II.11. LA PARENTHÈSE
COMME MÉTALANGAGE ET MÉTADISCOURS
Perçue comme métalangage et métadiscours,
la parenthèse mêle deux niveaux énonciatifs. Car
l'énonciation principale ressort du niveau assertif alors que la
parenthèse est tributaire du niveau méta-énonciatif ou
métalangagier appelé narratologiquement parlant '' niveau
métanarratif''. Ses composantes, bien qu'appartenant au locuteur,
instancient la distance que ce dernier affiche vis-à-vis de ses
illocutions. Cela s'illustre dès lors que Birahima installe une
parenthèse dans ses activités de narration pour commenter,
corriger, parler de son histoire. Il importe de constater qu'en tant que
marqueur énonciatif, la parenthèse devient donc un outil
d'ajustement du langage par le locuteur. Elle se revêt certes de diverses
fonctions énonciatives : autocorrection, commentaire, digression,
etc. Ce qui fait que toutes ses composantes sont considérés comme
des métalangages du discours sur lui-même. Ce qui s'élucide
dans ce passage :
« Nous (c'est-à-dire le bandit boiteux,
le multiplicateur de billets de banque, le féticheur musulman, et moi,
Birahima, l'enfant de la rue, sans peur ni reproche, the small-soldier), nous
allions vers le sud quand nous avons rencontré notre ami Sekou, le
paquet à la tête, qui montait du sud vers le nord. »
(p.131)
Dans ce passage, le locuteur désigné par
l'indice personnel « Nous » apporte un métalangage
en précisant les composantes de ce « nous » qui
réfère au groupe dont il fait partie. Les autres marques de sa
présence sont le « moi » et le
« notre » qui sont tous employés par
référence au « je » qui parle. Passant par la
particule explicative « c'est-à-dire », le
métalangage est aussi une composante qui déchire la
linéarité du fil textuel. Car il est sollicité et mis
en oeuvre selon l'intention du narrateur sans espace réservé
à l'unité syntaxique ou à l'énoncé. L'effet
de précision, d'explicitation est celui qui le caractérise dans
l'extrait ci-dessus. Il peut aussi être retrouvé dans cet autre
passage :
« Le spectacle était si désolant
que le colonel Papa le bon en a pleuré à chaudes larmes.
(Désolant signifie ce qui apporte des grandes douleurs. Mon Larousse.)
Mais il fallait voir un ouya-ouya comme le colonel Papa le bon pleurer à
chaudes larmes. Ça aussi c'était un spectacle qui valait le
déplacement. (Ouya-ouya, c'est un désordre, un vagabond
d'après Inventaire). (p.81)
Dans cette séquence extraite de l'oeuvre sous examen,
la parenthèse métalinguistique « Ouya-ouya, c'est un
désordre, un vagabond d'après Inventaire » intervient loin
de son déclencheur : «ouya-ouya». Cela confirme
l'idée hautement évoquée que le métalangage n'a pas
de position prédéfinie dans la phrase, dans
l'énoncé. Jeté comme pour conjurer les difficultés
de lecture, le métalangage constitue ici un mouvement
rétrospectif du locuteur sur son dire. Fréquemment vue chez
Birahima quand il ajuste son langage en cours de production en recourant
à l'explication lexicale de ses lexies, la parenthèse comme
métalangage provoque également la rupture énonciative
parce que l'énonciateur, dans les énoncés encadrés,
compromet la suite des faits énoncés en faveur de ses empreintes
identitaires. Mais la subjectivité de l'énonciateur dans ses
énoncés, rendue par la métalangue, ne véhicule pas
seulement les empreintes identitaires de l'instance émettrice, mais
aussi elle est une stratégie d'intimation de réception des
énoncés. Ce qui rejoint ce qu'affirme Franck NEVEU
(2011 :227-228) au sujet du métadiscours :
« Le terme de métadiscours sert à
désigner l'ensemble des faits relatifs à la
réflexivité langagière susceptible d'être à
l'oeuvre dans un discours (gloses, reformulations, paraphrases, deixis
discursive, etc.), l'énonciateur prenant l'énonciation comme
objet de discours( métaénonciation) pour l'évaluer, la
confirmer, l'ajuster, la corriger, la désigner, etc. »
Se fondant sur Inventaire des particularités
lexicales, comme pour installer la fonction d'attestation et la
modalité de croyance ou épistémique, le locuteur ajuste,
pour ainsi dire, ses propres illocutions. C'est la facture de la
subjectivité langagière que le narrateur plaque à ses
propos. Au fait, «les modalités épistémiques
[...] marquent l'expression d'une croyance ou d'une opinion, elles portent sur
la vérité subjective. » (Franck NEVEU,
Op.cit. : 233).En fait, dire que
« d'après Inventaire » la parenthèse mise en
exergue désigne telle propriété sémantique, c'est
lui affecter un tel degré de croyance que la vérité
linguistique mise en place reste incontournable. Donc telle
vérité provient de la source des illocutions confinées
dans la référence que le locuteur institue.
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