Pression fiscale et optimisation des recettes budgétaires: contraintes et améliorationspar Aminou Yacouba Amadou Ecole Nationale de l'Administration et de la Magistrature ENAM Niger - Maitrise en Fiscalité et Domaine 2018 |
4.1.1.2.5 Les privilèges fiscauxPar privilèges fiscaux il faut entendre tous régimes dérogatoires permettant à une personne (physique ou morale) de ne pas s'acquitter, totalement ou partiellement des impôts, droits et taxes exigibles sur un bien, une activité ou un service. Ainsi, les privilèges fiscaux sont caractérisés principalement par des exonérations d'impôts que l'Etat accorde dans le but de promouvoir une activité ou attirer les investisseurs sur son territoire. A. Sources des exonérations Les textes qui attribuent les exonérations reposent sur des dispositifs juridiques divers, mais ont les mêmes finalités : éviter aux bénéficiaires de payer les impôts. Il existe deux (02) catégories d'exonérations : les exonérations par nature, qui sont liées à la nature meme du bien vendu, de l'activité effectuée ou du service fourni ; et les exonérations légales et conventionnelles, ces types d'exonérations ont des bases juridiques nationales et internationales et portent sur tous les impôts, droits et taxes des activités économiques, sociales, commerciales et diplomatiques B. Classification des exonérations Les exonérations sont catégorisées de la manière suivante : 1) Marchés publiques sur financement extérieur Pour des raisons liées notamment à l'éradication de la pauvreté au Niger, l'Etat a accordé des exonérations fiscales sur les montants provenant des bailleurs de fonds : il est ici question des marchés publics sur financement extérieur. Ces exonérations portent sur les impôts indirects, notamment la TVA, mais il arrive que ces exonérations soient élargies aux impôts directs aussi 2) Missions diplomatiques, postes consulaires et organismes internationaux Les Etats accordent, sous réserve de réciprocité, des exonérations de natures fiscales et douanières aux membres des corps diplomatiques et consulaires accrédités auprès d'eux. Par son origine, cette pratique n'était que coutumière, elle n'a été codifiée que récemment avec les conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires respectivement du 18 Avril 1961 et du 24 Avril 1963. Ainsi, ces exonérations de TVA, et éventuellement de certains impôts directs, concerne toute opération d'acquisition de biens destinés à l'usage officiel. Toutefois, en ce qui concerne les agents diplomatiques et consulaires, seuls les chefs des missions diplomatiques et/ou consulaires sont visés par les exonérations. 3) Organismes non gouvernementaux Pour des raisons d'ordres sociales, les Organisations Non Gouvernementales bénéficient des exonérations fiscales concernant les impôts indirects (taxes et droits de douanes ; TVA et droits d'enregistrement) dans le cadre normal de leurs activités. 4) Entreprises Au niveau des entreprises, on distingue trois (03) catégories d'exonérations. Il s'agit des entreprises qui bénéficient de convention particulière (a.), du code des investissements (b.) et des entreprises bénéficiant des codes sectoriels (c.). a. Convention particulière Des entreprises qui peuvent être considérées comme stratégiques en fonction de leur domaine d'activité, signent avec l'Etat des conventions particulières en vue de l'obtention des exonérations ou des allègements d'impôts. Ces conventions sont en général de courte durée et portent sur les impôts indirects tels que la TVA, les droits de douanes et les impôts sur le revenu. b. Code des investissements Dans le but d'inciter les entreprises (personnes physiques et morales) à investir, l'Etat du Niger a accordé des privilèges fiscaux pour les investissements réalisés au-delà d'un montant déterminé. Ces privilèges fiscaux (exonérations) se trouvent dans un code dit code des investissements. En effet, le code des investissements est composé de trois régimes différents accordant chacun plus d'exonérations que l'autre : 1° Régime A ou régime promotionnel ; 2° Régime B ou régime prioritaire ; 3° Régime C ou régime conventionnel. Les régimes A et B accordent aux entreprises les avantages suivants : Ø En phase de réalisation des investissements : -exonération totale des droits et taxes perçus par l'Etat à l'exclusion de la taxe statistique mais y compris la TVA sur les matériaux, outillages et équipement de production et concourant directement à la réalisation du programme agréé. Toutefois, en cas de disponibilité des produits locaux équivalents, l'importation des matériaux outillages et équipements ne donnent pas lieu à exonération ; -des droits et taxes perçus par l'Etat, y compris la TVA sur les prestations de services, sur les travaux et services concourant directement à la réalisation du programme d'investissement agréé. Ø En phase d'exploitation, exonération totale : -de la patente ; de la taxe foncière ou de la taxe immobilière ; de l'impôt sur le bénéfice (ISB) et de l'impôt minimum forfaitaire (IMF) pour les deux régimes et en plus, exonération des droits et taxes à l'exclusion de la redevance statistique et de la TVA sur les matières premières, matières consommables et emballages fabriqués localement ou importés en cas d'indisponibilité de produits similaires locaux et de l'exonération des droits et taxes à l'exportation de leurs produits. En plus des exonérations prévues pour les régimes A et B, les entreprises admises au bénéfice de régime C peuvent prétendre à la possibilité de réduire, sous certaines conditions, de 50 % le taux des droits et taxes sur les carburants (gas-oil, fuel-oil) et toute autre source d'énergie utilisée dans les installations fixes. c. Les codes sectoriels Au Niger, il existe deux (02) codes sectoriels qui sont le code pétrolier et le code minier. La Loi n°2007-01 du 31 janvier 2007, portant code pétrolier de la République du Niger accorde aux entreprises pétrolières titulaires de contrats de prospection et d'exploitation de site pétrolier au Niger les exonérations de tous impôts et taxes intérieurs, notammentl'impôt minimum forfaitaire ou son équivalentla taxe d'apprentissage ; la taxe sur certains frais généraux instituée par l'ordonnance n°83-33 du 14 septembre 1983 portant loi de finance pour l'année 1984 ; la contribution des patentes ; les impôts et taxes de quelque nature que ce soit sur les intérêts et autres produits des sommes empruntées par le titulaire pour les besoins des opérations pétrolières ; les droits d'enregistrement consécutifs à la constitution des sociétés et aux augmentations de capital ; la taxe immobilière et autres impôts fonciers à l'exception de ceux exigibles sur les immeubles à usage d'habitation, sauf les redevances pour service rendu, notamment la redevance ORTN.16(*) Quant à l'Ordonnance n°93-16 du 2 mars 1993 portant code minier de la République du Niger, elle accorde une exonération de tous droits et taxes à la sortie des substances minières extraites dans les exploitations minières lors de leur exportation par les titulaires de permis d'exploitation ou d'autorisation d'ouverture et d'exploitation de carrière ou par toutes personnes morales dûment autorisées17(*) ; Pendant la durée de validité de la Convention ou de l'autorisation d'ouverture et d'exploitation de carrière permanente, les matériels, matériaux, fournitures, machines et équipements, et les pièces de rechange, destinés directement aux opérations minières ou de carrières sont exonérés de tous droits et taxes perçus à l'entrée, lors de leur importation en République du Niger, par les titulaires des permis de recherche ou d'exploitation minières ou par les titulaires d'autorisation d'ouverture et d'exploitation de carrière permanente ou par des personnes physiques ou morales travaillant pour leur compte dans le cadre de ces activités minières ou de carrières18(*). Toutes ces exonérations représentent un véritable manque à gagner pour l'Etat. En effet, une évaluation des exonérations des impôts par rapport aux recettes des mêmes impôts montre que celles-ci représentent un pourcentage considérable desdites recettes. Pour mettre en exergue les conséquences des exonérations sur les recettes fiscales, nous nous sommes proposé d'étudier l'impact de l'ensemble des exonérations d'impôts enregistrées par la DGI sur les recettes fiscales de la même administration de 2012 à 2016. Tableau 4: impact des exonérations d'impôts sur les recettes de la DGI19(*)
Commentaire: Le tableau montre l'impact des exonérations d'impôts sur les recettes de la DGI. En effet, pour l'année 2012, les exonérations d'impôts se sont chiffrées à 108 995 324 640, soit 29.87% des réalisations total de la DGI pour la même année. Une diminution des exonérations de 50% aurait permis une augmentation des recettes fiscales d'environ 54 milliards. En 2013, les exonérations ont diminué presque de moitié, passant de 29.87% en 2012 à 15.84% en 2013, soit une diminution de 14.03% (29.87%-15.84%), ce qui a représenté un gain de plus de 35 milliards. Elles ont ensuite augmenté de 1.94% en 2014 (17.78-15.84), et se chiffrent à 84 652 488 799 francs CFA. Pour les années 2015 et 2016, les parts des exonérations dans les recettes de la DGI ont chuté, passant respectivement à 78 129 023 470 et 67 413 413 449, soient 15.83% et 13.21% des recettes recouvrées par la DGI pour les mêmes périodes. En somme, les exonérations accordées sur les cinq années (de 2012 à 2016) s'élèvent à 412 742 369 751 francs CFA (108 995 324 640+73 552 119 393+84 652 488 799+78 129 023 470+67 413 413 449), ce qui est supérieur aux recettes fiscales pour l'année 2012. On peut ainsi dire que l'Etat a perdu à travers les exonérations d'impôts en moyenne 82 548 473 950 francs CFA, ce qui est considérable pour un pays comme le Niger. Aussi, il y'a lieu de préciser que les exonérations de TVA sont celles qui représentent la majeure partie des exonérations au Niger. Elles représentent en moyenne 58.79% de l'ensemble des exonérations sur les cinq années considérées. * 16Article 123 de la Loi n°2007-01 du 31 janvier 2007, portant code pétrolier de la République du Niger * 17Article 92 de l'Ordonnance n°93-16 du 2 mars 1993 portant code minier de la République du Niger * 18Article 94de l'Ordonnance n°93-16 du 2 mars 1993 portant code minier de la République du Niger * 19 Source : MF/DGI/DCE/Div ESTA |
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