A - Les membres de l'administration active
Les membres de l'administration active sont perçus ici
comme les autorités exerçant leur pouvoir administratif au
quotidien et qui peuvent être rattachées au gouvernement
camerounais. L'on observe que presque tous les départements
ministériels au Cameroun sont impliqués de près ou de loin
aux procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Cependant, nous avons dû nous limiter dans ce travail de recherche
à deux principaux
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membres de l'administration active qui agissent dans cette
mesure. Il s'agit là du Ministre des Domaines, du Cadastre et des
affaires foncières et du Premier Ministre Chef du Gouvernement.
Le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires
Foncières est le chef du Ministère des Domaines, du Cadastre et
des Affaires Foncières (MINDCAF), nommé par décret
présidentiel, sur proposition du Premier Ministre Chef du
Gouvernement111.
Selon l'Article 3 du Décret du 18 septembre
2012112, le MINDCAF est responsable de l'acquisition et de
l'expropriation des biens immobiliers au profit de l'Etat et des autres
personnes morales de Droit Public113. Au sein de ce
département ministériel, il existe une Direction des Domaines
qui gère les questions relatives aux indemnisations. Cette
direction coiffe la sous-direction des expropriations et des indemnisations, et
le service des indemnisations.
La sous-direction des expropriations et des indemnisations
s'occupe inter alia de « la vulgarisation des normes et
procédures d'expropriation et d'indemnisation à respecter par les
administrations publiques, les collectivités territoriales
décentralisées et les autres personnes morales de droit public,
initiatrice de projets publics ayant une emprise sur le sol ; la conduite des
procédures légales d'acquisition des terrains par voie de droit
public et de l'apurement des droits indemnitaires des personnes
expropriées »114. Cette sous direction joue alors
un rôle prépondérant dans la sensibilisation des
administrations publiques sur la pertinence de respecter les procédures
prévues en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique et aux indemnisations au Cameroun.
Le service des indemnisations qui fait aussi partie de la
Direction des Domaines au MINDCAF, est chargé d'élaborer et de
suivre l'application des normes d'indemnisation. Il est chargé du
contrôle de l'apurement des droits indemnitaires des personnes
expropriées et du suivi de la gestion du contentieux de l'indemnisation
en liaison avec la Division des Affaires Juridiques115.
111 Article 10 alinéa 1 de la Constitution du 14 avril
2008
112 Décret n° 2012/390 du 18 septembre 2012 portant
Organisation du MINDCAF
113 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 72.
114 Ibid, p. 72-73.
115 Ibid.
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Le Ministre chargé des domaines quant à lui joue
un rôle transversal dans les procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun. Il est perçu comme la clé
de voûte des procédures d'expropriation pour cause
d'utilité publique au Cameroun.
Tout d'abord, sa saisine constitue la porte d'entrée
vers les travaux d'utilité publique au Cameroun. Le Décret de
1987 prévoit à ce sujet que « tout département
ministériel désireux d'entreprendre une opération
d'utilité publique saisit le Ministre chargé des Domaines d'un
dossier préliminaire en deux exemplaires comprenant . · -une
demande assortie d'une note explicative indiquant l'objet de l'opération
, · une fiche dégageant les caractéristiques principales
des équipements à réaliser et précisant notamment
. · a) la superficie approximative du terrain sollicité
dûment justifiée ; b) l'appréciation sommaire du coût
du projet y compris les frais d'indemnisation , · c) la date
approximative de démarrage des travaux ; d) la disponibilité des
crédits d'indemnisation avec indication de l'imputation
budgétaire ou de tous autres moyens d'indemnisation
»116. Le Ministre chargé des Domaines reçoit
donc toutes les demandes pour effectuer des opérations d'utilité
au Cameroun. Les départements ministériels concernés sont
tenus de veiller à ce que leurs dossiers comportent tous les documents
précités.
Ensuite, le Ministre en charge des Domaines est tenu
d'apprécier le bien-fondé des travaux. Si le Ministre estime que
les travaux sont dans l'intérêt de la population toute
entière, il prend un arrêté déclarant le projet
d'utilité publique. Concrètement, « (1) dès
réception du dossier, le Ministre chargé des Domaines
apprécie le bien-fondé des justifications du projet.(2) Lorsqu'il
juge le projet d'utilité publique, il prend un arrêté
déclarant d'utilité publique les travaux projetés en
définissant le niveau de compétence de la commission
chargée de l'enquête d'expropriation dite commission de constat et
d'évaluation. »117 Nous avons relevé plus
haut que le Ministre chargé des domaines doit se substituer à la
population pour déterminer si des travaux leur seront collectivement
bénéfiques ou pas. Si le Ministre estime qu'en effet, les projets
ont une orientation de satisfaction de l'intérêt
général, il prend par voie d'arrêté une
déclaration d'utilité publique. Cette déclaration a pour
conséquence d'introduire la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique, qui sera confirmée par le Président de
la République ou, le cas échéant, par le Premier Ministre
Chef du Gouvernement.
116 Article 2 du décret n° 87/1872 du 16
décembre 1987 portant application de la loi n° 85/009 du 04 juillet
1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et
aux modalités d'indemnisation
117 Article 3, Ibid
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On constate que le rôle du Ministre des Domaines, du
Cadastre et des affaires foncières revêt d'une importance
irréfutable. Toutefois, l'exercice de ce rôle doit se faire avec
une précision chirurgicale de la plus haute délicatesse. Ceci est
dû au fait que le Ministre a en quelque sorte l'hygiène de vie des
populations entre ses mains. Il ne peut pas faire de jugement limitatif ou
passif mais doit agir dans l'intérêt de protéger les
intérêts des populations à exproprier. En faisant cela, il
contribue inéluctablement à la protection des droits des victimes
des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.
Nonobstant, le Ministre chargé des domaines ne peut pas
à lui seul régir la totalité d'une procédure
d'expropriation. C'est pour cette raison que son rôle est
inféodé à l'exercice des prérogatives du Premier
Ministre Chef du Gouvernement, en la matière.
Le Premier Ministre (PM) est hiérarchiquement le patron
du Ministre chargé des Domaines, qui fait partie du gouvernement. Il
intervient dans la protection des droits des victimes des expropriations pour
cause d'utilité publique au Cameroun à trois (03) niveaux.
Premièrement, le Premier ministre est au sens de la loi
chargé de l'exécution des lois118. Ainsi, est
chargé de combler les lacunes observées dans les textes de loi
adoptés par le Parlement. A la lumière du Décret n°
92/089 du 04 mai 1992, « Le Premier Ministre dispose en tant que de
besoin du pouvoir de signer les décrets d'application des lois
votées par l'Assemblée Nationale. »119. Il
joue donc un rôle important dans la précision des termes et de
l'orientation des dispositions législatives.
En matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, l'on peut observer cette prérogative à travers
l'entrée en vigueur d'un décret du Premier Ministre qui fixe les
tarifs des indemnités à allouer aux personnes qui ont subies des
destructions pour cause d'utilité publique des cultures et d'arbres
cultivés120. Ce décret est venu matérialiser la
volonté de la loi de 1985 relative à l'expropriation pour cause
d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation qui
prévoit que « les modalités de détermination de
la valeur des cultures détruites sont fixées par décret
»121. Dès lors, le PM est vu comme
l'autorité en charge de l'implémentation des procédures
détaillées des expropriations pour cause d'utilité
publique et des modalités d'indemnisation des différents types
d'immeubles expropriés.
118 Article 12 alinéa 2 de la Constitution du 14 avril
2008
119 Article 3 du décret n° 92/089 du 04 mai 1992
portant attributions du Premier Ministre
120 Décret n° 2003/418/PM du 25 février
2003 fixant les tarifs des indemnités à allouer au
propriétaire victime de destruction pour cause d'utilité publique
de cultures et d'arbres cultivés
121 Article 10 alinéa 1 de la loi n° 85/009 du 04
juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité
publique et aux modalités d'indemnisation
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Deuxièmement, le Premier Ministre Chef du Gouvernement
peut prendre des décrets portant expropriation pour cause
d'utilité publique. Initialement, cette prérogative
essentiellement dévolue au Président de la République
(PR). Cependant, les textes prévoient que le PM peut lui aussi prendre
des décrets de cette nature, sous réserve des prérogatives
dévolues au PR en la matière et d'une approbation expresse de
celui-ci122. Le Premier Ministre prend alors les décrets
portant expropriation pour cause d'utilité publique en se conformant
à la législation en vigueur, ce qui garantit une incontestable
sécurité juridique aux personnes expropriées.
Troisièmement, le Premier Ministre prend les
Décrets fixant les indemnisations des victimes frappées
d'expropriation pour cause d'utilité publique au Cameroun. En outre,
« il certifie, par décret, les montants des indemnisations
à allouer aux populations expropriées » 123.
Le Premier Ministre se base sur le rapport qui lui est soumis par la
commission d'évaluation et de constat pour prendre ce Décret.
À partir de là, et à la suite du précédent
type de Décret en la matière, l'expropriation pour cause
d'utilité est dite d'avoir été déclarée.
Pour préserver d'avantage les intérêts des
victimes des expropriations pour cause d'utilité publique, les
Décrets portant expropriation pour cause d'utilité publique et
indemnisation des victimes sont portés à la connaissance
générale du Publique. Cela est fait pour garantir la transparence
des procédures et offrir la possibilité de contester leurs formes
et/ou fonds. En règle générale, ils sont publiés en
français et en anglais dans le Journal Officiel et affichés
partout ou besoin, pour servir et valoir ce que de Droit124.
Il faudrait aussi reconnaître les rôles
joués par le Ministère de l'administration Territoriale et de la
Décentralisation (MINATD), le Ministère de l'Agriculture et du
Développement Rural (MINADER) et le Ministère du
Développement urbain et de l'Habitat (MINDUH) dans les procédures
d'expropriation pour cause d'utilité publique au
Cameroun125.
122 Article 2 alinéa 2 du décret n° 92/089 du
04 mai 1992 portant attributions du Premier Ministre
123 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique des indemnisations au Cameroun, Cas
de Lom Pangar, Mekin et Kribi, 5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique, 75005
Paris, l'Harmattan, 2021. p. 76.
124 A titre d'illustration, l'article 5 du Décret
n° 2012/1872/PM du 04 juillet 2012 portant expropriation et allouant des
indemnités aux personnes victimes de perte des droits fonciers et de
destruction des biens dans le cadre des travaux de construction de la ligne
d'évacuation d'énergie électrique et de deux stations de
transformation, sise au lieu-dit Mékin, Arrondissement de Meyessala,
Département du Dja et Lobo, précise que « le
présent décret sera enregistré, puis publié au
Journal Officiel en français et en anglais ».
125 Samuel-Béni ELLA ELLA, Fidélie MENDOUGA et
Pierre NKOU ABINA, Sociologie critique
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Dès lors la protection des droits des victimes des
expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun est ferme,
objective et réelle grâce à ces membres de l'administration
active. Les acteurs indépendants en la matière contribuent aussi
efficacement à cette protection
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