II. 3. La théorie du
capital humain
Cette théorie postule que « le capital humain est
l'ensemble des compétences, qualifications et autres capacités
possédées par un individu à des fins productives. Il peut
être inné ou s'acquérir durant le cursus scolaire,
universitaire ou au cours d'expériences professionnelles, par la
transmission de savoirs et qualifications ». Le capital humain initial
revêt des formes comme l'intelligence, la force physique ou les
connaissances transmises par la famille. Il répond plus à des
facteurs génétiques ou familiaux qu'économiques et est
supposé peu modulable au cours du temps.
Ses coûts d'acquisition sont faibles, attribuables en
partie à l'attention portée à l'enfant par les parents et
les bénéfices, en termes monétaires, sont supposés
fixes dans le temps. Les compétences acquises sont
considérées, dans la théorie du capital humain (Becker,
1964), à la fois comme un bien de consommation durable (on peut
acquérir des connaissances à tout âge), un bien
spécifique (les compétences de chacun leur sont propres,
limitées par leurs capacités physiques et intellectuelles et non
exploitables sans leur volonté) et un bien de production (ces
compétences déterminent la productivité de l'individu et
doivent à ce titre être considérées comme un facteur
de production au même titre que la terre et les machines).
La théorie du capital humain est construite par
analogie à la théorie du capital physique. L'éducation et
la formation sont considérées comme des investissements que
l'individu effectue rationnellement afin de constituer un capital productif
inséparable de sa personne.
Pour celui-ci, toute formation est coûteuse. Tant que la
scolarité est obligatoire, l'individu n'a pas d'autres choix que
l'étude. Les coûts relatifs à l'acquisition de
connaissances ne sont que des coûts directs (frais de scolarité et
d'entretien). Sitôt que la scolarité n'est plus obligatoire,
l'individu a comme alternative, à l'étude ou la formation
professionnelle, le travail. Les coûts relatifs sont alors de deux sortes
: d'une part, un coût d'opportunité équivalent au salaire
auquel l'individu pourrait prétendre s'il travaillait à temps
complet (ce salaire dépend de ses compétences à la
période considérée et peut être amputé du
salaire qu'il perçoit effectivement si l'individu partage son temps
entre l'étude ou la formation et un emploi
rémunéré) ; d'autre part, un coût direct relatif aux
frais engagés pour cet investissement. En retour, les connaissances
acquises procurent à l'individu une source durable de revenus
lorsqu'elles sont utilisées dans le cadre de ses activités
professionnelles. L'acquisition de capital humain contribue, en effet, à
accroître les compétences de l'individu et ainsi sa
productivité marginale. La théorie du capital humain fonctionne
par analogie à celle du capital financier ou physique. On
considère que le capital humain est formé de trois
éléments : les compétences, les expériences et les
savoirs qui, ensemble, déterminent une certaine aptitude de l'individu
à travailler. De même que le capital physique, le capital humain
peut s'acquérir (par l'éducation), se préserver et se
développer (par un entretien à travers des formations continues
et/ou l'attention portée à la santé de l'individu). De
même, il doit pouvoir produire un bénéfice (les revenus
perçus lors de la mise à disposition des compétences). On
peut distinguer le capital humain spécifique, qui comprend les
compétences non transférables, et le capital humain
générique avec ses compétences transférables. Selon
la mise en valeur de l'un ou de l'autre par l'investissement, l'individu est
pris en compte différemment dans l'économie de gestion.
Qui dit capital, dit investissements. Avec ce nouveau concept
de capital humain, s'ouvre toute une gamme d'investissements autour des axes
majeurs de l'éducation et de la santé. L'investissement en
capital humain consiste donc dans l'ensemble des dépenses
effectuées dans ce sens. Ces dépenses sont estimées en
deux temps : on a d'une part les coûts directs (frais de
scolarité, de médecine...) et de l'autre les coûts
d'opportunité. Ces derniers résident dans l'arbitrage des
individus dans leur gestion du capital humain. Par exemple, choisir de
poursuivre ses études universitaires, plutôt que d'entrer
immédiatement après le Bac dans la vie active, a un coût
d'opportunité estimé, le plus souvent, avantageux par rapport
à la situation inverse. Dans tous les cas, on espère un retour
d'investissement.
Encourager l'éducation pour tous est donc une
dépense d'investissement que l'Etat doit consentir pour en arriver
à un meilleur bien- être social des individus par la construction
d'un capital humain. Selon l'OCDE, en matière économique, le
capital humain a une incidence positive à deux niveaux.
· Au niveau micro-économique (l'individu), on
mesure le taux de rendement des investissements en formation sur les revenus du
travail (la détention de diplômes est corrélée
à la hiérarchie des revenus).
· Au niveau macro-économique, le taux de rendement
social mesure l'impact des investissements sur la croissance économique
et l'ensemble de la société.
Le niveau d'enseignement ne joue cependant pas le même
rôle selon le niveau de développement des pays. Dans les pays
développés, l'enseignement supérieur joue un rôle
significatif dans la croissance. Le nombre d'ingénieurs et de
scientifiques a un impact positif sur la productivité. Dans les pays les
moins développés, c'est l'enseignement primaire et secondaire qui
joue ce rôle. Cette théorie met également en
évidence l'impact du capital humain sur tous les aspects du
bien-être : on constate une corrélation entre
l'élévation du capital humain et la réduction des
inégalités de revenus, l'amélioration de la santé,
le recul de la délinquance, la participation à la vie
publique.
Nous pouvons résumer notre approche comme suit :
Investissements en éducation
Formation générique transférable
(éducation primaire et secondaire)
Formation spécifique non transférable
(enseignement supérieur, formation continue professionnelle).
Surtout dans les pays en voie de
développement :
Accroissement du capital humain
Accroissement des revenus (niveau micro-économique)
Développement social et économique,
bien-être social (niveau macro-économique).
Dans un contexte de marche vers le développement,
rendre gratuite l'école serait donc un investissement qui aura pour
finalité d'améliorer le capital humain. Assurer le minimum de
compétences, c'est-à-dire des compétences
transférables, utilisables à tous les niveaux peut permettre
à l'individu, soit de poursuivre ses études, soit de rentrer dans
la vie active en optimisant ses revenus. Cela permet un développement
social et économique harmonieux et contribue à la
réduction des inégalités de revenus. Par ailleurs,
l'individu dont les revenus s'accroissent a plus de facilité à
investir dans sa formation spécifique pour accroitre encore plus ses
revenus et dans l'éducation de sa famille.
La théorie du capital humain explique donc comment
l'investissement en éducation peut concourir à un
développement social et économique d'un pays. Ainsi rendre
gratuite l'école est un investissement que l'Etat doit consentir pour
favoriser son essor rapide et tendre vers le bien-être des citoyens.
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