Chapitre III : Résultats
2. Patients atteints de la rectocolite hémorragique
:
2.1 Effet de la ML sur la production ex vivo du NO au
niveau des cultures des cellules mononuclées du sang
périphérique (PBMC):
La comparaison entre les taux de nitrites dans les surnageants
de culture des PBMC de patients atteints de rectocolite hémorragique en
phase active et sous corticothérapie a montré une diminution
importante dans les teneurs en NO après l'addition de concentrations
croissantes d'extrait brut de la ML par rapport au témoin négatif
de culture (PBMC non traités avec la ML). Quelque soit la concentration
de l'extrait brut utilisée, la diminution du taux du NO n'est pas
statistiquement significative, à l'exception de la concentration de
50ug/ml de la ML. Cette dernière a induit une diminution significative
de la production du NO par les PBMC en comparaison avec le témoin de
culture (Figure 16.A).
2.2 Effet de L'IL-4 sur la production ex vivo du NO au
niveau des cultures des cellules mononuclées du sang
périphérique :
Afin de confirmer l'effet inhibiteur de la ML sur la
production du NO, nous avons voulu comparer son effet avec l'effet de l'IL-4.
Pour rappel, l'IL-4 est une cytokine anti-inflammatoire, capable d'inhiber
l'expression de la NOS-2 au niveau des monocytes. Le traitement des PBMC de
patients atteints de RCH en phase active et sous corticothérapie avec 1
et 10 ng/ml d'IL-4 a induit une diminution significative du taux du NO en
comparaison avec le témoin de culture (3.7#177;1.53uM, 4.03#177;2.07uM
vs 7.51#177;0.37uM p<0.05 respectivement) (Figure 16.B).
Ainsi, nous avons noté avec intérêt que
l'effet de la ML sur la production du NO par les PBMC de patients atteints de
RCH en phase active est semblable à celui de l'IL-4.
A
B
Figure 16: effet de la ML sur la production ex
vivo du NO par les PBMC de patients atteints de la rectocolite
hémorragique en phase active et sous corticothérapie. A
: Avec ou sans [10, 25, 50, 60 ug/ml] d'extrait brut de la ML. B : Avec ou sans
[1, 10, 100 ng/ml] d'IL-4 humaine recombinante. * : p<0.05.
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Discussion générale
Discussion générale
Le modèle de colite induite par le DSS est un
modèle établie, son principal intérêt est de
comprendre l'impact de la rupture de la barrière intestinale dans la
pathogenèse des MICI. Il présente des similarités avec les
MICI humaines du point de vue étiologique et physiopathologique
(Solomon et al., 2010).
Le DSS par son action cytotoxique sur les cellules
épithéliales, induit la rupture de la fonction de la
barrière épithéliale (Cooper et al., 1993). Cette
destruction mettrait en contact la flore commensale et le système
immunitaire muqueux, ce qui est à l'origine de l'activation excessive du
système immunitaire muqueux et la perturbation de l'homéostasie
intestinale comme il a été décrit au cours des MICI
humaines (Nancey et al., 2008; Neuman, 2007).
De ce fait, nous avons utilisé ce modèle afin
d'évaluer l'effet curatif de la ML et ce, selon différents
paramètres : cliniques, morphologiques et histologiques. Nous avons
également évalué l'impact de son effet sur la modulation
de la NOS2 au cours de notre modèle d'étude.
Ce modèle est caractérisé sur le plan
clinique par une importante perte de poids, en conséquence d'une
diminution de la consommation alimentaire, un changement de la consistance des
selles allant jusqu'à la diarrhée, accompagné de
saignements rectaux. Sur le plan histologique, il a été
décrit que l'inflammation induite par le DSS est limitée au
côlon distal chez les souris BALB/c. Il induit des lésions
sévères au niveau de la muqueuse colique associées
à une importante infiltration des cellules inflammatoires (Cooper et
al., 1993).
Dans notre étude, l'administration de 3% de DSS dissout
dans l'eau de boisson à des souris BALB/c pendant 5 jours, a induit une
détérioration de l'état général des souris
se traduisant par une augmentation du DAI. En effet, l'apparition des
différents signes cliniques nous a permis de suivre l'évolution
de l'inflammation. Les premières selles molles sont apparues à
J1, les diarrhées hémorragiques sont apparues à partir de
J3. À partir de J7 jusqu'à J9 les souris de ce groupe
étaient toutes dans un état de morbidité associé
à plus de 20% de perte de poids, nous avons également
enregistré 50% de mortalité dans ce groupe. Au cours de notre
modèle, l'administration du DSS à 3% pendant 5jours a induit un
raccourcissement de la longueur du côlon de l'ordre de 55%, ce qui
reflète la sévérité de l'inflammation colique.
Nos résultats sont en accord avec les résultats
obtenus par les études précédentes (Okayasu et
al., 1990 ; Cooper et al., 1993 ; Abdelouhab et al.,
2012 ; Soufli et al., 2015). En effet, il est bien établi que
les souris présentent des symptômes cliniques de colite à
partir de J2 reflétant l'installation du processus inflammatoire et des
lésions histologiques. Nous avons donc évalué l'effet de
l'extrait soluble de la ML en tant que traitement curatif et ce, à
travers son administration par voie intra-péritonéale 3 jours
après l'induction de la colite.
L'administration de l'extrait soluble de la ML à but
curatif, a induit un retardement de l'apparition des signes cliniques, ce qui a
conduit à l'amélioration de l'état générale
des souris et la diminution des altérations morphologiques. En effet,
nous avons relevé une augmentation de la longueur du côlon chez le
groupe DSS+ML en comparaison avec le groupe DSS.
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Discussion générale
Nos résultats sont en accord avec ceux rapportés
par Reardon et al, qui ont démontré que l'infection des souris
avec le teania Hymenolepis améliore la colite induite par le
DSS. Khan et al ont aussi démontré que l'infection avec
Trichinella spiralis, protège les souris de la colite induite
par le (DNBS). Plus récemment, une étude menée au sein de
notre équipe a mis en évidence l'effet protecteur de la membrane
lamellaire d'Echinoccocus granulosus au cours d'un modèle de
colite induite par le DSS (Reardon et al., 2001 ; khan et
al., 2002 ; Soufli et al., 2015). Il a été
démontré que la ML exerce un effet protecteur au cours de la
colite induite par le DSS à travers la régulation négative
de l'expression de la NOS2 et des cytokines proinflammtoires IFN-ã et
TNF-á (Soufli et al., 2015).
L'analyse histologique nous a permis de localiser et d'estimer
le degré d'atteinte tissulaire au niveau du côlon distal. Nous
avons observé chez les souris du groupe DSS la présence
d'importantes altérations au niveau de l'organisation architecturale du
côlon qui se traduisent par une destruction de la muqueuse colique, la
destruction de l'épithélium, la déplétion des
cryptes et des cellules caliciformes ainsi qu'une importante infiltration
muqueuse et sous muqueuse. En ce qui concerne le groupe DSS+ML, nous avons
remarqué une légère amélioration dans
l'organisation structurale de la muqueuse en comparaison avec le groupe DSS. En
effet, nous avons observé la présence de quelques cryptes ainsi
qu'une diminution de l'infiltration au niveau de la muqueuse.
Dans notre étude, l'analyse histologique a
révélé la présence d'un important infiltrat
inflammatoire hétérogène. Ces cellules seraient à
l'origine de la production des cytokines proinflammatoires et de monoxyde
d'azote.
Nous avons mesuré le taux de nitrites résiduels
représentatifs des taux de NO au niveau systémique (taux
plasmatique) in vivo et in vitro au niveau des surnageants de
cultures des macrophages péritonéaux. L'administration
du DSS à 3% a induit une forte augmentation de la production du NO
in vivo et in vitro en comparaison avec les souris du groupe
témoin. À l'inverse, nous avons noté une diminution
importante du taux de NO in vivo et in vitro après
traitement des souris par l'extrait soluble de la ML en comparaison avec les
souris traitées par le DSS seul.
Plusieurs études ont démontré une
surexpression de la NOS2 au niveau de la muqueuse intestinale des patients
atteints de MICI (Rafa et al., 2013) ainsi qu'au cours des colites
expérimentales (Toumi et al., 2014 ; Soufli et al.,
2015 ).
L'expression de la NOS2 est induite après activation du
facteur de transcription NF-êB et libère de fortes concentrations
de monoxyde d'azote. Elle est induite par différents stimuli qui
agissent en synergie : l'IFN--y/TNF--a, LPS/IFN- ã, IL-1â/LPS. Le
NO est un radical libre impliqué dans l'apparition des lésions
tissulaires au cours des MICI (Kimura et al., 1997 ; Pacher et
al., 2007 ; Rafa et al., 2010 ; 2013).
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Discussion générale
Il interagit avec l'anion superoxyde pour donner le
péroxynitrite qui est connu pour ses effets
délétères sur la muqueuse intestinale (Rachmilewitz et
al., 1995 ; Kolios et al., 2004).
Des travaux ont suggéré que l'induction des
macrophages de type M2 serait à l'origine de l'atténuation de
l'inflammation colique par les helminthes au cours des modèles
expérimentaux de MICI (Heylen et al., 2014). De plus, une
étude récente de notre équipe a démontré que
la ML inhibe l'expression de la NOS2 et augmente l'expression de l'arginase,
marqueur des macrophages M2, au niveau des macrophages
péritonéaux murins (Amri & Touil-Boukoffa ; 2015 in
press).
Les résultats obtenus à travers notre
étude, sont en accord avec ces données. En effet, nous avons
noté que la ML a induit une diminution importante de la production du NO
par les macrophages péritonéaux en comparaison avec le groupe
DSS. Cette diminution est comparable à celle observée au niveau
des surnageants de culture des pMø issus du groupe DSS et traités
par de l'IL-4 exogène, suggérant que la ML aurait un effet
similaire à l'IL-4.
Il a été démontré qu'au cours de
la phase chronique de l'hydatidose, la ML induirait des cytokines de type Th2
et Treg principalement l'IL-4 et l'IL-10 (Amri et al., 2009). Nos
résultats montrent que l'effet de la ML était semblable à
celui de l'IL-4 ce qui suggèrent que la ML agirait probablement en
induisant la production de l'IL-4 et de l'IL-10.
Nos résultats suggèrent qu'en plus de
l'amélioration au niveau histologique et clinique, l'extrait soluble de
la ML exerce un rôle immunomodulateur sur la production du NO au cours de
notre modèle d'étude.
Cependant, nous avons utilisé un nombre de souris
faible dans notre étude ce qui limite nos résultats à des
observations. L'augmentation du nombre des souris ainsi que l'utilisation de
l'extrait brut de la ML au lieu de l'extrait soluble pourraient
démontrer un effet supérieur. En effet, il a été
démontré de façon intéressante que l'extrait brut
de la ML induit une réduction plus importante de la production de NO en
comparaison avec l'extrait soluble au niveau des cultures de macrophages in
vitro (Steers et al., 2001). De ce fait, l'utilisation de
l'extrait brut pourrait probablement donner un effet supérieur au cours
de notre modèle d'étude.
Dans la seconde partie de notre étude, nous nous sommes
intéressés à l'évaluation de l'effet ex vivo
de l'extrait brut de la ML sur la production du NO chez des patients
atteints de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique. En ce
qui concerne les patients atteints de la MC nous avons été
amenés à les classer selon deux catégories, les patients
traités par des anti-inflammatoires et les patients traités par
des immunosuppresseurs. Nous avons noté un taux de NO réduit au
niveau des surnageants de culture des patients traités par
immunosuppresseurs et en comparaison avec les patients traités par
anti-inflammatoire. En effet, les corticoïdes et les immunosuppresseurs
sont connus pour réguler négativement la production du NO et
l'induction de la synthèse des cytokines pro-inflammatoires, ce qui
explique les taux faibles de NO retrouvés chez ces patients.
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Discussion générale
Nous avons remarqué que la ML a induit une diminution
importante de la production du NO quelque soit la concentration
protéique de l'extrait, et ceci chez les deux catégories de
patients atteints de la MC. Néanmoins, nous avons remarqué que
les concentrations de 25ug/ml,
50ìg/ml et 60ug/ml étaient
légèrement plus efficaces chez les patients atteints de la MC
sous anti-inflammatoires. Alors que pour les patients sous immunosuppresseurs
elle connait une diminution statistiquement significative pour des
concentrations de ML de 10ìg/ml et 50ìg/ml. Nous pouvons
expliquer ces résultats par le fait que la ML exercerait son effet
inhibiteur à travers l'induction de l'expression des cytokines
anti-inflammatoires telles que l'IL-4 et l'IL-10 (Amri, 2012). Ces cytokines
sont capables d'inhiber l'expression des cytokines pro inflammatoires
régulatrices positives de l'expression de la NOS2 (Bogdan & Nathan,
1993).
En ce qui concerne les patients atteints de la RCH en phase
active sous corticoïdes, l'évaluation de la production du NO dans
les surnageants de culture de leurs PBMC a permis d'observer une diminution non
significative de la production du NO après traitement avec
différentes concentrations de la ML. A l'exception de la concentration
de 50ìg/ml ou nous avons observé une diminution statistiquement
significative (p<0.05).
De plus, nous avons noté avec intérêt que
l'effet de la ML était comparable à l'effet de l'IL4. En effet,
le traitement des PBMC par différentes concentrations de l'IL-4 a induit
une diminution non significative du taux de NO à l'exception des
concentrations de 1ng/ml et 10ng/ml (p<0.05). Néanmoins, il est
impératif de signaler l'effectif réduit de notre
échantillonnage pour cette catégorie de patients (n=4),
l'augmentation de la taille de notre échantillon nous permettrait
probablement de démontrer un effet supérieur.
Nos résultats suggèrent que l'inhibition de
l'expression de la NOS2 par la ML passerait probablement par l'effet de l'IL-4.
Pour rappel, l'IL-4 est une cytokine anti-inflammatoire produite
essentiellement par les lymphocytes Th2, cette cytokines a la capacité
d'inhiber la libération des cytokines pro-inflammatoires telles que :
l'IL-1â et le TNF-á par les monocytes/macrophages et ainsi inhiber
indirectement l'expression de la NOS2 (Bogdan et Nathan, 1993).
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