SECTION 1 : LA THEORIE DE LA CONTINGENCE
STRUCTURELLE
Cette théorie portée par Lawrence et Lorsh
(1967) approfondissent les idées développées par Woodward,
Burns et Stalker (1961) en étudiant l'environnement comme une contrainte
déterminante sur la structure et les performances d'une organisation.
Les théories de l'école de contingence postulent
que les facteurs environnementaux rendaient contingentes les structures de
l'organisation. Elle s'oppose donc aux théories classiques du taylorisme
qui disent qu'il existe un modèle optimal, une organisation
normative.
On distingue alors plusieurs formes de contingence à
savoir : la contingence technologique (les technologies mise en place par les
entreprises expliquent les différences rencontrées entre ces
entreprises), la contingence structurelle (l'Adaptation de l'organisation
à son environnement). En raison du poids de l'environnement sur les
CSPF, l'importance des facteurs de contingence sur eux se perçoit
très aisément dans le cadre de l'application d'un contrôle
de gestion ; notre étude se situe donc dans le groupe de la contingence
structurelle.
I- Un bref aperçu sur la
théorie
Lawrence et Lorsch partent du même questionnement que
Burns et Stalker : identifier les facteurs environnementaux qui expliquent la
structure organisationnelle. Ils ont étudié la structure
organisationnelle de 10 entreprises dans trois secteurs. Les 3 facteurs
d'incertitude de l'environnement mis en avant sont le changement des conditions
de l'environnement, la certitude des informations acquises et la durée
nécessaire pour connaître le résultat des décisions.
L'adaptation des structures à l'environnement est une condition de
survie et d'efficacité des organisations au regard de deux comportements
:
La différenciation :
développement des caractéristiques organisationnelles tant sur le
plan technique que sur le plan humain en fonction des contraintes de
l'environnement à partir de sous-ensembles sont autonomes ;
L'intégration : pour accomplir les
objectifs fixés, les entités organisationnelles fonctionnent de
manière cohérente.
La contingence structurelle désigne
donc l'interdépendance entre la structure et les caractéristiques
de son contexte. Les caractéristiques des systèmes de
contrôle des PME
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varieraient en fonction des caractéristiques
structurelles et environnementales de l'entreprise et du profil des acteurs en
présence (Rowe, Fernandez et Picory, 1994 ; Lavigne, 2002 ;
Rouleau, 2007).
La théorie de la contingence s'oppose à celle
des classiques et de leurs modèles d'organisation universels, peu
importe l'organisation en place, on ne peut appliquer de manière
indistincte une série de règles (Morgan, 1999 ; Rouleau, 2007).
Les décisions de gestion devraient se fonder sur un ensemble de facteurs
qui varient dans le temps, les contingences et les caractéristiques et
aptitudes des gestionnaires à apprécier la nature de ces
contingences afin de prendre la décision adaptée. Cette
théorie est très adaptée dans le cadre d'une étude
sur les CSPF car elle intègre pleinement le fait que ce type
d'entreprise a ses propres règles, ses facteurs de contingences internes
sont très différents de ceux des grandes entreprises par les
moyens matériels et humains mais aussi des systèmes mit en place
dans celle-ci. Cette différence se fait aussi ressentir par la pression
et les contraintes environnementales auxquelles ils sont soumis. Les
systèmes classiques de gestion ne seraient donc être les mieux
adaptés dans les CSPF par les spécificités de ceux-ci et
selon l'opposition au principe du modèle universel de l'organisation.
Affès et Chabchoub (2007) disent concernant cette
théorie que la structure d'une organisation est conditionnée par
les traits qui caractérisent la situation dans laquelle elle
opère. La théorie de la contingence structurelle voit
l'entreprise comme un système ouvert, constitué d'un ensemble de
sous-systèmes en interactions constantes et dont la survie dépend
de l'adaptation à leur environnement (Boukar, 2009). Cette
théorie introduit donc le rôle actif de l'environnement sur la
structure de l'organisation.
Les facteurs de contingence sont qualifiés de
structurels lorsqu'ils sont liés à l'organisation. Autrement dit,
les facteurs de contingence structurelle sont des facteurs ou paramètres
influençant l'organisation. Brennemann et Separi (2001) identifient six
facteurs de contingence à savoir : la structure, la taille, l'âge,
la culture de l'entreprise, l'emploi de la technologie et l'environnement. En
plus de ces facteurs, Chapellier (1993) ajoute la nature de l'activité
de l'entreprise. Condor dans ses travaux sur l'introduction du contrôle
de gestion dans les PME s'est focalisé sur les facteurs taille et
âge. Ces travaux ont mis en avant la primauté des facteurs de
contingences dans l'étude des PME. Bien qu'étudiant à la
fois des facteurs
internes et externes à l'entreprise, la théorie
de la contingence, ne met pas d'accent sur l'influence des paramètres
socioculturels sur la croissance des petites entreprises (Boukar, 2009). Selon
le principe de la contingence, il n'y a pas de facteurs clés de
succès universels et valables en toute circonstance. De ce fait, nous
devons reconnaître que c'est la combinaison d'un ensemble de facteurs
humains (J. Feudjo, 2006), organisationnels (B. Mazouz, 2003), financiers (O.
Colot et M. Croquet, 2007), environnementaux (Ph. Callot, 2006) ... qui sont
efficaces dans un contexte donné, et qui ne le sont pas dans d'autres.
C'est dans ce sens que Lawrence et Lorsch (1968) en parlant des structures
organisationnelles affirment : « Il n'y a pas une structure qui est
meilleure mais plutôt différentes structures qui sont les
meilleures dans différentes conditions » (Boukar, 2009)
II- Travaux ayant mobilisés la théorie de la
Contingence
Afin de comprendre quels types d'organisation permettent de
faire face à l'environnement et son instabilité, Lawrence et
Lorsh (1967) ont menés une étude sur une dizaine de firmes dans
trois secteurs d'activités différents avec des environnements
très variés. Leurs recherchent ont mis deux points en
évidence :
- Le degré d'instabilité de l'environnement
scientifique, technologique, économique et commercial joue un rôle
important sur la structure de l'organisation ;
- La formalisation de la structure d'une organisation varie
dans le même sens que le degré de certitude de l'environnement.
À la suite de ces conclusions, ils ont
développé deux concepts clés à leurs travaux
à savoir : la différenciation de l'organisation et
l'intégration de l'organisation.
· Le concept de différenciation
renvoie au degré de différence de comportement et de
fonctionnement que l'organisation va adopter pour répondre aux demandes
de l'environnement, plus l'environnement est instable, plus l'organisation se
différencie ;
· Tandis que le concept d'intégration
renvoie à l'unicité de l'effort entre les
différentes attitudes et une unité de travail, plus les
unités de travail sont différenciées, plus il y'a besoin
d'intégration pour coordonner les actions. Ils ont conclu à la
fin que la structure d'une organisation est bien contingente à des
facteurs internes et externes qui peuvent varier.
Burns et Stalker (1963), deux autres auteurs de
l'école de la contingence et ses théories ont menés quant
à eux des travaux sur l'impact de l'environnement sur le fonctionnement
d'une vingtaine de firmes en Grande-Bretagne. Ils montrent dans leurs
études que la structure d'une organisation dépend de facteurs
externes à savoir : l'incertitude et la complexité de
l'environnement (les changements de la technologie et du marché). Ils
ont donc distingué deux types de structure dans les organisations :
Les structures mécanistes qui sont adaptées des
environnements stables, sont formalisées et centralisées,
permettent difficilement de répondre à des situations
inhabituelles et sont de type bureaucratique.
Les structures organiques qui sont
caractérisées par un environnement plus instable, plus flexible,
plus adaptative, la résolution de conflits par échanges
interpersonnels, prise de décisions plus décentralisée.
Par la suite, ils ont conclu qu'en réalité on
ne trouve pas des structures mécaniques ou organiques pures, ce ne sont
que des idéaux types. Cependant, on trouve des combinaisons de ses deux
types de structures avec une domination d'une ou de l'autre. Aucune structure
n'est donc figée ; elles évoluent en fonction des changements de
l'environnement. Katz et Khan (1966) avaient déjà insisté
sur le rôle de l'environnement dans leurs travaux.
L'approche de contingence stipule qu'il est probable qu'un
facteur interne ou externe propre à l'organisation ait un effet sur une
ou plusieurs de ses composantes (Fabi, Garand et Pettersen 1993). Cette
théorie contingente de l'entreprise correspond à une conception
de l'entreprise comme un système ouvert, constitué d'un ensemble
de sous-systèmes en interaction constante, dont la survie dépend
de l'adaptation à son environnement (Katz et Khan 1966). En effet,
l'entreprise n'a pas toujours le contrôle absolu de ses actions : elle
doit acquérir les ressources nécessaires et disposer de sa
production, et elle dépend, par conséquent, de l'environnement
extérieur (Boukar, 2009). Cette théorie accorde donc un
rôle important à l'environnement dans l'établissement et la
réalisation des objectifs de la firme (Thiétart, 1980). Le
courant de la contingence part de l'idée que les dirigeants d'entreprise
structurent leur organisation et élaborent leur stratégie en
fonction de l'évolution de l'environnement de leur firme, et que dans
ces conditions l'adaptation de l'entreprise est un impératif de survie
pour elle (D. Miller et P.H. Friesen 1982, 1983). Mais cette adaptation
à l'environnement n'est pas linéaire. Elle dépend des
« choix d'environnement » effectués par les entreprises
(Boukar, 2009).
Lambert et Sponen dans leurs travaux sur la création
d'une typologie de la fonction contrôle de gestion ont soulevés le
fait que les critères d'adoption d'un modèle de gestion sont
fonction des facteurs internes à l'entreprise (la culture et la
technologie de l'organisation) (brennemann et separi, 2001 ; Mazouz, 2003). Ils
ont défini quatre types de contrôle de gestion qui sont fonction
du processus complexe du contrôle organisationnel.
Nobre (2013) quant à lui a démontré que
la mise en place d'outils n'est pas neutre. L'introduction du contrôle de
gestion se heurte à des facteurs sociopolitiques liés aux
rôles des acteurs stratégiques qui peuvent faire échouer la
démarche : les outils ne s'appliquent pas de manière
mécanique (Bernoux, 2004). La recherche a mis en évidence que
l'avènement du contrôle de gestion bouleverse les zones
d'incertitude contrôlées par le dirigeant et son expert-comptable.
Le contrôle panoptique et clanique du dirigeant ainsi que les prises de
décision centralisées et intuitives sont remis en question. En
effet, les décisions prises par l'entreprise dépendent des
variables internes de l'organisation et de la conjoncture de celle-ci.
Schmitt et Filion (2009) ont menés des travaux sur le
contrôle de gestion. Ils ont identifié des paramètres
prédictifs de certaines configurations organisationnelles (Desreumaux,
1992). Cette recherche s'est inscrite dans une approche universaliste des
organisations telles que les TPE. Ils se sont servis d'une approche contingente
afin de réaffirmer et de redonner une place importante à
l'entrepreneur comme individu cognitif et social évoluant dans une
complexité finalisée et finalisant. Cette approche ne consistait
pas à se focaliser sur l'entrepreneur, ce qui reviendrait à
prolonger l'approche par les traits qui a dominé les travaux dans le
domaine de l'entrepreneuriat dans les années 80, mais d'envisager
l'entrepreneur dans sa globalité et ses interactions.
Ainsi, l'entrepreneur ne se définit pas par
lui-même et il n'est pas plus un attribut de l'entrepreneuriat. Il se
définit à travers les relations avec les autres dans un contexte
d'interdépendance (Julien et Schmitt, 2009). En effet cette approche de
Schmitt et Filion met en évidence l'importance de l'environnement sur
les petites et moyennes entreprises et l'impact qu'a les facteurs de
contingences sur la structuration organisationnelle de ce type d'entreprise.
Chafik et Hanane (2015) dans leur travail de recherche, ont analysé les
variables explicatives de la formalisation du système d'information des
PME Marocaines. L'objectif étant d'essayer de proposer un modèle
de recherche portant sur les variables de contingence spécifiques aux
PME. L'essai de validation empirique a porté sur un échantillon
de 68 PME de la région de Tanger. Les résultats ont montré
que le niveau de la formalisation du système d'information est
dans l'ensemble moyen, la structure de ces PME étant
hybride (mécanique et organique), elle change donc constamment selon
l'évolution de l'environnement. Ils ont également affirmé
que le niveau de la formalisation du système d'information s'explique
par les quatre facteurs de contingence liés aux caractéristiques
de la PME, au profil de son propriétaire-dirigeant, a son secteur
d'activité et au réseau professionnel dont elle appartient.
La recherche action puis l'observation participante conduite
chez Alpha Mode ont permis à Nobre et Zawadzki (2013) de
démontrer que la mise en place d'outils n'est pas neutre. Ils ont
démontré que l'introduction du contrôle de gestion dans une
organisation est fortement influencée par les facteurs sociopolitiques
liés aux rôles des acteurs stratégiques qui peuvent avoir
une influence négative sur l'aboutissement de ladite
introduction.il apparait donc que
l'environnement (en particulier les facteurs sociaux politiques) à un
fort impact sur l'organisation du processus de gestion d'une organisation. La
culture de l'entreprise apparait donc dans leur étude comme le facteur
de contingence le plus représentatif. Une synthèse de ces travaux
nous amène à noter à chaque fois les diversités
pratiques concernant les choix de modèles de gestion d'une étude
à une autre, selon l'environnement, la localisation, la taille de
l'entreprise, l'âge de la structure et d'autres facteurs
(sociopolitiques, technologies, structure, etc...), les réalités
des entreprises étudiées ont pour point commun leur
particularité. D'où l'importance de la mobilisation de cette
théorie dans le cadre de l'étude des spécificités
du contrôle de gestion dans les organisations de très petite
taille de l'environnement camerounais.
Cette section avait pour but de faire un brainstorming sur la
théorie de la contingence, aborder sa définition selon
différents auteurs et faire une étude des différents
travaux ayant eu pour base la théorie de la contingence afin de
justifier la pertinence de notre choix de théorie. Nous retenons que les
CSPF par leurs particularités ne sont pas soumis aux mêmes
réalités que les autres organisations d'où la
nécessité d'intégrer les facteurs de contingences propres
à eux afin de mener une étude sur le contrôle de gestion au
sein de celles-ci. Nous allons par la suite étudier les
différents éclaircissements déjà apportés
sur notre thème par les différents auteurs.
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