4.2. Les risques sanitaires liés à la gestion
des DBM 4.2.1. Les risques pour le personnel de gestion des DBM
Nous entendons par risque sanitaire, le contact possible avec
le déchet entraînant une contamination sanitaire potentielle. Les
risques sanitaires, liés à la gestion inappropriée des DBM
à l'hôpital du district de Bogodogo, concernent globalement les
blessures accidentelles du personnel de soins. Les intoxications aiguës,
les infections et les nuisances guettent le personnel d'entretien et de
nettoyage. C'est le cas par exemple des odeurs nauséabondes dues au
manque d'équipements de protection et à la longue durée de
stockage des déchets au niveau de l'incinérateur De Montfort.
Pour ce qui concerne les infections, nous avons identifié trois
catégories. Il s'agit :
? des maladies virales telles que le HIV/SIDA. Sont
principalement exposés à ces pathologies le personnel de soins,
les gardes-malade, le personnel d'entretien et de nettoyage, et les ouvriers de
l'hôpital en construction;
? des maladies microbiennes ou bactériennes telles que la
tuberculose, la fièvre typhoïde ;
? des maladies parasitaires telles que la dysenterie, les
ascaris et les infections nosocomiales.
Certains déchets biomédicaux solides tels que
les boîtes de sécurité contenant les objets piquants et
coupants sont stockés à plusieurs endroits de l'hôpital
sans aucune sécurité.
58
LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
D'abord entassés autour de l'incinérateur, nous
les retrouvons dans la cour de la morgue. Certaines boîtes de
sécurité, étant rongées par les termites, laissent
les seringues éparpillés sur le sol. Pourtant, nous retrouvons
également à ces endroits et autour du dépôt sauvage,
des excrétas humains, preuve que des gens y entrent pour faire leurs
besoins et plus particulièrement les ouvriers qui travaillent au niveau
de la construction du nouveau hôpital. Ce qui les expose à un
risque décontamination et surtout aux accidents par piqûre
d'aiguilles et autres objets tranchants.
? Les risques pour la population
De façon globale, la population du district sanitaire
de l'hôpital est doublement exposée aussi bien par les DBM
déversés dans le dépotoir sauvage que par les
comportements à risques. Les risques de blessures sont fortement accrus,
notamment avec les aiguilles qui traînent au sol au niveau du
dépotoir De Montfort et à l'intérieur de la Morgue.
Un autre type d'impact concerne la contamination potentielle
de la chaîne alimentaire. En effet, le niveau d'ignorance des
manipulateurs de déchets à la source ainsi que
l'inadéquation et la faiblesse des équipements de stockage, de
collecte et de disposition de déchets sanitaires se traduisent par un
mélange des déchets sanitaires avec les autres déchets
courants moins nocifs notamment au niveau du dépôt sauvage
très fréquenté par les animaux domestiques ou sauvages
(chats, souris) en quête de nourriture, les oiseaux et les insectes.
Cette situation peut entraîner une propagation potentielle de maladies et
de contaminants chimiques à travers la chaîne alimentaire. De la
même manière, les vents de poussière et l'eau de
ruissellement peuvent propager des germes pathogènes et les aiguilles
provenant du dépotoir.
En outre, le stockage à l'air libre des déchets
biomédicaux et leur incinération constituent une source de
pollutions environnementale et atmosphérique. C'est de toute
évidence la source la plus polluante pour l'air en raison des
émanations de gaz et de particules contenant des substances hautement
toxiques. La combustion des déchets sanitaires à l'air libre
entraîne des émissions riches en acide chlorhydrique, en azote et
en oxyde de soufre ainsi que des émissions de particules contenant des
substances organochlorées telles que d'autres gaz
cancérigènes comme les chlorobenzènes.
En résumé, les risques sur l'environnement
biophysique sont d'ordre divers et concernent la pollution de l'air et les
incommodités provoquées par la combustion des déchets
à ciel ouvert, ainsi que par les fumées des incinérateurs,
la contribution à la pollution des eaux de surface et des eaux
souterraines par les eaux de lixiviation des décharges. Les
excrétas renferment des
59
LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
micro-organismes pathogènes vecteurs de nombreuses
maladies telles que la fièvre typhoïde, les dysenteries, le
paludisme, les parasitoses, la tuberculose. Le schéma suivant montre les
voies de transmission des agents pathogènes présents dans les
excrétas (cf. Figure 4, page 60).
Figure 4 : Les voies de transmission d'agents
pathogènes à l'homme
Loisir
Aliments
Agriculture
Eaux souterraines
Agents pathogènes
Mains
Déchets solides
Mouches
Eaux de surface
Sols
Réserve d'eau de Boisson
Transmission à l'homme
Source : KANKOUDRI, 1995-1996
Les agents pathogènes peuvent contaminer les aliments
à travers les mains, les insectes (mouches), les déchets. Les
eaux de surface sont contaminées par les déchets
entreposés à l'état sauvage et contamine à leur
tour les eaux souterraines. Certains déchets utilisés comme humus
dans les champs peuvent s'infiltrer et contaminer également la nappe
souterraine ; celle-ci constitue une source d'eau potable dans certains
endroits, particulièrement en milieu rural (puits, pompes, ...). Les
germes sont ainsi transmis à l'homme à travers l'eau de
boisson.
60
LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
4.3. L'itinéraire des DBM solides
Le chemin suivi par les DBM depuis leurs lieux de production
jusqu'à leur lieu de destruction a une très grande influence dans
les possibles contacts avec les déchets dans la mesure où la
brouette utilisée à l'hôpital du district pour le transport
est très petite. Ceci est une source de morbidité importante
particulièrement pour le personnel en charge de l'acheminement. C'est
pour cette raison que ZONGO, 2009 dans son mémoire de fin de cycle,
estime que les déchets de soins produits dans les établissements
de soins doivent suivre un itinéraire approprié et bien
identifié. Son hypothèse est soutenue par TRAORE, 2010 dans sa
thèse de doctorat d'État, elle affirme que la mauvaise gestion
des DBM laisse la possibilité de récupérer le
matériel médical jetable.
Pour tenter de matérialiser ces itinéraires nous
nous sommes appuyés sur l'outil GPS et sur les travaux
réalisés par des géographes sur les déplacements
des piétons (BONNET, 2008 ; MAIGNANT, DUTOZIA, 2010) que nous avons
adaptés à notre problématique. Il s'agissait de mettre en
évidence, les lieux potentiels de contact entre les déchets et
les malades, les accompagnants ou les visiteurs.
Le service du Bloc opératoire comporte deux salles
d'opération, une salle de réveil, une salle de
stérilisation, deux salles de garde et le cabinet du major. Chaque salle
d'opération comporte deux poubelles de pré-collecte à
pédales, une poubelle contenant un sachet-poubelle, deux à trois
boîtes de sécurité, un vidoir. Des poubelles sont
également disposées dans le cabinet du major, dans la salle de
stérilisation et dans une des salles de garde. Le nombre d'agents de
santé affectés à ce service est de 39, toutes
catégories confondues. En 2011, le bloc opératoire a
effectué 1374 interventions ; ce qui équivaut à environ
quatre interventions par jour (enquête de terrain, juillet 2012). Lors de
chaque intervention, les déchets sont triés à la source
à l'aide des récipients suscités. A la fin des
interventions, les garçons et les filles de salle vident les poubelles
de pré-collecte dans les fûts situés à
l'entrée de chaque service. Les déchets anatomiques sont contenus
dans des sacs-poubelles de couleur noire, parfois bleu-claire. Les
déchets souillés par le sang et les déchets courants sont
simplement vidés dans les poubelles de collecte et
mélangés aux ordures ménagères.
Le bâtiment de la pédiatrie est composé
d'un cabinet du major, d'une salle de soins et de quatre salles
d'hospitalisation. La salle de soins dispose des poubelles de
pré-collecte et le cabinet du major d'un panier pour ordures
ménagères. Ce service totalise 42 agents composés entre
autres de Sages-Femmes et de Maïeuticiens d'État, d'infirmiers, de
médecins
61
LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
gynécologues. Les déchets des salles
d'hospitalisation sont surtout produits et collectés lors de chaque
visite médicale. La table roulante de visite des médecins
comporte une poubelle qui est constamment vidée par les stagiaires dans
les récipients de collecte stationnés devant les salles et au
moins une boîte de sécurité.
Il n'y a pas d'itinéraire prédéfini pour
le transport des DBM, car toutes les poubelles ne sont pas vidées tous
les jours. En effet, les récipients de collecte de déchets
disposés au niveau des services administratifs ne comportent le plus
souvent que des ordures ménagères et ne se remplissent pas vite
ils sont donc vidés une fois tous les deux ou trois jours. Par contre,
les poubelles de collecte stationnées devant les unités
médicales sont vidées chaque matin par le préposé
à l'incinérateur (cf. Carte 3, page 63).
L'hôpital du district de Bogodogo reçoit chaque
année un nombre important de patients. Ces derniers viennent pour des
examens (Radiographie, Échographie, examen de sang, examen de selles),
pour des consultations ou pour des soins. Parmi tous les services de
l'hôpital du district, le service des Urgences est le premier à
recevoir plus de patients. C'est dans ce service que les ambulances
amènent les blessés accidentels ou les malades graves qui ont
été référés des CSPS, des centres
médicaux ou des cabinets privés. Ce service reçoit
également les patients qui viennent directement pour des consultations
tout en accordant la priorité aux malades référés.
Après les premières visites et les premiers soins, les malades
sont transférés à la pédiatrie pour les enfants, au
service d'hospitalisation chirurgicale pour les blessés ou
médecine pour les malades. Les femmes enceintes sont
transférées à la maternité qui constitue le second
service en quantité de patients reçus. Le service de la
maternité est constitué de la salle d'accouchement, de la
Santé Maternelle et Infantile (SMI), du service
Poste-opéré. C'est à la salle d'accouchement que se font
les accouchements, les consultations prénatales (CPN) et les
consultations gynécologiques. Les femmes enceintes qui ont des
complications nécessitant des interventions chirurgicales sont soit
transférées au bloc opératoire, soit
référées au Centre Hospitalier Universitaire Yalgado
Ouédraogo (CHU-YO). Le service postopératoire s'occupe des femmes
qui ont eu des complications après un accouchement par
césarienne. Les nouveau-nés qui sont atteints d'une quelconque
maladie nécessitant un suivi médical, sont
transférés à la pédiatrie. Les examens de sang, de
selles et autres sont effectués au laboratoire et, les radiographies et
échographies au service de l'imagerie médicale. Les
différentes unités de soins sont munies de bancs où les
patients s'assoient pendant les heures de service tandis que les accompagnants
et les visiteurs occupent les hangars.
62
LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
Nous avons constaté lors de notre enquête que les
déplacements des piétons dominent ceux des véhicules et
des motocyclettes car l'accès de ces derniers à
l'intérieur de l'hôpital était réservé soit
au personnel, soit aux cas d'urgences. En ce qui concerne les véhicules,
il s'agit principalement des ambulances de l'hôpital du district ou des
autres formations sanitaires, ou encore des taxis qui viennent déposer
les malades au niveau du service des urgences ou en hospitalisation
chirurgicale/médecine. Les motocyclistes déposent certains
malades au laboratoire, au service d'imagerie médicale ou en chirurgie.
Les engins du personnel médical et la majorité de leurs
véhicules sont garés au niveau du parking du personnel.
Cependant, certains responsables de service déposent leur
véhicule à côté de leurs cabinets (le centre de
dépistage volontaire, la salle d'accouchement, les cabinets de
consultation). Les piétons vont dans tous les services et ils empruntent
toutes les pistes.
Dans l'ensemble, les mouvements des patients et des visiteurs
au sein de l'hôpital se font selon des itinéraires
différents d'un individu à l'autre. Malgré l'existence des
couloirs à sol pavé ou terrassé, certains piétons,
pour se rendre dans les différents services de l'hôpital,
privilégient le chemin le plus court en temps mais avec un risque
élevé de contact et d'exposition aux odeurs nauséabondes
tandis que les automobilistes et les motocyclistes choisissent un chemin mieux
praticable. Les piétons passent le plus souvent à
proximité des poubelles autour desquelles sont entreposés
certains déchets.
63
LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
20 0 20 40 m
Trajet des déchets
1er parcours
X( Incinérateur
s Poubelle de collecte
Limite de l'hôpital
2eme parcours
Trajet des boîtes de sécurité
Dépotoir
Parking
Kioque
Hangar
Bâtiment administratif
Unité de soins
3eme parcours
Toilette
Conteneur
Source: Fond de carte, Google Earth; données
personnelles Réalisation : KABRE T. Décembre
2012
Dépôt
pharmaceutique
5H30
s
Administration
s
ORL
s
Guérite
Cardiologie
s
s
Salle de réunion
s
s
Caisse
s
Ophtalmologie
s
Dépôt répartiteur
Maternité
Pharmacie
s
Imagerie médicale
s
Bloc opératoire
s s
s
Centre de dépistage
s
Laboratoire s
s
s
Kiosque
s
SMI
s
Post-opéré
s
s
s s
Cuisine
Médecine
s
4H00
s
Salle de consultation
s
s s
Centre jeunes
Buanderie
s
s s s s s
4H40
s
Entrepôt
Magasin Morgue
6H15
s
Pédiatrie
Dépôt sauvage
Incinérateur
N
(X(X (X
4H30
5H20
CARTE 3 : L'ITINERAIRE DE DBM AU SEIN DE L'HOPITAL DU
DISTRICT DE BOGODOGO
64
LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
La matérialisation des itinéraires de collecte
des déchets montre les efforts évidents des responsables de
l'hôpital et de la société de collecte de maintenir un
contact le plus limité possible entre individu et déchets (carte
3, page 64). En effet, les heures indiquent une collecte effectuée
tôt le matin avant l'arrivée des patients et des visiteurs et
permettant au personnel d'entamer une journée de travail avec des
récipients de collecte vidés. Même si les
itinéraires peuvent varier au cours de la semaine en raison d'une
collecte moins régulière des déchets produits par les
services administratifs (et par définition sans conséquences
sanitaires), les déchets contenus dans les poubelles disposées
dans les unités médicales sont vidées chaque matin.
La division du circuit de ramassage en trois passages est
imposée par le matériel de transport des déchets : une
brouette de faible capacité de rétention. Ce moyen peu
conventionnel a conduit à définir des itinéraires qui
semblent davantage imposés par la disposition des bâtiments que
l'organisation fonctionnelle du site, ou le type de déchets produits. En
effet, le tracé, matérialisé en vert sur la carte,
collecte les déchets des salles de consultation, des services de
chirurgie, de médecine, de pédiatrie, puis collecte le contenu
des poubelles de la cuisine pour se diriger ensuite en maternité avant
de rejoindre sa destination finale. Or, on l'imagine aisément, les
déchets collectés ne sont pas de même nature mais, compte
tenu de l'insuffisance des sacs-poubelles et du matériel de transport
non approprié, tous les déchets sont mélangés lors
du transport sauf ceux contenus dans les sacs-poubelle et les boîtes de
sécurité. Il existe alors un risque évident de
mélange de déchets, particulièrement lorsque les sacs
plastiques ne sont pas disponibles au niveau des services. Par ailleurs, la
qualité du moyen d'acheminement jusqu'au lieu d'incinération
laisse supposer la possible perte de certains déchets au cours du
transport en des lieux susceptibles de diffuser plus facilement les germes.
Enfin, la carte montre la destination finale des DBM : un tas
de déchets sauvages, certes situé au fond de l'hôpital mais
qui reste à ciel ouvert et peut donc favoriser la diffusion des germes
de manière différente. Notons qu'à l'époque de
notre enquête les incinérateurs De Montfort et SH20
n'étaient pas fonctionnels. L'incinérateur SH20 a
été mis en marche en août dernier mais
l'incinérateur De Montfort reste inutilisé. Cette situation
illustre, un phénomène récurrent lorsque le
matériel tombe en panne puisqu'il n'existe généralement
aucune alternative pour évacuer les déchets en toute
sécurité et éviter les contacts possibles
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LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
entre les individus hôtes et les agents
pathogènes contenus dans ces matières. Toutefois des efforts sont
faits par le BAHCS pour que les déchets soient dans des
sacs-poubelles.
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