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La place des rappeuses dans l'industrie musicale française


par Léa Piacentini
ISCPA - Bachelor de Production de projets artistiques 2022
  

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I. Un chemin vers la parité

Je pense que le plus important est de donner un maximum de visibilité aux rappeuses et de féminiser l'industrie musicale française. Assurer la parité dans l'industrie musicale et dans la programmation, jusqu'à peut-être mettre en place des quotas, pourrait créer un cercle vertueux qui aiderait les rappeuses à se populariser auprès du public et ce, de la manière dont elles le souhaitent.

1/ Plus de femmes dans l'industrie, pour un nouveau point de vue

Les artistes féminines qui veulent réaliser leurs projets musicaux se retrouvent dans une chaîne de production avec bien souvent que des hommes impliqués dans la création et la vente de leur musique. En studio, il y a encore trop peu de femmes ingénieures du son ou beatmakeuses, les directeurs artistiques et producteurs qui opèrent par la suite sont aussi bien souvent des hommes. Si cela peut paraître anodin, la vision qui est portée lors de la création de la musique et lors de la stratégie commerciale est entièrement masculine, en plus de celle de l'artiste, et transforme la vision de celle-ci. C'est un phénomène qu'on appelle le male gaze. «Le procédé n'est

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évidemment pas conscient (...) Le male gaze est l'un des résultats d'une société sexiste dans laquelle les décideurs sont trop souvent des hommes et où les femmes sont avant tout considérées pour leurs attraits physiques» (Clotilde Boudet)31. Avoir plus de femmes qui accompagnent les rappeuses tout au long de la chaîne de production musicale permettrait d'apporter un regard féminin, mais aussi que certaines artistes se sentent plus à l'aise pour construire l'image qu'elles souhaitent réellement projeter. J'insiste sur le fait que ce phénomène reste très inconscient, peu de femmes par exemple, font la demande d'enregistrer en studio avec une ingénieure du son femme. Je pense pourtant, que cela peut être très intéressant artistiquement, et amener les artistes à s'aventurer vers des propositions que l'on n'a pas l'habitude de voir.

«Renouveler les gens qui ont la parole, qui sont chroniqueurs ou animateurs, les producteurs ou réalisateurs, les décideurs ... il faut un renouvellement de génération et de point de vue. Il faut juste arrêter de mettre que des hommes à tous les postes» (Mouv', Être une femme dans le milieu du rap c'est pas gagné).

Ce n'est pas seulement dans la chaîne de production qu'il faut plus de femmes, mais dans l'industrie en général, à la tête de labels mais aussi de médias, invitées sur des plateaux tv, des débats, des critiques musicales... Il faut être intransigeant sur la parité en général, et donner l'occasion aux femmes de s'exprimer, sur n'importe quel sujet, pas que sur la place des femmes. «Les femmes sont surtout invitées pour parler de sujets féminins, de rappeuses»32. Même si c'est important d'en parler, il serait tant que la question «les femmes ont-elles leur place dans le rap ?» devienne has been. Il faut également en finir avec le terme de rap féminin, qui crée une catégorie, qui, dans les esprits est inférieure au masculin (foot féminin, artiste féminine de l'année...). En Angleterre, les Brits Awards ont aboli les catégories genrées pour l'édition 2022, c'est Adèle qui a remporté le prix d'artist of the year et non female solo artist comme en 2016.

Il faut peut-être mettre en place des quotas de parité. On se rend compte que les artistes femmes sont sous-représentées dans les programmations de festivals. Certains programmateurs utilisent

31 BOUDET Clotilde, On vous explique le male gaze, Les Potiches, 2020

32 Radio France, Mouv', Être une femme dans le milieu du rap c'est pas gagné, 2022

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encore comme excuse qu'elles sont peu nombreuses ou n'apportent pas le même public. En Suisse, elles représentent entre 6% et 33% des programmations, selon la taille du festival. «C'est quand même curieux de trouver encore si peu de femmes en 2022. J'estime que la mission d'un directeur de festival est de chercher cette diversité. On doit étendre son champ d'action, faire un effort pour aller les chercher directement dans les labels ou dans les agences, là où elles se trouvent» (Albane Schlechten, directrice de la FCMA). Finalement, on ne leur donne jamais leur chance. De même, on compte seulement 17 % d'auteures-compositrices enregistrées à la SACEM, seules 16 % des Victoires de la Musique du meilleur album ont été décernées à des femmes et les aides accordées à des projets musicaux portés par des femmes s'élèvent à 25 % du montant global des aides (MaMa Festival 2019).

Voir plus de femmes s'exprimer aura un impact sur le public féminin et lui montrera qu'il est légitime pour les femmes en tant que public aussi, d'exprimer leurs critiques, leurs avis, leurs goûts en termes de musique. Voir plus de rappeuses et de femmes à des postes de décision incitera aussi d'autres femmes à se lancer dans le rap, en tant qu'artistes ou productrices, ou tout autre métier considéré comme masculin. Le but en fait, est de créer un cercle vertueux.

2/ Donner de la visibilité

Donner plus de visibilité aux rappeuses est probablement la solution la plus basique et la plus efficace. Plus on montre des rappeuses au public, plus le public en écoutera, et l'industrie suivra. Il faut arrêter de penser que les femmes sont rares dans le rap. La visibilité ça passe par mentionner les projets féminins qui sortent, faire un portrait d'une rappeuse plutôt que d'un rappeur de temps en temps. Il faut leur donner la parole sur des critiques, des masterclass, des débats... La visibilité peut aussi être donnée par exemple, sur des supports de communication, au lieu de choisir un rappeur, on choisit une rappeuse. En clair, présenter une artiste qui rappe comme normal et courant dans le rap pour faire évoluer l'image du rap comme un milieu masculin. Il est important aussi de ne pas parler des rappeuses par rapport à leur genre, ne pas les présenter comme des exceptions et faire plus de sujets où on ne leur demande pas simplement ce que ça fait d'être une femme dans le rap.

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«Les questions c'est soit tu penses quoi de Diam's, ou le féminisme, être une femme dans le rap... Elles ont envie de parler d'art, qu'on leur pose des questions sur leurs textes, leur clip, leur vision du monde...» (Lola Levent, fondatrice de DIVA Management)33

«Si elles n'abordent pas le sujet, je n'en parle pas dans mes articles, sauf si je sens qu'elles ont envie de s'exprimer sur le sujet, alors on en discute» (Lise Lacombe, co-rédactrice en cheffe de Mosaïque)34.

«Plus on mettra des personnes de genres, milieux différents dans des postes à responsabilité, plus on apportera de la diversité dans l'industrie et au public. S'il y a peu de femmes DA dans les majors, ça veut dire que tous les artistes que l'on voit sont choisis par des hommes» (Éloïse Bouton).

Pour contrer le déni d'antériorité, il faut aussi rappeler l'histoire du rap, notamment que les femmes sont là depuis le début, et pas que Diam's. Le média Mosaïque préconise un travail d'archivage, retrouver les enregistrements de rappeuses qui ne sont pas forcément sur les plateformes, les interviews etc... C'est un travail nécessaire pour rappeler que les femmes ont leur place dans le rap, en mettant en lumière les rappeuses d'hier, on donne accès à celles d'aujourd'hui.

3/ For Us, by Us

«Il y a beaucoup de dispositifs de révélation/accompagnement qui existent mais sont montés par des hommes blancs cisgenres. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas une bonne chose, mais j'ai peur qu'à terme le business se fasse à leur dépens. Donc plus d'initiatives faites par les femmes, for us by us.» (Éloïse Bouton).

Si avoir plus de femmes à des postes de décision dans les grandes entreprises existantes est important, on peut aussi créer de nouvelles structures, par des femmes et pour des femmes pour

33 Lola Levent pour Aujourd'hui Demain, The Red Bulletin podcast, 2022.

34 Intervention de Lise Lacombe lors de la conférence Rapper au féminin, Upercut festival, 2022

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apporter un regard féminin neuf sur la production et les artistes. De plus, il faut veiller à ce que les artistes se développent de la manière qu'elles le souhaitent et en sécurité tout au long du processus de création, production et promotion. Pour cela, l'entourage professionnel compte énormément. Comme pour tout artiste mais encore plus pour des profils minoritaires qui connaissent plus de risques dans l'industrie, il faut que l'équipe de l'artiste comprennent leurs enjeux, conscients ou inconscients.

C'est ce que fait Lola Levent, une journaliste musicale qui a fondé DIVA Management, pour les artistes qui s'identifient comme femme ou LGBTQIA+. DIVA représente notamment les artistes Angie, Lazuli, Joanna, Neslas, Lou CRL et Yanis. La boite propose aussi des rendez-vous pour accompagner les artistes qui le souhaitent dans leur développement de carrière, avec des conseils en stratégie image, media training ou comment bien choisir ses partenaires business. DIVA défend la diversité dans l'industrie musicale et le soutien entre femmes.

«J'essaye de mettre en valeur la prise de paroles des femmes elles-même». «Les artistes que j'accompagne font la musique que j'ai toujours rêvé d'écouter» (Lola Levent).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus