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La communication, un outil-reflet de l'identité d'une entreprise : l'exemple des GCC en 1855, des produits de luxe signés Bordeaux


par Sophie MALO
Université Toulouse II Jean Jaurès - Licence 2023
  

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Introduction

Premier classement des Vins de Bordeaux jamais réalisé, le classement des châteaux viticoles en Grands Crus Classés en 1855 a été demandé par Napoléon III, en amont de l'organisation de l'Exposition Universelle de la même année, organisée à Paris. Au cours de cette exposition, volonté a été faite de mettre en avant l'agriculture française, notamment au travers du travail de la vigne et du savoir-faire français dans le monde viticole. Ce classement a été demandé à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bordeaux à travers une lettre officielle, signée de la main de l'Empereur. En réalité, ce classement est inspiré du classement personnel des meilleurs Vins de Bordeaux élaboré par Thomas Jefferson, alors Ambassadeur pour les États-Unis d'Amérique en France. En effet, les 1ers Grands Crus Classés en 1855 sont les cinq châteaux que Thomas Jefferson qualifiait comme les meilleurs qu'il n'est jamais goûté. L'élaboration du classement des Grands Crus Classés de 1855 ne s'appliquant qu'au vignoble bordelais, mission a été donné aux courtiers de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bordeaux de fournir, en deux semaines, une liste des meilleurs Châteaux, regroupés en cinq catégories : 1ers Grands Crus Classés, 2nds Grands Crus Classés, 3èmes Grands Crus Classés, 4èmes Grands Crus Classés et 5èmes Grands Crus Classés. Une seule exception existe : le Château Yquem, situé dans l'appellation Sauternes, qui est un 1er Grand Cru Classé Supérieur. Il se situe au-dessus des 87 Châteaux qui forment le classement.

Étant reconnu comme le classement officiel le plus élitiste des vins français pour ne pas dire du monde, les Châteaux Grands Crus Classés en 1855 sont aujourd'hui perçus comme des produits de luxe. Cette perception par le client, qu'il soit négociant, grand acheteur privé, amateur ou touriste de passage dans la région, est un réel avantage concurrentiel pour les propriétés appartenant à ce classement.

 

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Outre les avantages que cette classification procure notamment en termes de prestige et de notoriété, il ne tient qu'aux domaines eux-mêmes d'exploiter du mieux possible cette mise en lumière. La communication joue donc un rôle primordial dans cette volonté grandissante de promotion et de pérennisation de cette image de luxe. Cependant, chaque propriété possède son histoire, ses valeurs et son identité. Il est donc capital que chacune d'entre elle adapte sa manière de communiquer afin de coller au mieux à ce qui en fait sa spécificité. C'est cette complexité, entre la volonté de garder l'image de Grands Crus Classés en 1855 et celle de garder ce qui rend unique chaque propriété, qui mène à se questionner : Comment un Château Grand Cru Classé en 1855 met-il en avant son identité à travers ses choix en termes de communication ?

La première partie de ce mémoire traitera de la spécificité des vins appartenant au classement de 1855 à travers les différences avec les autres classements pour comprendre ce qui leurs confère cette place dans la catégorie des produits de luxe. La première partie sera également l'occasion de présenter les deux châteaux qui seront utilisés tout au long de ce mémoire afin de mieux connaître leur identité. Cette connaissance sera nécessaire tout au long de ce mémoire afin de mettre en lumière les différents choix de communication et les comprendre. Les châteaux étudiés sont le Château Marquis de Terme et Château Margaux.

La seconde partie de cet écrit portera sur le choix de ces derniers en termes de communication directe (digitale et presse) afin de comprendre de quelles manières les actions de communication sont utilisées afin de s'adapter au mieux à l'identité propre de chaque domaine.

Enfin, la troisième partie s'intéressera au développement croissant d'un nouveau type de communication indirecte : l'oenotourisme. Le benchmark entre les deux domaines permettra de mettre en lumière deux visions qui s'opposent et ainsi comprendre les choix effectués par chacun d'entre eux. Cette troisième partie va donc finaliser la mise en perspective de différentes actions de communication selon l'histoire, les valeurs et l'identité des châteaux à l'étude.

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I. Les Grands Cru Classés en 1855, des produits de luxe

signés Bordeaux

a. Le classement le plus élitiste du vignoble bordelais i. Un système de notation différent des autres classements

La région viticole de Bordeaux ne recense pas moins de quatre classements majeurs. On retrouve le classement des Grands Crus Classés en 1855, les Crus Classés de Graves, les Grands Crus de Saint-Émilion et les Crus Bourgeois. Le classement de Saint-Émilion ne s'applique que sur la rive droite tandis que les autres prennent tous place sur la rive gauche de la Garonne. Le plus connu et le plus réputé aujourd'hui est celui datant de 1855 ; il est également celui qui a été établi sans aucune dégustation ! Il est donc intéressant de s'attarder sur le système de notation de chacun de ces classements afin de mieux comprendre ce qui apporte à la classification 1855 cette si grande renommée nationale et internationale.

La classification des Grands Crus Classés en 1855 a été établi selon les prix pratiqués à l'époque, sur des décennies, et sur la notoriété de chacun des Châteaux. Jadis, les négociants pensaient, à tort ou à raison, que les prix étaient un indicateur de la valeur et de la qualité du produit ; la classification ayant été établie en deux semaines, l'organisation de dégustations dans tous les domaines était impossible. La notoriété était aussi largement prise en compte ; c'est notamment l'opinion de Thomas Jefferson sur ces 1ers Grands Crus Classés qui leur a consolidé une place en haut du classement.

L'établissement du classement des Grands Crus Classés des Graves se rapproche de celui de 1855 ; en effet, la région des Graves étant très peu présente dans ce dernier, le syndicat de défense de l'appellation a demandé l'établissement d'un classement, rendu officiel en 1953. Il permet la mise à l'honneur du savoir-faire et de la spécificité du terroir.

Le classement des Grands Crus de Saint-Émilion, quant à lui, répond à des règles plus strictes : revisité tous les 10 ans, il prend en compte des aspects tangibles et intangibles. Pour devenir un Grand Cru Classé de Saint-Émilion, les prétendants à cette nomination doivent obtenir la note minimale de 14/20, qui s'établit de la manière suivante : 50% de la note est en lien avec la dégustation, 20% avec la notoriété, 20% avec l'exploitation et 10% en lien avec la conduite de cette dernière.

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C'est un classement aujourd'hui controversé du fait de sa grande exigence et de ses règles ressenties comme trop strictes par certaines propriétés qui ont décidé de s'en émanciper. Le dernier classement sur lequel il est intéressant de se pencher est celui des Crus Bourgeois. Située sur la même zone géographique que le classement de 1855, il a été officiellement créé en 1932 avec plus de 444 propriétés ! Depuis 2018, la nouvelle « version » confère aux propriétés du classement le statut de Crus Bourgeois pour 5 ans. Sa méthode d'élaboration et ses critères se rapprochent de ceux du classement de Saint- Émilion : dégustation horizontale sur cinq millésimes de la propriété et conduite de l'exploitation à travers ses démarches environnementales, ses installations techniques et son itinéraire de la vigne à la distribution. Est également pris en compte la valorisation des produits de la propriété à travers les actions de communication et de promotion. Ce classement est établi par 6 experts dont un professeur de l'université de Bordeaux et un consultant en vins pour Christie's.

Ces quatre classements fonctionnent de manière différente ; qu'est-ce qui confère donc au classement de 1855 cette notoriété internationale et cette réputation de classement le plus élitiste du vignoble bordelais ?

Dans un premier temps, il est le premier classement officiel mondial de vins et est donc une référence ; c'est notamment lui qui a suscité l'envie du Syndicat de l'appellation de créer le classement des Grands Crus Classés des Graves, pour l'appellation éponyme. Au-delà de ce rôle de prédécesseur, une des raisons principales qui confère à la classification des Grands Crus Classés en 1855 cette position prédominante est son rôle proactif dans la mise en avant et l'affirmation de l'identité et de l'histoire des appellations dans lesquelles il prend place. Elle met en avant simultanément la pluralité et la typicité de chaque château tout en positionnant la recherche d'excellence au centre de son identité et de ce qui fait le classement aujourd'hui. Ayant été élaboré notamment sur les prix pratiqués pendant des décennies et sur la notoriété établie des propriétés, il reste aujourd'hui une valeur sûre ; les clients se rendant dans un château présent dans le classement de 1855 pour retrouver le savoir-faire et l'excellence que des siècles n'ont cessé d'améliorer.

ii. Une classification qui fait toujours foi aujourd'hui

Le classement 1855, bien que le plus élitiste du vignoble bordelais, voit de temps à autre sa légitimité remise en cause. Les deux raisons principales avancées pour cette remise en cause sont cependant liées à l'histoire du classement et à ce lui a permis d'être ce qu'il est aujourd'hui. Dans un premier temps, la dimension historique du classement qui n'autorise aucune modification ou mise à jour dans l'ordre de classification soulève chez certaines personnes la question de la légitimité, presque deux cents ans après son élaboration. De plus, le classement et donc, indirectement, la notoriété et le prestige des châteaux sont parfois contestés car ce dernier a été établi sans aucune dégustation. Cependant, les dégustations Primeurs qui prennent place chaque année ne cessent d'affirmer et de prouver que les Châteaux Grands Crus Classés en 1855 font honneur à la notoriété et au prestige qui est le leur. La semaine des Primeurs est une des semaines les plus importantes de l'année pour le vignoble bordelais. De nombreux professionnels du vin, allant des acheteurs aux négociants en passant par les journalistes, posent leurs valises à Bordeaux afin de déguster le vin de nombreux châteaux, directement à la barrique. Ces dégustations permettent d'accorder des notes, notes qui aident par la suite à la fixation d'un prix initial pour la vente du millésime. Ces notes Primeurs jouent donc un rôle primordial et permettent d'asseoir de façon claire et factuelle la qualité d'un vin.

Le classement 1855 pouvant être controversé quant à la qualité et au prestige des vins produits, il est intéressant de s'attarder sur les notes accordées lors des Primeurs sur le millésime 2021. Château Margaux, 1er Grand Cru Classé en 1855, a obtenu des notes oscillantes entre 95/100 et 100/100 pour son millésime 2021 avec une note moyenne à 97/100. Pour le millésime 2021 du 4ème Grand Cru Classé Château Marquis de Terme, les notes balancent entre 89/100 et 96/100 avec une moyenne à 93/100. Enfin, le Château Dauzac, 5ème Grand Cru Classé, a obtenu des notes entre 89/100 et 95/100, lui accordant une moyenne à 92/100.

Les Primeurs, système uniquement basé sur la dégustation, ne cessent donc de donner du crédit au classement de 1855, les notes établissant par elles-mêmes un ordre similaire à celui de la classification.

 

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery