QUALITATIVE
De nombreux auteurs ont mobilisé l'approche
qualitative dans leurs travaux, nous allons dans cette partie nous focaliser
sur ceux jugés pertinents pour notre sujet et en ressortir leurs
limites.
3.1- Les études qui ont mobilisés
l'approche qualitative
On voit qu'il y'a un véritable cercle vertueux
performance sportive/performance économique. Une étude empirique
(Barget et Rouger, 2000, p. 66) met d'ailleurs en corrélation « la
capacité financière des clubs, les résultats sportifs et
l'équilibre compétitif » pour les clubs de
1ère et 2ème Division18. Nobre
(2001) dans ses travaux a mobilisé une approche qualitative,
l'enquête a porté sur une population de 86 petites et moyennes
entreprises à partir d'entretiens direct d'une heure environ en moyenne
avec les responsables du contrôle de gestion desdites entreprises ou le
chef de celle-là. L'analyse thématique a été
réalisée suivant deux étapes, la première reposait
sur une analyse descriptive présentant les principales
caractéristiques du thème développé. Ensuite, une
analyse des correspondances multiples permet de construire une typologie afin
d'intégrer simultanément différentes variables à
l'analyse.
Quant à Abi Azar (2005), la méthodologie qu'il
a employé lors de ses travaux sur les PMI libanaises a fortement
été influencé par le terrain. N'existant pas de
précédent concernant les PMI, il a donc choisi d'effectuer une
démarche exploratoire. Le recueil d'information s'effectue grâce
à la réalisation d'entretiens individuels semi-directifs ;
l'objectif étant de décrire les pratiques de contrôle de
gestion dans les PMI libanaises de la façon la plus objective possible.
Lesdits entretiens ont été réalisés auprès
du propriétaire dirigeant. Celui-ci exerce une influence significative
sur les modes de gestion dans les PMI de l'environnement libanais.
Condor et Rebut (2008) ont mené une recherche sur les
pratiques du contrôle de gestion dans quatre entreprises avec pour
objectif de déterminer les principaux facteurs de contingence.
18 Larbi Hasrouri (2006), LA DYNAMIQUE DU
CONTRÔLE : LE CAS DES CLUBS SPORTIFS PROFESSIONNELS
Étant donné le caractère exploratoire de
sa recherche, Condor et Rebus ont recourt à une méthodologie
qualitative peu orthodoxe à savoir la méthodologie qualitative
comparative. Leur choix est justifié par le fait que la dernière
recherche scientifique sur ce sujet était un cas unique, il s'agissait
des travaux de Meyssonnier et Zawadzki (2007). Quant aux recherches
anglo-saxonnes sur ce sujet, elles sont basées sur la trigonalisation
mais ne procède pas au regroupement des données et à la
contextualisation. Ils ont apporté une vision complémentaire aux
travaux déjà effectués sur le domaine en utilisant une
méthode qualitative multi-sites et en comparant données
recueillies grâce à un tableau matriciel (Huberman et Miles,
2003). Il s'agissait de comprendre pourquoi et comment les petites et moyennes
entreprises développent un contrôle de gestion
différent.
Dans sa recherche dans les start-ups, Meyssonnier (2015)
choisit une méthodologie de nature qualitative qui porte sur le contenu
et les modalités de mise en place du contrôle de gestion dans les
start-ups fondées sur la science. Au lieu de mener une étude
longitudinale dans une ou plusieurs start-ups comme cela a déjà
été effectué dans une PME familiale par
Meyssonnier et Zawadzki (2008) cependant, ce serait une
démarche très chronophage, aléatoire et illustrative mais
peu probante car aboutissant à la description d'un cas unique ou d'une
poignée de cas. Il a donc opté pour une alternative qui consiste
à travailler en coupe sur un échantillon de huit start-ups
à des moments différents de leur cycle de croissance, donc en
sélectionnant des cas d'entreprises performantes à plusieurs
titres (leur notoriété dans leur écosystème
régional entrepreneurial, leur pérennité et leur
croissance) avec une certaine diversité de leurs activités. Ceci
a permis également d'interroger les interlocuteurs sur les
évolutions passées de leurs outils de contrôle de gestion
dans une approche historique rétrospective. L'intérêt
d'étudier les processus de création et de développement
des start-ups dans une logique spatiale comme l'ont montré Garnier et
Mercier (2007) étant palpables, C'est pourquoi il a mené sa
recherche exploratoire au niveau de l'écosystème nantais
constitué autour de la valorisation économique de la science (un
des plus dynamiques en France après Paris et Rhône-Alpes). Sa
sélection de huit Start-up à différents niveaux
d'évolution et partenaires de ces start-up ont donc meublé son
échantillon pour son analyse qualitative.
