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L'importance de la relation à  l'institution dans la professionnalisation des AUESH: l'AESH référent un acteur essentiel


par Marilyne Louis
Université de Bourgogne - Master sciences de l'éducation - Parcours expertise économique et sociale des systèmes éducatifs 2023
  

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Partie1 : éléments théoriques connus

I.

La professionnalisation

1. Définir et préciser l'objet de l'étude

Sur un axe sémantique la racine « profession » renvoie dans un premier sens à « une occupation dont on peut tirer ses moyens d'existence » (Dictionnaire Le Robert) ce qui ajoute une connotation positive dans une société pour laquelle le travail reste un pilier. Cette valeur ajoutée s'intensifie dans un second sens: « Métier qui à un certain prestige social ou intellectuel » (toujours selon Le Robert). Pour préciser, d'après Dubar (1998), la profession suggère l'idée d'une activité plus cérébrale que le métier qui resterait principalement manuel. Elle renvoie à un groupe professionnel dont les membres partagent une identité professionnelle, des savoirs, et bénéficient de reconnaissance professionnelle de la part des institutions concernées, de la communauté et de leurs supérieurs.

Ce radical de profession est prolongé par le suffixe (-alisation) qui traduit un sens de processus, celui par lequel l'occupation devient profession. Le terme apparaît fin XIXème dans des groupes sociaux et devient il y a une trentaine d'années, une réelle préoccupation en France.

Pour le sociologue Richard Wittorski la professionnalisation émane d'une intention des organisations visant à apporter de la flexibilité dans les activités de travail et des compétences aux individus, et en ce qui concerne l'école «Les institutions éducatives se trouvent aujourd'hui et depuis un certains temps dans « la nécessité » de professionnaliser » (Wittorski R., 2008). L'explosion des besoins en accompagnants d'élèves en situation de handicap dans la logique de l'école inclusive amène l'Éducation Nationale à cette injonction de professionnalisation ; d'une logique de résultat nous sommes passés à une logique de rendement, l'école n'échappe en rien à ce changement de direction.

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Au sujet de la professionnalisation, historiquement nous pouvons différencier ces points de vue:

· une première approche anglo-saxonne, de la sociologie des professions, fonctionnaliste, voit la constitution de la profession comme une nécessité pour répondre à un besoin de service, dans une direction structurante plutôt libérale (Parsons,1937). Aux États-Unis dans les années 60, cette idée fait son chemin en s'appuyant sur des savoirs théoriques, sanctionnés par un diplôme garantissant une certaine qualité du service (comme les juristes, les médecins,...). Cette description conduit à un idéal type limitant le nombre des professions; ainsi les enseignants, les travailleurs sociaux, les métiers adressés à autrui se verront restreints au terme de « semi-profession » (Etzioni, 1969), ce qui nous amène à ne pas retenir cette position pour cette étude. Cette vision va trouver des détracteurs de part sa définition trop restrictive.

· de leur côté les adhérents du courant interactionniste comme Hugues parlent de pluralité des identités professionnelles au sein d'un même groupe. L'intérêt est ici plus de comprendre comment le groupe essaie d'élever son occupation au statut de profession. La professionnalisation tient au travail de l'acteur collectif permettant la différenciation entre ces groupes et apportant autonomie et expertise au professionnel. Ce processus se réalise au travers de l'activité et dans les interactions avec les pairs. La professionnalisation devient ici un fait social, une transaction et se décrit au travers de parcours individuels et collectifs.

Parmi les quatre idées défendues par l'approche interactionniste nous retiendrons pour notre étude les deux suivantes : « 1 : Les processus biographiques et les mécanismes d'interaction sont dans une relation d'interdépendance. La dynamique d'un groupe professionnel dépend des trajectoires biographiques de ses membres, elles-mêmes influencées par les interactions existant entre eux et avec l'environnement. Et 2 : Les groupes professionnels cherchent à se faire reconnaître par leurs partenaires en développant des rhétoriques professionnelles et en recherchant des protections légales, tous aspirent à obtenir un statut protecteur.» (Wittorski .R, 2008).

· les travaux français préféreront la description multiforme de la professionnalisation à celle de l'idéal type trop limité des anglo-saxons. En France la société ne correspond pas

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au modèle anglo-saxon, l'état tient une position beaucoup plus centrale. Nous considérons la professionnalisation comme multidimensionnelle, suivant des étapes situées dans le temps. En effet, les travaux de Bourdoncle (2000) nous amènent à définir cinq objets de professionnalisation (Wittorski 2008) :

« (1) la professionnalisation de l'activité. C'est lorsque l'activité n'est plus exercée de façon gratuite mais de façon rémunérée et à titre principal. C'est également faire en sorte qu'elle s'enseigne à l'université, cela suppose que les individus partageant la même activité explicitent et formalisent des savoirs qui seront enseignés dans des cursus universitaires. Dans ce sens, la professionnalisation d'une activité passe par «l'universitarisation de sa formation professionnelle » ;

(2) la professionnalisation du groupe exerçant l'activité. Celle-ci passe notamment par la création d'une association professionnelle, d'un code de déontologie et par une intervention de nature politique de manière à obtenir un droit unique à exercer l'activité (Dubar, 1991) ;

(3) la professionnalisation des savoirs. Les savoirs professionnels ont tendance à être abstraits, organisés et validés selon un critère d'efficacité et de légitimité ;

(4) la professionnalisation des personnes exerçant l'activité. Il s'agit d'un processus d'ac-quisition de savoirs et de compétences professionnelles en situation réelle (Bourdoncle, 1991, parle à cet endroit de « développement professionnel » entendu comme le processus d'amélioration des savoirs et capacités) (Dubar, 1991) et de construction d'une identité. Cela correspond à une dynamique de socialisation professionnelle ;

(5) la professionnalisation de la formation. Il s'agit de construire la formation de manière à ce qu'elle rende les individus capables d'exercer une activité économique déterminée. »

Bourdoncle nous montre donc que la notion de professionnalisation est fortement liée à celle de développement professionnel3 et pour reprendre Wittorski (2008) au sujet de Le Boterf (2007) : « la professionnalisation est au carrefour du sujet (son histoire et sa socialisation), des situations professionnelles qu'il a rencontrées et des situations et parcours de formation qu'il a suivis. Selon lui, l'itinéraire de professionnalisation d'un individu (relevant d'une logique de «navigation professionnelle ») correspond à la rencontre de

3 Développement professionnel : transformations individuelles et collectives des compétences et de composantes identitaires mobilisées ou susceptibles d'être mobilisées dans des situations professionnelles » (Barbier, Chaix et Demailly, 1994 ; Beckers 2007). C'est une des définition proposée, le concept ne semblant pas stabilisé.

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situations variées (au delà des seules formations « en face-à-face ») qui constituent autant d'espaces dans lesquels le sujet déploie une activité propice à son développement ».

Ce concept de développement dans l'activité de travail, de développement professionnel, est de plus en plus soutenu par la notion de compétences4 : « le développement professionnel se réalise par une incorporation croissante des compétences à l'action et par leur hiérarchisation » (Wittorski , 2008). Leplat (2001) parle de compétences incorporées, « S'agissant des apprentissages développés dans les situations de travail, une des conceptions dominantes de l'analyse du travail consiste à dire que l'on apprend d'abord des « compétences incorporées » soit par imprégnation, soit par l'action, soit de façon contrôlée ». L'acteur va cumuler des expériences en complément des notions qu'une formation lui apporte et ainsi acquérir de plus en plus de compétences. La professionnalisation des savoirs et de l'activité formalise ces compétences en référentiels ou en socle. L'organisation doit apporter ce cadre à l'acteur afin qu'il fixe ses savoirs faire.

La professionnalisation peut aussi se voir comme la construction d'une rhétorique (Tardif et Lessar 2000) par le groupe. Elle est corrélée à une construction identitaire ce qui rejoint le point 4 ci-dessus et cette fabrication d'identité est elle-même fortement liée à la notion non seulement de reconnaissance par les pairs des compétences acquises et de l'activité produite mais aussi de la reconnaissance de l'individu en tant que professionnel par l'organisation (cette dernière est identifiée comme élément de notre question de départ). « peut-être est-il plus approprié de concevoir la professionnalisation essentiellement comme une rhétorique, un discours que produit et diffuse un groupe occupationnel dans sa lutte constante pour l'autonomie et la reconnaissance d'une pratique qu'il cherche à maintenir et à contrôler » (Tardif et Lessard, 2000 p.99).

Ainsi nous pouvons prendre en compte la définition de Wittorski pour qui il existe trois approches de la professionnalisation (celle des individus, celle des activités et enfin celle des organisations): la professionnalisation est « une intention (du côté de l'organisa-tion) de « mise en mouvement » des sujets dans les systèmes de travail par la proposition

4 Compétence définie par Bourdoncle (2000) comme : » la capacité d'accomplir une tâche déterminée dans une situation donnée. La compétence renvoie plus à l'action avec sa finalité et son efficacité qu'à la connaissance, qu'elle mobilise, mais sans s'y réduire.

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de dispositifs particuliers, traduisant une offre de professionnalisation ; un processus de développement de process d'action (côté individu ou groupe) dans ces dispositifs, assorti souvent d'une demande, émanant des sujets, de reconnaissance par l'organisation ; une transaction (individu et organisation) en vue de l'attribution d'une professionnalité à l'indi-vidu à partir des process d'action développés. » (Wittorski, 2008)

Wittorski a mené de nombreux travaux sur la professionnalisation qu'il aborde soit par une entrée sociologique avec la constitution de nouvelles professions (processus de négociations par des groupes sociaux), soit à travers la psychologie au regard de la socialisation de l'être dans l'activité de travail et dans les interactions avec cet environnement (processus de formation). Les deux entrées conviennent à cette recherche d'autant plus qu'il s'agit d'une profession en construction. Il est aussi possible de s'intéresser à des niveaux de compréhension du processus.

2. Les niveaux de professionnalisation

L'approche par les niveaux de professionnalisation peut compléter ce que nous venons de voir. En effet Jean Clénet (2005) et Pascal Roquet (2012) s'attachent à trois niveaux de compréhension : macro, méso et micro.

Au niveau macro: la construction d'une profession s'échelonne dans le temps et devient donc un processus historique avec ses progrès, mais aussi ses piétinements. Pour Roquet les éléments apportés par l'historicité du processus sont remarquables et aident à sa compréhension car la professionnalisation est dynamique et sans cesse en évolution.

Dans la fabrication de la profession l'évolution des systèmes de formation montre un éventail de modes sans cesse renouvelé: les apports des outils numériques, l'alter-nance et même les cursus universitaires se modifient. C'est dans ce niveau que se comprend cette diversité: filières, cursus, carrières représentent autant de segments professionnels, avec des objectifs de modèles revisités eux aussi par l'ingénierie.

Ce niveau sera une bonne entrée dans la compréhension de l'évolution de l'accom-

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pagnement scolaire du handicap car la profession a connu de nombreux bouleversements dans son historique et cela participe à sa difficulté à émerger et se fixer comme profession à part entière.

Au niveau méso (ce mot vient du grec et signifie milieu): ici nous allons nous intéresser au contexte dans lequel se construit la profession. Il s'inscrit dans un mouvement historique (macro) qui se prolonge dans les effets de l'environnement. Il s'agira d'expliquer le phénomène par les facteurs politiques, géographiques, économiques et sociaux qui dessinent la profession. Le niveau méso se situe dans les contextes formatifs, il se traduit dans les transactions de l'individu avec ce milieu qui l'amènent à l'autonomie dans son activité.

En ce qui concerne les AESH, ce milieu existe au travers de certains dispositifs de formation, dans le volume de 60 heures de formation obligatoire à l'entrée des contrats mais aussi dans l'ensemble des contraintes et directives données par le cadre loi. C'est la socialisation des acteurs qui se joue ici, leur amenant les codes et les valeurs liés à la profession.

Le niveau micro se comprend dans les parcours biographiques des individus. Ces parcours, faits de ruptures, de continuité, d'orientation, de choix façonnent la professionnalisation de chacun de manière très individuelle; ainsi dans les groupes professionnels formés, comme dans ceux encore en constitution, il existe une hétérogénéité évidente entre les personnes qui les constituent.

Cette diversité participe également à la constitution du groupe et intervient aussi dans la construction de l'identité professionnelle de chacun, au travers des interactions au sein même du groupe: les différents profils auxquels les acteurs s'identifient (décisionnaire, médiateur, passif...) influencent leurs choix, leurs postures et orientent aussi leur professionnalisation. Ces processus s'identifient dans les continuités et discontinuités de la formation tout au long de la vie.

3. Les trois catégories de professionnalisation d'après Dema-zière (2009)

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Pour Demazière il est impossible de décrire de manière universelle ce qui n'est pas professionnalisé (amateurisme, bénévolat, non qualifié...). Et pour lui cela implique une diversité catégorielle de ce qui l'est:

- une première catégorie politique s'impose à nous puisque décidée par l'institution au travers de la mise en place de politiques publiques. L'encouragement à la professionnalisation par les pouvoirs publics a pour cible la normalisation de certaines activités pour répondre à de nouveaux besoins de plus en plus conséquents. La finalité est le développement de l'emploi. Elle s'inscrit dans un niveau macro, car elle dépend des besoins qui évoluent dans la chronologie.

- une deuxième catégorie plus centrée sur l'individu, niveau micro, peut être qualifiée de culturelle ou identitaire : elle représente la construction du professionnel qui cumule les expériences et s'oriente en fonction de ces dernières mais aussi de ses propres valeurs. Dans cette catégorie la notion d'engagement est importante car elle va caractériser l'implication de l'individu, et elle reste aussi sujette à la reconnaissance par les pairs et l'institution.

- enfin Demazière parle de catégorie gestionnaire ou managériale ; elle est générée par l'injonction institutionnelle et fournit le cadre et les contraintes à tenir; Elle façonne donc à sa manière une professionnalisation au nom de la modernisation, par des injonctions de rendements par exemple.

Il semble donc réaliste de mettre en lien les niveaux (Clénét, Roquet), les approches (Wittorski) et les catégories (Demazière) de la professionnalisation illustrant son aspect hétéroclite et polysémique. Pour faire un point sur ce qui a été vu nous pouvons avancer que la professionnalisation est un processus qui s'inscrit et évolue dans le temps, qui dépend du contexte et de la volonté institutionnelle et qui est multiforme au sein de même groupe car les caractéristiques individuelles (psychologiques, physiques et biographiques) y entrent en jeu de manière forte. Il n'y a donc pas un mais des processus de professionnalisation très diversifiés dépendant d'un espace (temps-contexte) et des caractères de chaque individu.

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Pour clore cette partie sur la professionnalisation nous retiendrons quelques points essentiels à sa réalisation: l'intention doit émaner de l'organisation, elle découle en général d'une nécessité de régulation sociale. L'organisation doit fournir aux acteurs le cadre institutionnel (législation, statuts), une formation efficace et une reconnaissance. Cette reconnaissance implique la création d'un espace-temps permettant le dialogue entre l'ins-titution et l'institué mais aussi et surtout l'échange entre les institués eux-même: dans le cadre de cette recherche l'accompagnement par l'AESH référent semble être un vecteur, un support de cette espace-temps d'échange.

« Autrement dit, la professionnalisation relève de l'organisation, de l'institution, du tiers qui prescrit et évalue et ainsi « fabrique » les compétences. Ici l'identité « prescrite » puis «reconnue/attribuée » est en jeu » (Jorro et Wittorski, 2013).

« Les situations de formation professionnalisante peuvent être considérées comme formelles et organisées, dans la mesure où elles sont institutionnalisées dans le cadre d'un dispositif. Elles sont décrites dans des référentiels, sous la forme de savoirs prescrits et/ou de compétences désignées, voire attendues. » (MAUBANT, 2011)

Le groupe professionnel sera ainsi capable de construire une identité façonnée et partagée par les acteurs. Mais l'acteur par son engagement et par son profil biographique influence aussi le processus de professionnalisation. La notion d'accompagnement est mue par l'engagement puisque l'action est volontaire et altruiste. Cette notion nécessite donc d'être étudier plus finement dans le paragraphe qui suit.

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II.

 

L'accompagnement : l'épine dorsale des métiers adressés à autrui

1. Historique et principes

Il faut s'intéresser au mot compagnon pour retrouver l'étymologie de ce terme: du latin com et panis, « celui avec qui on partage le pain ». D'après le centre national des ressources textuelles et lexicales, les origines du mot accompagnement remontent au XIIème siècle avec le sens de contrat de pariage (partage de seigneurie), puis en 1539 «suite, ensemble des gens qui accompagnent un personnage » (R. Estienne, Dict. françois-lat., p. 6). C'est à la fin du XVIIème qu'il adopte l'orthographe que nous lui connaissons aujourd'hui, dans le domaine musical (ce que fait celui ou ceux qui accompagnent le chant), c'est ce sens là que l'on retrouve comme sens premier dans les vieilles éditions des encyclopédies. En cuisine l'accompagnement est ce qui va avec l'élément principal de l'assiette (les légumes accompagnent la viande...).

Historiquement ce mot a ainsi pris plusieurs sens et l'accompagnement de la personne va prendre différentes formes de nos jours (coaching, tutorat, counselling, mentoring...).

Pour Ardoino (2000) l'accompagnement s'étend dans plusieurs domaines: l'éduca-tion, la formation tout au long de la vie, le sport, le milieu médical, les instances juridiques et sociales, les coopérations internationales... Il se comprend dans une temporalité durée, sur un espace situé (Ardoino parle de cheminement commun, de bout de route). Il est primordial de garder à l'esprit cette notion de durée d'accompagnement et d'espace-temps car quel que soit l'accompagnement il doit à un moment prendre fin, c'est même l'objectif premier: l'accompagnant accompagne l'accompagné jusqu'à ce qu'il soit autonome et n'en ait plus besoin; il nécessite une relation subjective et interactive entre des personnes qui adoptent une position éthique et un système de valeur. Ardoino le définit comme paradigme, reconnaissant l'étendue et la diversité des champs dans lesquels il s'exerce. Pineau (1998) le rejoint en abordant trois filets de sens: une relation de partage, un mouvement vers une parité de relation et une durée alors que Roberge (2003) ou Le Bouëdec (2007) y voient un art qui prend corps dans « une question de position relationnelle, de

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valeurs et d'éthiques », et « le fruit de l'expérience ».

Pour Maela Paul (2009) « l'accompagnement...concerne deux personnes de statut inégal mais qui néanmoins, vont devoir fonctionner au sein d'une relation conjuguant disparités des places et parité relationnelle...Il s'agit bien d'être avec et d'aller vers ». Elle définit cinq dimensions: une posture éthique, une posture de non savoir, une posture de dialogue, une posture d'écoute et une posture émancipatrice ce qui correspond bien aux trois concept clefs: l'individualisation, l'autonomisation et la socialisation qu'elle relie aux trois modèles: thérapeutique (ne pas nuire à la personne, ne pas s'y substituer), maïeutique (aider les hommes à s'accoucher d'eux-mêmes) et initiatique (l'accompagné passe du statut passif à actif dans et pour sa communauté).

Nous préférons le point de vue de Paul à celui de Boutinet qui distingue deux dimensions: l'accompagnement-visée et l'accompagnement-maintien. En effet nous pensons que ces deux formes sont indissociables dans le processus d'accompagnement. De plus nombreux auteurs de la tradition estiment la relation asymétrique et la figure de l'ac-compagnant expert nécessaire où l'accompagné reçoit de l'extérieur (l'accompagnant) les lois et les codes pour améliorer sa conduite; c'est une situation d'hétéronomie. Aujour-d'hui ce que l'on voit émergé c'est que l'accompagnant établit une relation avec l'accom-pagné afin qu'il trouve en lui-même ce qu'il doit faire et être: c'est une situation d'autonomie.

Ce que confirme Roquet (2009) : « Dans le paradigme de l'accompagnement, seul le sujet animé par un projet sait ce qui vaut pour lui, et le construit chemin faisant. L'impli-cation de l'accompagnant est donc tout autre : son rôle est de comprendre l'autre, les significations qu'il donne à sa situation, les motivations qui l'animent et les intentions qu'il vise ».

À ce sujet Le Bouëdec (2007) avance que les qualités humaines nécessaires à construire cette parité de relation ne se trouvent dans aucune formation universitaire. La posture de l'accompagnateur a donc changé car la société a compris que l'individu lors-qu'il participe activement à sa construction identitaire et professionnelle adopte des attitudes lui permettant de recevoir, de transmettre, d'échanger bien plus positivement que lorsqu'il subit une aide externe surplombante.

Pour Tardif (2012) c'est un virage paradigmatique: nous sommes passés de pratiques à l'institué (verticalité de la hiérarchie, dialogue polarisé expert/non expert) à des pratiques instituantes (coopération, agir ensemble, horizontalité du travail entre pairs).

Après avoir aborder les postures nous pouvons parler des processus de l'accompa-

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gnement (puisqu'il se situe dans une temporalité). Denoyel (2007) distingue trois niveaux: « identifier la complémentarité des acteurs, assumer/accepter la réciprocité réflexive et clarifier les mutualités coopératives » mais Boutinet lui s'appuie sur quatre temps: le diagnostic, l'élaboration du projet, sa mise en oeuvre (pour laquelle il parle de cogestion de la démarche par l'accompagnant et l'accompagné) puis son évaluation. Il y a donc bien plusieurs temps qu'il sera nécessaire de bien identifier pour toute démarche.

2. Accompagnement collectif et collectif accompagnant

À ce stade, nous devons nous attarder sur l'accompagnement collectif qui correspond aussi à la mission de l'AESH référent. Le but est de créer cet espace temps, ce lieu de socialisation et d'émancipation qui va prendre sens dans le dialogue entre pairs, le partage et l'échange d'expérience: le référent, en médiateur, devient l'interface entre les AESH et l'institution, navigant entre l'animation du groupe en incitant dialogue participation et l'accompagnement de l'individu. Cette médiation est capitale car l'injonction de professionnalisation par l'institution génère de la résistance chez les accompagnés. L'accom-pagnant doit faire preuve de réflexivité, accepter l'autre, lui montrer qu'il peut faire confiance, que le but est le changement, l'interactivité créatrice. L'accompagné lui doit pouvoir faire ses choix et cela nécessite donc une part d'autonomie au tout départ de la relation d'accompagnement. Cette interactivité subjective et créatrice ne peut se développer que dans le cadre d'une éthique qui permet la reconnaissance des compétences de tous. Cette éthique va orienter les actions, ce n'est pas quelque chose que l'on rajoute, c'est l'essence même de la relation d'accompagnement, car sans étique les dominants prennent le pouvoir. Sur le modèle de la théorie de l'action conjointe en didactique (TACD) de Sensevy (2011), le collectif pourra se structurer dans une relation horizontale : l'accom-pagnement collectif devient collectif accompagnant.

Nous venons de voir que l'accompagnement repose sur trois piliers: la création d'un tiers lieu, un espace-temps d'échange et de dialogue dans un cadre institutionnel, l'in-teractivité subjective des accompagnés et accompagnants, et une éthique qui guidera les individu vers un changement de pratiques.

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Dans cette diversité de principe théorique et social nous trouverons des critères à faire correspondre au cas particulier des AESH, il est donc nécessaire de présenter maintenant ces derniers.

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III.

Les Accompagnants d'Élèves en Situation de Handicap :

L'accompagnement scolaire du handicap poursuit un chemin laborieux car trop dépendant du nombre de politiques successives, souvent contradictoires, dont le pilotage est sous la direction d'entités différentes (famille, association, institutions,...), qui n'ont pas toujours les mêmes objectifs (égalité, justice, équité, bien être, stabilité du tissu social...). Un historique s'impose car la biographie de cette profession (en devenir) apportera une compréhension à la situation actuelle.

1. Des auxiliaires d`intégration scolaire aux AESH:

Pendant des siècles les enfants différents (le mot handicap n'est sorti du lexique du jeu et du sport pour entrer dans le langage médical que vers 1950) étaient soit relégués au fond de la classe affublés d'étiquettes très négatives (débile mental, attardé, fou...) soit cloîtrés dans les familles qui ressentaient trop de honte pour envoyer leur enfant parmi les autres. Aujourd'hui l'inclusion scolaire en milieu ordinaire fait partie intégrante des politiques éducatives mais cela s'est fait au prix de grands bouleversements culturels et structurels.

La première impulsion, pas la moindre, se matérialise dans la loi d'orientation du 30 juin 1975 : « Les enfants et les adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d'eux par la CDES5 et associant des actions pédagogiques, sociales, médicales et paramédicales. ». Les lignes bougent enfin et l'injonction d'obligation éducative ajoutée à la pression des associations de parents d'élèves amènent à l'apparition des auxiliaires

5 Commission départementale de l'éducation spéciale

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d'intégration scolaire (AIS). Les contrats établis restent précaires, ce sont des contrats d'insertion type service civil volontaire, objecteur de conscience, TUC6, CES7, CEC8.

Dans un deuxième temps la circulaire du 11 juin 2003 relative aux assistants d'édu-cation dévoile au titre II les dispositions spécifiques aux assistants d'éducation exerçant les fonctions d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour l'intégration individualisée des élèves handicapés (AVS - I). Cette circulaire offre un cadre d'emploi aux AVS-I, ce sont des contrats de droit public d'un an, renouvelables six fois maximum et modifiables par avenant. Ce texte mentionne aussi la nécessité d'une information (plus que d'une réelle formation) aux nouveaux recrutés sur les différents troubles et pathologies et leur prise en charge. Pour apporter un soutien aux enseignants des CLIS9 et des UPI10 certains AVS sont recrutés sous la dénomination AVS-Co (collective). Ils interviennent au sein de ces unités et peuvent aussi accompagner les élèves dans les classes d'intégration.

Avec la loi pour l'égalité des chances du 11 février 2005, pour palier aux demandes c'est le grand retour des contrats aidés: contrat d'avenir, contrat d'accompagnement à l'emploi, contrat unique d'insertion. L'explosion des besoins va contribuer à animer les débats et les réflexions autour d'une nécessaire professionnalisation de ces accompagnants: en 2008 la Commission Nationale Consultative sur les Droits de l'Homme émet un avis sur le caractère indispensable des AVS pour que la loi atteigne les objectifs qu'elle s'est donnée ( Art. L. 112-1. - Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés»). Toujours dans cette optique la commission suggère la fusion des différents métiers de l'aide à la personne, ce qui sera repris en 2012 dans les recommandations du Rapport Komitès.

L'État prend la mesure des enjeux. Plusieurs ministres dont Vincent Peillon lancent

6 Travaux d'utilité publique

7 Contrat emploi solidarité

8 Contrat emploi consolidé

9 Classe d'intégration scolaire

10 Unité Pédagogique d'intégration

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un groupe de travail sur la professionnalisation des accompagnants en 2012 sous le pilotage de Pénélope Komitès. Dans son rapport rendu en avril, outre l'unification du diplôme elle préconise la création d'un référentiel de compétences et d'activités. D'autre part il semble nécessaire que l'accompagnement ne soit pas limité au temps purement scolaire et que ces accompagnants soient amenés à travailler en dehors de l'école.

C'est dans le même temps, la création des AVS mut (mutualisé) ; ce type de personnel représente un outil économique «pratique» car les affectations ne sont plus nominatives et l'AVS peut ainsi prendre en charge plusieurs élèves notifiés. Certes il faut prendre en compte l'aspect fluctuant de l'accompagnement, car un élève voit ses besoins changer au fil du temps et des progrès et il faut pouvoir suivre ces changements du point de vue de l'accompagnement.

Néanmoins l'accompagnement nécessite aussi continuité et stabilité et les contrats mutualisés ne semblent pas correspondre à cela dans le sens où un élève va ainsi être suivi par plusieurs accompagnants afin de faire correspondre les emplois du temps de tous.

Enfin avec le décret n°2014-724 du 27 juin 2014 c'est l'apparition des AESH, et la possibilité pour ces derniers d'accéder au CDI lorsque le renouvellement de trois ans arrive à échéance (possibilité récemment remise dans les discussions et institutionnalisée par le décret n° 2023-597 du 13 juillet 2023 d'application de la loi n° 2022-1574 du 1§ décembre 2022).

Toutes ces évolutions témoignent d'une explosion des accompagnements et de la nécessité d'y répondre.

Comparaison nombre d'élèves en situation de handicap en ordinaire et nombre d'AESH entre 2017 et 2022 (Données du rapport 2022 sur la scolarisation des élèves en situation de handicap):

 

2017

2020

2022

 
 
 

élèves

321

476

384

040

430

000

~ 108

524

(34%)

AESH

53

447

69

564

80

335

~ 26

888

(50%)

L'augmentation du nombre d'AESH n'est pas représentative de la réalité car en effet Ici il est question de nombre de personnel en ETP (emploi à temps plein), tout type de contrat confondu. Or selon le rapport d'avril 2022 de Inspection générale des finances

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et de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, sur la scolarisation des élèves en situation de handicap pour un échantillon sur 21 département à la rentrée 2021 moins de 2,5 % des AESH sont en contrat à temps plein.

Il est à noter que cette appellation d'Accompagnant d'Élèves en Situation de Handicap comporte le terme « handicap » ce qui peut avoir un effet stigmatisant supplémentaire lorsque l'AESH est présenté dans les classes et les autres lieux de l'école. Cela peut devenir une gène11 pour les enfants pour lesquels la situation de handicap n'est pas encore assumée. Une dénomination de type « Accompagnant d'élèves à besoins spécifiques» permettrait d'englober un plus un plus large public sans identifier spécifiquement les élèves.

Suite à la nécessité de formaliser cette profession au travers d'un diplôme, le décret du 9 janvier 2016 modifié par un arrêté le 11 mars statue sur un diplôme d'état de niveau 3 (ancienne nomenclature V, CAP-BEP) sous l'appellation Accompagnant Éducatif et Social.

Le cursus comprend un tronc commun d'enseignements théoriques, décomposé en quatre domaines:

· DF1 « Se positionner comme professionnel dans le champs de l'action sociale »

· DF2 « Accompagner la personne au quotidien et dans la proximité »

· DF3 « Coopérer avec l'ensemble des professionnels »

· DF4 « Participer à l'animation de la vie sociale et citoyenne de la personne »

Il regroupe les anciens aides médico-psychologiques (AMP) et les auxiliaires de vie sociale (AVS d'où la possibilité de confusion) en intégrant les AESH. Ces trois formes se retrouvent dans les trois spécialités:

· accompagnement à la vie à domicile

· accompagnement à la vie en structure collective

· accompagnement à l'éducation inclusive et à la vie ordinaire

Le recrutement des AESH se fait aujourd'hui sur un niveau bac, une justification d'expérience ou un diplôme dans l'accompagnement alors qu'auparavant le niveau bac était exigé. Il apparaît donc la possibilité d'une forte inadéquation de niveau : un AESH

11 Observation des AESH lors d'entretiens et de discussions informelles. Pourtant aucune lecture de la revue de littérature ne mentionne ce fait.

détenteur d'un diplôme de niveau III est susceptible d'accompagner un élève en terminale, en BTS... Dans ce cas précis, l'accompagnement quand il nécessite reformulation de contenus ou de consignes se complexifie. Ici dans la gestion des ressources humaines apparaissent des difficultés supplémentaires et des paramètres à prendre en compte.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus