Paragraphe II : La nature du préjudice ouvrant
droit à indemnisation
Le préjudice est la conséquence d'un acte ou
d'un événement, volontaire ou involontaire, qui porte atteinte
aux intérêts d'une personne physique ou d'une personne
morale65. Il crée en principe chez la victime un droit
à réparation ou à indemnisation. Le droit de
l'expropriation est d'une originalité et d'une particularité
notoire. Contrairement au droit commun, tous les préjudices nés
du fait d'une expropriation n'ouvrent pas droit à indemnisation. A
l'exclusion du préjudice moral (B), seul le préjudice
matériel peut donner lieu à l'octroi d'une indemnité
d'expropriation (A).
A- La réparation exclusive du préjudice
matériel
En matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique, seul le préjudice matériel est susceptible
d'indemnisation. Outre sa nature matérielle, le préjudice doit en
plus être direct et certain. Un préjudice est matériel
lorsqu'il peut être facilement évalué en argent et porte
directement atteinte au patrimoine de la victime. Il se décompose
pécuniairement en deux éléments : la perte
éprouvée (damnum emergens) et le manque à gagner (lucrum
cessans). Se référant au cas des victimes d'expropriation du site
de Nguéli, celles-ci ont bien évidemment subi un préjudice
matériel du fait de la destruction de leurs biens.
En effet, la jurisprudence est claire sur le point que si
l'indemnisation des préjudices doit être intégrale, cette
indemnisation ne peut porter que sur des préjudices nés de la
perte d'un « droit juridiquement protégé ».
L'exproprié qui invoque ainsi l'indemnisation de son préjudice
doit justifier qu'il se trouvait bien dans une situation
régulière qui permet que la perte de son droit soit effectivement
indemnisée.
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Sur ce point du caractère direct du préjudice,
comme de façon générale pour cette question qui tient au
lien de causalité en matière de responsabilité, il est
délicat de trouver une ligne directrice dans une jurisprudence
nécessairement très pragmatique. Comme le relève
René HOSTIOU, l'appréciation du caractère direct du
préjudice « peut s'avérer parfois délicate
à raison de la difficulté à cerner dans certains cas la
portée exacte de cette exigence et parfois même, à
identifier la juridiction habilitée à connaitre de certains
dommages »66.
Les types de dommages considérés comme ne
présentant pas un caractère direct sont nombreux et touchent
principalement aux loyers, emprunts et pertes de revenus attachés au
bien exproprié, ainsi qu'aux impositions pesant sur les
indemnités d'expropriation elles-mêmes67.
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