L'objectif de la recherche de Dominique Barbelivien (2014)
est de comprendre bien profondeur un phénomène : le choix de la
structuration d'un système de pilotage dans le cadre d'une entreprise
familiale, indépendante et en croissance. Afin d'atteindre cet objectif,
il procède par une étude de cas exploratoire. Trois interviews
ont été respectivement menées en
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2010, 2011 et 2013. La durée totale des interviews
s'élève à environ douze heures. La méthode qui a
été retenue est celle de l'entretien non directif,
complété par des entretiens plus ciblés par ailleurs, un
ensemble de matériaux mis à disposition par le chef d'entreprise
a été recueilli.
Afin d'étudier les systèmes de mesure de la
performance stratégique dans leur contexte d'utilisation, et à
partir des interprétations qu'en donnent les acteurs qui les
conçoivent, Oriol et al (2017) ont choisi une méthode qualitative
de recherche (Stake, 2005) fondée sur l'étude des cas de trois
PME françaises. Ces PME ont été identifiées avec
l'aide d'un cabinet d'audit, parce que leurs dirigeants avaient
décidé dès leur arriver de mettre en place un
système de mesure de la performance pour les aider dans leur prise de
décision stratégique, après avoir constaté qu'ils
ne disposaient pas d'un système de pilotage adapté à leurs
besoins. Un total de treize entretiens semi-directifs ont été
enregistrés soit 30 heures environ. Un guide d'entretien est
synthétisé pour diriger les entretiens et a été
complété par une analyse documentaire : site internet, rapports
d'activités, comptes rendus de réunion, etc. une analyse du
contenu thématique intra cas et inter cas dans une logique d'abstraction
de la généralisation progressive (hlady rispal, 2002). Ngantchou
et Mouffa (2019) dans leur article destiné à identifier les
pratiques budgétaires en contexte PME au Cameroun, ils ont adopté
une méthodologie qualitative. La description de ces pratiques a
été faite tour à tour par des observations non
participantes (lors des réunions autour du budget, des jours ordinaires,
etc.) d'une durée de deux ans. Par la suite, des entretiens
semi-directifs ont été menés avec des responsables
d'équipe (soit le Contrôleur de gestion, soit le comptable, soit
le chef d'entreprise) Ces entretiens avaient un but de triangulation des
données issues de l'observation. Outre la triangulation des
méthodes, la triangulation des sources a également
été réalisée (Redfer et Normann, 1994).
L'objectif était de se rassurer de la
véracité et de la convergence des propos des acteurs. En fin de
compte, l'étude s'est faite auprès de 13 CSPF de divers
championnat (04 en Ligue 1, 02 en Ligue 2 et 07 en Ligue Régionale).
Barbelivien et Meyssonnier (2018) étudient les modalités de
structuration du contrôle de gestion dans trois entreprises de taille
intermédiaires familiales. La recherche étant de nature
exploratoire, une méthodologie de nature qualitative comparative a
été adoptée à partir d'une étude
croisée et avec une dimension longitudinale indirecte sous la forme de
récits de vie, de recours historiques, de recueils de point de vue et de
recherches documentaires est développé. La collecte des
données s'est effectuée par le biais d'entretiens semi-directifs
sur une durée de trois à quatre ans et du recueil de diverses
documentations internes aux entreprises étudiées.
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53
3.2- Les limites de ces études
Les travaux de Nobre (2001) présentent des limites
quant à leurs interprétations et à l'appréciation
des résultats. En premier lieu, la taille de l'échantillon incite
à les considérer comme une piste de travail à approfondir.
Il s'agit d'une démarche exploratoire demandant à être
confirmée sur une échelle plus large. Ensuite, la nature
déclarative des données même si elles ont été
recueillies de vive voix, doit conduire le chercheur à une grande
prudence. Il peut exister un décalage important entre les discours et
les pratiques effectives. L'étude de Abi Azar (2005) présente des
limites. Une des limites provient principalement de la culture des libanais et
de leur rétention à donner les informations ou la documentation
nécessaire. De plus, le management dans les entreprises familiales au
Liban se penche principalement vers l'informel. D'où la
difficulté d'utiliser la collecte de données secondaire puis de
procéder à une trigonalisation afin d'avoir une meilleure
qualité des résultats obtenus ; concernant le choix de
l'échantillon, on peut signaler une limite principale liée
à la taille de l'échantillon étudié (06
entreprises) ; elle est due au manque de temps et à la difficulté
de prendre contact avec les entreprises. Il souligne néanmoins que ceci
n'est pas en complète contradiction avec sa démarche qualitative
qui admet les échantillons de petites tailles. Il ajoute que le recours
à la méthode d'entretien pour la collecte des données
présente une limite concernant la personne interrogée : les
propos ont été recueillis uniquement auprès des
dirigeants, ce qui ne donne qu'un seul point de vue. Avoir recourt à
plusieurs entretiens avec différentes personnes dans la même
entreprise permet de renforcer la fiabilité des résultats ;
finalement toute recherche qualitative pose le problème de
généralisation.
Les résultats de Condor (2008) confirment la grande
difficulté à distinguer les facteurs de contingence et à
bien les comprendre ainsi que leur réel impact sur les pratiques du
contrôle de gestion. Cette difficulté est d'autant plus importante
que le nombre de cas est faible. L'étude porte sur quatre entreprises et
malgré la méthodologie importante mise en place, on ne peut voir
ici que des résultats provisoires. Ils mériteraient d'être
sujet à une étude plus approfondit sur un nombre de ça
plus élevé. Un autre élément important a trait aux
entreprises ciblées. Il semble qu'il y'ait une différence
flagrante entre les entreprises francophones et les entreprises anglo-saxonnes
et les recherches anglo-saxonnes. Les premières semblent analyser
l'adoption du contrôle de gestion de façon assez statique, ne
s'intéressent finalement qu'aux différences selon la taille de
l'entreprise. Or, ce positionnement semble avoir été
abandonné dans le monde anglo-
saxon. En effet, la méthodologie anglo-saxonne
s'oriente davantage sur le facteur temps/cycle de vie. L'adoption de certains
systèmes de contrôle de gestion ne serait pas directement
liée à la taille de l'entreprise mais à son stade
d'évolution. C'est la raison pour laquelle plusieurs recherchent se
penchent sur les start-ups quel que soit le nombre d'employés qu'elles
embauchent.
Cependant, la recherche de Meyssonnier (2015) ne concerne
qu'une dizaine de startup reconnues dans leur écosystème pour la
qualité de leur pilotage. Il s'agit donc d'un travail exploratoire et
limité sur les meilleures pratiques. Certes il permet d'identifier des
propositions, mais pas encore de connaitre les pratiques moyennes en
matière de pilotage de la performance dans les start-ups ni de valider
des hypothèses sur les outils les plus adaptés.
Par ailleurs, pour prolonger cette étude, plusieurs
perspectives sont ouvertes. Un programme de recherche scientifique
prévoit de répliquer et d'enrichir cette étude par des
recherches dans d'autre écosystèmes innovants pour accumuler les
données sur les meilleurs pratiques en matière de contrôle
de gestion dans les start-ups (poursuite des recherches
empirico-déductives). Une démarche statistique à grande
échelle est également envisagée afin de recueillir des
informations sur les pratiques moyennes, celle fois ci de toutes les start-ups
et en faire une analyse statistique à grande échelle permettant
de tester les dix propositions qu'il a tiré de son étude
exploratoire (tests statistiques et vérifications théoriques).
Pour autant, la recherche d'Oriol et al (2017) comporte des
limites. Tout d'abord la grille d'analyse SMPS a été
délibérément réduite à trois dimensions.
Ensuife, le nombre de cas étudiés est limité et correspond
à des contextes particuliers : des difficultés
financières, un projet de diversification, l'arrivée d'un nouveau
dirigeant plus éduqué ayant travaillé en grande entreprise
qui a volontairement décidé de travailler en PME. Enfin,
l'identification des cas a été effectuée par un cabinet
d'audit ; ce qui pourrait constituer un certain biais de sélection. Les
résultats ne sont donc pas « statistiquement
généralisables » (Rispal, 2015) à toutes les PME,
mais eu égard à l'objectif et à la méthode mise en
oeuvre.
Quant à la recherche de Ngantchou et Mouffa (2019),
elle présente certaines limites. Tout d'abord, sur le plan
méthodologique, il semble que le choix de la démarche qualitative
est discutable car elle ne permet pas de généraliser les
résultats de l'étude affaiblissant ainsi sa validité
interne. Ensuite, l'une des grandes critiques de la méthode qualitative
vient des risques de biais dus à la proximité entre le chercheur
et l'objet d'étude, et sur la liberté d'interprétation
qu'elle offre. Ensuite, sur le plan empirique, même si le choix de leur
échantillon de PME a
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atteint la saturation théorique, ils ne peuvent pas
affirmer avoir synthétisé toutes les pratiques budgétaires
existantes dans le contexte des PME. D'ailleurs, même si cela peut se
justifier, l'enquête a porté principalement sur les PME de la
ville de Douala une étude quantitative pourrait être menée
pour confirmer que les pratiques budgétaires contraignantes par
persuasion ou informelles sont les meilleures pratiques budgétaires en
contexte PME. Par ailleurs, la description des pratiques budgétaires
nécessite une imprégnation au sein des entreprises. Ainsi, les
travaux futurs pourront soient faire une étude longitudinale soit une
étude par carte cognitive de manière à observer de
manière plus approfondie et détaillée les pratiques
budgétaires.
La limite de l'étude de Barbelivien (2014) se trouve
au niveau du fait que le cas étudié est en phase de
développement. Elle étudie donc le passage entre la phase de PME
peu outillée et à celle d'entreprise de plus grande taille
structurant son système de pilotage de la performance. L'observation de
cette entreprise doit donc se poursuivre afin d'alimenter la réflexion
initiée notamment par Zawadzki et enrichir les connaissances des outils
de gestion dans ces entreprises qui ne sont plus des PME peu outillées
et qui se dotent de moyens plus performants pour leur développement, mas
dont les responsables semblent souvent démunis face à la
complexité de la tâche.
Il convient que dans l'étude faite par Barget et
Rouger en 2000, le budget et la somme consacrée aux salaires des joueurs
sont décisifs quant à la réussite du club. Même si
l'expérience a montré qu'il ne suffisait pas de disposer d'une
manne financière considérable pour bâtir une bonne
équipe, il apparait que cette variable financière conditionne
grandement le succès du club. Les auteurs montrent ensuite que
l'incertitude sportive d'un championnat augmente lorsque les écarts de
capacité financière des clubs se réduisent. Cette relation
illustre l'importance que peut revêtir pour l'équilibre d'un
championnat une dispersion plus ou moins forte de la puissance des clubs et
donc l'intérêt d'une régulation financière et
juridique des clubs.
Outre ses recherches de 2014, celle menées en 2018
avec Meyssonnier présente une faiblesse quant au nombre de cas
observés ce qui rend donc difficile voire impossible la
généralisation des résultats du fait de cet
échantillon.
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3.3- Le lien entre ces recherches et notre
thème
Les études antérieures menées dans le
cadre des travaux sur le contrôle de gestion dans les entreprises de
petites tailles sont depuis les années 2007 pour la plupart
menées selon la démarche qualitative et la posture
épistémologique Interprétativiste. Ces recherches ont
toutes vocations à généraliser les pratiques menées
par les clubs sportifs professionnels de football afin d'améliorer la
compréhension sur les spécificités de ceux-ci. Notre but
dans cette recherche est de déceler les spécificités du
contrôle de gestion dans les CSPF camerounais, en raison des
spécificités de l'environnement économique camerounais et
des réalités auxquelles font face les CSP exerçants dans
le littoral, les choix méthodologiques doivent respecter deux
critères :
· Tout d'abord les contraintes méthodologiques de
notre thème que nous cernons d'avantage grâce aux
méthodologies des recherches antérieures et leurs limites ;
· Et les contraintes spécifiques à
l'environnement camerounais.
Les recherches antérieures nous permettent d'ores et
déjà de postuler sur une démarche qualitative similaire
à celle adopté par Lambert (2005) pour la marge de manoeuvre
qu'elle procure dans le processus de collecte de donnée principal
obstacle de notre phase empirique. Cette section avait pour but de faire une
revue des principaux travaux utilisant la perspective méthodologique
qualitative et de relever les limites auxquelles ils ont fait face. Par
ailleurs, il convient de noter que l'organisation sportive a besoin d'un
ensemble de règles opérantes servant de cadre utile pour
l'action. Dupuy (1989) le rappelle, une convention constitue une solution
à un problème de coordination répétitif qui, ayant
réussi à concentrer l'attention d'un certain nombre de parties
prenantes tend à se reproduire régulièrement. Nous pouvons
déjà postuler sur la démarche méthodologique de
notre recherche et les limites auxquelles nous pourrons faire face. La suite
consistera donc en une déclinaison de notre méthode de travail
ainsi qu'à la collecte et au traitement des données.