Plusieurs approches méthodologiques s'offrent au
chercheur pour conduire sa recherche. Toute la question qu'il doit
prioritairement se poser est celle du choix de l'approche qu'il entend
mobiliser pour appréhender la réalité.
I. Le paradigme
interprétativo-constructiviste
Ce paradigme prend appui sur deux notions :
l'interprétation et la construction. C'est une démarche
interprétative « parce qu'elle voit dans les
phénomènes organisationnels moins de réalités que
l'objet d'une représentation de la part des participants qui en font
l'expérience. Elle est constructive lorsqu'elle voit les participants en
quête continuelle d'un sens qu'ils reconstruisent à mesure de
leurs expériences » (Bouquin 1997). Pour le paradigme
constructiviste, le contrôle ou tout autre dispositif de management ne
peuvent s'accommoder dans leur observation, des méthodes des sciences
dites dures dans la mesure où les dispositifs de contrôle sont le
résultat d'un projet et d'un processus d'élaboration libres et
non pas déterminés par des forces naturelles ou de simples
applications d'un savoir unique. Ce qui doit être
privilégié ici c'est l'étude de ce processus. Ce courant
plus connu sous l'expression « l'individualisme méthodologique
».
Ebondo (2004) refuse de voir dans les organisations autre
chose qu'une coalition d'individus. Il fait ainsi beaucoup plus de place
à l'individu, à sa culture, à ses processus cognitifs et
à son apprentissage qu'au groupe auquel il peut appartenir pour un but
collectif. Les chercheurs qui adhèrent à ce paradigme
reconnaissent que le savoir qu'ils élaborent n'est qu'une
interprétation d'un réel jamais connu. Piaget résume
parfaitement cette approche lorsqu'il écrit « l'intelligence
organise le monde en s'organisant elle-même ». La
méthodologie de la recherche en contrôle a subi aussi des
influences de la sociologie des organisations (Argyris, 1952 ; Crozier, 1963 ;
Crozier et Friedberg, 1977 ; Cyert et March, 1963 ; Hofstede, 1967) de la
sémiologie. C'est surtout la sociologie qui a vu apparaître un
paradigme interprétativiste, qui s'est par la suite ramifié
(interactionnisme, ethnométhodologie) où la réalité
sociale y apparaît comme la somme d'actions individuelles construites par
des acteurs en interaction qui interprètent des références
communes stables. De ce point de vue l'objet de
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la recherche est de comprendre les processus par lesquels les
individus donnent un sens à leurs actions quotidiennes.
Si les positivistes avaient poussé les chercheurs vers
des approches quantitatives construites autour des relations statistiques entre
différentes variables pour établir des relations de
causalité, le constructivisme et l'interprétativisme
réhabilitent la recherche qualitative, les méthodes
ethnographiques à base d'études de cas, dont l'ambition est de
comprendre les processus, moins le pourquoi et le comment, les relations entre
les acteurs et les systèmes, les dynamiques qu'elles engendrent. Mais,
l'approche structuro-fonctionnaliste est combattue par la méthode
généalogique de Foucault qui considère qu'elle passe sous
silence une part de la réalité sociale de toute organisation,
lieu de conflit permanent entre les groupes sociaux et que lorsqu'elle n'oublie
pas les acteurs, elle donne la part trop belle aux managers. Les radicaux
voient ainsi les systèmes de contrôle comme des dispositifs
clés au service des dirigeants pour leur permettre de surveiller ceux
qu'ils exploitent même lorsque ceux-ci sont eux-mêmes de petits
managers. Tous ces développements ou courants ont conduit certains
auteurs ayant une logique managériale, à faire évoluer les
recherches vers l'analyse des conséquences, baptisé «
empowerment » qui n'est autre que le processus consistant à faire
refluer vers les acteurs une plus large part de décisions et de
créativité en s'appuyant sur des outils de gestion pour les faire
de manière coordonnée.
Les outils du contrôle ne seraient non plus
tournés vers la construction de personnes obéissantes et
disciplinées, mais vers l'émergence d'acteurs responsables et
innovateurs, plus nécessaires dans des organisations confrontées
à un environnement rapidement changeant.
II. LES CHOIX METHODOLOGIQUES
La principale source de donnée primaire de notre
étude est l'entretien, nous avons mené nombre d'entretien
semi-directif avec l'échantillon retenu selon différents
critères.
2-1) La méthode qualitative de collecte des
données
Les caractéristiques du matériel
théorique à partir duquel nous avons construit notre recherche
ont largement influencé les choix méthodologiques. Notre cadre
théorique est à la
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fois nourri par des recherches relatives aux CSPF, mais
également par une analyse de la littérature sur le contrôle
de gestion. Les recherches menées sur le sujet avant 2007 ont fait
l'objet de l'utilisation des méthodes quantitatives de collecte de
données. Or, celles-ci s'avèrent d'un maniement
particulièrement délicat, voire totalement inapproprié
lorsque le sujet abordé touche à un sujet aussi sensible que le
métier, qui renvoie à des questions délicates comme celles
de l'identité, du pouvoir et de la relation. Les interlocuteurs peuvent
céder, même inconsciemment, à la tentation de renvoyer une
image « satisfaisante », « positive » d'eux- mêmes
via les questionnaires. Les méthodes qualitatives de recueil des
données se sont donc imposées comme le moyen le plus pertinent
d'accès au réel.
Notre objectif ici étant d'accéder au
réel système de contrôle dans les CSPF camerounais, la
méthodologie qualitative tel qu'utilisé par Lambert (2005) et
Meyssonnier
(2015) semble être la mieux adapté pour mener
à bien notre recherche. Les spécificités de celle-ci
(méthodologie qualitative) siéent parfaitement à la nature
exploratoire de notre recherche, nous ne pouvons ressortir des
spécifiés grâce au processus mécanique se basant sur
des questionnaires mais plutôt grâce à un questionnaire
orienté vers la nature des données que nous désirons
collecter.
2-2) Le choix de l'entretien comme méthode de
collecte de données sur
l'activité
L'activité professionnelle est un sujet sensible. Les
méthodes qualitatives de recueil des données, assurant un contact
direct entre le chercheur et l'objet de recherche se sont donc imposées
comme étant les moyens les plus pertinents pour accéder au
réel. « L'entretien est une technique destinée à
collecter, dans la perspective de leur analyse, des données discursives
reflétant notamment l'univers mental conscient ou inconscient des
individus. Il s'agit d'amener les sujets à vaincre ou à oublier
les mécanismes de défense. Qu'ils mettent en place
vis-à-vis du regard extérieur sur leur comportement ou leur
pensée » (Baumard et al., 2003, p. 235). L'environnement et
les habitudes de notre population ont également fortement
orientés notre choix méthodologique ; En effet, nos observations
sur le terrain nous ont poussés à conclure que la cible de nos
entretiens est assez réfractaire lorsqu'il s'agit de transmette des
informations concernant le fonctionnement interne de leur entreprise, nous
avons donc estimé que les
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entretiens seraient le moyen le plus adaptés car ils
laissent une marge de conviction au chercheur et permets de créer un
contact qui est supposé faciliter le recueil des informations.
Deux analyses de Hughes (1997a) ont orienté le choix
méthodologique quant au type d'enquête mené durant cette
étude ; Notamment en termes de liberté accordée à
l'interviewé et d'implication du chercheur. Ces questions sont centrales
car elles sont au coeur de la validité de la recherche menée. Si
l'on veut avoir accès au rôle, au-delà de
l'activité, une certaine proximité, intimité doit
être créée entre l'intervieweur et l'interviewé.
Hughes (1997b) souligne combien sur le sujet du métier, les
interlocuteurs peuvent avoir tendance, inconsciemment ou non ; à
transformer la réalité dans leurs discours
« Une partie des problèmes de méthode
que rencontre l'étude des comportements au travail réside dans le
fait que ce sont ceux qui exercent un métier qui le connaissent le mieux
et qui fournissent les données de l'analyse. Ils risquent de joindre une
connaissance très sophistiquée et tactique des relations sociales
appropriées à une très forte volonté de refouler et
de dénier la réalité profonde de ces relations, auxquelles
s'ajoute, chez les professions de statut élevé, une grande
habileté verbale pour interdire aux autres de penser et de discuter ces
relations » (Hughes, 1997b, p. 76), ou encore à omettre
volontairement ou non une information.
2-3) Degré de liberté laissé
à l'interviewer
Concernant le type d'entretien à mener, deux logiques
s'affrontent. Pour certains auteurs, les différents types d'entretien
répondent à une finalité autre que la collecte de
données, l'entretien libre correspondant à une démarche
exploratoire, et l'entretien centré à une démarche
confirmatoire (Ghiglione et Matalon, 1978 ; Blanchet et Gotman, 1992 ; Grawitz,
2001 ; Baumard et al., 2003). D'autres défendent une méthode
spécifique, souvent en cohérence avec le domaine de recherche et
le type de problématiques envisagées (Romelaer, 2000 ; Kaufmann,
2001). Grawitz (2001) classe les différents types d'entretiens en
fonction du degré de liberté laissé aux interlocuteurs et
le niveau de profondeur des réponses obtenues. Selon elle, ces deux
paramètres définissent les autres caractéristiques des
entretiens (durée, nombre...). « Le degré de
liberté laissé aux interlocuteurs se traduit dans la
présence et la forme des questions. Le niveau d'information recueillie
s'exprime dans la richesse et la complexité des réponses. C'est
l'objectif à atteindre qui déterminera la liberté
laissée à l'enquêteur et à l'enquêté,
la
60
profondeur des informations à recueillir, c'est
à dire le type d'interview à préconiser. Liberté et
profondeur entraînent d'autres caractéristiques .
·
durée, nombre d'interviews, nombre d'enquêtés,
éléments à analyser, etc. » (Grawitz, 2001, p.
645). Blanchet et Gotman (1992, p. 43), comme Ghiglione et Matalon (1978, p.
76), soulignent les particularités de l'entretien exploratoire. Il n'est
pas question de créer ou modifier une méthode, tout en
s'autorisant l'émergence de nouvelles observations, analyses et
hypothèses.
« Les entretiens exploratoires ont pour fonction de
mettre en lumière des aspects du phénomène auxquels le
chercheur ne peut penser spontanément, et compléter les pistes de
travail suggérées par ses lectures. L'entretien est l'outil de
prédilection de la phase exploratoire d'une enquête dans la mesure
où, il est lui-même un processus exploratoire. »
(Blanchet et Gotman, 1992, p. 43). Romelaer (2000) souligne que l'entretien
semi-directif centré apparaît comme le compromis optimal entre la
liberté d'expression du répondant et la structure de la
recherche. Loin de la double castration de la curiosité du chercheur et
de la liberté d'expression de l'interviewé évoquée
par Kaufmann, l'entretien semi-directif centré laisse la porte ouverte
« aux surprises du terrain ».
« Le répondant s'exprime sur les
thèmes qu'il souhaite, et dans son propre langage .
· la
directivité de l'entretien est donc très réduite. Le
chercheur en retire deux éléments .
· (1) des
informations sur ce qu'il cherche à découvrir ; (2) des
données auxquelles il n'aurait pas pensé (la surprise venant de
la réalité du terrain) » (Romelaer, 2000, p. 1).
L'entretien libre et l'entretien semi-directif centré
ont finalement une même finalité. Ils permettent d'expliciter et
d'approfondir avec les répondants les concepts fondamentaux de la
recherche tout en laissant émerger du terrain des concepts non
envisagés par le cadre conceptuel. Ils répondent également
à la nécessité d'enraciner l'analyse de l'activité
dans l'expérience vécue des répondants. En conclusion, il
semble que la distinction majeure entre ces deux méthodes porte
davantage sur l'influence autorisée de l'intervieweur sur
l'interviewé. Cependant, nous avons choisis d'adopté la
méthode de l'entretien semi-directif centré parce que nous avons
pour objectif de déterminer les particularités du rôle du
contrôleur de gestion dans les CSPF, notre champ de recherche n'est donc
pas ouvert il est d'ores et déjà spécifié par les
différents résultats développés par le chercheur
sur le contrôle de gestion.