III. Démonstration d'un cercle vicieux, liant public
et industrie 1/ Le rap, victime de stéréotypes
Pour indication, dans le sondage que j'ai mené, 75% des
participants trouvent que le rap est un milieu masculin et 36% trouvent que les
textes de rap sont misogynes.
Le rap subit de nombreux stéréotypes : musique
vulgaire, misogyne, violente... Je ne vais pas prétendre que ce n'est
pas le cas, mais il est vrai qu'on s'arrête souvent sur cette image sans
chercher plus loin, comme si le rap n'était pas un mouvement musical
complexe et savant. Pourtant, la musique est un reflet de la
société dans laquelle nous vivons. De plus, on a tendance
à oublier que la misogynie est présente dans tous les domaines de
la société, et dans tous les styles de musique. Ce n'est pas
propre au rap. La sociologue Emmanuelle Carinos avait été
invitée dans un débat de Public Sénat sur les violences
sexistes dans le rap, lors duquel elle avait mis en avant cette phrase de
Michel Sardou : «J'ai envie de violer les femmes, de les forcer à
m'admirer», tirée de sa chanson Les Villes de Solitudes.
J'ajoute à cette réflexion sa chanson Être une
femme en 2010, qui avait fait beaucoup de bruit auprès des
mouvements féministes, on comprend pourquoi si on se concentre sur les
paroles. On peut aussi citer Léo Ferré, artiste à la plume
glorifiée jusque dans nos programmes de lycée, qui parle de la
misogynie dans une interview de 1971 : «La femme est un objet
extraordinaire (...) Il n'y a pas de femme grand génie (...) C'est pas
assez intelligent, jamais. L'intelligence des femmes c'est dans les
ovaires». On voit davantage le sexisme et la violence dans le rap,
perçu comme une musique de classe populaire et de personnes
racisées, que dans des musique considérées comme plus
savantes, où l'artiste est facilement dissocié de son art. C'est
comme si on refusait la capacité de second degré, de narration au
rap. Les textes, comportant un langage plus familier et cru, jouent aussi
sur
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l'imagerie collective, alors que l'objectivation des femmes
est la même et est résolument ancrée dans toutes les
générations musicales.
Cette image du rap peut avoir un impact sur les filles qui
souhaitent devenir rappeuse. Elles peuvent avoir peur de se lancer, ne pas se
sentir légitimes. Certaines subissent une pression de leur entourage qui
a en tête une image dévalorisante de la femme dans le rap.
La rappeuse Pumpkin estime que «par manque de
modèles, ou pour des raisons d'éducation, elles ne se projettent
pas à ces postes et n'envisagent pas se lancer dans ces métiers
qu'elles considèrent inconsciemment comme masculins.»
Le rap est en réalité un microcosme de la
société, les critiques que subissent les femmes qui se lancent
dans ce milieu, sont les mêmes que dans beaucoup d'autres. Artiste est en
plus de tout ça un métier où on est exposé, tout
est pris en compte, le look et la vie privée souvent autant que la
musique. L'art a une particularité, c'est que chacun peut donner son
avis, il n'y a pas besoin d'être un média spécialisé
ou un expert, d'avoir fait des études sur le sujet pour évaluer
la qualité d'une prestation scénique, d'un album ou d'un clip.
Tout le monde écoute de la musique, et tout le monde donne son avis. Ce
phénomène est encore plus vrai depuis l'arrivée des
réseaux sociaux.
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