovo, des tensions ethniques ont
continué de tendre les relations déjà compliquée
entre la Serbie le Kosovo. Les populations ont connu de nombreux heurts et la
Serbie a encouragé la création de structures parallèles au
nord Kosovo ne respectant pas la souveraineté du nouvel État.
L'Union européenne s'est alors engagée à favoriser le
dialogue entre les deux États, en faisant notamment de ce dialogue un
élément de conditionnalité incitative pour les deux pays.
La Serbie s'est ainsi vu reconnaitre le statut d'État
41
candidat à l'adhésion après avoir
signé l'accord de février 2012 relatif à la
représentation du Kosovo dans les forums régionaux.
Le dialogue entre la Serbie et le Kosovo a
débuté une première fois en octobre 2003 sous le nom de
« dialogue direct » grâce à l'impulsion de l'Union
européenne. Celui-ci constituait en la réunion de groupes de
travail chargés des questions de l'Energie et des personnes disparues
à partir de mars 2004. Néanmoins, cette première tentative
de dialogue a pris fin du fait des violentes émeutes à Mitrovica
à la mi-mars90.
Le dialogue Belgrade-Pristina a repris le 8 mars 2011 sous
égide de l'Union européenne, à plus haut niveau, et donc
symboliquement, à Bruxelles. Ce dialogue a abouti à la conclusion
d'accords techniques, le 2 juillet 2011 (liberté de circulation,
reconnaissance mutuelle des diplômes, état civil), le 2 septembre
2011 (cadastre et tampons douaniers), le 2 décembre 2011 (gestion
intégrée des frontières) et enfin l'accord de
février 2012 sur la représentation du Kosovo dans les forums
régionaux. A l'issu de ces dialogues, les deux pays ont repris leurs
échanges commerciaux, la Serbie a vu se consolider son statut de pays
candidat, et le Kosovo a pu bénéficier d'une étude de
faisabilité.
A partir de 2012, les premiers ministres serbes et kosovars se
sont réunis à 9 reprises, à l'initiative de Catherine
Ashton, alors représentante de l'Union européenne pour les
affaires étrangères. Ces rencontres à visée
politique et instiguée par l'Union européenne ont permis un
certain nombre d'avancés sur des points de tensions entre les deux
États (la mise en place d'une unité spéciale de police
spécialement consacrée à la protection du patrimoine
orthodoxe au Kosovo ou encore la mise en place d'un fond de
développement dédié au Nord Kosovo). A la suite de ces
nombreuses rencontres au niveau gouvernemental, les présidents serbes et
kosovars se sont rencontrés le 6 février 2013. De cette rencontre
est né l'accord historique du 19 avril 2013 sur la normalisation des
relations entre la Serbie et le Kosovo, dit « Accord de Bruxelles »,
signé par les premiers ministres serbes et kosovars. Selon une interview
réalisée par le site « Toute l'Europe » du ministre
serbe de l'intégration européenne Branko Ruzic le 17 novembre
2013 « l'accord de Bruxelles a été l'élément
déclencheur dans le processus d'ouverture des négociations de
l'adhésion ». De plus, l'accord de Bruxelles a été
qualifié par Branko Ruzic de « tango à trois entre Belgrade,
Pristina et l'UE ».
L'accord de Bruxelles porte pour une grande partie sur la
problématique de la zone nord du Kosovo, peuplée majoritairement
par une population d'origine serbe. En échange de la garantie
90 Communication « Un avenir européen pour
le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005
42
de sécurité et d'autonomie offertes à une
Communauté des communes serbes du Kosovo, en matière
socio-économique mais également de police, de justice et d'une
forme de démilitarisation temporaire assurée par l'OTAN, la
Serbie s'engage au démantèlement des structures parallèles
qu'elle avait jusqu'à lors maintenue, dans les domaines de la police, du
renseignement et de la Justice.
En février 2015, à la suite de l'accord de
Bruxelles un accord sur la Justice est conclu. En décembre 2016, le
Kosovo s'est vu octroyer son propre indicatif téléphonique
(+383). Il faut d'ailleurs noter que si la Serbie n'a pas reconnu l'effet
impératif de l'accord de Bruxelles, elle applique cet accord, en ce que
sa mise en oeuvre est un pré-requis pour le bon déroulement des
discussions relatives à l'adhésion.
Le dialogue entre la Serbie et le Kosovo est en pause depuis
février 2015. Néanmoins au vu de l'importance de ce dialogue dans
la conditionnalité de l'Union européenne envers ces deux Etats
dans le cadre du processus de stabilisation et d'association, le
Président Hashim Thaçi a dernièrement salué
l'élection d'Aleksandar Vucic. Les deux hommes auraient « convenu
de poursuivre le dialogue » et de « travailler ensemble sur la
recherche de solutions a toutes les questions communes ». De plus Ana
Brnabic, Première ministre serbe dit vouloir poursuivre « une
politique de paix et de coopération avec le Kosovo afin d'atteindre un
compromis et une réconciliation historique avec le peuple albanais
»91 (B).
B) Une envisageable reconnaissance de facto du Kosovo par la
Serbie
Depuis quelques semaines les relations Serbie-Kosovo
connaissent un tournant singulier. Depuis sa réélection à
la tête de la Serbie, Aleksandar Vucic a placé l'adhésion
à l'Union européenne comme sa première priorité en
ne cessant de prendre des mesures audacieuses. Par le choix de sa
Première Ministre on l'a déjà vu, mais également
vis-à-vis de la question du Kosovo qui pourrait connaître une
résolution rapide.
Profitant en effet du calme estival, Vucic multiplie les
déclarations, d'abords ambigües, puis désormais claires, en
faveur d'une reconnaissance de facto de l'État kosovar. Au mois de juin
2017, peu de temps après sa réélection le Président
serbe a fait une première mention de « l'opportunité
d'ouvrir un dialogue sur les futures relations entre la Serbie et le Kosovo
»92. Cette déclaration d'abord assez peu relayée
a néanmoins ouvert largement la boite de Pandore et des
91 Source diplomatique. AFP Europe, 28/06/2017
92 « Is the power of the Kosovo myth fading ? », Bosnia
Daily, june 30, 2017
43
figures d'audience publique se sont emparées du sujet,
se prononçant en faveur de l'indépendance kosovar. C'est par
exemple le cas de Bosko Jaksic, journaliste de renommée internationale,
qui a publié dans le quotidien Polika une tribune intitulée
« Le temps du courage » où la reconnaissance de
l'indépendance du Kosovo est présentée comme le seul moyen
d'éviter une nouvelle guerre balkanique dans les dix ou vingt prochaines
années93. Slobodan Samarzic, intellectuel souverainiste,
professeur de sciences politiques à l'Université de Belgrade et
ancien Ministre serbe pour le Kosovo a quant à lui déclaré
que le dialogue Belgrade-Pristina initié par l'Union européenne
ne pouvait pas aboutir à « une solution favorable pour les serbes
». Enfin, Vuk Draskovic, dirigeant du « Mouvement pour le Renouveau
de la Serbie » et ancien Ministre des Affaires étrangères
serbe a lui écrit dans un éditorial pour le quotidien Blic que
« la souveraineté serbe sur le Kosovo n'existe que dans le
préambule de la Constitution serbe. En s'asservissant à cette
norme hors de toute réalité, l'État subit d'énormes
pertes, sur les plans politique, de développement, démocratique,
démographique et monétaire ».
C'est en effet désormais au sein de la Constitution
serbe que réside la clé du futur du Kosovo. Dans le
préambule de celle-ci est affirmé la souveraineté de la
Serbie sur la province du Kosovo, coeur historique de la nation serbe. Par
conséquent, afin de pouvoir « laisser partir » le Kosovo et
reconnaitre de facto l'indépendance de son ancienne province, la Serbie
doit réformer sa Constitution, ce qui pendant très longtemps a
été considéré comme un tabou absolu.
C'est pourtant l'Union européenne qui pourrait donner
à Aleksander Vucic l'opportunité de procéder à
cette modification cruciale. Continuant de camper sur une position un peu
ambigüe, que les observateurs internationaux comparent à celle du
Général De Gaulle à la fin de la Guerre
d'Algérie94, il ne cesse d'appeler à un «
réalisme politique » et enjoint à une réforme
constitutionnelle rapide dans le cadre de la réforme de la Justice.
Cette réforme, nécessaire pour que la Serbie se conforme à
l'acquis de l'Union européenne, pourrait bien être l'occasion pour
ouvrir un processus de révision constitutionnelle, qui ne pourrait
jamais se faire sur la base de la normalisation des relations
Serbie-Kosovo95.
Le dialogue entre Belgrade et Pristina est très
présent dans le paysage politique serbe actuel, du fait qu'il
conditionne l'avancée de la Serbie dans son processus d'adhésion.
Le Kosovo, beaucoup
93 Source diplomatique.
94 TANNER Marcus « Might Vucic become Serbia's De
Gaulle on Kosovo ? », Balkan Insight, 01/08/2017.
95 RUDIC Filip, « Serbia's Vucic Sparks Intrigue
over Constitution changes », Balkan Insight, 11/08/2017.
44
moins avancé sur ce chemin, est lui aussi soumis
à cette conditionnalité, qui s'insère au sein d'un clause
inédite dans l'ASA UE-Kosovo (II).
II) L'insertion d'une conditionnalité «
Serbie-Kosovo » inédite dans l'ASA UE-
Kosovo
Si l'ASA UE-Kosovo innove de par sa non mixité, on a
démontré que celle-ci n'avait qu'une faible incidence sur le
contenu de l'accord. Néanmoins, il innove sur un autre aspect en
introduisant une nouvelle conditionnalité inédite (B) liée
à la normalisation des relations avec la Serbie (A).
A) La création d'une clause essentielle liée
à la normalisation des relations Serbie Kosovo
Les clauses dites « clauses essentielles » sont
apparues en 1992 dans les accords externes de l'Union européenne. Ces
clauses ont tout d'abord eu trait aux respects des droits de l'homme et des
principes démocratiques. Ces clauses ont par la suite
évolué, pour coller aux défis de la relation entre l'UE et
son partenaire. En effet, les clauses élements essentiels,
insérées au sein du Titre Premier des accords intitulé
« Principes généraux » permettent à l'UE de
développer les points politiques dont le respect lui semble
indispensable pour maintenir sa bonne relation avec le partenaire. Un lien est
établi au sein des clauses éléments essentiels entre la ou
les valeurs que l'Union souhaite défendre et une possible
dégradation des relations si le partenaire ne respecte pas la clause.
Dans le cas où des contre-mesures seraient prises par l'UE, en cas de
non-respect des dispositions d'une clause dite élément essentiel,
le partenaire ne pourra obtenir aucune réparation de la perte qu'il
subit, quand bien même la contre mesure irait jusqu'à la
suspension de l'accord96. Dans ce cadre, les clauses «
élément essentiel » constituent une facette importante du
pouvoir normatif de l'UE dans ses relations avec ses partenaires
internationaux.
96 Cette clause, appelée « clause
bulgare » laisse l'Union européenne libre de convenir de «
toute mesure appropriée » visant à sanctionner le
non-respect de la clause élément essentiel, pouvant aller
jusqu'à la suspension de l'accord.
45
L'ASA UE-Kosovo introduit deux nouvelles clauses essentielles
ventilées au sein de deux articles. L'article 597 (le
principe) et l'article 1398 (la mise en oeuvre) de l'ASA posent
comme éléments essentiels de l'accord, la pleine
coopération du Kosovo avec la mission EULEX mais surtout, la
normalisation des relations Kosovo-Serbie.
L'article 5 de l'ASA UE-Kosovo pose pour le Kosovo une
obligation de moyen et de résultats, via l'utilisation de la formule
« Le Kosovo s'engage à oeuvrer sans relâche à
l'amélioration visible et durable de ses relations avec la Serbie
». Cette formule est reprise à l'identique dans l'article 13 de
l'ASA, ce qui en renforce la portée. L'article 5 de l'ASA pose
d'ailleurs que ce processus de rapprochement est un moyen, dans le sens d'un
média obligatoire, pour la Serbie et le Kosovo de poursuivre leur marche
respective vers l'UE. A l'article 13 il est d'ailleurs précisé
que cette progression se fera « tout en empêchant que l'un d'eux
puisse bloquer l'autre dans ses efforts ». La conséquence de cette
affirmation est qu'il est officiellement posé que la Serbie ne pourra
pas adhérer à l'Union européenne tant que les relations
avec le Kosovo ne seront pas normalisées. Le Kosovo de son coté,
se verra pénalisé dans ses relations avec l'UE dans le cadre de
l'ASA s'il ne s'implique pas suffisamment dans la normalisation de ses
relations avec la Serbie.
Ce dialogue entre Serbie et Kosovo est une nouvelle fois
réaffirmé comme étant un dialogue tripartite. L'article 13
de l'ASA pose dans son 1) que « le dialogue politique et
stratégique, selon le cas contribuent au processus de normalisation des
relations entre le Kosovo et la Serbie ». Il faut ici rappeler que le
dialogue politique et stratégique dont il est question n'est pas le
dialogue supervisé entre les autorités serbes et kosovares sous
l'égide de l'Union européenne, mais bien les dialogues qui auront
vocation à prendre place au sein du Conseil de stabilisation et
97 Article 5 : « Le Kosovo s'engage à
oeuvrer sans relâche à l'amélioration visible et durable de
ses relations avec la Serbie et à coopérer de manière
effective avec la mission déployée dans le cadre de la politique
de sécurité et de défense commune pendant toute la
durée du déploiement de celle-ci, comme indiqué de
manière plus détaillée à l'article 13. Ces
engagements constituent des principes essentiels du présent accord et
sous-tendent le développement des relations et de la coopération
entre les parties. Si le Kosovo ne respecte pas ses engagements, l'Union
européenne peut prendre les mesures qu'elle juge appropriées, y
compris suspendre le présent accord en tout ou partie.
98 Article 13 : 1. Le dialogue politique et le
dialogue stratégique, selon le cas, contribuent au processus de
normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie. 2. Comme prévu
à l'article 5, le Kosovo s'engage à oeuvrer sans relâche
à l'amélioration visible de ses relations avec la Serbie. Ce
processus permet au Kosovo et à la Serbie de poursuivre leur marche
respective vers l'Europe, tout en empêchant que l'un d'eux puisse bloquer
l'autre dans ces efforts, et devrait progressivement mener à la
normalisation des relations complètes des relations entre le Kosovo et
la Serbie, sous la forme d'un accord juridiquement contraignant, avec pour
perspective qu'ils puissent tous deux exercer leurs droits sans restrictions et
assumer pleinement leurs responsabilités. 3. Dans ce cadre, le Kosovo
veille en permanence à : a) mettre en oeuvre de bonne foi tous les
accords conclus dans le cadre du dialogue avec la Serbie ; b) respecter
pleinement les principes d'une coopération régionale ouverte
à tous ; c) résoudre grâce au dialogue et à l'esprit
de compromis les autres problèmes en suspens, à l'aide de
solutions concrètes et durables, et coopérer avec la Serbie sur
les questions techniques et juridiques qui le nécessitent ; d)
coopérer efficacement avec la mission déployée dans le
cadre de la politique de sécurité et de défense commune
pendant toute la durée du déploiement de celle-ci
46
d'association. Par l'ajout de cette mention, l'UE informe son
partenaire kosovar que la question du dialogue de normalisation des relations
rejoint désormais le système normatif mis en place par l'ASA, ce
qui lui fait gagner en cohérence, mais aussi en force contraignante, une
attitude jugée trop peu volontaire de la part du Kosovo pouvant
désormais faire l'objet de contre-mesures économiques et non pas
de simples pressions politiques. D'autre part, l'inclusion de la normalisation
des relations Serbie-Kosovo dans les sujets d'intérêt du Conseil
de stabilisation et d'association envoie le message au Kosovo, que c'est un
sujet duquel il ne pourra pas se soustraire car désormais constitutif du
corps de l'accord. Cet appareil coercitif autour de la normalisation des
relations Serbie-Kosovo présente donc un grand intérêt,
d'autant qu'elle est inédite au sein du PSA (B).
B) Une clause inédite au sein du PSA
La clause relative à la normalisation des relations
entre la Serbie et le Kosovo présente dans l'ASA UE-Kosovo est
inédite au sein du PSA. En effet, cette clause est sans
équivalent dans les ASA signés par l'UE et les autres pays de la
région. Les ASA précédemment conclus par l'Union reposent
à chaque fois sur le même motif : le premier article du Titre
intitulé « Principes généraux »
énumère un certain nombre d'éléments posés
comme des élements essentiels de l'accord. Il s'agit toujours d'un
engagement au respect des principes démocratiques, des droits de
l'Homme, de l'économie de marché, d'une coopération avec
le TPIY et parfois d'une lutte contre la prolifération des armes de
destruction massive99100101102. Cette clause très
complète et multisectorielle se retrouve également dans l'ASA
UE-Kosovo103, mais est accompagnée de la clause relative
à la normalisation des relations avec la Serbie, qui comme on l'a
déjà vu, fait l'objet de deux articles dédiés.
Pourquoi l'UE a-t-elle ajouté cette clause inédite au sein de
l'ASA UE-
99 Stabilisation and Association agreement between
the European Communities and their Members States, of the one part, and the
Republic of Montenegro, of the other part, L108/3, 29.04.2010
100 Accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République de Serbie, d'autre part, L278/16, 18.10.2013
101 Accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
Bosnie-Herzégovine, d'autre part, L164/2, 30.6.2015
102 Accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République d'Albanie, d'autre part, L107/166, 28.4.2009
103 Article 3 : Le respect des principes démocratiques
et des droits de l'homme, tels qu'ils sont proclamés dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948
et tels qu'ils sont définis dans la Convention européenne de
protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950,
dans l'Acte final d'Helsinki, et dans la Chartre de Paris pour une nouvelle
Europe, le respect des principes du droit international, y compris la
coopération totale avec le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY) et son mécanisme résiduel, la Cour
pénal internationale, et le respect de l'état de droit ainsi que
des principes de l'économie de marché, tels qu'ils sont
exprimés dans le document de la conférence de Bonn sur la
coopération économique de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe, servent de base aux
politiques de l'Union européenne et du Kosovo et constituent des
élements essentiels du présent accord.
47
Kosovo ? Pour répondre à cette question, nous
pouvons avancer que d'une part, le facteur temporel a son importance. En effet,
l'ASA UE-Kosovo est le dernier né d'une série d'accords, qui ont
tous été paraphés avant la déclaration
unilatérale d'indépendance du Kosovo.
D'autre part, le conflit latent entre la Serbie et le Kosovo
constitut un potentiel déstabilisateur très important et que
depuis 1999, l'UE s'est engagée en faveur d'une résolution du
problème statutaire kosovar. Cet objectif est d'ailleurs
précisément explicité dans l'ASA UE-Kosovo qui indique que
cette résolution sera « complète » et prendra la forme
« d'un acte juridiquement contraignant »104. Par cet ajout
l'UE renforce encore sa position d'actrice et d'instigatrice du dialogue
Serbie-Kosovo en posant quelle forme devait revêtir la résolution
du problème statutaire. Cette clause est un message en direction du
Kosovo comme de la Serbie, qui a déjà ouverts les chapitres de
négociations en vue d'une adhésion, que la Serbie ne pourra pas
adhérer à l'UE tant que ses relations avec le Kosovo ne seront
pas normalisées. En effet, dans l'attente d'une résolution du
problème statutaire, la Serbie comme le Kosovo ne sont pas en accord
quant à la délimitation de leurs frontières respectives et
l'UE ne veux pas avoir à gérer un nouveau cas similaire au cas
chypriote, dont l'adhésion à l'UE n'avait pas réussi
à entrainer un règlement du problème territorial.
Un fait intéressant est à noter : en
s'impliquant aussi profondément dans la normalisation des relations
entre la Serbie et le Kosovo, en faisant du Kosovo un interlocuteur de niveau
régional et international, l'UE stabilise indirectement l'Etat kosovar.
Ce domaine n'est pas le seul où l'Union joue un rôle majeur pour
l'affirmation souveraine du Kosovo et l'on constate qu'en l'incluant dans le
PSA, l'UE s'est en fait engagée dans processus de long terme de state
building de l'Etat kosovar (Section 2).
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