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La protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun


par André Junior BEDJOKO BEDJOKO
Université Catholique d’Afrique Centrale - Master en Droit Public 2023
  

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B - Les acteurs indépendants

Les acteurs indépendants en matière des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun sont ceux qui ne peuvent ni n'être rattachés aux institutions juridictionnelles, ni à l'administration active. Cependant, ils jouent un rôle tout aussi important que les précédents. Il s'agit concrètement de la Commission d'évaluation et de constat et des populations directement affectées par la procédure d'expropriation

La Commission d'évaluation et de Constat est une commission ad hoc créée pour mener les enquêtes relatives aux expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Elle est chargée « au niveau national, provincial ou départemental sur décision du Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat : - de choisir et de faire borner les terrains concernés, aux frais du bénéficiaire ; - de constater les droits et d'évaluer les biens mis en cause ; - d'identifier leurs titulaires et propriétaires ; - de faire porter les panneaux indiquant le périmètre de l'opération, aux frais du bénéficiaire. »126. On constate alors que c'est grace à cette commission que d'une part, la superficie exacte de la zone à exproprier est obtenue et d'autres part, les personnes pouvant être affectées directement ou indirectement par cette procédure, sont identifiées.

Concernant l'organisation de la Commission, elle comprend au niveau départemental127 : le Préfet ou son représentant (Président) ; le responsable du Service Départemental des Domaines (Secrétaire) ; le responsable du Service Départemental du Cadastre (Membre) ; le responsable du Service Local de l'Urbanisme et de l'Habitat (Membre) ; le responsable compétent des Mines et de l'Energie (Membre) ; le responsable du Service Départemental de l'Agriculture (Membre) ; le responsable du Service Départemental des Routes (Membre) ; le représentant du Service ou de l'organisme demandeur (Membre) ; le ou les Député (s) concerné (s) (Membre) ; le ou les Magistrat (s) Municipal (aux) (Membre) ; la ou les Autorité (s) traditionnelle (s) concernée (s) (Membre).

des indemnisations au Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 74-75.

126 Article 4 du décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

127 Article 5 alinéa 1 Ibid.

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Au niveau Régional, la Commission comprend 128 : le Gouverneur et son représentant (Président) ;le responsable du Service Provincial des Domaines (Secrétaire) ;le ou les Préfet (s) concerné (s) ou leurs représentants (Membre) ; le responsable du Service Provincial du Cadastre (Membre) ; le responsable du Service Provincial de l'Urbanisme et de l'Habitat (Membre) ; le responsable du Service Provincial chargé des Mines et de l'Energie (Membre) ; le responsable du Service Provincial de l'Agriculture (Membre) ; le responsable du Service Provincial des routes (Membre) ; le représentant du Service ou de l'organisme demandeur (Membre) ; le ou les Député (s) concerné (s) (Membre) ; le ou le Magistrat (s) Municipal (aux) concerné (s) (Membre) ; la ou les Autorité (s) traditionnelle (s) concernée (s) (Membre) Au niveau National, la Commission comprend129 : le Ministre chargé des Domaines ou son représentant (Président) ; le Directeur des Domaines ou son représentant (Secrétaire) ; le ou les Préfet (s) concerné (s) (Membre) ; le Directeur du Cadastre ou son représentant (Membre) ; un représentant du Ministre de l'Agriculture (Membre) ; un représentant du Ministre des Mines et de l'Energie (Membre) ; le Directeur de l'Habitat ou son représentant (Membre) ; le représentant du Service ou de l'organisme demandeur (Membre) ; le ou les Député (s) concerné (s) (Membre) ; la ou les Autorité (s) traditionnelle (s) concernée (s) (Membre)

Ces différentes commissions sont nommées au niveau départemental, régional et national par le Préfet, Gouverneur et Ministre en charge des domaines, respectivement130.

L'organisation succincte de la commission d'évaluation et de constat, permet une fluidité des procédures d'expropriation et permet une récolte d'informations fiable, pour pouvoir indemniser les victimes.

