Paragraphe II : Les effets de l'indemnisation
La question autour des indemnités dépasse
également le strict cadre de leur fixation par le juge en ce qu'elles
conditionnent la prise de possession des biens expropriés. Mais cette
prise de possession est soumise au versement effectif de ces indemnités
déterminées par voie d'accord amiable ou par voie judiciaire.
Nous examinerons la question de la nature de la décision fixant les
indemnités (A), leur paiement et la prise de possession des immeubles
expropriés (B).
A- La question de la nature de la décision fixant
les indemnités
A ce propos s'est d'abord posée la question de la
nature des décisions judiciaires portant fixation des indemnités
d'expropriation. Les jugements ou arrêts rendus en cette matière
n'ont en effet pour objet que de déterminer le montant des
indemnités dues par l'expropriant et ne procèdent en principe
à une condamnation de l'autorité expropriante, même si ce
sont bien des préjudices qui sont indemnisés dans ce cadre. Et
cette question n'est pas que théorique car une question s'est
posée de savoir si l'autorité qui aurait engagé une
opération d'expropriation qui ne pourrait être menée
à son terme serait obligée de procéder au versement de
l'indemnité prévue. Le Conseil d'Etat français a
répondu à cette question de façon quelque peu surprenante
en précisant que le jugement qui fixe les indemnités consiste
bien en une « condamnation » de l'autorité expropriante
à payer une somme d'argent à l'exproprié78, ce
qui implique que les sommes en question , une fois la décision devenue
définitive, doivent être payées à
l'exproprié.
Une telle qualification est effectivement surprenante au
regard de ce que constitue l'office du juge de l'expropriation, mais se
comprend sans doute surtout au regard de la situation de l'espèce en
question. Dans cette affaire, l'ordonnance d'expropriation avait
déjà été prise antérieurement au jugement
fixant les indemnités, ce qui avait rendu la collectivité
propriétaire du bien et rendait donc pour les juges le paiement du bien
dont l'exproprié avait
78 « La décision du juge de l'expropriation
fixant, en application des articles L. 13-1 et suivant du Code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités
destinées à réparer le préjudice résultant
de l'expropriation, doit être au regardée comme une
décision juridictionnelle condamnant une collectivité locale au
paiement d'une somme d'argent au sens des dispositions du premier alinéa
du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1080 », CE, 5
juillet 2010, n° 309355, Cne d'Angeville : RDI 2010, p. 489, note Hostiou
R. ; Etudes Foncières 2011, n° 150, note Levy F.
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perdu la propriété « inévitable
». Mais en l'espèce la question se posait réellement car
l'ordonnance car l'ordonnance d'expropriation se trouvait être
dépourvue de base légale suite à l'annulation de la
déclaration d'utilité publique. La collectivité cherchait
donc à revenir sur le transfert de propriété et, en
attendant, se refusait à verser l'indemnisation prévue par la
décision judiciaire.
La perspective pourrait sans doute être
différente dans un cas où aucun transfert de
propriété ne serait intervenu avant la fixation définitive
des indemnités par les juges, voire même dans les cas où la
déclaration d'utilité publique pourrait ne pas avoir
été prise avant que les indemnités soient fixées.
Il serait alors étonnant de condamner l'expropriant à verser des
sommes qui sont conditionnées au transfert de propriété
d'un bien qui n'est pas intervenu et dont il n'est d'ailleurs pas certain qu'il
intervienne.
La question de la détermination du montant de
l'indemnité étant définitivement réglée, il
ne reste plus que le paiement et la prise de possession des immeubles par
l'autorité expropriante.
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