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La protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun


par André Junior BEDJOKO BEDJOKO
Université Catholique d’Afrique Centrale - Master en Droit Public 2023
  

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B - Les juges d'exception

Parler de juges d'exception ici voudrait dire qu'il existe des autorités juridictionnelles qui ne sont pas directement concernées par les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique mais qui affectent néanmoins celles-ci à cause de leurs activités. Il s'agit globalement du juge constitutionnel et du juge des comptes.

Au Cameroun, il n'existe pas de Cour Constitutionnelle comme en France. Les juges constitutionnels au Cameroun sont les membres du Conseil Constitutionnel (CC), nommé pour un mandat de six (06) ans éventuellement renouvelable102. Ils sont au nombre de onze (11), désignés de la manière suivante : « Les membres du Conseil Constitutionnel sont

99 Ibid, p 95

100 Ibid.

101 TGI pour les montants excédant 10millions et TPI pour ceux en dessous

102 Article 51 alinéa 1 de la Constitution du 14 avril 2008.

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nommés par le Président de la République et désignés de la manière suivante : - trois (03), dont le Président du Conseil, par le Président de la République ,
· - trois (03), par le Président de l'Assemblée Nationale après avis du Bureau ; - trois (03), par le Président du Sénat après avis du Bureau ,
· - deux (02), par le Conseil Supérieur de la Magistrature. »103.

Le Conseil Constitutionnel a pour rôle principal la garantie de la Suprématie de la Constitution comme l'a voulu Hans KELSEN. A ce titre, « Le Conseil Constitutionnel statue souverainement sur : - La constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux... »104. Garantir la Suprématie de la Constitution voudrait dire qu'elle veille à ce que les lois et les conventions internationales promulguées dans la législation camerounaise soient conformes à la Constitution. Si une Convention internationale n'est pas conforme à la Constitution, elle ne pourra entrer en vigueur dans l'espace camerounais, que si la Constitution est révisée avant sa promulgation 105 . Ainsi, si une loi est votée par le parlement et proposée au CC pour appréciation de la légalité, celui-ci doit faire en sorte que ses dispositions n'aillent pas à l'encontre des dispositions de la Constitution.

En ce qui concerne les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique, avant que les textes de loi relatifs à la matière n'entrent en vigueur, le CC vérifie s'ils respectent les termes de la Constitution. Si le Conseil constate même implicitement une violation de la Constitution, le texte ne pourra pas entrer en vigueur. Il a été précisé plus tôt dans ce travail que la Constitution aménage les droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Alors, le juge constitutionnel doit veiller à ce que les lois qui entrent dans ce domaine garantissent tout autant une protection des droits de ces victimes, comme le veut le Constituant camerounais.

Il faudrait à ce stade lever l'équivoque qui pourrait naitre en matière d'appréciation de la légalité des arrêtés portant déclaration d'utilité publique et les décrets portant expropriation pour cause d'utilité publique et indemnisation des populations victimes des expropriations. Ces actes sont des Actes Administratifs Unilatéraux (AAU) dont l'appréciation de la légalité ne pourrait se faire par le juge constitutionnel. Il s'agit pour lui d'une question préjudicielle qui ne peut être appréciée que par le juge administratif, à la lumière de la loi de 2006 régissant les tribunaux administratifs au Cameroun. Ce texte prévoit que « Le contentieux administratif

103 Article 51 alinéa 2 Ibid

104 Article 47 alinéa 1 Ibid.

105 Article 44 Ibid stipulant que « Si le Conseil Constitutionnel a déclaré qu'un traité ou accord international comporte une clause contraire à la Constitution, l'approbation en forme législative ou la ratification de ce traité ou de cet accord ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ».

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comprend : a) les recours en annulation pour excès de pouvoir et, en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de légalité »106. Le juge Constitutionnel n'est donc en aucun cas compétent pour apprécier la légalité des textes réglementaires, mais uniquement les textes législatifs.

A la lecture de l'analyse ci-dessus, on pourrait être tenté de dire que le juge constitutionnel est le premier défenseur des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Ceci est dû au fait qu'il intervient bien avant l'entrée en vigueur des textes consacrant leurs droits comme il a été le cas avec la loi n° 85/009 du 04 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

Il est important de relever que le juge des comptes joue un rôle beaucoup plus auxiliaire que les juges présentés plus haut. Néanmoins, son activité est relativement importante dans la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

Le juge des comptes au Cameroun est la Chambre des comptes de la Cour Suprême, consacrée par la Constitution du Cameroun107 en attendant l'implémentation des tribunaux régionaux des comptes, voulue par la même Constitution108 Cette consécration des tribunaux régionaux des comptes est aussi faite par la loi n° 2006/017 du 29 décembre 2009 qui dispose que « Il est créé un tribunal régional des comptes par région. Son siège est fixé au Chef-lieu de ladite région. »109

Le juge des comptes a pour mission de vérifier les activités des comptes des administrations publiques et des autres personnes morales de droit publiques. En les termes de la loi de 2006, « Le Tribunal Régional des Comptes est compétent, sous réserve des attributions de la Chambre des Comptes, pour contrôler et statuer sur les comptes publics des collectivités territoriales décentralisées de son ressort et de leurs établissements publics. »110

En ce qui concerne les expropriations pour cause d'utilité publique, c'est à partir du Contrôle des comptes de ces puissances publiques que les indemnisations peuvent être reversées aux victimes de ces procédures. Dès lors, le juge des comptes vérifie la légitimité

106 Article 2 alinéa 3(a) de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs au Cameroun.

107 Article 41 de la Constitution de 2008

108 Article 42 Ibid.

109 Article 1 alinéa 2 de la Loi n° 2006/017 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation, les attributions et le fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes.

110 Article 9 alinéa 1 Ibid.

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des comptes d'une personne morale de Droit Public voulant procéder à des travaux d'utilité publique. Quand le montant total lié aux travaux des expropriations et aux indemnisations est arrêté, le juge des comptes assure son suivi, afin qu'il serve l'intérêt pour lequel il a été déboursé. Grâce à cela, les montants des indemnisations à reverser aux victimes des expropriations font l'objet d'un véritable suivi et protège donc convenablement ce droit dévolu à ces victimes.

Dès lors, il est irréfutable que le juge des comptes joue un rôle auxiliaire mais toutefois important dans la protection des droits des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun.

Les instances juridictionnelles sus analysées ne font qu'une partie du travail de protection des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. On constate une participation active d'acteurs non-juridictionnels qui font le reste du travail, selon les dispositions prévues par la réglementation en vigueur.

PARAGRAPHE II : LES INSTITUTIONS NON-JURIDICTIONNELLES DE PROTECTION DES DROITS DES VICTIMES DES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE AU CAMEROUN

Ces mécanismes sont observés à travers les activités d'acteurs qui ne sont pas de rôle dans les institutions juridictionnelles du Cameroun. Il s'agit là des autorités qui jouent un rôle prépondérant dans la sauvegarde des intérêts des victimes des expropriations pour cause d'utilité publique au Cameroun. Il s'agit largement des membres de l'administration active (A) et des acteurs indépendants (B).

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