Dès réception de l'arrêté déclarant les travaux d'utilité publique, le président de la commission de constat et d'évaluation le notifie aux autorités administratives intéressées c'est-à-dire le préfet et le magistrat municipal du lieu. Le président en assure la publicité par voie d'affichage à la préfecture, à la mairie, à la sous-préfecture, au Service départementale des domaines et à la chefferie du lieu de situation du terrain. Les populations concernées sont informées au moins trente (30) jours à l'avance, du jour et de l'heure de l'enquête par convocations adressées aux chefs et notables131. L'enquête est menée dans toutes ses phases en présence des propriétaires des fonds et des biens qu'il supporte. Les notabilités et les

128 Article 5 alinéa 2 Ibid.

129 Article 5 alinéa 3 Ibid.

130 Article 6 Ibid.

131 Article 6 Ibid.

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populations doivent y être associées. La commission peut avoir au préalable arrêté elle-même la liste exhaustive des propriétaires des biens à détruire. Elle peut constituer une sous-commission technique de trois membres (03) au moins à l'effet d'expertiser une catégorie de ces biens. Le travail de la sous-commission est exécuté sous la responsabilité et le contrôle de la commission entière qui en contresigne les documents. « À la fin de l'enquête, la commission de constat et d'évaluation dresse trois procès-verbaux132 : un procès-verbal d'enquête relatant tous les incidents éventuels et les observations des personnes évincées ; un procès-verbal de bornage et le plan parcellaire du terrain retenu, établis par le géomètre membre de la commission ; un état d'expertise des cultures signé de tous les membres de la commission. »133

Le dossier ci-dessus est ensuite transféré au Ministre chargé des Domaines pour pouvoir préparer le décret portant expropriation pour cause d'utilité publique d'un domaine précis134.

A ce stade, il faudrait apprécier l'énorme rôle que joue la Commission d'évaluation et de constat dans la préservation des intérêts des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Pour faciliter d'avantage ces procédures, les populations victimes sont tenues de collaborer avec la Commission.

Le législateur a voulu que les victimes des expropriations ne soient pas juste frappées de cette procédure, mais qu'elles y participent. Pour ces motifs, les populations expropriées doivent autant que faire se peut collaborer avec la Commission d'évaluation et de constat dans les enquêtes préalables aux procédures d'expropriation.

Les victimes expropriées doivent participer aux négociations préalables pour fixer avec la Commission le montant de l'indemnisation qui doit leur être reversé. Les textes prévoient que « Avant le recours à l'expropriation pour cause d'utilité publique en faveur des collectivités publiques locales, des établissements publics, des concessionnaires de service public ou des sociétés d'Etat en vue de la réalisation des travaux d'intérêts général, ces derniers doivent procéder aux négociations préalables avec des propriétaires ou ayants-droits concernés. »135

132 Joseph OWONA, Domanialité Publique et expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2012. p. 80.

133 Article 12 Ibid.

134 Ibid.

135 Article 15 du Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

Avec cette participation, il est mis en exergue le principe de la gouvernance participative qui voudrait une implication particulière des populations dans la mise en oeuvre des politiques de l'Etat.

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CHAPITRE II : L'OPÉRATIONNALISATION DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

L'Etat du Cameroun après avoir établi un cadre juridique consacrant les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique, se doit d'oeuvrer de façon beaucoup

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plus pratique. Cela forgera comme il se doit la protection des droits des victimes de ces procédures au Cameroun. Pour ce faire, on constate un fort dynamisme des instances juridictionnelles qui agissent pratiquement dans le cadre de cette protection (Section I). L'on note aussi la mise en oeuvre de divers politiques par l'administration publique afin d'atteindre le même objectif (Section II).

SECTION I : LE DYNAMISME DES INSTANCES JURIDICTIONNELLES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Comme il a été présenté plutôt dans ce travail, il existe plusieurs tribunaux compétents en matière de contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. On constate que ces tribunaux agissent de manière dynamique au travers des décisions qu'ils auraient rendues en la matière. Ces différentes décisions fortifient concrètement la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Nous avons retenu l'implication du juge administratif (Paragraphe I) et du juge judiciaire (Paragraphe II) dans le cadre de cette étude.

PARAGRAPHE I : L'IMPLICATION DU JUGE ADMINISTRATIF DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Malgré le rôle secondaire136 que joue le juge administratif dans le contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, celui-ci prend de sérieuses décisions qui impactent sur la protection des droits des victimes de ces expropriations. Ainsi, l'on distingue l'annulation des actes liés aux expropriations (A) et le constat de l'illégalité des procédures d'expropriation (B) par le juge administratif.

A - L'annulation des actes liés aux expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun par le Juge Administratif

136 Dû à la prépondérance du juge judiciaire en la matière

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Afin de pouvoir procéder à une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, il a été établi que le Ministre chargé des Domaines doit au préalable prendre un Arrêté déclarant d'utilité publique les projets de travaux sur l'espace à exproprier137. Le juge administratif si saisi, a le pouvoir d'annuler cet Arrêté pour « excès de pouvoir ». L'excès de pouvoir est constaté ici si le projet ne va pas dans le sens d'une satisfaction collective de l'intérêt général. Ainsi, le juge administratif en annulant une DUP, protège les intérêts des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

A titre d'illustration, dans l'affaire Dikalo-Bali du 25 mai 2023, le Tribunal Administratif du Littoral a statué en délibéré sur l'annulation de la Déclaration d'Utilité Publique prise par le Ministère chargé des Domaines. En 2022, le Ministre chargé des Domaines prit une DUP pour les travaux de construction de « l'Hotel Marriott » sur un espace appartenant à environs 80 familles. Ces familles possédaient des titres fonciers justifiant leur propriété sur cet espace depuis plusieurs années déjà. Toutefois, pour des motifs « d'utilité publique ». L'Etat décida le 14 mai 2022 de procéder à une procédure de déguerpissement en détruisant les constructions se trouvant sur ce vaste espace situé à Dikalo-Bali, à Douala. Les victimes de ce sinistre ont saisi le juge administratif en recours collectif afin de contester la DUP prise sur cet espace.

Un an plus tard, le 25 mai 2023, le juge administratif déclara que la construction d'un Hôtel de luxe ne constitue en aucun cas une cause d'utilité publique. Ainsi, il déclara l'Arrêté pris par le Ministre en charge des Domaines, caduc.

On constate là une protection perceptible des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique. Le droit de jouissance de l'utilité publique devant exister dans les expropriations pour cause d'utilité publique était absent dans l'affaire Dikalo-Bali. Le juge ne pouvait donc pas statuer en faveur de l'Etat. Grâce à cette décision, la population a été mise au courant sur l'indispensable nécessité pour une expropriation de servir l'utilité publique. Il serait donc difficile dans l'avenir pour une DUP non fondée de voir le jour après une telle décision.

Le juge administratif en constatant l'illégalité d'une expropriation pour cause d'utilité publique protège aussi les droits des victimes en la matière.

137 Article 3 du décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987, Op cit.

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B - Le constat de l'illégalité des procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique par le juge administratif au Cameroun

GUIMDO est clair sur le fait qu'une expropriation pour cause d'utilité publique illégale est assimilée à une emprise irrégulière138. La jurisprudence a retenu que c'est le juge administratif qui est habilité à constater ces cas d'illégalité. En faisant cela, les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique sont sauvegardés.

Une affaire un peu plus ancienne démontre à quel point les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique sont protégés au Cameroun. Il s'agit là de l'affaire Veuve André TESTAS née Mathilde Jeanne c/ Etat du Cameroun. Dans cette affaire, Dame TESTAS était une veuve qui possédait un terrain dans les années 1970. Elle s'est vue saisie de son terrain en 1978 pour reclassement dans le domaine public artificiel de l'Etat. Ce qui attire notre attention dans cette saisie est le fait qu'aucune procédure d'expropriation n'a eu lieu avant de procéder à cette dépossession. Ainsi, elle a saisi le juge administratif afin qu'il puisse constater l'expropriation illégale qu'a effectué l'Etat sur son terrain. En 1982, le juge administratif déclara « Attendu que cette dépossession de son immeuble dont a été victime la requérante n'a été précédée d'aucune procédure d'expropriation, ni d'une autre ayant un caractère régulier ; que cela est d'autant vrai que c'est seulement le 27 février 1978 qu'intervint le Décret n°78/064 portant classement au domaine public artificiel de la parcelle de terrain propriété de dame veuve Testas, alors que les trottoirs étaient déjà achevés ; Attendu que cette dépossession irrégulière constitue à n'en pas douter une emprise »139. L'objectif pour le juge administratif dans cette affaire était de déterminer si la dépossession constituait une emprise irrégulière. Cela a été affirmé lorsqu'il établit que « attendu que cette dépossession irrégulière constitue à n'en pas douter une emprise ».

Ainsi, le juge administratif démontre que le respect de la procédure d'expropriation est indispensable pour qu'elle soit valide. Ainsi, la protection des droits des victimes de ces expropriations est observée à travers de telles décisions rendues par le juge administratif au Cameroun.

La suite de ce constat d'emprise irrégulière est comme il a été établi plus haut, la réparation et l'extinction par le juge judiciaire.

138 Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de Contentieux Administratif, Janvier 2021, p. 32. Op Cit

139 Jugement n°46/CS-CA/81-82 du 27 mai 1982, Madame veuve André Testas née Mathilde Jeanne c/ Etat du Cameroun. In Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de Contentieux Administratif, Janvier 2021, p. 33.

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PARAGRAPHE II : LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE PAR LE JUGE JUDICIAIRE AU CAMEROUN

Le juge judiciaire occupe une place prépondérante dans le contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. On a pu observer qu'après le constat de l'illégalité d'une expropriation pour cause d'utilité publique par le juge administratif, il appartient au juge judiciaire de réparer les victimes et de mettre fin au contentieux. Dès lors, la réparation des victimes (A) et l'extinction du contentieux par le juge judiciaire (B) au Cameroun.

A - La réparation des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique par le juge judiciaire au Cameroun

Une fois qu'une emprise irrégulière a été constatée par le juge administratif, il appartient au juge judiciaire de réparer la victime d'une telle irrégularité. En faisant cela, le juge judiciaire garantie une protection des intérêts des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

Une jurisprudence assez révélatrice en la matière sert de bouclier aux victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il s'agit de l'affaire MEDOU Gaston c/ Etat Fédéral du Cameroun du 23 mars 1971. En l'espèce, Sieur MEDOU Gaston était propriétaire d'une concession dans le département du Dja-et-Lobo. Malheureusement pour lui, des éléments de forces armées se sont accaparés de cette concession pour une période de huit mois, sur autorisation du Préfet de l'époque. Cet accaparement n'a été précédé d'aucune procédure d'expropriation, ce qui a été énormément préjudiciable pour Sieur GASTON. A la suite de cela, il a saisi les juridictions compétentes afin qu'une indemnité de 15.300.000 FCFA lui soit versée à titre de dommage et intérêt. La Cour Fédérale de Justice décida que « les éléments des forces armées ont pris possession de la concession du sieur MEDOU et qu'ils l'ont occupée pendant huit mois à la suite d'un ordre de l'autorité préfectorale du DJA et LOBO ; que cette occupation d'une propriété privée immobilière constitue une emprise qui, de surcroît, se trouve être irrégulière comme n'ayant pas été

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précédée d'une réquisition régulière des autorités militaires ni des autorités civiles »140. Le juge judiciaire ordonna à la suite de ce jugement le paiement des indemnités demandées au requérant.

Une fois de plus, une sécurité importante est garantie aux victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Grace à ce type de décision, les populations sont au parfum des indemnisations qu'elles doivent recevoir en cas d'illégalité d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun.

A la suite d'une réparation par le juge judiciaire, ce même juge a pour mission de mettre fin au contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun.

B - L'extinction du contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique par le juge judiciaire au Cameroun

La troisième et dernière étape dans ce type de contentieux est l'extinction141. Une fois que le juge administratif ait constaté l'emprise irrégulière et que le juge judiciaire a ordonné la réparation de la victime, le juge judiciaire encore doit mettre fin au contentieux. Cela a aussi pour conséquence de protéger les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité au Cameroun. Ceci dans la mesure où ce n'est qu'en mettant un terme au Contentieux que le bien illégalement exproprié peut être restitué à la victime.

Dans l'affaire KOUM JEMBA Joseph du 24 avril 1986, ce n'est qu'après que le juge administratif ait constaté l'emprise irrégulière et que le juge judiciaire ait ordonné le paiement des dommages et intérêt que le contentieux prend fin. En ses termes « s'il appartient au juge administratif de constater l'existence d'une emprise, d'en apprécier le caractère régulier ou irrégulier, seul le juge judiciaire a compétence pour octroyer des dommages-intérêts »142.

Dès lors, la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique est un fois de plus matérialisée à travers le rôle important que joue le juge judiciaire en la matière.

