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La protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire


par Serge Landry GBÉLÉ
Université Méthodiste de Côte d'Ivoire  - Master 2 recherche  2018
  

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INTRODUCTION

« Tous les êtres humains ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature »1.

Face à l'ampleur des pressions anthropiques sur le milieu naturel vers la fin du XIXe siècle l'on a pris conscience de la nécessité de sauvegarder les milieux naturels dans leur pureté originelle, d'où le concept de « protection intégrale de la nature ». Ceci va alors conduire à la création du premier parc national celui de la Yellowstone Aux Etats Unis en 1872. Ce concept aujourd'hui plus ou moins théorique se trouve dans les parcs nationaux, les centrales de réserve de biosphère et notamment les réserves naturelles intégrales. Le droit de la nature commence alors à se mettre en place, ainsi en 1902 va se tenir à Paris la première Convention de protection des espèces sauvages celle relative à la protection des oiseaux utiles pour l'agriculture. La base juridique de la protection de la nature est belle et bien jetée par cette Convention. A travers son titre, on se rend compte que seul l'aspect utilitaire de ces espèces est pris en compte. Il a fallu attendre vingt ans plus tard en 1923, pour que se tienne de nouveau à Paris le premier congrès international de protection de la nature. Cependant, les notions d'« espèces menacées d'extinction » vont, pour la première fois, être abordées à Londres le 28 novembre en 1933 où sera adoptée la Convention relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état sauvage en Afrique. La création, à Fontainebleau en France, en 1948 de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) va véritablement marquer l'engagement international en faveur de la protection de l'environnement, notamment celle de la nature. Il va donc se mettre en place, au niveau international, un arsenal juridique pour protéger les espèces et les espaces naturels. Il faut dire que la protection des espèces et des espaces ainsi que celle de la biodiversité dans son ensemble est abordée différemment, aussi bien au niveau international avec les Conventions ratifiées par les Etats concernés qu'au niveau national où doivent être appliquées les Conventions dont s'inspirent les droits nationaux2. Mais, ici encore, il faudra attendre les années 1970 pour que l'on prenne clairement conscience que « l'homme a une responsabilité particulière dans la sauvegarde et la sage gestion du patrimoine constitué par la faune et la flore sauvages et leur habitat, qui sont aujourd'hui gravement menacés par un concours de facteurs défavorables » (principe 4 de la Déclaration de Stockholm) et que, en conséquence, il s'agit non pas seulement de lutter contre une chasse excessive, mais aussi d'assurer les conditions propres à la survie des

1 BIDOU (Pascale Martin), Droit de l'environnement, Paris, Vuibert, 2010, p.171.

2 ADON (Gnangui), Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 2009, pp.102-103.

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espèces menacées par l'urbanisation, les pollutions, l'utilisation massive d'insecticides, etc. La notion de préservation des espèces en voie d'extinction ou menacées de disparition n'est nullement abandonnée et demeure au centre des nouvelles réglementations internationales mais celles-ci portent sur l'ensemble des moyens de l'assurer3. La conscience de la nécessité d'assurer la protection de la faune et de la flore africaine est relativement ancienne4. La Côte d'Ivoire, à l'instar de plusieurs pays africains, a ratifié la plupart des Conventions internationales relatives à la protection de la nature, notamment la faune et la flore, en plus de ses propres textes juridiques dans le domaine. Il s'agit pour elle de faire face aux problèmes écologiques auxquels elle est de plus en plus confrontée notamment, la réduction de la faune, la perte de la biodiversité, l'amenuisement de son couvert forestier, l'assèchement des zones humides. L'acuité de ces problèmes impose donc des mesures particulières de gestion rationnelle des ressources naturelles telles que la faune et la flore5. Cela explique le choix du sujet libellé comme suit : « la protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire ».

Pour assurer la protection de sa faune et de sa flore, la Côte d'Ivoire s'est dotée, dès son accession à l'indépendance, d'institutions à même de définir une politique de gestion de ses ressources naturelles. C'est ainsi qu'elle a adopté deux lois dans ce domaine : la loi n°65-425 du 20 décembre 1965 portant Code forestier qui a été remplacée par la loi n°2014-427 du 14 juillet 2014 portant nouveau Code forestier ivoirien ; et la loi n°65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse. Ces deux lois établissent un équilibre entre les droits et les devoirs de chacun, tout en permettant à l'administration forestière d'assumer ses responsabilités dans le cadre d'une gestion rationnelle de la faune et de la flore. Les décrets d'application de la loi n°65-255 du 4 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse ont institué un système de suivi, de contrôle et de gestion des ressources fauniques, marqué par des périodes d'ouverture et de fermeture de la chasse. Mais en 1974, la prise de l'arrêté n°003/SEPN/CAB du 20 février 1974 portant fermeture de l'exercice de la chasse sur toute l'étendue du territoire national a fortement perturbé l'organisation et la gestion du secteur. A partir des années 90, avec la mise en oeuvre du Programme Cadre de Gestion des Aires Protégées (PCGAP), une politique de gestion durable a été proposée et s'est traduite notamment par :

3 DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et PELLET (Alain), Droit international public, 8e Ed. LGDJ-Lextenso, 2009, p.1475.

4 KAMTO (Maurice), Droit de l'environnement en Afrique, Paris, EDICEF, 1996, p.111.

5 ADON (Gnangui), Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 2009, pp.102-103.

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- la création de l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) au moyen du décret n°2002-359 du 24 juillet 2002 pris en application de la loi n°2002 du 11 février 2002 relative à la création, à la gestion et au financement des parcs nationaux et des réserves naturelles.

En dépit de ces mesures juridiques et institutions mises en place, la faune et les aires protégées de Côte d'Ivoire sont soumises à de fortes pressions susceptibles de compromettre leur existence6. Les facteurs directs de pression sur les forêts et plus particulièrement sur la faune et la flore sont dans l'ordre de leurs importances relatives : le braconnage, l'expansion de l'agriculture notamment des cultures de rente (café, cacao, hévéa palmier à huile) et les cultures vivrières itinérantes utilisant la fertilité des sols forestiers et des jachères (riz, igname), l'exploitation anarchique des sols bien au-delà des capacités de regénération, les feux de brousse incontrôlés, mais aussi d'autres facteurs moins importants comme l'élevage extensif, l'urbanisation et les infrastructures (route, habitat etc.), ou l'exploitation minière artisanale et/ou semi-industrielle (or, diamant, etc.). Outre ces causes principales, d'autres causes sous-jacentes, mais tout aussi importantes, ont un impact négatif sur la faune et la flore. Ce sont : la faiblesse du pilotage des politiques engagées et leur gouvernance inadaptée, le manque de coordination entre la politique de préservation de la faune et de la flore et les autres politiques publiques y compris la gestion durable des forêts, le manque de sécurisation foncière et la pression démographique (migration et accroissement), les crises sociopolitiques et l'instabilité qui en découle ainsi que les effets du changement climatique7.

La protection de la faune et de la flore est une obligation incombant aussi bien aux autorités étatiques qu'aux populations. En outre, toute personne a le droit fondamental de vivre dans un environnement sain et équilibré8. Il a aussi le droit de contribuer individuellement ou collectivement à la sauvegarde du patrimoine naturel9. Il s'agit donc de contribuer à la protection et à la conservation de la faune et de la flore suite à la dégradation qu'elles subissent de plus en plus. Notre travail de recherche présente donc un triple intérêt à savoir scientifique, social et personnel.

Au plan scientifique, il faut noter que plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question de la protection et la préservation de la nature à savoir la faune et la flore, soit pour chercher les mécanismes et techniques adéquats pour une meilleure protection, soit pour

6 Ministère des Eaux et Forêts, Rapport pour les états Généraux de la forêt, de la faune et des ressources en eau, 2015, pp.13-15. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 22 avril 2017.

7 Idem, p.13.

8 Voir article 19 de la Constitution du 1er août 2000.

9 Voir article 55-73 du Code de l'environnement.

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trouver des règles juridiques applicables et adaptées. Depuis le début du XXe siècle, la question de la protection de la faune et de la flore a fait l'objet de plusieurs Conventions internationales, ainsi que des rapports faisant l'état de la biodiversité dans certains pays pour en assurer une gestion efficace. Cependant, les recherches dans ce domaine ne résolvent pas entièrement les difficultés liées à la protection de la faune et de la flore. Notre travail de recherche consiste à tracer des pistes d'investigation dans la recherche scientifique pour des personnes qui s'intéresseront au domaine du droit de l'environnement particulièrement à la protection de la faune et de la flore.

Au plan social, notre travail de recherche vise à attirer l'attention des populations et des pouvoirs publics ainsi que des ONG qui oeuvrent en faveur de la protection de la nature. Il peut permettre de renforcer la conscience écologique nationale et montrer l'importance de la nature dans notre environnement social.

Notre intérêt personnel réside dans le fait que cette thématique entre dans le cadre de notre formation en droit public fondamental, dans le but de contribuer au respect de la protection juridique de la faune et de la flore qui jouent un rôle fondamental voir indispensable pour notre survie et notre bien être. De plus, nous souhaiterons poursuivre cette thématique de la protection juridique de la faune et de la flore dans nos travaux futurs.

Pour mieux comprendre cette thématique, il convient de procéder à une définition précise et contextuelle des termes abordés dans ce sujet : « la protection juridique » ; « la faune » et « la flore ».

La protection juridique peut être conçue par région ou par espèce ou sous forme de restrictions générales quant aux méthodes de chasse et d'exploitation. Cette législation diffère de pays à pays, mais on trouve un principe directeur en vue d'une législation panafricaine (Convention de Londres de 1933)10.

Hormis la définition de la protection juridique, il nous est nécessaire de procéder à celle de la faune.

Avant que le terme faune ne soit appréhendé par le droit positif, il est désigné comme l'ensemble des espèces animales présentes dans un espace géographique ou un écosystème déterminé (par opposition à la flore), à une époque donnée. En général, la notion ne comprend pas l'homme, bien que d'une certaine façon l'on puisse le considérer comme faisant partie du

10 RINEY (Thann), Conservation et aménagement de la faune et de son habitat, Rome, FAO, 1967, p.24.

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règne animal, en ce qu'il est classé physiologiquement comme un mammifère, notamment par Darwin11.

En droit positif ivoirien, aux termes de l'article 1er alinéa 1 de la loi n°65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse « la faune est constituée par les animaux sauvages vivant en liberté dans leur milieu naturel, classés parmi les mammifères (à l'exception des chauves-souris, des rats et des souris) et parmi les oiseaux, les crocodiles, les tortues, les varans et les pythons »12. En outre la protection de la faune tend à assurer la conservation et l'enrichissement qualitatif et quantitatif des espèces d'animaux sauvages vivant naturellement dans le pays, tant sur les surfaces relevant du Domaine de l'Etat que sur les terrains des particuliers13.

Après avoir défini la notion de faune, il nous convient de mettre en lumière la notion de flore.

La flore est l'ensemble des espèces végétales présentes dans un espace géographique ou un écosystème déterminé (par opposition à la faune14).

Dans la situation du droit africain particulièrement dans le droit ivoirien, la protection de la flore est exclusivement assurée par l'institution de parcs nationaux ou de réserves naturelles15.

En effet, les parcs nationaux sont de vastes aires naturelles ou quasi-naturelles mises en réserve pour protéger des processus écologiques de grande échelle, ainsi que les espèces et les caractéristiques des écosystèmes de la région, qui fournissent aussi une base pour des opportunités de visites de nature spirituelle, scientifique, éducative et récréative, dans le respect de l'environnement et de la culture des communautés locales16. Ils sont affranchis de tout droit d'usage. Y sont strictement prohibés la chasse, la pêche ou la capture de tous les animaux, le prélèvement d'espèces végétales ou d'objets quelconques, l'exploitation ou la prospection minière17.

Par ailleurs, les réserves naturelles sont des espaces réservés pour permettre le libre jeu des facteurs naturels sans aucune intervention extérieure, à l'exception des mesures de

11 Voir www.wikipédia.org. Consulté le 19 avril 2017.

12 Voir article 1er alinéa 1 de la loi n°65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse.

13 Voir article 3 de la loi précitée.

14 Voir www.wikipédia.org Consulté le 19 avril 2017.

15 FAO, La législation sur la faune et les aires protégées en Afrique, Etude législative n°25, Rome, 1981, p.27. Disponible sur www.fao.org. Consulté le 05 septembre 2017.

16 TRIPLET (Patrick), Manuel de gestion des aires protégées d'Afrique francophone, AWELY, Paris, p.8. Disponible sur https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00669157. Consulté le 22 avril 2017.

17 Voir article 3 du décret n°66-433 du 15 septembre 1966, portant statut et réglementation de la procédure de classement et de déclassement des réserves naturelles intégrales ou partielles et des parcs nationaux.

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sauvegarde nécessaires à leur existence même. Tout prélèvement et toutes autres formes d'exploitation (forestière, agricole, minière, etc.) susceptibles de nuire ou d'apporter des perturbations à la faune et à la flore y sont interdits. Toute intervention en leur sein doit faire l'objet d'une autorisation spéciale délivrée par le ministre compétent18.

Notre sujet d'étude s'inscrit dans une lignée d'études consacrées à la protection du milieu naturel en Côte d'Ivoire. Sa particularité réside cependant dans l'étude combinée des textes juridiques consacrés à la faune et à la flore. Dans le but de comprendre la problématique générale de la protection juridique de la faune et de la flore, nous avons eu recours à un article du professeur Stéphane DOUMBE-BILLE dans lequel il mentionne la question de la protection juridique de la faune et de la flore comme « le produit d'une action, de caractère mondial et régional19». Il estime qu'à côté du corpus universel, des règles continentales et sous régionales existent. Pour les premières, qui se résumaient essentiellement, dans le domaine considéré, à la Convention d'Alger de 1968, le contenu des règles édictées a parfois eu un caractère exemplaire justifié par le fait que l'Afrique servait alors de « laboratoire » à l'expérimentation pratique des conceptions nouvelles de la conservation.

Dans cette même veine, nous nous sommes tournés vers l'article d'Ibrahima LY qui porte sur « la tendance d'évolution du droit de la faune et des aires protégées en Afrique occidentale20». Il ressort de cet article que de nombreuses insuffisances et lacunes subsistent et empêchent les lois et règlements d'atteindre les objectifs de gestion durable et participative en matière de protection de la faune et de la flore en Afrique occidentale.

Par ailleurs, nous nous sommes intéressés à l'ouvrage Droit de l'environnement du Professeur Michel PRIEUR. Il aborde la question de la protection juridique de la faune et de la flore ainsi : « la protection de la faune et de la flore ne vise ni tous les animaux, ni tous les végétaux21 ». Pour lui, il s'agit simplement des espèces sauvages appartenant au patrimoine biologique national. Pour les animaux, ce sont les animaux non domestiques définis par la législation. Pour les végétaux, la protection concerne les espèces végétales non cultivées. Les mesures spéciales de protection n'ont pas pour but de viser toutes les espèces végétales et

18 LY (Ibrahima), «Tendance d'évolution du droit de la faune et des aires protégées en Afrique occidentale», 2001, p.6. Disponible sur www.fao.org. Consulté le 30 mai 2017.

19 DOUMBE-BILLE (Stéphane), « Droit international de la faune et des aires protégées : importance et implications pour l'Afrique », 2001, p.4. Disponible sur http://www.fao.org . Consulté le 22 avril 2017.

20 LY (Ibrahima), « Tendance d'évolution du droit de la faune et des aires protégées en Afrique occidentale », 2001, p.2. Disponible sur www.fao.org .Consulté le 30 mai 2017.

21 PRIEUR (Michel), Droit de l'environnement, 2e Ed. Paris, Dalloz, 1991, p.368.

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animales mais celles qui répondent aux nécessités de préserver le patrimoine biologique national.

De plus, dans son ouvrage Droit de l'environnement en Afrique le Professeur Maurice KAMTO évoque la question de la protection de la faune et de la flore de façon globale en ces termes : « conservation de la diversité biologique22». Pour lui la diversité biologique est une matière éminemment complexe et l'on doit souligner d'emblée combien nous manquons de connaissance dans ce domaine. Combien d'espèces existe-t-il sur notre planète, dans les différentes biotopes que constituent les forêts tropicales et tempérées, les steppes arbustives d'Afrique et d'Australie, les récifs coralliens des fonds marins inexploités ? On n'en connait qu'un maximum de 2 millions, alors qu'il y a 15 ans la diversité biologique était estimée à 15 millions d'espèces et aujourd'hui à 50 millions et d'aucuns avancent même le chiffre de 80 à 100 millions d'espèces différentes ne représentant plus que 5% de celles qui ont peuplé la terre depuis le début de son histoire. On ignore le nombre des espèces mais on ignore aussi leurs fonctions dans les écosystèmes. Cette ignorance même constitue un des motifs qui justifient la conservation de la diversité biologique. Certes, les seuils des populations à préserver sont essentiels mais difficiles à déterminer, et la question de savoir s'il faut à tout prix conserver toutes les espèces divisent les écologistes en l'absence de réponse scientifique sûre. Il n'empêche que, parmi les espèces connues, il y en a qui sont menacées ou en voie de disparition. Le droit s'efforce de préserver les unes en réglementant leur prélèvement en vue d'une meilleure connaissance scientifique, et de protéger les autres d'une extinction définitive. C'est assurément le domaine par lequel le droit de l'environnement s'est introduit en Afrique, notamment sous l'angle de la protection de la flore et de la faune sauvages.

Ainsi, la protection juridique de la faune et de la flore a été aussi évoquée par Jean Luc MATHIEU dans son ouvrage intitulé La protection internationale de l'environnement. Il traite cette protection en ces termes : « la sauvegarde de la vie animale et végétale 23». Il stipule que contre une utilisation excessive d'espèces animales et végétales susceptibles de conduire à leur disparition, nombre de mesures ont été prises, certaines depuis longtemps, pour « gérer » l'exploitation du vivant sans « tuer la poule aux oeufs d'or ». C'est en effet, une conception «utilitaire» qui a inspiré les premiers textes internationaux aboutissant, indirectement à la protection de certaines espèces animales, en organisant leur exploitation rationnelle.

22 KAMTO (Maurice), Droit de l'environnement en Afrique, Paris, EDICEF, 1996, p.111.

23 MATHIEU (Jean Luc), La protection internationale de l'environnement, Paris, PUF, 1991, pp.59-60.

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Le Professeur Pascale Martin BIDOU a évoqué la question de la protection de la faune et de la flore dans son ouvrage intitulé Droit de l'environnement en posant la problématique suivante : Pourquoi faut-il sauvegarder la diversité biologique ? Pour lui, la diversité biologique joue de multiples rôles dans la vie de la Terre. Elle perpétue la vitalité de la santé de la planète. Les espèces sont les maillons de la chaîne du vivant, elles ont un rôle dans les écosystèmes et leur action joue un rôle dans la survie d'autres espèces (prédateurs, récifs de corails...). Elle est utile directement pour les hommes, pour se nourrir, se vêtir, se soigner ; elle présente une utilité économique24.

L'usage de ces documents a permis de se faire une idée générale de la question de la protection juridique de la faune et de la flore au plan international, régional et sous régional. Cependant, il nous était impossible, à partir de ces écrits, de nous rapprocher non seulement de notre objet d'étude, qui traite de la protection juridique de la faune et de la flore, mais aussi de notre espace d'étude, à savoir la Côte d'Ivoire. Nous nous sommes donc penchés sur des ouvrages, des articles, des rapports et études qui sont spécifiques à la protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire.

En parcourant l'article d'Ibo Jonas GUEHI portant sur la politique coloniale de la protection de la nature (1900-1928) , il ressort que la question de la protection de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire était déjà abordée par l'Administration coloniale. Conformément à l'article 1er de l'arrêté n°103 de 1926, ont été institués en Côte d'Ivoire deux parcs nationaux à savoir le parc de la région Nord (situé dans la subdivision de Bouna) et le parc de la région forestière (situé dans les cercles du Bas-Sassandra et du Moyen Cavally). Il est nécessaire de souligner que ces deux parcs sont en l'état actuel de nos connaissances dans ce domaine, les premiers de l'histoire de la Côte d'Ivoire. Dans les limites de ces parcs nationaux de refuge, la chasse, aussi bien aux mammifères qu'aux oiseaux est interdite de façon absolue à toute époque de l'année, sauf le cas de légitime défense ou de protection et de celui de défense des cultures contre les dépréciations des animaux. Au total, 11 mammifères et 14 oiseaux de différentes espèces étaient ainsi protégées.

De même, Ibo Jonas GUEHI aborde cette même question de la protection dans son article, « la gestion coutumière de l'environnement en Côte d'Ivoire25 ». Il estime que les zones de biodiversité traduisent, dans les faits et sur le terrain des pays en développement, la vision d'une forêt, patrimoine planétaire à protéger absolument, défendue par les

24 BIDOU (Pascale Martin), Droit de l'environnement, Paris, Vuibert, 2010, p.175.

25 GUEHI (Ibo Jonas), « La gestion coutumière de l'environnement en Côte d'Ivoire », In Bulletin du GIDIS - CI, n°18 avril 2000, p.7.

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organisations tant gouvernementales que non gouvernementales du Nord. Elles s'apparentent à une expropriation pure et simple des Etats et des populations locales des zones concernées. C'est d'ailleurs la perception que les populations locales ont aujourd'hui du projet GEPRENAF. « Les gens du GEPRENAF sont venus, ils nous ont dit de ne plus faire la chasse et que le projet fera tout son possible pour faire venir des touristes qui nous apporteront le mieux être », telle est la substance du discours des populations des sites protégés.

Gnangui ADON n'est pas resté passif sur la question de la protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire. Dans son ouvrage intitulé Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'ivoire26 , il aborde ainsi la protection en ces termes « droit applicable aux espèces et aux espaces ». Pour lui, dans le cadre de la protection de la nature, on assiste à un passage d'une logique de gestion des ressources naturelles à la prise en compte de la biodiversité, c'est-à-dire à la diversité des écosystèmes et des ensembles vivants dans la perspective d'un développement durable qui permette le renouvellement harmonieux des ressources et leur survie.

« Si nos tendances actuelles se prolongent, dans moins de trente ans, nous serons 30 millions d'âmes (...), 30 millions de bouches à nourrir alors même que nos forêts disparaissent et des pluies deviennent insuffisantes sinon rares. Voilà pourquoi nous devons agir. Agir pour changer nos comportements à l'égard de la nature. C'est là un impératif parmi tant d'autres, que nous ne pouvons ignorer », affirmait le Président Henri Konan BEDIE dans Le livre blanc de l'environnement en Côte d'Ivoire du Ministère de l'Environnement et du Tourisme. A travers ce message, il montre la nécessité de protéger les espèces animales et végétales pour la survie et le bien-être de l'homme.

La nécessité de la protection de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire est une problématique majeure à laquelle une réponse cohérente doit être apportée. Cependant, la littérature y afférente est peu fournie. Il n'empêche que certains documents nous ont permis d'analyser ce qui a été fait, ce qui reste à faire et de dégager la problématique du sujet.

La Côte d'Ivoire pour assurer la protection de sa faune et de sa flore, a adopté une législation nationale relative en la matière, en plus de cette législation, elle a ratifié plusieurs Conventions internationales relatives à la protection des espèces animales et végétales. Nonobstant ces textes juridiques, on constate qu'elle est de plus en plus confrontée à des problèmes écologiques notamment la perte de sa faune et de sa flore. Face à ces problèmes

26 ADON (Gnangui), Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 2009, p.103.

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écologiques l'on est tenté de savoir si les textes juridiques sont effectifs ? Ces textes sont-ils adaptés aux réalités écologiques actuelles ? Pourquoi les espèces végétales et animales dites protégées continuent-elles de subir une baisse drastique sur l'ensemble du territoire national ? De tels constats et interrogations ont attiré notre attention sur la protection des espèces fauniques et floristiques

De ce qui précède découlent les interrogations suivantes :

Quelles sont les dispositions mises en place pour assurer cette protection ? Ces dispositions sont-elles suffisantes pour assurer cette protection ? Si non, quelle contribution peut-on y apporter pour une amélioration ?

La présente étude vise d'une manière générale la protection juridique efficace de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire.

Nous partons de l'hypothèse selon laquelle les textes juridiques relatifs à la protection de la faune et de la flore sont inopérants et peu efficaces.

Pour maitriser les méandres de cette protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire, il nous faut adopter une méthode.

On appelle méthode un ensemble de procédés ou de moyens de recherche consciemment adaptés à un objet déterminé. Les méthodes ou conduites de pensée ne doivent pas être confondues avec des raisonnements, procédés homogènes ou simples enchainements de pensée27.

Pour mieux aborder notre travail de recherche et faire le tour des différentes questions soulevées, plusieurs méthodes s'offrent à nous. D'abord une recherche documentaire nous a permis d'avoir des informations sur les méthodes et mécanismes de protection qui ont été mis en place.

Pour mieux prendre connaissance des difficultés soulevées par la problématique de la protection de la faune et de la flore, nous avons adressé des courriers aux institutions en charge de la protection de la faune et de la flore : le Ministère des Eaux et Forêts (MINEF), l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) et la Société de Développement des Forêts (SODEFOR). A la SODEFOR, la réponse du directeur à notre courrier est sans ambage : notre structure n'est pas compétente en matière de protection de la faune et de la flore. Il nous a plutôt orienté vers la Direction de la Faune et des Ressources Cynégétiques (DFRC) du Ministère des Eaux et Forêts. A la Direction de la Faune et des Ressources Cynégétiques

27 AUGE (Paul), Encyclopédie Larousse Méthodique , Tome premier, Edition refondue du grand mémento, 1955, pp. 614-619.

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(DFRC), nous avons été reçu par un agent chargé de la protection des espèces menacées d'extinction : la CITES et avec qui nous avons eu un entretien. Lors de nos échanges, nous n'avons pas eu de réponse à certaines questions qui selon lui relèvant des raisons de secret professionnel et aux droits de réserve auxquels il est soumis. A l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves, nous avons été reçu par le Directeur Technique qui a répondu à certaines de nos questions.

Dans le souci de comprendre et de dresser un état des lieux, tout en relevant les forces et les faiblesses de la protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire, il s'agira pour nous dans un premier axe d'étude, d'examiner le cadre juridique et institutionnel de la protection de la faune et de la flore (première partie). Dans un second axe d'étude, apporter une contribution pour une protection juridique améliorée de la faune et de la flore (deuxième partie).

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PREMIERE PARTIE :

LE CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA PROTECTION DE LA FAUNE ET DE LA FLORE

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Le cadre juridique et institutionnel de la protection de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire présente un panorama riche et diversifié. Cela se traduit, d'une part, par la diversité des instruments juridiques de protection (Chapitre I) et, d'autre part, par la multitude des institutions chargées de la mise en oeuvre des instruments juridiques de protection (Chapitre II).

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera