Droit ohada et attractivite des investissements directs etrangers dans les etats-partiespar Marie Joëlle TRAORE Université Saint Thomas d'Aquin - Master en droit des affaires et fiscalité 2022 |
Paragraphe II : Les défenses à exécutionL'article 32 de l'Acte uniforme en matière de voies d'exécution pose la délicate question du sort des défenses à l'exécution provisoire telles qu'organisées en droit interne de certains Etats parties. Dans l'arrêt du 11 Octobre 2001 dit EPOUX KARNIB64(*), la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) décidait que l'article 32 de l'Acte Uniforme sur les voies d'exécution interdit les défenses à l'exécution provisoire lorsque celles-ci tendent à suspendre une exécution forcée déjà entamée. A contrario, l'on pourrait comprendre que les défenses à l'exécution provisoire telles que régies par le droit interne de chaque Etat partie demeurent applicables lorsqu'elles visent non pas à suspendre une exécution forcée déjà engagée, mais plutôt à empêcher qu'une telle exécution commence65(*).Or, le principe énoncé à l'article 32 est celui d'une exécution forcée sans obstacle. A notre avis, il conviendrait de « sécuriser » la restitution des fonds perçus par le créancier « provisoire » qui se serait précipité à diligenter une exécution provisoire. En effet, l'article 32 n'interdit pas au juge des référés saisi d'une défense à exécution provisoire de prendre toute mesure utile compatible qui lui serait faite à titre reconventionnel par le défendeur, puisque le droit commun est toujours applicable dès lors qu'une disposition expresse ne l'interdit pas. Dès lors qu'il ne suspend pas la poursuite de l'exécution provisoire expressément autorisée par cet article, il peut, en vertu des pouvoirs que lui confère l'urgence ou la nécessité de parer à un péril imminent (comme le risque de ne pas obtenir la restitution des sommes versées), prendre la mesure utile pour éviter l'impossible restitution, par exemple, en ordonnant la mise sous séquestre des sommes réclamées dans l'attente d'une décision définitive. Cette mesure de séquestre, qui n'est en effet que conservatoire, présente l'avantage de respecter le droit du débiteur condamné provisoirement à un procès équitable reconnu comme un droit supérieur par les articles 3 et 7 de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples. En effet, l'interprétation de l'article 32 retenue par la CCJA depuis l'arrêt de principe de 2001 est de nature à conduire à une iniquité irréparable pour le débiteur au cas où le créancier qui a fait exécuter le titre provisoire se trouverait dans l'impossibilité de lui restituer ce qu'il a perçu indûment. Les objectifs visés par l'amélioration de l'acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créances et des voies d'exécution sont la recherche d'une plus grande efficacité et de célérité dans le fonctionnement de la justice commerciale. La réforme qui pourra améliorer cet acte uniforme aura pour vocation d'offrir aux opérateurs économiques un environnement propre à promouvoir les investissements privés tant nationaux qu'étrangers à travers une plus grande confiance dans l'appareil judiciaire. Elle assurera ainsi à l'OHADA l'image d'un espace économique au sein duquel les juridictions garantissent la sécurité des transactions commerciales. Cette initiative servira de levier et de vecteur de développement économique. Conclusion du chapitre II : « L'OHADA s'est dotée de lois appelées « Actes uniformes » pour faciliter les échanges, encourager l'investissement des entreprises domestiques et internationales mais aussi garantir la sécurité juridique et judiciaire. Cet objectif de sécurité juridique et judiciaire est indispensable pour drainer des flux importants d'investissement et faire de l'espace OHADA une cible de premier choix pour les investisseurs étrangers »66(*). Ce chapitre nous a permis de présenter les dysfonctionnement et les obstacles qui constituent une pierre d'achoppement sur le chemin de l'effectivité pleine et entière du droit OHADA. En effet, l'on note la présence de lacunes au sein principalement de deux actes uniformes : l'AUDCG/GIE et l'AUPRSVE. Ces lacunes constituent une entrave à la sécurité juridique visée par le législateur communautaire. Le législateur OHADA devrait donc songer à améliorer ces actes uniformes pour une meilleure sécurité juridique des IDE Conclusion de la première partie : L'environnement créé par le droit des affaires OHADA donne aux investisseurs une lisibilité quant au droit applicable à leurs opérations. Ils peuvent ainsi anticiper les risques inhérents à leurs activités. Le droit de l'OHADA garantit donc une certaine prévisibilité du règlement des conflits qui, jadis, faisait défaut. L'ensemble de l'oeuvre législative de l'OHADA vise à rassurer les investisseurs. Toutefois les lacunes de quelques actes uniformes devront être comblées par le législateur OHADA afin d'assurer au mieux la sécurité juridique des IDE. Les promoteurs du droit des affaires ne se sont pas limités à l'élaboration de normes juridiques. Ils ont eu également comme souci de donner des garanties judiciaires quant à leur application. L'uniformisation du droit entamée par l'OHADA resterait théorique si les normes qu'elle édicte étaient diversement appliquées et interprétées dans les Etats membres. L'uni?cation juridique devait nécessairement s'accompagner d'une uni?cation judiciaire pour garantir aux opérateurs économiques le principe de l'égalité de traitement. Ainsi donc, dans la seconde partie il s'agira pour nous de d'aborder le volet de la sécurité judiciaire des investissements. * 64 CCJA, 11 octobre 2001, arrêt n°002/2001 : époux Karnib c/ Société Général de Banques en Côte d'Ivoire (SGBCI), Ohadata J-02-06. * 65CCJA, 19 juin 2003, arrêts n°012/2003, n°013/2003 et n°014/2003. * 66France KERE, Les problématiques juridiques liées à l'implantation des sociétés étrangères dans l'espace OHADA, Thèse en préparation à Bordeaux, dans le cadre de l'Ecole doctorale en droit, en partenariat avec l'Institut de recherche en droit des affaires et patrimoine depuis le 31-10-2016. |
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