140 Jugement Arrêt N° 157/CFJ/CAY du 23 mars 1971, MLDOU Gaston c/Etat Fédéral du Cameroun. In Jean Calvin ABA'A OYONO, La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse de Doctorat, 1994, p. 327.

141 Bertrand-Raymond GUIMDO DONGMO, Cours de Contentieux Administratif, Janvier 2021, p. 33. Op Cit.

142 Jugement affaire KOUM JEMBA Joseph du 24 avril 1986. In Jean Calvin ABA'A OYONO, La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse de Doctorat, 1994, p. 329.

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Il apparait que les institutions juridictionnelles consacrées pour entendre le contentieux des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun prennent des décisions importantes pour assurer les droits des victimes de ces expropriations. On constate que les institutions non-juridictionnelles elles aussi agissent dans une dynamique similaire.

SECTION II : L'IMPLICATION DES INSTANCES NON-JURIDICTIONNELLES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Les instances non-juridictionnelles dont il s'agit ici renvoient aux acteurs qui interviennent dans les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique qui ne sont pas du ressort des tribunaux. On constate que l'administration publique met en place plusieurs mécanismes qui permettent une protection perceptible des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. La Commission d'Evaluation et de Constat qui est un organe ad hoc dans ces procédures elle aussi agit d'une manière similaire. Ainsi, après avoir présenté les mécanismes mis en place par l'administration publique camerounaise afin d'opérationnaliser la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun (Paragraphe I), les initiatives prises par la Commission d'Evaluation et de Constat seront aussi précisées (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LA VIVACITÉ DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE CAMEROUNAISE DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Lors des procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, l'intervention de différents départements ministériels est constatée. Dans le cadre de cette étude, nous avons relevé une forte prise d'initiatives par deux principaux départements ministériels dans l'optique de protéger les droits des victimes de ces expropriations au

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Cameroun. Il s'agit du Ministère du Développement Urbain et de l'Habitat (A) et du Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières (B).

A - L'opérationnalisation de la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique par le Ministère du Développement Urbain et de l'Habitat au Cameroun

Le Ministère du Développement Urbain et de l'Habitat (MINDUH) au Cameroun outre son rôle direct dans les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun 143 , est chargé d'établir une politique de planification urbaine. C'est à cette politique que les populations doivent se conformer afin de bénéficier des indemnisations en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun144. Ainsi, le MINDUH met en place de différents mécanismes pour amener les populations à se conformer aux différentes règles d'urbanisme.

Récemment, Le Ministre de l'Habitat et du Développement Urbain (MINHDU),, a présidé le 18 avril 2023 à Yaoundé l'atelier Bailleurs couplé à la signature des Contrats de ville avec les communes de Bélel du département de la Vina dans l'Adamaoua, Foumban du département du Noun dans la région de l'Ouest et Mouanko du département de la Sanaga Maritime, région du Littoral. Le Contrat de Ville est un instrument de mise en oeuvre à moyen terme, de la politique urbaine telle que définie dans les Documents de Planification Urbaine. Il s'agit d'un outil de mise en cohésion des actions de l'Etat avec la vision de développement émanant des magistrats municipaux et des populations. Il concourt à la réduction des écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines et l'amélioration des conditions de vie des habitants, en luttant notamment contre toute forme de discrimination145. Grâce à cet atelier d'échanges, les populations de la zone ont pu prendre connaissance de la politique urbaine définie par les Documents de Planification Urbaine. La prise en compte de cette politique permet aux populations d'être en marge avec la légalité et auront donc droit aux indemnisations en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique. Dès lors, l'on constate les actions entreprises par le MINDUH dans la mise en oeuvre de la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

143 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2021. p. 74-75. Op Cit.

144 Article 10 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation

145 Site Officiel du MINDUH, www.minhdu.gov.cm (Consulté le 06/07/2023)

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C'est dans cette même dynamique que les activités du Ministère de l'Administration Territoriale s'inscrivent.

B - La Mise en oeuvre de la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique par le Ministère du Cadastre, des Domaines et des Affaires Foncières

Le MINDCAF est l'administration directement chargée des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. C'est auprès d'elle que les demandes d'expropriation sont déposées par les autres administrations de l'Etat. Plus important encore, elle a pour mission de protéger les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il faudrait noter ici que c'est le MINDCAF qui est habilité à délivrer les titres fonciers au Cameroun146. La possession du titre foncier étant une condition sine qua non pour bénéficier des indemnisations en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique doit donc être promue par ce ministère. Ceci afin de protéger les intérêts de la population.

En 2021, nous avons assisteé à l'annulation de cinq faux titres fonciers par le Ministre chargé des Domaines au quartier PK17 à Douala. C'était alors une occasion pour le Ministre de rappeler aux détenteurs de tels titres et à la population toute entière, la nécessité d'obtenir des titres fonciers légitimes.

En faisant cela, le MINDCAF assure les arrières de la population dans l'éventualité de futures procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique. Ainsi, les droits de ces victimes sont sauvegardés à travers les activités de cette administration.

L'administration publique camerounaise joue dès lors un rôle remarquable dans la mise en oeuvre de politiques de protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. L'instance ad hoc créée dans le cadre de ces procédures agit aussi favorablement dans la protection des droits de ces victimes

PARAGRAPHE II : LES INITIATIVES DE LA COMMISSION D'ÉVALUATION ET DE CONSTAT DANS LE CADRE DE LA PROTECTION DES DROITS DES

146 Décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier, modifié et complété par le décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005

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VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Le principal souci de cette commission doit, en tout temps être la sauvegarde des intérêts des victimes de ces expropriations. Pour cette raison, on constate une collaboration entre ladite commission et les populations expropriées d'une part (A) et une célérité d'exécution de ses missions (B).

A - La collaboration de la Commission d'Evaluation et de Constat avec les victimes des expropriations pour cause d'utilité publique

Afin de faciliter les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique, les Commissions sont tenues de collaborer avec les victimes de ces expropriations147. Au cours de ces collaborations, d'importantes informations sont transmises aux victimes, qui sont toutes à leur intérêt. Par exemple, le délai de déguerpissement des lieux fixé à 6mois148 leur est transmis.

Aussi, les commissions établissent des rencontres avec les populations expropriées afin de discuter avec elles sur le montant qui devrait leur être reversé en guise d'indemnisation. Ceci est sans doute la partie la plus délicate de cette procédure. Si les négociations sont mal menées, les droits de ces victimes seront bafoués. Pourtant, il est question ici que les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique soient en tout temps respectés.

A titre d'illustration, un projet de mobilité urbaine a récemment été engagé dans la ville de Douala. Il faudrait alors que les personnes qui pourraient être affectées de près ou de loin par ce projet, collaborent avec la Commission d'évaluation et de Constat afin que des indemnisations puissent leur être reversées. A ce titre, la Commission est aussi tenue de collaborer avec la Communauté Urbaine afin qu'elles recensent ensemble toutes les pièces devant être présentées par les personnes affectées par ledit projet. Entre autres pièces exigées par la Communauté urbaine, figurent la photocopie de la Carte nationale d'identité (CNI), titre foncier, attestation de propriété, certificat de vente, etc). Le maire de la ville, invite les populations de se munir à toutes fins utiles, au passage des membres de cette commission,

147 Joseph OWONA, Domanialité Publique et expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005 Paris, l'Harmattan, 2012. p. 80. Op cit.

148 Article 4 de la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation

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desdits documents permettant la prise en compte de leurs biens potentiellement impactés par le projet de mobilité urbaine de Douala. Il s'agit des populations installées le long de certains itinéraires de la ville, déclarés d'utilité publique par le Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (MINDCAF).

La conséquence de cette collaboration sera sans l'ombre d'un doute une protection un peu plus solide des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Le même résultat est obtenu quand cette même commission travaille en toute célérité.

B - La célérité de la Commission d'Evaluation et de Constat dans l'exercice de ses missions

La Commission d'évaluation et de Constat fonctionne en marge avec des délais bien précis. Si ces délais sont respectés, les droits dus aux victimes des expropriations pour cause d'utilité publique leur seront aussi reversés dans un laps de temps raisonnable.

La Commission est tenue d'informer la population au moins 30 jours à l'avance du jour et de l'heure des enquêtes par convocations adressées aux chefs et notables. Si ces délais ne sont pas respectés, les populations ne pourront pas se préparer à temps pour les enquêtes. Cela aura pour conséquence de biaiser les droits des victimes des expropriations en la matière.

Dès lors, le respect des procédures apparaît comme un élément sacro-saint devant être respecté par la Commission. En faisant cela, la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun obtient une certaine crédibilité.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway