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L'union européenne et le kosovo


par Eloïse GUILLERON
Université Rennes 1 - Ecole Normale Supérieure de Rennes - Master 2 Droit de l'Union européenne, Droit de l'Organisation Mondiale du Commerce 2016
  

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Chapitre 1 : L'UE confrontée à la nature juridique ambigüe du Kosovo

A la suite de la DUI de 2008, l'Union européenne est confrontée à la nature juridique ambiguë du Kosovo mais aussi à des divergences profondes au sein de ses Etats membres. Si dans un premier temps, la nature juridique internationale incertaine du Kosovo a nui à l'émergence d'une position européenne et donc à une difficulté dans la conceptualisation de la relation qu'il était possible d'entretenir avec l'Etat kosovar (Section 1), cet écueil a dû être dépassé eu égard à la nécessité de ne pas laisser le Kosovo en marge du PSA (Section 2).

Section 1 : Une nature juridique internationale incertaine nuisant à l'émergence d'une position européenne.

30 Pour comparaison, le département d'Ile de France a une superficie de 12 012 km2 et une population de 12 millions d'habitants.

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La nature juridique incertaine du Kosovo au regard du Droit international, toujours non résolue à ce jour (I) a empêché les Etats membres de dégager une position formelle et commune que défendrait l'Union européenne. Cette absence constitue un lourd handicap pour l'UE qui a dû sacrifier à la cohérence de son action, afin de respecter les positions de 5 de ses Etats membres (II).

I) Une nature juridique ambigüe au regard du Droit international

L'action de l'Union européenne est affectée par la nature juridique ambiguë du Kosovo au regard du Droit international. En effet, de par son caractère unilatéral, la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 par les autorités provisoires du Kosovo n'a pas abouti à la remise en cause de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (A) bien qu'elle n'ai pas été jugé contraire au Droit international (B).

A) La résolution 1244 : un territoire serbe sous tutelle internationale

Au lendemain du cessez le feu accepté par Belgrade et mettant fin à la guerre au Kosovo, le Conseil de Sécurité31 adopte la Résolution 124432. Cette résolution du 10 juin 1999 aboutit entre autres à la création de la Kosovo Force (KFOR), force armée placée sous le contrôle de l'OTAN et mandatée par l'ONU, et de la MINUK (Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo). Cette autorité administrative se voit confier l'administration provisoire du Kosovo, de sa population et l'établissement d'une structure politique temporaire. Son but est de faciliter l'autonomie et une auto administration du Kosovo au sein de la République fédérale de Yougoslavie. En effet, dans la résolution 1244, le Kosovo est réaffirmé comme étant une province de l'actuelle Serbie33, placée en raison des circonstances sous administration onusienne. Le modèle alors envisagé pour le Kosovo en 1999 était donc celui d'un retour à la situation de la fin des années 1980, lorsque le Kosovo disposait d'un statut d'autonomie renforcée.

Interrogés sur le « problème kosovar », Hubert Védrine34 et Bernard Kouchner35 notent tout deux que la question de l'indépendance a pendant longtemps été une question théorique concernant le

31 Le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) est l'organe exécutif des Nations Unies. Il a pour responsabilité principale le maintien de la paix, l'établissement de sanctions internationales et l'intervention militaire. Ses résolutions ont force exécutoire. Le CSNU est composé de 15 membres, cinq permanents pourvu d'un droit de veto : Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie et de 10 pays élus pour une durée de deux ans, renouvelable de moitié chaque année.

32 Résolution 1244 (1999) du 10 juin 1999 du CSNU

33 La résolution 1244 mentionne d'ailleurs la nécessité de tenir compte « principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie. »

34 Ministre des Affaires étrangères français de 1997 à 2002.

35 Premier chef de la MINUK (1999-2001)

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Kosovo. L'objectif de la MINUK était en effet de bâtir un Kosovo autonome, et à cette fin, la MINUK était appelée à prendre des décisions techniques, administratives et financières. Pourtant, la question de l'avenir du Kosovo était déjà pressante. En 1999, 90% de la population du Kosovo était favorable à son indépendance36, et la Résolution 1244 n'a fait qu'ajourner le règlement de la question du statut.

Or, pour que le Kosovo puisse se reconstruire, il lui manque son indépendance. N'étant pas reconnu comme un État souverain, il ne peut pas adhérer aux instances financières internationales comme la Banque mondiale et le FMI et est très peu attractif pour les investisseurs étrangers qui craignent d'investir dans un protectorat onusien. Cette absence de perspective renflamme les tensions ethniques et en mars 2004 des extrémistes albanais violentent des serbes du nord du Kosovo. L'Union européenne et la Communauté internationale cherchent alors à régler une première fois « la question du statut »37. La Serbie38 et la Russie demande un ajournement de la question kosovare, mais le 26 mars 2007, l'ancien Président finlandais Martti Ahtisaari, mandaté par les NU présente un rapport, dans lequel il propose une « indépendance surveillée » pour le Kosovo. Concrètement, le Kosovo aurait son indépendance, mais celle-ci serait supervisée par une présence internationale civile et militaire et des garanties solides seraient assurées pour les minorités. Le projet est approuvé par l'UE et les États Unis, mais rejeté par la Serbie et la Russie, qui pose son veto au CSNU.

Sur proposition de Jacques Chirac qui fait le constat du blocage du CSNU sur la question du Kosovo, il est décidé d'entamer une nouvelle tentative de négociations. Pendant 6 mois, une Troïka de diplomates américains, français et russes se réunissent, sans réussir à trouver un compromis. Dans son rapport au Secrétaire Général des Nations Unies le 10 décembre 2007, la Troïka conclue à l'échec des négociations.

Pour le gouvernement provisoire du Kosovo la situation n'est plus tenable, et le Parlement déclare unilatéralement l'indépendance de l'État kosovar le 17 février 2008, se prévalant du Droit à l'autodétermination reconnu à chaque État tel que posé dans l'article 1 alinéa 2 de la Chartre des NU39. Les autorités du Kosovo s'engagent alors auprès de la Communauté internationale à

36 M. KULLASHI « Vers l'indépendance ? La question du statut du Kosovo », mars 2006, http://www.ceri-sciences-po.org, consulté le 25/08/2017.

37Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

38 Le 4 février 2003, la Yougoslavie disparait au profit de « la République de Serbie-et-Monténégro ». Celle-ci est dissoute en 2006, après la déclaration d'indépendance du Monténégro le 3 juin 2006 et la Serbie devient « La République de Serbie » le 5 juin 2006 après un vote au Parlement.

39DORLHIAC R, « Un premier bilan de l'indépendance du Kosovo », Questions internationales, n°40, novembre-décembre 2009

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construire un État pluriethnique et démocratique. Elles proposent également d'accueillir les présences internationales destinées à l'assister et affirme son désir de nouer des bonnes relations avec l'ensemble des États de la région. La constitution kosovare promulguée le 15 juin 2008 reprend pour sa part l'ensemble des dispositions de la proposition globale de règlement pour le statut de Martti Ahtisaari. Pourtant, cette DUI ne règle pas la question du statut, ainsi que le démontre la demande d'avis déposé à la CIJ concernant la compatibilité de la DUI avec le Droit international (B).

B) L'avis de la Cour Internationale de Justice : une déclaration unilatérale d'indépendance conforme au Droit internationale

En avril 2008, la République de Serbie ratifie son ASA avec l'Union européenne et approfondie donc son chemin vers une potentielle adhésion. La DUI du Kosovo, et sa reconnaissance par un grand nombre de pays occidentaux est un coup dur pour la Serbie. Consciente des fragilités potentielles de la DUI du Kosovo, celle-ci fait introduire par l'Assemblée générale des Nations Unies une demande d'avis auprès de la Cour internationale de Justice40 (CIJ), le 8 octobre 200841. Cette demande d'avis concerne la compatibilité de la DUI avec le Droit international et la Résolution 1244 (1999), et se présentait en ces termes : « La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme au Droit international ? ».

En effet, comme l'avance Renaud Dorlhiac, si la CIJ constatait l'incompatibilité de la DUI avec le cadre législatif international, cet avis aurait « sap[é] les fondements même du nouvel État »42. Pour les détracteurs du Kosovo en effet, la DUI constitue en une sécession unilatérale, illégale et illégitime.

La CIJ a rendu son avis le 22 juillet 2010, et a été d'une extrême prudence dans sa manière de répondre à la question posée. En effet, une réponse formulée de manière ambigüe aurait pu être considérée comme un précédent en faveur des communautés indépendantistes. Dès lors, la Cour rappelle dans son avis que la question qui lui a été posé porte sur la question de savoir si le Droit international interdit ou non la déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo ; et que dès lors, « elle n'est pas tenue, par la question qui lui est posée, de prendre parti sur le point de savoir si le

40 La CIJ, qui siège à La Haye est l'organe judiciaire des Nations Unies. Elle est habilitée au règlement de grands différents internationaux.

41 J. CHARPENTIER, « Serbie et Kosovo : actualité », Civitas Europa, 2012/2, n°29

42 DORLHIAC R. « Un premier bilan de l'indépendance du Kosovo », Questions internationales n°40 - novembre-décembre 2009

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droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance, ni a fortiori, sur le point de savoir si le droit international confère en général à des entités situées à l'intérieur d'un État existant le droit de s'en séparer unilatéralement »43.

En répondant à la question, la CIJ note tout d'abord qu'il existe un droit à l'autodétermination en droit international, qui a d'ailleurs été beaucoup utilisé dans la deuxième moitié du XIXème siècle. La Cour rappelle que si ce droit a d'abord été conçu comme pouvant être exercé dans des hypothèses de subjugation, de domination ou d'exploitation, celui-ci pouvait être également être utilisé en dehors de celles-ci car il n'existe pas en droit international « une nouvelle règle interdisant que de telles déclaration soient faites »44.

Certaines parties, dont la Russie et la Serbie opposaient qu'une interdiction de déclaration unilatérale d'indépendance était implicitement contenue dans le principe de l'intégrité territoriale. La Cour rappelle dans son avis que ce principe, posé à l'article 2 § 4 de la Chartre des Nations Unies pose que « les membres de l'organisation s'abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale d'un État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies », et que dès lors, ce principe ne s'appliquait pas à l'espèce. De même, dans l'acte final de la conférence d'Helsinki qui était également soulevé contre la DUI, la CIJ pose que « la portée du principe de l'intégrité territoriale est limitée à la sphère des relations interétatiques ». Dès lors, sur ce point, la DUI n'a pas violé le droit international.

La Cour rappelle également que la Résolution 1244 (1999) tire sa légalité des Nations Unies et que c'est cette même résolution qui a posé le cadre constitutionnel de mise en place des institutions kosovares qui ont par la suite déclaré leur indépendance, et qu'elle s'est à ce moment-là, substituée, sauf sur certains points expressément énumérés, à l'ordre juridique serbe. De plus, elle note que « le libellé de la résolution 1244 (1999) montre que le Conseil de Sécurité ne s'est pas réservé le règlement définitif de la situation au Kosovo et qu'il est resté silencieux sur les conditions du statut final »45. Par conséquent, la Cour constate que la résolution 1244 (1999)

43 « Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.

44« Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.

45« Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010.

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« n'excluait donc pas l'adoption de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008, ces deux textes étant de nature différente : contrairement à la résolution 1244 (1999) la déclaration d'indépendance constitue une tentative de déterminer définitivement le statut du Kosovo ». Enfin la CIJ relève qu'aucune interdiction n'était faite au gouvernement du Kosovo de déclarer son indépendance au sein de la résolution 1244.

Après avoir statué sur tous ces points, la Cour conclue que « l'adoption de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 ne viole ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de Sécurité, ni le cadre constitutionnel. L'adoption de ladite déclaration n'a violé aucune règle du droit international »46.

Cet avis de la Cour de Justice, qui pose la compatibilité de la DUI avec le droit international et la résolution 1244 (1999), ne statut pas sur le fait que le Kosovo puisse être considéré ou non comme un État. Dès lors, un certain nombre d'États ont décidé de ne pas reconnaitre le Kosovo. L'objectif est en effet d'éviter à tout prix de créer une contagion autonomiste (II).

I) Une absence de position formelle au sein de l'UE, frein à la cohérence de l'action

européenne au Kosovo

En raison du statut quo liée à la superposition de la Résolution 1244 (1999) et de l'Avis de la CIJ, les Etats membres de l'Union européenne n'arrive pas dégager une position commune (A). Face à cette difficulté, qui nuisait à l'approfondissement de ses relations avec le Kosovo, l'Union a petit à petit évolué quant à la question du règlement du statut kosovar (B).

A) Une absence problématique de position unanime au sein de l'UE

L'unité politique européenne sur la question kosovare a été mise à mal par la DUI de 2008. Aujourd'hui, 5 états membres de l'Union européenne ne reconnaissent officiellement pas le Kosovo. Il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie47. Nous avancerons ici, au côté de Renaud Dorlhiac que « l'embarras suscité par l'accession du Kosovo à l'indépendance, hors du cadre onusien, traduit plus généralement une crainte diffuse des

46« Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, la Cour dit que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international », Communiqué de presse non officiel, Cour Internationale de Justice, n°2010/25, 22 juillet 2010. 47 On notera que cette absence d'unanimité sur la souveraineté kosovare se retrouve également au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

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séparatismes et la conscience aigüe que de nombreux États ont de leur propres fragilité »48. En effet, ces 5 États ont pour point communs de devoir composer avec une minorité indépendantiste forte : Chypre redoute qu'une reconnaissance du Kosovo entraine un effet de contagion sécessionniste sur les turcs du Nord de l'Ile, l'Espagne connait des enjeux similaires pour ses régions de Catalogne et du pays basque, la Roumanie et la Slovaquie doivent toutes deux composer avec une communauté hongroises indépendantiste tandis que la Grèce a une importante minorité bulgare à sa frontière nord.

Il est ici important de rappeler que la reconnaissance d'un État ne relève pas de la compétence de l'Union européenne mais de celles de ses États membres et que l'acte de reconnaissance lui-même est un acte purement politique. Ainsi, s'il existe des théories relatives à ce qui constitue un État (déclarative et constitutive) ayant chacune leurs adeptes, il n'existe aucune norme encadrant la venue au monde d'un nouvel État et qui obligerait les États tiers. Dans ce contexte, et dans l'Union européenne que nous connaissons aujourd'hui, l'Union n'est pas en mesure d'obliger (ou d'inciter fortement) à la reconnaissance d'un État. Et si elle récupère un jour cette compétence, c'est que son statut se serait profondément modifié, passant d'une organisation internationale à celui d'État fédéral.

Cette absence de position unanime au sein du Conseil empêche l'Union européenne de reconnaitre officiellement le Kosovo comme un état souverain alors même que celui-ci est inclus dans son Processus de Stabilisation et d'Association et qu'elle a eu un rôle fondamental dans la reconstruction et la vie politique du pays49. Ce paradoxe porte atteinte à la crédibilité de la politique étrangère de l'Union : incapable de parler d'une seule voix, l'UE est contrainte à des précautions oratoires et des ambiguïtés, tant avec le Kosovo que la Serbie. Plus grave encore, l'Union a pendant longtemps été bloquée dans certaines initiatives, qui auraient pu être interprétées comme un acte de reconnaissance. Ainsi, si l'UE a été extrêmement active en dehors du cadre du processus de stabilisation et d'association, dans le cadre de celui-ci elle a été très

48 DORLHIAC R. « Un premier bilan de l'indépendance du Kosovo », Questions internationales n°40 - novembre-décembre 2009

49 L'absence de position unanime au sein de l'Union européenne quant au caractère souverain du Kosovo pose de nombreux problèmes notamment en termes d'efficacité des actions menées. Néanmoins, au-delà des opinions divergentes des différents États membres, l'absence de prise de position formelle de l'Union sur la question du Kosovo peut également s'expliquer par la volonté de ne pas relancer un nouveau processus de scission ethnique au sein de la poudrière balkanique. En effet, si l'Union prenait fermement position en faveur d'une souveraineté kosovare en vertu du principe d'autodétermination des peuples, un message fort serait envoyé aux bosno-serbes de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine, qui pourrait alors, en vertu du même principe, demander la remise en cause des accords de Dayton.

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ralentie, avant que les circonstances objectives ne la contraignent à faire évoluer son approche (B).

B) L'évolution de l'Union européenne quant à la question du règlement du statut kosovar

En 2004, à l'issu des violentes émeutes intervenues au nord du Kosovo, l'Union européenne s'engage dans le chantier de la détermination du statut final du Kosovo par l'intermédiaire de certains de ses États membres. La France en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité peut porter les positions européennes aux NU, même si, comme on l'a vu précédemment, les différents États membres ne parvenaient déjà pas à atteindre une position de compromis.

D'autre part, dans le cadre du Processus de Stabilisation et d'Association, l'Union européenne veut établir des relations contractuelles avec le Kosovo. Ainsi, dans la Communication de 2005 « Un avenir européen pour le Kosovo »50, l'Union lie l'établissement de telles relations avec « l'intégration à l'Union européenne »51. A cette époque, la possibilité de négocier un ASA est évoquée, mais pour être écartée. En effet, le Kosovo est toujours uniquement sous le régime du la Résolution 1244 et dès lors il semblait impossible de signer un tel accord avec un État dont la souveraineté n'était pas établie. Théoriquement, il aurait été possible que la MINUK signe l'accord pour le compte du Kosovo, mais c'était un pas que l'Union n'était pas prête à franchir52. La Commission se déclare alors « déterminée à explorer de nouvelles pistes afin de veiller à ce que le Kosovo puisse profiter de tous les instruments de l'UE »53 et que « en fonction des discussions sur le statut [elle pourra] s'engager en temps utile, s'il y a lieu, dans l'établissement de relations contractuelles »54 avec le Kosovo.

La DUI de février 2008, et l'absence d'unanimité des États membres quant au caractère souverain de l'État kosovar entraine un blocage dans l'approfondissement des relations dans le cadre du PSA. En effet, celui-ci ayant été imaginé comme un processus à destination d'États ayant vocation à intégrer l'Union européenne, un approfondissement trop net des relations entre l'UE et le Kosovo dans ce cadre aurait pu apparaitre comme une manoeuvre hostile envers les États membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo. Dès lors, alors même que les autres États des Balkans

50 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

51 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

52 KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

53 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

54 Communication « Un avenir européen pour le Kosovo », COM(2005) 156 final, 20/04/2005

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occidentaux continuent leurs progressions au sein du PSA, l'Union se retrouve bloquée pour ce qui est du Kosovo.

Une première inflexion a eu lieu en 2009 avec la Communication « Kosovo*-vers la concrétisation de la perspective européenne »55 qui est considérée par certains auteurs comme une « quasi-étude de faisabilité » car le contenu est celui d'une étude de faisabilité sans en dire le nom56. L'objectif de cette communication est de continuer le monitoring fort du Kosovo, dans le cadre du PSA dont il bénéficie malgré le paradoxe que cela constitue, les États ne reconnaissant pas le Kosovo ne s'étant pas opposé au maintien du pays dans le PSA. Au sein de cette Communication, la Commission fait d'ailleurs plusieurs fois référence au fait que l'absence de consensus sur le statut du Kosovo ne constitue pas à un obstacle à l'approfondissement des relations au nom de la théorie « Diversité dans la reconnaissance, Unité d'engagement ». Autre élément, la footnote « Kosovo* » se retrouve dans tous les documents des institutions européennes. Dans la Communication de 2009, elle fait alors référence au Kosovo « tel que défini par la résolution 1244/1999 du Conseil de Sécurité des Nations Unies ». Cette précaution oratoire qui rappelle que le Kosovo appartient toujours à la Serbie au regard du Droit internationale agit comme un maquillage sur les faits : l'Union met en place vis-à-vis du Kosovo la même politique que pour un État indépendant et reconnu par elle comme tel. En effet, si dans la forme l'Union peut poser une différence, malgré les incohérences que cela entraine, dans le fond elle ne peut se permettre de laisser le Kosovo prendre plus de retard par rapport à ses voisins des Balkans occidentaux, à défaut de quoi celui-ci deviendrait une enclave de plus en plus pauvre et marginalisée, source d'instabilité dans la région.

Après la signature en février 2012 d'un accord impulsé par l'UE entre la Serbie et Kosovo sur la représentation du Kosovo dans les enceintes régionales, la Commission délivre une étude de faisabilité pour un ASA. Cette étude intervient après que le Conseil lui en ait donné le feu vert en « soulign[ant] que des mesures concrètes doivent être prise »57 en vue de respecter la perspective européenne du Kosovo réaffirmé dans le Conseil de décembre 2011.

55 Communication « Kosovo* - vers la concrétisation de la perspective européenne » COM (2009) 534 final du 14/10/2009

56KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

57Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

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Dans la Communication de 2012 « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* »58, les précautions oratoires sont nombreuses afin de ménager les États membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo. D'une part, et avant d'entamer les aspects juridiques, il convient de noter que depuis l'avis de CIJ de 2010 la footnote concernant le statut du Kosovo s'est enrichie. Celle-ci fait désormais référence à la fois à la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies mais aussi à l'avis rendu par la CIJ. Les deux mentions, dont l'une déclare que le Kosovo est toujours une partie de la Serbie, et l'autre qui pose que la déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo est conforme avec le Droit international se neutralisent59 l'une l'autre mais sont conservées, comme précautions oratoires pour les États n'ayant pas souhaité reconnaitre le Kosovo. D'autre part, il est rappelé dans la Communication que cette étude de faisabilité « est sans préjudice des positions des États membres sur la question du statut ni toute décision que le Conseil serait appelé à prendre à l'avenir »60. Cette affirmation est d'ailleurs répétée, sous différentes formes, 6 fois dans les 4 premières pages de l'étude de faisabilité.

Au-delà des précautions oratoires, l'étude de faisabilité démontre qu'il n'existe aucun obstacle juridique à la conclusion d'un ASA entre l'Union européenne et le Kosovo. L'étude de faisabilité va tout d'abord établir que l'Union a déjà par le passé signé des accords avec des États non reconnus de manière unanime sur la scène internationale61 et ajouter que la possibilité de conclure des accords internationaux peut être ouverte à « toute entité dont l'autre partie contractante accepte qu'elle puisse devenir partie à un accord qui sera régi par le droit international public »62. Ce faisant, la Commission adopte une vision contractualiste de l'accord international, qui va se retrouver dans sa manière d'appréhender l'ASA. En effet, l'ASA est un accord très complet, qui comme on le verra, aménage l'arrimage normatif d'un espace sur l'Union européenne. Le caractère ambitieux de l'accord, et notamment le dialogue institutionnel intense qu'il met en place, n'est pas considéré comme un obstacle pour la Commission européenne qui pose que « l'Union peut conclure ce type d'accord avec un pays tiers, si les autorités politiques et judiciaires de ce dernier sont à même d'en garantir le respect, l'application et la mise en oeuvre ». La Commission

58 Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

59KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

60 Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

61 On peut ici penser à l'Autorité palestinienne et Taiwan, même si ces deux pays ne sont pas cités dans la Communication de 2012.

62Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

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pose alors que l'étude de faisabilité servira à identifier si les autorités du Kosovo seraient à même de s'acquitter des obligations résultants d'un accord d'association. La question du régime juridique différencié auquel sera soumis l'ASA UE-Kosovo n'est néanmoins pas détaillée, renvoyée à « la fin des négociations en fonction [du contenu de l'accord] et du contexte juridique »63.

Ces deux données, la question du régime juridique et certaines conditions que le Kosovo doit remplir avant que les négociations de l'ASA ne commencent, dans le domaine de l'état de droit et de la protection des minorités, ont pour objectif, selon certains auteurs, de donner à la Commission un peu plus de temps pour qu'une solution de compromis soit dégagé au sein des États membres64. En octobre 2015, l'ASA UE-Kosovo est signé par les deux parties.

L'Union européenne a donc évolué dans son appréhension du problème statutaire kosovar. Si l'approfondissement des relations dans le cadre du PSA a été profondément ralentie par les difficultés liées au problème statutaire, l'Union a fait preuve de pragmatisme et a fait évoluer sa relation avec le Kosovo afin de ne pas laisser le pays s'enclaver. Ce pragmatisme était déjà présent pour les actions de l'UE développées en dehors du cadre du PSA, où la question statutaire a fait rapidement l'objet d'un dépassement (Section 2).

Section 2 : le dépassement pragmatique de la question statutaire

En 1999, lors du Conseil européen de Cologne, l'UE s'est fixée pour mission d'aider à la reconstruction du Kosovo. Dix ans plus tard, lorsque les autorités provisoires d'auto administration du Kosovo déclarent l'indépendance de celui-ci, l'Union maintient son engagement. Déjà bien représentée sur place, elle va encore augmenter l'ampleur de sa présence, en restant détachée des problèmes liés au statut (I). Plus encore, sa volonté d'inclusion du Kosovo au sein du PSA va conduire à la conclusion d'un ASA (II).

I) Une présence de l'UE au Kosovo détachée de la question statutaire

Afin d'aider la jeune administration kosovare et d'en assurer la stabilité, l'UE va déployer une mission d'aide à l'état de droit d'une ampleur inédite (A). Cette nouvelle présence s'ajoute à une pluralité d'organes de l'Union déjà présent au Kosovo, ayant pour objectif d'apporter une

63Communication « Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* » COM (2012) 602 final du 10/10/2012

64KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

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expertise dans des domaines variés (B). Cette présence de l'Union est d'ailleurs le reflet de l'immense présence internationale sur le territoire kosovar. En effet, le nouvel Etat, dont la taille avoisine celle de la région française d'Ile-de-France accueille pas moins de 52 missions étrangères.

A) La mission EULEX, plus grande mission PESC de l'UE

Lancée quelques jours avant la déclaration d'indépendance du Kosovo, la mission EULEX a pour objectif d'aider et de seconder les jeunes autorités kosovares dans les domaines liés à l'État de droit en particulier la police, la justice et les douanes. La date retenue n'est pas neutre.

En effet, l'envoi de missions civiles dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD)65 se fait par l'adoption d'une Action commune à l'unanimité au Conseil de l'Union européenne, réunissant les ministres des différents États membres. La PESD, inclue dans la Politique européenne de sécurité et de défense commune (PESC) vise à donner à l'UE les moyens militaires ou civils destinés à la prévention des conflits et à la gestion des crises internationales. En raison de ce mode d'adoption requérant l'unanimité, l'UE a décidé de voter l'action commune concernant la mission EULEX en amont de la DUI. Le fait de voter le lancement de la mission le 13 février 2008 a ainsi permis aux États membres les plus réticents de ne pas se prononcer sur leur reconnaissance du Kosovo, l'opération étant basée sur la résolution 1244 (1999) du CSNU. Cette attitude démontre le pragmatisme des États membres qui ont ici privilégié la stabilité du Kosovo en choisissant d'agir avec précautions. Ainsi, la mission EULEX est neutre par rapport au statut kosovar.

La mission EULEX est la plus grande mission PESC jamais lancée par l'UE. D'une part, son mandat est le plus large jamais concédé à une mission européenne et donne par exemple droit dans certains cas au chef de la mission de revoir ou d'annuler des décisions des institutions kosovares. L'article 2 de l'Action commune 2008/124/PESC portant sur la mission EULEX définie le mandat de la mission comme suit : EULEX Kosovo est chargé d'aider les institutions du Kosovo, les autorités judiciaire et les organismes chargés de l'application des lois à progresser sur la voie de la viabilité et de la responsabilisation et à poursuivre la mise sur pied et le renforcement d'un système judiciaire multiethnique, de manière à ce que ces institutions soient libres de toute interférence politique, et s'alignent sur les normes reconnues au niveau international et sur les pratiques européennes. Plus concrètement, EULEX, en coopération avec les programmes d'assistance de la Commission européenne met en oeuvre son mandat en assurant

65 Aujourd'hui Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)

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des actions de suivi, d'encadrement et de conseil ainsi que certaines responsabilités exécutives. Pour ce faire, les moyens d'EULEX sont répartis entre le quartier général de Pristina, des bureaux régionaux et locaux au sein du Kosovo, et un élément de soutien à Bruxelles66.

D'autre part, il était initialement prévu dans la mission EULEX aurait un effectif d'environ 1 900 personnes et une réserve possible de 300 personnes supplémentaires67. Aujourd'hui, la mission qui dispose d'un budget de 110 millions d'euros par an emploie environ 800 fonctionnaires européens. Ce chiffre, ajouté aux 800 autres fonctionnaires européens répartis dans d'autres organes de l'Union, font de Pristina la ville en Europe comptant le plus de fonctionnaires européens après Bruxelles (B).

B) Une pluralité d'organes de l'Union déployés.

L'Union européenne a eu jusqu'à 7 organes déployés simultanément sur le territoire kosovar68, ce qui démontre l'importance de son engagement sur les plans politiques et financiers, et ce, en dehors de la problématique statutaire. Ces organes ont été : La Commission européenne par le biais de son Bureau de liaison, le Représentant spécial de l'Union européenne, l'Agence européenne pour la Reconstruction, la mission EULEX et sa prédécesseure l'EU Planning Mission, une mission de monitoring de l'Union européenne (EU monitoring mission, EUMM), the EU-pillar à la mission des Nations Unies et le Représentant diplomatique de l'État membre assurant la Présidence tournante de l'UE.

Le Bureau de liaison a été ouvert par la Commission européenne en septembre 2004. L'objectif est alors pour la Commission d'établir un contact plus étroit sur le terrain avec la MINUK et les institutions provisoires d'administration autonomes. Le Bureau de liaison agit en coopération constante avec le Haut Représentant de l'Union européenne, le pilier IV de la MINUK, l'Agence européenne pour la reconstruction et les représentations d'États membres à Pristina. Afin de renforcer la perspective européenne du Kosovo, le Bureau de liaison est chargé de distribuer l'aide reçu au titre de l'IAP et est également chargé des programmes TAIEX, Erasmus Mundus, etc...

66 Article 6 de l'Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février 2008 relative à la mission « État de droit » menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo.

67 Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février 2008 relative à la mission « État de droit » menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo.

68 Koeth Wolfgang, « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovos Regional Representation and the « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

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Son action s'inscrit dans le long terme, et continuera même après l'adhésion69. Il participe au capacity building visant à doter le Kosovo de ressources humaines efficaces et d'impulser les réformes nécessaires.

Le Représentant spécial de l'Union européenne (RSUE) est un haut fonctionnaire assurant la représentation diplomatique de l'Union européenne sous l'autorité du Haut Représentant et du Président de la Commission européenne. Le RSUE n'est pas un instrument propre au Kosovo70 et se retrouve dans d'autres zones. Néanmoins, si dans chaque cas le RSUE a pour objectif d'assurer la promotion des politiques et des intérêts de l'UE dans les régions et pays qui expérimentent des troubles, leur mission s'adapte selon leur zone de déploiement. Au Kosovo, le RSUE joue un rôle actif dans les efforts déployés pour « favoriser l'avènement d'un Kosovo stable, viable, pacifique, démocratique et multiethnique, entre autres en renforçant la stabilité dans la région et en contribuant à la coopération régionale et à de bonnes relations de voisinage dans les Balkans occidentaux »71. De plus, le RSUE « oeuvre en faveur d'un Kosovo attaché à l'État de droit et à la protection des minorités et du patrimoine culturel et religieux »72. Il faut néanmoins relever une ambiguïté fondamentale quant au RSUE au Kosovo. En effet, dès sa création, le Conseil prévoit qu'une seule et même personne assurera « les pouvoirs et les attributions » du RSUE (ne se prononçant pas sur le statut) et du Représentant civil international73. Or, ce poste, crée pour prendre la tête du Bureau Civil international, également crée en 2008 par les États de l'International Steering Group, comportant 20 États membres de l'Union européenne et d'autres acteurs internationaux comme les États-Unis et le Canada a lui pour objectif de « mettre en oeuvre

69PERROT, O « Kosovo-EULEX Légitimité technique et ambition politique de la présence européenne », www.diploweb.com , 5/12/2009, consulté le 27/08/2017

70 Un RSUE se trouve également au Sahel, où le RSUE a alors pour mission de «conduire l'action de l'UE qui consiste à contribuer aux efforts régionaux et internationaux visant à instaurer durablement paix, sécurité et développement au Sahel. En outre, il coordonnera l'approche globale de l'UE à l'égard de la crise régionale, en se fondant sur la stratégie de l'UE pour la sécurité et le développement au Sahel. » « L'UE nomme un nouveau Représentant spécial de l'Union européenne pour le Sahel », Conseil de l'UE, communiqué de presse, 900/15, Sécurité et Défense, 07/12/2015.

71« Kosovo : nomination d'un nouveau Représentant spécial de l'UE », Conseil de l'UE, communiqué de presse, 483/16, Sécurité et Défense, 04/08/2016.

72« Kosovo : nomination d'un nouveau Représentant spécial de l'UE », Conseil de l'UE, communiqué de presse, 483/16, Sécurité et Défense, 04/08/2016.

73 Action commune 2008/123/PESC du Conseil du 4 février 2008 portant nomination d'un Représentant spécial de l'Union européenne au Kosovo. (7ème considérant)

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le plan Ahtisaari et rendre l'indépendance irréversible »74. Ce paradoxe a duré jusqu'à la fin de la mission du Représentant civil international en 201275.

L'Agence européenne pour la reconstruction au Kosovo, dont on a précédemment détaillé les fonctions, a officié de 1999 au 31 décembre 2008. Par la suite, ses fonctions ont été transférés au Bureau de liaison, avec qui elle partageait déjà les mêmes locaux76.

L'EU monitoring mission n'est pas un organe à proprement parler, mais cette mission semble petit à petit se pérenniser au Kosovo. Intervenue une première fois en 2013, cette mission a été renouvelée en 2014 et 201777. Elle consiste en le déploiement d'experts de l'UE venant s'assurer que les élections se déroulent dans un cadre libre et démocratique. Ainsi, à l'occasion des élections générales du 11 juin 2017, ce ne sont pas moins de 100 experts de l'Union qui ont assisté aux élections dans les différentes municipalités du Kosovo. Ce troisième déploiement s'est fait suite à l'invitation du Président kosovar78.

Le pilier européen à la MINUK dit « EU IV Pillar UNMIK » est un pilier de la MINUK financé par les institutions européennes, et plus précisément par la Commission européenne. Son objectif est de moderniser l'économie du Kosovo notamment en appuyant les structures et les instruments permettant la mise place d'une économie de marché qui fonctionne. Dans le cadre de cette mission, le pilier européen met une emphase particulière sur le capacity building et l'intégration économique régionale79.

Ce fort engagement a longtemps été en hors du cadre du PSA, qui semblait ne pas pouvoir progresser du fait de l'absence de position européenne sur le Kosovo. Néanmoins, afin de ne pas laisser se creuser le fossé entre le Kosovo et les autres Etats de la région, l'UE a fini par conclure avec le Kosovo un accord de stabilisation et d'association, et ce, indifféremment au problème statutaire (II).

74 BOULAUD, D et TRILLARD A, « Kosovo : Quelle présence internationale après l'indépendance ? », Rapport d'information n°174 (2008-2009), fait au nom de Commission des Affaires étrangères, déposé le 20 janvier 2009, Sénat français.

75 KOETH, W « The Serbia-Kosovo Agreement on Kosovo's Regional Representation and « Feasibility Study » : A Breakthrough in EU-Kosovo Relations ? », European Foreign Affairs Review 18, n°1 (2013)

76 « Rapport de la Commission au Conseil sur l'avenir de l'Agence européenne pour la reconstruction », COM (2005) 710 final, Bruxelles, le 23/12/2005.

77 Respectivement pour des élections municipales, parlementaires et générales.

78 « EU deploys Election observation Mission to Kosovo », EEAS, press release, 30/05/2017.

79 « EU pillar -Creating modern market economy », UNMIK, Press release, 1638, 7/02/2007.

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II) La conclusion d'un accord de stabilisation et d'association entre l'UE et le Kosovo

indifférente au problème statutaire

Depuis sa déclaration unilatérale d'indépendance de 2008, le Kosovo bénéficie de la même perspective européenne que les autres pays des Balkans occidentaux. L'Union européenne a toujours essayé de normaliser le plus possible ses relations avec le Kosovo, malgré sa spécificité, notamment en l'incluant au sein du Processus de stabilisation et d'association. Or, jusqu'à l'étude de faisabilité de 201280 et sa concrétisation par la signature de l'ASA entre l'UE et le Kosovo le 27 juin 2015, l'ambiguïté persistante autour du statut juridique du Kosovo a constitué un frein à l'approfondissement des relations entre les deux partenaires. Tandis que les relations entre l'Union européenne et le Kosovo sont restées très soutenues en dehors du cadre du PSA au nom du principe de « diversité dans la reconnaissance mais unité l'unité dans l'engagement » ; dans le cadre du PSA, le Kosovo a longtemps accusé un net retard vis à des autres pays des Balkans occidentaux. Or, l'approfondissement des relations avec les autres pays des Balkans a contraint l'UE à revoir sa stratégie en direction du Kosovo, pour ne pas que celui-ci demeure une enclave marginalisée dans un ensemble de plus en plus intégré au marché commun. Dans ce cadre, le statut kosovar a finir par apparaître comme un frein insuffisant à la conclusion d'un ASA avec l'UE (A), au prix d'une innovation dans la tradition associative de l'Union européenne (B)

A) Le statut kosovar frein insuffisant à la conclusion d'un accord avec l'UE

Jusqu'en juin 2015, tous les pays des Balkans occidentaux avaient signé un ASA avec l'UE à l'exception du Kosovo. Le déploiement des ASA s'est fait en 3 phases dans les Balkans occidentaux : une première phase avec la Croatie et la Macédoine au début des années 2000, une deuxième phase avec l'Albanie, le Monténégro, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine qui ont signé leurs ASA entre 2006 et 2008. Ce n'est que 5 ans plus tard que l'ASA entre le Kosovo et l'Union européenne a été signé.

Ce retard peut s'expliquer par les problèmes juridiques crée par la spécificité de l'acteur kosovar. Pendant longtemps l'UE se sentait en effet bloquée dans le cadre du PSA, car sans reconnaissance explicite de sa souveraineté par les institutions européennes, le Kosovo pouvait être vu comme manquant de la personnalité juridique nécessaire à la signature d'un ASA. Dès lors, les refus persistants de la Roumanie, la Grèce, l'Espagne, de Chypre et de la Slovaquie à reconnaître le Kosovo entravait la capacité d'action de l'UE en l'empêchant de prendre toute action susceptible

80« Etude de faisabilité concernant un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo* », 10/10/2012 COM(2012) 602 final.

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d'être interprétée comme une reconnaissance de sa part. On notera néanmoins ici l'ambiguïté pour ces États ne reconnaissant pas le Kosovo d'avoir accepté l'inclusion du Kosovo au sein du PSA, un processus dont l'issue naturelle est l'adhésion.

Le verrou qui est longtemps restée posé sur les relations entre l'Union européenne et le Kosovo dans le cadre du Processus de Stabilisation et d'Association venait de l'incertitude quant à la forme d'accord qu'on pouvait mettre en place avec le nouvel État. En effet, jusqu'à présent, les ASA avaient toujours été conclus avec des États reconnus par tous les Etats membres de l'Union européenne.

La conclusion de l'ASA entre l'Union européenne et le Kosovo doit beaucoup aux évolutions institutionnelles introduites par le Traité de Lisbonne. En effet, celui-ci a doté l'Union européenne d'une personnalité juridique81, ce qui lui permet désormais de négocier et conclure seule des accords avec d'autres Etats ou organisations internationales, en son nom propre et dans le domaine de ses compétences propres. Dans le cadre de la procédure ayant abouti à la création de l'ASA entre l'UE et le Kosovo, on peut remarquer une importante ambiguïté, qui démontre que les enjeux liés au Kosovo ont obligé les Etats membres à dépasser le frein de la question statutaire.

Dans un premier temps, on constatera que l'ASA UE-Kosovo constitue le premier accord d'association non mixte dans l'histoire des accords internationaux de l'UE. Si dans la pratique, les ASA étaient des accords mixtes, dans les faits, cette mixité pouvait être considérée comme une mixité de courtoisie, destinée à ménager un équilibre entre l'Union européenne et ses Etats membres. En effet, depuis l'arrêt Demirel du 30 septembre 198782, la base juridique de l'association a été clarifiée, octroyant à la Communauté une compétence propre sur tous les domaines couverts par les Traités. Dans cette optique, l'UE peut conclure par le biais de ses compétences propres un accord d'association complet et ambitieux, portant à la fois sur les dispositions des actuels TFUE et TUE. Dès lors, le caractère non mixte de l'ASA UE-Kosovo permet de ménager les positions des Etats membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo, sans pour autant bloquer l'action européenne et entraver les perspectives du Kosovo. De plus, l'accord ne faisant pas l'objet d'une procédure de ratification selon les procédures propres à chaque Etat membre, les Etats ne reconnaissant pas le Kosovo, évitent d'envoyer un message ambigu à leur population qui pourrait réveiller les velléités irrédentistes. En pratique, l'Accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'Energie atomique,

81 Article 47 TUE « L'Union a la personnalité juridique. »

82 CJCE, 30 septembre 1987, Demirel, 12/86

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d'une part, et le Kosovo*83 d'autre part, a été négocié entre octobre 2013 et mai 2014, a été paraphé en juillet 2014 et le Conseil de l'UE a marqué son accord pour la signature de celui-ci le 22 octobre 2015. Après une signature par Frederica Mogherini, Haute Représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et Johannes Hahn, Commissaire chargé de la Politique européenne de voisinage et des négociations d'élargissement, pour le compte de l'UE, l'accord a été finalement ratifié par le Parlement européen84.

A première vue donc, les autorités des Etats membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo n'ont donc pas eu à faire un geste en faveur de ce premier accord global et ambitieux entre l'UE et le Kosovo. Pourtant, si l'article 218 TFUE prévoit en effet une procédure d'adoption des accords internationaux ménageant les choix de ces dits Etats membres, par le recours à la majorité qualifiée, le Conseil de l'UE, a été en réalité omniprésent dans la venue au monde de l'ASA UE-Kosovo. Pour rappel, le Conseil de l'UE est l'institution représentant les gouvernements des Etats membres, où les ministres de tous les pays de l'Union se rassemblent pour adopter les lois et coordonner les politiques. En effet, même dans le cas d'un accord uniquement basé sur les compétences propres de l'Union, l'article 218 § 8 TFUE pose, à titre dérogatoire, que l'unanimité est nécessaire pour l'adoption des décisions du Conseil dans le cadre d'un accord d'association. Dès lors, si l'on observe la procédure de l'article 218 à cette nouvelle lumière, l'unanimité a été nécessaire pas moins de 4 fois, pour l'autorisation de l'ouverture des négociations, l'adoption des directives de négociations, l'adoption de la décision permettant la signature de l'accord et son application provisoire et enfin pour la décision de conclusion de l'accord, au sein desquelles sont rappelées que ces décisions ne constituent pas en des reconnaissances du Kosovo85. Les Etats membres ne souhaitant pas reconnaitre le Kosovo ont donc dû se prononcer lors de l'adoption de ces décisions, démontrant que la nécessité d'approfondir les relations entre l'Union européenne et le Kosovo prend le pas sur la question statutaire, à condition que les compromis effectués par les Etats membres bloqué par la question statutaire reste peu visible par leurs nationaux. Malgré

83 On notera la présence ici de la footnote.

84 « Signature de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo », Communiqué de presse, Conseil européen et Conseil de l'UE, 27/10/2015

85 Par exemple Décision (UE) 2015/1993 du Conseil du 22 octobre 2015 portant approbation de la conclusion, par la Commission européenne, au nom de la Communauté européenne de l'énergie atomique, de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo*, d'autre part, 6/11/2015 et Décision UE 2016/342 du Conseil du 12 février 2016, relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo*, d'autre part.

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cette implication « souterraine » de tous les Etats membres, l'ASA UE-Kosovo constitue une entorse en à la tradition en matière d'accord d'association du fait de sa non mixité (B).

B) L'ASA UE-Kosovo : entorse à la tradition de la mixité des accords d'association de

l'UE

Comme nous l'avons vu précédemment, jusqu'à l'ASA UE Kosovo, la pratique de l'Union était la mixité systématique des accords d'association de l'UE. Cette mixité systématique se justifiait politiquement par la nature étroite de la relation crée avec le partenaire associé. L'Association est en effet un type d'accord ambitieux prévoyant la mise en place de droits et d'obligations réciproques, mais aussi la possibilité de mener des actions en commun86, ce qui requiert la mise en place d'une structure institutionnelle qui édictera du droit dérivé de l'association. Dès lors, une des raisons pour laquelle les Etats ne voulaient pas s'effacer derrière l'Union, c'est que l'association crée des obligations. Nous avançons que le recours à cette non-mixité de l'association ne sera pas forcément pérennisé. En effet, et d'une part, le Kosovo était le dernier Etat des Balkans occidentaux à ne pas profiter d'un ASA, et l'ajustement juridique dont l'ASA UE-Kosovo a bénéficié a sans doute été justifié par la certitude que cet accord serait le dernier de ce genre. D'autre part, en dehors du cadre associatif, la Commission européenne a vu mettre un frein sur le développement d'une nouvelle doxa d'accords extérieurs, très ambitieux mais basé uniquement sur les compétences exclusives de l'Union87, par la Cour de Justice et par les Etats membres qui craignent de se sentir dépossédé dans un certain nombre de sujets sensibles.

A contrario, lorsqu'on compare l'ASA EU-Kosovo avec la génération d'ASA qui l'a précédé, seul le chapitre sur la circulation des travailleurs est absent, mais s'explique sans doute davantage par l'absence d'un accord sur les visas entre l'Union européenne et le Kosovo, que par la non mixité de l'ASA. De plus, un certain nombre d'articles font même leurs apparitions dans l'ASA UE Kosovo, qui n'étaient pas présent dans les ASA précédents. Ainsi, les dispositions relatives à l'administration publique88, absente de l'ASA UE-Serbie, ont directement trait à l'action stabilisatrice de l'UE, ayant vocation au renforcement de la nature étatique du Kosovo (Chapitre 2).

86 Article 217 TFUE.

87 « Avis 2/15, L'accord de libre-échange avec Singapour ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'Union européenne seule », Cour de Justice de l'Union européenne, Communiqué de presse n°52/17, 16 mai 2017.

88 Article 120 ASA UE Kosovo

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Chapitre 2 : une action stabilisatrice de l'UE renforçant incidemment la
nature étatique du Kosovo

Dans le cadre du PSA, les Etats des Balkans disposent désormais d'une perspective européenne. En vertu de celle-ci, ils se sont lancés dans un processus de reprise de l'acquis de l'UE et de mise en conformité avec les exigences des 28, dans l'objectif d'obtenir un jour le statut d'Etat membre. Consciente de la persistance de « poudrières » dans les Balkans, l'UE a décidé de faire de la stabilisation une composante majeure de son approche à destination de ses Etats. Dès lors, l'Union a décidé d'agir sur les deux pôles de déstabilisation potentielle de la région : D'une part, l'UE s'engage dans la normalisation des relations Serbie-Kosovo (Section 1) afin d'éviter que les crispations ethniques entrainent une nouvelle flambée de violences. D'autre part, une zone pacifiée est une zone composée d'Etats stables et fonctionnels. Pour répondre à ce deuxième objectif, l'UE va mettre en oeuvre un state-building d'une ampleur inédite au Kosovo (Section 2).

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