PARAGRAPHE 1 : Les procédés diplomatiques
classiques
Chaque État ayant des intérêts et des
aspirations propres sur la scène internationale, l'aspect souple, et
très diversifié de ces modes, est présenté à
l'article 33 de la Charte des Nations Unies précité (contenu dans
le Chapitre VI, « Règlement Pacifique des Différends
»). Il propose ainsi des « étapes », une progression
croissante d'étapes allant de procédés très souples
car ne nécessitant pas l'intervention d'un tiers comme la
négociation ou l'enquête internationales (A), à des modes
légèrement plus contraignants par rapport aux premiers en ce
qu'un tiers va s'immiscer dans la procédure et jouera un rôle
quelque, fois décisif dans la solution proposée aux États
(B).
a. Le mode de règlement direct entre les
parties
Ces modes sont les plus traditionnels. Notons au
préalable qu'ils peuvent se combiner entre eux, ou se retrouver de
façon transversale, le but étant de trouver une solution au
différend. Le plus classique est la négociation: Véritable
« pierre angulaire » du règlement pacifique des
différends, elle doit être menée conformément au
principe de bonne foi et qui découle de l'obligation de régler
pacifiquement les différends. En effet, de cette première
obligation découle l'obligation de poursuivre une négociation
directe avec l'autre partie, donc de chercher une solution non belliqueuse au
problème rencontré. C'est ainsi une obligation de moyen en ce que
sa finalité va être de faciliter la communication entre les
États afin de parvenir à une solution, et non pas de poser
directement une solution sur la table des négociations. Ce mode de
règlement peut devenir indispensable dans certaines circonstances,
notamment lorsqu'une situation nécessite un encadrement
juridique.18
Ainsi, les États peuvent insérer dans certains
traités d'investissement une obligation préalable à la
négociation avant tout recours à des modes juridictionnels. Cela
démontre la souplesse accordée à ce mode ainsi que la
volonté, pour les États, de partir sur des bases saines en
voulant régler le différend. C'est d'un État à
l'autre que le problème va se résoudre. Que ce soit par une
invitation à négocier ou par cette obligation préalable,
les États prouvent leur bonne foi.
A titre d'exemple, dans l'arrêt du Plateau Continental
de la Mer du Nord, rendu par la CIJ en 1969, dans l'affaire République
Fédérale d'Allemagne contre Danemark, la Cour a souligné
que « Les parties ont l'obligation de se comporter de telle manière
que la négociation ait un sens, ce qui n'est pas le cas lorsque l'une
d'elles insiste sur sa propre position sans envisager
18 MOHAMED SALAH, op.cit., p.536
19 Ce principe a été
ultérieurement rappelé dans l'arrêt CIJ, Gabèikovo
Nagymaros du 25 Septembre 1997 opposant la Hongrie à la Slovaquie
15
aucune modification.» Il faut en d'autres termes que les
États aient une réelle volonté de trouver une solution,
qu'ils fassent preuve de bonne foi.
Il existe différents types de négociations,
à savoir bilatérales, multilatérales, entre ministres ou
ambassadeurs ou encore entre chefs d'État. Ces modalités sont
à la discrétion des États. La négociation peut
ainsi revêtir une simple signature dans un bureau officiel lors d'une
rencontre non médiatisée ou encore se concrétiser dans une
conférence réunissant les médias et disposant de codes
beaucoup plus formels. A titre d'exemple, le « Plan d'action Conjoint
» ou encore l'Accord préliminaire de Genève (Suisse) sur le
programme nucléaire iranien du 24 Novembre 2013 est une
négociation entre la République Islamique d'Iran et l'Allemagne,
la France, le Royaume-Uni, la Russie, les États-Unis et la Chine sur le
développement du programme nucléaire de l'Iran. Le « Plan
global d'action conjoint », signé le 14 Juillet 201533,
résulte de cette négociation de 2013, fruit de compromis entre
d'une part la restriction du programme nucléaire iranien et de l'autre
la levée progressive des sanctions américaines sur
l'Iran19.
Le second mode qu'il convient de voir est l'enquête
internationale. Elle peut intervenir en cas d'échec des
négociations et vise à mettre en lumière les faits
à l'origine du différend par des recherches poussées en
matière d'informations, tout cela avec l'accord préalable des
États parties. Les éléments recueillis seront la base des
négociations entre les parties et à nouveau, le rapport de la
commission n'est pas contraignant pour les États.
Cette enquête peut être décidée par
les États mais le Conseil de Sécurité de l'ONU peut
également ordonner le déroulement d'une telle procédure,
notamment en cas de crise internationale. Cette procédure a notamment vu
le jour lors des crimes contre l'humanité commis en ex Yougoslavie en
1992, ou encore la commission chargée d'enquêter sur les
prétendus emplois d'armes chimiques à Damas en 2013, ou, plus
récemment, l'enquête en date du 1er Septembre 2014 de l'initiative
du Conseil des Droits de l'Homme sur les violations commises par l'État
Islamique d'Irak et du Levant et des groupes terroristes affiliés.
Notons que le rapport de la commission d'enquête demeure un document
purement factuel. Il ne donne pas de solution et a une portée purement
déclaratoire. Ce texte va ensuite être la base pour la poursuite
du règlement
16
du différend. C'est ce qui s'est passé en 2010
dans le cadre du litige israélo-turc concernant l'abordage
israélien de la flottille pour Gaza.
b -Le mode de règlement recourant à
l'intervention d'une tierce partie
À la différence des procédures
diplomatiques mettant directement en contact les parties litigantes, on a
faire, dans ce type particulier de règlement, à des
mécanismes où les tiers sollicités, interviennent de
façon active, à la recherche de solutions au différend
engagé. Dans ces modes spécifiques, le tiers s'efforce de
faciliter la reprise des négociations entre les parties et propose
directement aux parties des suggestions, des projets ou des avant-projets de
règlement du différend.
L'intervention d'un tiers dans ces modes, montre la
difficulté ou le manque de volonté qu'ont un ou plusieurs
États parties au différend, à essayer de négocier
ou à trouver une solution. Cette intervention du tiers se fait dans le
cadre de relations diplomatiques tendues où les parties n'envisagent
aucune rencontre dans l'optique de régler le différend. Les deux
modes, les bons offices et la médiation, ont été
codifiés lors des deux Conventions de la Haye de 1899 et de
1907.20
La médiation, elle, est un procédé
semblable aux bons offices, à une différence près. Le
médiateur va assister aux négociations et peut également
proposer les bases servant à celle-ci. Il aura en d'autres termes,
davantage d'influence que le tiers aux bons offices qui ne fait qu'organiser
une rencontre. Le médiateur peut également proposer ses services
à la résolution du conflit, et comme les bons offices, le
médiateur peut endosser des « casquettes » différentes
: certains États également peut faire office de médiateur.
A titre d'exemple lors des accords de Dayton, signés le 14
Décembre 1995, mettant fin aux exactions en Bosnie-Herzégovine,
la France a fait partie des pays médiateurs.
Enfin, la conciliation internationale est le
procédé le plus contraignant parmi les modes classiques de
résolution pacifique des différends en ce qu'elle est davantage
réglementée. Le différend sera ici soumis à une
commission internationale qui, après examen factuel, organisera la
rencontre entre les parties d'une part et proposera d'autre part les bases de
la négociation internationale. Ce mode est très employé
dans la pratique en ce qu'il a été mis en avant par la
20 Art 80. Conventions de la Haye de 1899 et de
1907
17
Convention Internationale de Montego Bay. Là encore et
en amont, un traité peut prévoir le recours à la
conciliation internationale en cas de naissance d'un
différend21. Ces modes peuvent être appliqués
hors d'une organisation internationale, mais également au sein de
celle-ci que nous verrons dans le paragraphe suivant16.
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