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La protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun


par André Junior BEDJOKO BEDJOKO
Université Catholique d’Afrique Centrale - Master en Droit Public 2023
  

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CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

Il était question dans cette partie de présenter dans quelle mesure il peut être dit que la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique est effective au Cameroun. Il a été observé dans un premier chapitre que cette protection passe par la consécration juridique des droits de ces victimes en la matière. Dans le deuxième chapitre, il a été observé qu'il existe des mécanismes bien précis pour matérialiser la protection de ces droits dans la pratique. À travers ces textes et actions, il est irréfutable que la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun est effective, néanmoins, pas de façon absolue. L'absolutisme de cette protection ne peut pas être affirmé eu égard à la présence de certains vices qui la gangrènent dans sa

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mise en exergue. Il est donc nécessaire à présent d'évoquer ces différents maux et de présenter quelques réformes pour limiter, voire éradiquer leur influence sur la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

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DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION LACUNAIRE DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

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Dans la première partie de ce travail, nous avons présenté les mesures prises par le gouvernement camerounais afin de garantir une protection satisfaisante des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il serait toutefois fallacieux pour celui-ci de prétendre à une protection absolue de ces droits. Il existe quelques irrégularités dans la pratique qui empêchent une protection optimale des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Ces mesures ne restent toutefois pas irrémédiables. Pour cette raison, après avoir présenté les lacunes relatives à la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun (Chapitre I), il sera judicieux d'énoncer les réformes envisageables pour les éradiquer (Chapitre II).

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CHAPITRE I : LES LACUNES GANGRÉNANT LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Il a été vu dans la première partie de ce travail que les expropriations pour cause d'utilité publiques sont des activités transversales, qui touchent plusieurs domaines d'activités au Cameroun. C'est aussi pour cela qu'on constate des bémols de divers natures dans la mise en oeuvre des droits des victimes en la matière. Dans le cadre de ce travail, nous avons concentré nos recherches sur les limites juridiques (Section I) et les limites sociologiques (Section II) qui minent la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

SECTION I : LES LIMITES JURIDIQUES FRAGILISANT LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Les limites juridiques dont il est question ici concernent les éléments présents ou omis dans les textes qui fragilisent la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Objectivement, nous avons pu relever des limites textuelles (Paragraphe I) et des limites juridictionnelles (Paragraphe II) en la matière.

PARAGRAPHE I : LES LIMITES TEXTUELLES RÉDUISANT L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Le calcul de la mercuriale terrestre constitue un véritable obstacle au paiement des indemnités liées aux expropriations pour cause d'utilité publique149 (A). Dans une autre mesure, on observe que les délais en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont généralement pas en la faveur des victimes expropriées (B).

149 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021.

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A - L'obsolescence des mercuriales en matière d'indemnisation

Au fil du temps, les zones vivables au Cameroun deviennent de plus en plus modernes et luxueuses, surtout dans les espaces urbains. Le Président de la République, S.E Paul BIYA, est le premier protagoniste de cet avancement en modernité avec la mise en oeuvre de divers projets structurants 150 . Cela s'est fait à travers l'adoption de diverses politiques de développement151, ce qui a permis au Cameroun d'accroître son offre d'infrastructures depuis l'année 2000. A ces politiques se sont ajoutées des diverses stratégies afin de prétendre à une l'émergence à l'horizon 2035. Ces stratégies ont d'abord été consacrées par l'adoption d'un texte appelé Document Stratégique pour la Croissance et l'Emploi (DSCE) en 2010152 pour la période allant de 2010 à 2020. Le DSCE était fondé sur le développement et la modernisation des infrastructures, le développement humain, l'intégration régionale et le financement de l'économie153. Arrivé au terme de sa période d'exercice, ledit document a été remplacé par la Stratégie Nationale de développement (SND30), toujours pour une période de dix (10) ans, soit, de 2020 à 2030. Toutes ces différentes démarches ont pour conséquence d'augmenter le rythme de développement sur l'étendue du territoire camerounais, surtout en zone urbaine.

Avec cet avancement dans le développement, les cours des terres augmentent parallèlement. Il y'a 10 ans, si une zone qui était pratiquement invivable devient de plus en plus moderne et sécurisé, il est évident que cette zone sera beaucoup plus convoitée, ce qui augmentera son coût sur le marché foncier. Toutefois, les textes ne prévoient pas cette évolution en la matière. Selon Samuel ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, la mercuriale des terres est aujourd'hui « anachronique », au regard de la hausse de la demande de ces terres aujourd'hui154.

En effet, la commission d'évaluation et de constat se base sur les textes prévus par la législation en vigueur pour négocier le montant des indemnisations avec les populations concernées. En l'espèce, pour l'indemnisation des terrains, la Loi de 1985 prévoit que « l'indemnisation des terrains nus et non viabilisés est faite selon les modalités ci-après : (1)

150 Ils sont appréhendés comme des projets de grande envergure qui ont pour objectif d'accroître le rythme de développement d'un pays.

151 Notamment les politiques de grandes ambitions entre 2004 et 2011, les politiques de grandes réalisations entre 2011 et 2018 et depuis lors, les politiques de grandes opportunités.

152 Document qui aménage la première phase du projet d'émergence visé par le Cameroun à l'horizon 2035

153 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 24.

154 P. 128 Ibid.

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lorsqu'il s'agit d'un terrain résultant d'une détention coutumière ayant donné lieu à l'obtention d'un titre foncier, l'indemnité ne peut dépasser le taux minimum officiel des terrains domaniaux non viabilisés. (2) lorsqu'il s'agit d'un terrain résultant d'une transaction normale de droit commun ou d'une acquisition des terrains domaniaux, l'indemnité due est égale au prix d'achat, majoré des frais divers d'acquisition ».155 Au sens de cette disposition, les indemnisations calculées pour les terrains vierges sont obtenues au prix d'achat qui comprend tous les frais d'acquisition d'un terrain. Cela paraît relativement absurde dans la mesure où l'indemnité reçue aujourd'hui ne reflèterait en aucun cas sa valeur actuelle sur le marché, eu égard aux avancements en termes de développement. Il sera donc difficile, voire impossible pour une victime de s'installer sur un autre terrain de la même valeur aujourd'hui avec indemnisation qui est dix fois moins que ce qui lui est demandé156.

Dans la même veine, les terrains aujourd'hui sont largement plus coûteux que les tarifs fixés par la Circulaire ministérielle de 1994157. C'est aussi le cas pour le Décret de 2003 qui fixe les indemnités dues aux cultures et arbres cultivés expropriés158. Aujourd'hui, les cours des ressources agricoles ont triplés, surtout avec la récente pandémie de COVID-19. Lors de cette pandémie, toutes les activités économiques et commerciales étaient en stand-by, ce qui faisait les activités en général et les activités agricoles en particulier, très difficiles à cause d'un arrêt de production de ressources liées à ces activités, ce qui rendait les frais d'agriculture très couteux dans la pratique. Pour cette raison, il est incompréhensible qu'aujourd'hui, les cultures de jeunes cotonniers soient indemnisées à FCFA 100 (cent)/pied159, pourtant il faudrait beaucoup plus que ça pour qu'un agriculteur produise cette ressource par saison. Cela fragilise énormément le droit à l'indemnité dû aux victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

Une obscurité juridique160 peut aussi est observée dans la loi de 1985 quand elle dispose que « la valeur des constructions et des autres mises en valeur est déterminée par la

155 Article 9 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

156 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 129.

157 Circulaire n°0001 du 22 mars 1994 du Vice-Premier Ministre chargé de l'urbanisme et de l'habitat fixant les prix minima de vente des terrains domaniaux.

158 Décret n° 2003/418/PM du 25 février 2003 fixant les tarifs des indemnités à allouer au propriétaire victime de destruction pour cause d'utilité publique des cultures et d'arbres cultivés.

159 Article 1(V) Ibid

160 Paul FORIERS, les lacunes du Droit, Journal Article, Avril 1967, www.jstor.org .

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commission de constat et d'évaluation »161. Par cette disposition, rien ne précise sur quelle base la Commission d'évaluation et de constat devrait se baser pour déterminer la valeur d'une construction expropriée pour cause d'utilité publique. Au demeurant, Samuel ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA décrient cela en précisant les lamentations de la population expropriée à Kribi quand ils établissent que « la commission utilisait 1500 FCFA et 2000 FCFA pour les indemnisations »162.

Il apparaît dès lors que l'anachronisme des textes relatifs aux expropriations pour cause d'utilité publique en vigueur au Cameroun, fragilise énormément les droits des victimes des ces procédures. Cela n'est cependant que la partie submergée de l'iceberg, vu les délais qui ne sont pas en la faveur des victimes en la matière.

B - Le caractère expéditif des délais en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun

Pour Maurice KAMTO, le délai est un élément sacro-saint en Droit administratif procédural163. Pour cette raison, peu importe leur quintessence, les parties concernées dans un contentieux administratif quelconque, sont dans l'obligation de les respecter sous peine d'être frappées par les conséquences prévues par la réglementation en vigueur.

En matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, eu égard à son caractère administratif, les délais sont tout aussi importants. Toutefois, on constate que les délais consacrés ne sont pas en la faveur des victimes de telles expropriations et ce, à plusieurs reprises. Tout d'abord, le délai prévu pour le déguerpissement des victimes frappées d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun est relativement d'une très courte durée. La loi de 1985 prévoit que « un préavis de six mois à compter de la date de publication du décret d'expropriation, est donné aux victimes pour libérer les lieux. Ce délai est de trois mois en cas d'urgence »164. De nos jours, il n'est pas du tout évident de trouver un terrain en zone urbaine à un prix raisonnable pour le citoyen lambda. En plus de cela, si une victime n'a

161 Article 10 alinéa 2 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

162 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 129.

163 Maurice KAMTO, Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, Presses universitaires du Cameroun, 1990.

164 Article 4 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

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que les indemnisations qui lui sont reversées par la personne morale de Droit Public expropriatrice, cette tâche sera encore moins évidente. Alors, dire qu'une personne ne dispose que d'un délai de six (06) mois pour trouver un terrain approprié et en plus lancer des travaux de construction pour y vivre, est totalement injustifiable. Pire encore, si l'expropriation est marquée du sceau de l'urgence, alors, la victime ne disposera que de trois (03) mois pour effectuer toutes ces démarches. Ceci est logiquement impossible.

Si l'on appréhende cela d'une autre manière, en supposant que la victime pourra d'abord recourir à la location d'un espace d'habitation, ces délais demeurent tout aussi très brefs et insuffisants. Cela s'explique par le fait qu'avant d'entrer en location, la plupart, sinon, la totalité des bailleurs exigent le paiement d'un acompte sur loyer. Cet acompte oscille pour la plupart entre six (06) et douze (12) mois. On constate alors qu'il est impossible pour une victime de payer l'équivalent d'un loyer de six mois dans le délai prévu par la Loi de 1985 (en supposant qu'une bonne partie des délais se serait déjà écoulée pour trouver un espace correspondant au standing de l'exproprié) et en même temps payer pour l'achat d'un terrain et des constructions y afférentes avec le montant insignifiant des indemnisations qui lui serait remis. Cette disposition sur les délais de déguerpissement ne favorise alors en aucun cas les victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

Les délais sont aussi préjudiciables pour ces victimes quand il s'agit de contestation du montant des indemnités prévu par la réglementation en vigueur. La loi de 1985 précise à ce sujet que « 1- En cas de contestation sur le montant des indemnités, l'exproprié adresse sa réclamation à l'administration chargée des domaines. 2- S'il n'obtient pas satisfaction, il saisit un délai d'un mois, à compter de la date de notification de la décision contestée, le Tribunal judiciaire compétent du lieu de situation de l'immeuble. 3- Conformément à la procédure et sous réserve des voies de recours de droit communs, le tribunal confirme, réduit ou augmente le montant de l'indemnité suivant les modalités d'évaluation fixées dans la présente loi et ses textes d'application. »165 Deux principaux bémols peuvent être déduits de cette disposition. Tout d'abord, il ne précise pas en combien de temps l'administration en charge des domaines devrait vider sa saisine, afin de potentiellement déduire un silence rejet166. Ainsi, la victime ne saurait exactement à quel moment saisir le juge compétent pour contester le montant d'indemnisation, si l'administration chargée des Domaines retarde son

165 Article 12 Ibid.

166 Joseph OWONA, Le Contentieux Administratif de la République du Cameroun, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005, Paris, l'Harmattan, 2011.

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délibéré. Ensuite, le délai d'un mois prévu en cas de réaction de la part de l'administration concernée pour saisir le juge judiciaire est relativement court. Durant cette période, la victime devra rassembler le plus d'éléments possibles pour pouvoir saisir le juge, dans l'optique d'obtenir gain de cause. Malencontreusement, ce laps de temps est relativement court pour rassembler le plus d'éléments nécessaires en la matière.

Dans la même dynamique, les délais accordés à l'administration expropriatrice pour débuter les travaux de construction sur la zone expropriée agissent en la défaveur de la victime. Le Décret de 1987 prévoit que « L'Arrêté de déclaration d'utilité publique devient caduc si, dans un délai de 2 (deux) ans à compter de la date de sa notification au service ou organisme bénéficiaire, il n'est pas suivi d'expropriation effective. Toutefois, sa validité peut être prorogée une seule fois par arrêté du Ministre chargé des Domaines pour une durée n'excédant pas (1) an... »167. Il est insoutenable que pendant que les victimes expropriées ne disposent que de six mois pour déguerpir, la personne morale de Droit Public expropriatrice a jusqu'à deux (2) ans pour débuter les travaux de construction sur le domaine exproprié. Cela veut aussi dire que les victimes ne peuvent pas avant deux ans saisir les juridictions compétentes pour caducité du décret d'expropriation pour cause d'utilité publique. Cela démontre à suffisance le caractère puissant de l'administration face aux populations vulnérables.

Ces délais il faudrait le dire, affaiblissent énormément les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. C'est aussi de cette manière que les institutions juridictionnelles ne facilitent pas toujours les vies des populations victimes d'expropriations de cette nature.

PARAGRAPHE II : LES LIMITES JURIDICTIONNELLES RÉDUISANT L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Les limites juridictionnelles dont il est question ici concernent les failles relatives au système juridictionnel au Cameroun, qui a pour compétence d'entendre les litiges liés aux expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Dans ce type de litige, on y retrouve des traces du contentieux administratif qui revêt de plusieurs complexités que les

167 Article 13 du Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

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requérants ont souvent de la peine à cerner (A). On constate aussi que l'accès à la justice au Cameroun ne facilite pas aussi la tâche au requérant en matière de contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun (B).

A - La complexité du contentieux administratif au Cameroun

Le contentieux administratif au Cameroun est une procédure nouvelle dans le système juridictionnel camerounais. Il a été observé plus haut que le juge administratif est compétent dans un certain nombre de domaine du Contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. Ainsi, la procédure complexe du Contentieux administratif impacte sérieusement celui des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Le préalable à la saisine du juge administratif est la saisine de l'autorité accusée d'avoir posé un acte illégal à travers le « recours gracieux préalable ». La loi de 2006 régissant les tribunaux administratifs dispose à ce sujet que « Le recours devant le tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l'établissement public en cause. »168. Le recours gracieux, communément appelé Recours Gracieux Préalable (RGP), apparaît comme une condition sine qua non pour pouvoir saisir la juridiction administrative compétente en la matière.

La contestation pour excès de pouvoir du Décret portant expropriation pour cause d'utilité publique d'un domaine ou encore de l'Arrêté déclarant d'utilité les travaux de construction doivent respecter la procédure prévue par la réglementation en vigueur. La plupart des requérants considèrent les procédures dans ce type de contentieux assez complexes, ce qui pourrait les décourager à engager des procédures contentieuses, afin que justice leur soit rendue. Le recours gracieux préalable est une reprise des dispositions française en matière de contentieux administratif169. Son application a toujours été critiquée par les acteurs de ce type de contentieux. Ils ne trouvent pas la nécessité de saisir l'administration qui a pris un acte potentiellement illégal, alors qu'ils peuvent directement

168 Article 17 alinéa 1 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs au Cameroun.

169 Article 12 de l'ordonnance n° 72/06 du 26 août 1972

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saisir la juridiction compétente. Pour Maurice KAMTO, le RGP est considéré comme un « véritable casse-tête »170.

Dès lors, le Contentieux administratif comprend des subtilités qui gangrènent à certains égards la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Dans une autre mesure, l'accès à la justice au Cameroun réduit aussi l'effectivité de la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

B - Le difficile accès à la justice au Cameroun

L'accès à la Justice au Comprend quelques particularités qui ne permet pas toujours aux populations de l'atteindre. Cela réduit la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. L'accès à la justice administrative au Cameroun est difficile pour plusieurs raisons, dont les plus préoccupantes ont été retenues dans ce travail.

Tout d'abord, nous avons relevé l'insuffisance des tribunaux administratifs au Cameroun. La loi de 2006 régissant les tribunaux administratifs au Cameroun dispose que « i1 est créé un tribunal administratif par région. Son siège est fixé au chef-lieu de ladite région. »171. On constate qu'en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, il existe tellement de contentieux. Les populations expropriées désirant saisir le juge administratif après le RGP ne peuvent que le faire dans l'unique tribunal administratif situé dans la région de l'emplacement géographique du domaine exproprié. Cela se présente comme un réel supplice pour les populations de se rendre à cette institution juridictionnelle pour que justice leur soit rendue. Dans la plupart des cas, les personnes expropriées sont des propriétaires terriens résidant dans des zones vraiment reculées et enclavées. Elles sont dans l'obligation de quitter ces zones pour le tribunal administratif compétent en bravant parfois des centaines de kilomètres, sur des routes qui ne sont pas généralement en très bonnes formes. Il se pose donc le problème de la distance entre le lieu de résidence du requérant et l'emplacement géographique du tribunal administratif compétent en matière de constatation d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun.

170 M.KAMTO, « Droit administratif processuel du Cameroun », Yaoundé, Presses universitaires du Cameroun, 1990, pp. 39.

171 Article 5 alinéa 1 de la Loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs au Cameroun

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Ensuite nous avons aussi relevé le coût de la justice au Cameroun, qui n'est pas à la portée de tous. En règle générale, la justice au Cameroun est rendue en toute gratuité172. Toutefois, cela ne concerne que les frais qui pourraient être déboursés pour payer les juges. On constate dans la pratique qu'il existe énormément de frais accessoires aux procédures juridictionnelles qui sont à la charge du requérant. Delphine BARDOU distingue de divers frais en la matière. Il s'agit des frais d'huissier, les honoraires des avocats à payer, les timbres, l'indemnisation des témoins, les émoluments, les frais d'expertise et d'enquêtes. On peut même y ajouter, le cas échéant, les coûts de déplacement au procès et les frais d'hébergement, en cas de descente sur le terrain173. Tous ces frais sont à la charge du requérant, malgré que ces sommes lui seraient reversées en cas de gain de cause.

Selon la Stratégie Nationale de Développement 2030 (SND30), le taux de pauvreté au Cameroun est estimé à 37,5 % et le taux de sous-emploi est évalué à 77%174. Ces taux très élevés démontrent à suffisance le pouvoir pécuniaire de la population camerounaise. Il est donc difficile pour ces populations expropriées qui font déjà face à de nombreux coûts de la vie, d'envisager de quelconques actions en justice où ils devront payer tous ces frais accessoires aux procédures juridictionnelles. Cela a tendance à limiter en réalité les droits dont les victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun auraient pu bénéficier.

Il est reconnaissable à ce stade que les efforts juridiques fournis par le gouvernement camerounais pour protéger les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun demeurent insuffisantes. Cette protection est aussi mitigée à cause de diverses entraves sociologiques qu'il est nécessaire d'évoquer ici.

SECTION II : LES LIMITES SOCIOLOGIQUES GANGRENANT LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Les limites sociologiques ici sont ceux qui ne sont pas directement liés à la réglementation concernant les expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Le

172 La loi n° 2009/004 portant organisation de l'assistance judiciaire

173 Delphine BARDOU, quelle prise en charge des frais de justice par l'assurance protection justice ?21 avril 2022, www.reassurez-moi.fr .

174 Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, p. 42

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constat est fait que les textes et les institutions juridiques à eux seuls ne sont pas les uniques responsables de la fébrilité de la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Nous avons relevé de nombreuses pesanteurs extra juridiques qui peuvent être imputables à la fois à l'administration publique expropriatrice (Paragraphe I) et les victimes des expropriations elles-mêmes (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES PESANTEURS SOCIOLOGIQUES IMPUTABLES A L'ADMINISTRATION PUBLIQUE EXPROPRIATRICE AU CAMEROUN

L'administration publique camerounaise, comme tout autre service public dans le monde, est régie par les lois Rolland175. Pour cette raison, elle doit faire preuve de beaucoup de tact quand elle mène ses activités au quotidien, surtout en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il est alors déplorable que de manière générale, on constate un niveau inquiétant de mauvaise gouvernance, dans la gérance de ses affaires courantes. Cette mauvaise gouvernance laisse malencontreusement aussi des traces dans les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun (A). Le système administratif camerounais qui est à l'image du système bureaucratique moderne176 comprend toutes ses caractéristiques néfastes qui se retrouvent dans les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique (B).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld