Droit ohada et attractivite des investissements directs etrangers dans les etats-partiespar Marie Joëlle TRAORE Université Saint Thomas d'Aquin - Master en droit des affaires et fiscalité 2022 |
Section II : Les manifestations de la sécurité judiciaire dans l'espace OHADAAujourd'hui, ce qui est frappant, lorsque l'on s'intéresse à l'attractivité économique de l'espace OHADA sous l'angle judiciaire, c'est l'illisibilité du régime de la réalisation judiciaire des droits substantiels que définissent les Actes uniformes. L'articulation entre le droit communautaire et les droits nationaux n'est pas toujours simple. Toutefois l'on peut percevoir les prémices de la sécurité judiciaire tant en amont (paragraphe I) qu'en aval de l'acte juridictionnel (paragraphe II). Paragraphe I : En amont de l'acte juridictionnelLe législateur communautaire est resté muet quant au régime juridique de l'accès au juge de droit commun de l'OHADA, renvoyant la question aux droits processuels des États Parties. Les manifestations de la sécurité judiciaire en amont de l'acte juridictionnel ne sont donc pas assez perceptibles dans les dispositions de l'arsenal juridique de l'OHADA. Toutefois, sa manifestation peut être perçue dans l'application de l'article 336 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution qui dispose que : « Le présent Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les États Parties ». L'intérêt pratique de ce texte est qu'il tranche les conflits de lois de procédure en faveur du droit uniforme sur les voies d'exécution. Toutes les dispositions de droit interne, contraires à l'esprit ou à la lettre des Actes uniformes contenant une disposition de procédure sont inapplicables au litige76(*). Ce texte met les justiciables à l'abri des instrumentalisations, à des fins dilatoires, des lois de procédure nationales. Il sécurise aussi les investissements contre les risques d'instrumentalisation des législations nationales favorisant la saisie des biens des investisseurs77(*). Une autre manifestation de la sécurité judiciaire en droit de l'OHADA réside dans les procédures simplifiées de recouvrement de créances. Les procédures d'injonction de payer, de délivrer ou de restituer un bien meuble sont autant d'outils mis à la disposition des investisseurs pour d'une part, sécuriser leur patrimoine contre la résistance des débiteurs récalcitrants et d'autre part, faire face aux lenteurs judiciaires et à l'usure du temps78(*). Ainsi, les créances d'origine contractuelle79(*) ou celles résultant de l'émission ou de l'acceptation de tout effet de commerce ou d'un chèque sans provision80(*) peuvent être recouvrées au terme d'une procédure rapide et simplifiée81(*). Il convient aussi de voir dans l'organisation et le fonctionnement de la CCJA ainsi que dans le statut des juges de cette juridiction, un gage de sécurité judiciaire. Les attributions consultatives de la haute juridiction offrent un cadre de dialogue aux différents acteurs chargés d'appliquer le droit uniforme au premier degré et en cause d'appel. La procédure d'avis consultatif prévue par l'article 13 du Traité permet ainsi aux juridictions nationales de dialoguer avec la haute Cour en amont de l'acte juridictionnel contentieux en vue d'optimiser l'interprétation du droit uniforme. Cet instrument processuel a pour objet d'éviter une dispersion de l'interprétation du droit. Par ailleurs, la compétence exclusive de la CCJA (article 14 du Traité) concernant les pourvois en cassation dans toutes les matières énumérées à l'article 2 du Traité est également un gage de sécurité judiciaire. Cette compétence exclusive est de nature à renforcer la confiance des investisseurs dans le système judiciaire OHADA. Le pouvoir d'évocation qui est reconnu à la CCJA est un instrument efficace pour la réalisation de la sécurité judiciaire et participe à la lutte contre les lenteurs judiciaires devenues la marque de fabrique de certaines juridictions africaines82(*). Ce pouvoir d'évocation qui se transforme dans d'autres circonstances en « devoir d'évocation », est fondé sur les nécessités d'une bonne administration de la justice. Le fait de casser sans renvoi lui permet de juger de plus en plus vite en se substituant aux juridictions nationales de fond. * 76CCJA, 10 janvier 2002, arrêt n°3, Société ivoirienne d'emballage métallique dite SIEM c/ Sté ATOU et BICICI, Ohadata J-02-25. * 77 Barthélemy COUSIN, op.cit., p.4. * 78 CCJA, 1er février 2007, arrêt n°004/2007, pourvoi n° 021/2004/PC du 16/02/2004, Affaire : MAMBO Serges Henri Séraphin c/ Société SAGA-CI, Recueil de Jurisprudence n° 9 - Janvier/Juin 2007, p. 5. * 79 CCJA, 29 juin 2006, arrêt n° 15 du, Affaire C.D c/ Société Ivoirienne d'Assurances Mutuelles dite SIDAM, Le Juris-Ohada, n° 4/2006, p. 22, Ohadata J-07-29. * 80 TPI de Bafoussam, 16 juin 2006, n° 84/Civ., Affaire Sagne Boubou Cylaine C/ First Trust Savings and Loan, Ohadata J-07-61. * 81 Article de l'APSRVE. * 82 Alex-François TJOUEN, Les rapports entre les juridictions suprêmes nationales et la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'Organisation pour Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Thèse de doctorat en droit privé, Lille, 2006, 420p. |
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