4.1. Les contraintes ou dysfonctionnements
4.1.1. Les contraintes institutionnelles et
organisationnelles
L'ampleur du problème lié aux déchets
biomédicaux est déterminée non seulement par l'importance
de la production des déchets, mais aussi par le risque d'infection
qu'ils représentent pour la santé de l'homme et pour
l'environnement. Dans les établissements de soins où les
règles d'hygiène générales, individuelles ou
collectives, ne sont pas respectées, les professionnels de santé
et les patients peuvent être victimes d'infections nosocomiales.
Les textes législatifs et réglementaires
régissant des DBM au Burkina Faso sont suffisamment clairs sur les
dispositions à respecter aussi bien pour la pré-collecte, la
collecte, le stockage, le transport, l'évacuation, l'élimination
des DBM, que pour le personnel de gestion, les mesures de
sécurité et les équipements de protection. La section 1 du
chapitre 2 du décret N°2008-009/PRES/PM/MS/MECV du 10 janvier 2008
portant organisation de la gestion des déchets biomédicaux et
assimilés, stipule que les déchets infectieux, anatomiques et
déchets issus des activités de soins (gants, compresses, cotons,
pansements, champs opératoire) doivent être collectés dans
des sacs-poubelle; les déchets piquants ou tranchants (aiguilles, lames
de bistouri, mandrins) sont collectés dans des boîtes de
sécurité de couleur jaune ; les déchets de laboratoires
(boîte de pétri, pipette) et déchets spéciaux
(médicaments périmés, restes de produits, métaux
lourds, produits chimiques, déchets radioactifs) sont collectés
dans des sacs-poubelle de couleur rouge ; enfin, les déchets
assimilables aux ordures ménagères dans des sacs-poubelle de
couleur noire.
Cependant, il n'existe aucune structure chargée de
contrôler la mise en oeuvre de ces lois et l'application effective des
sanctions. Dans la pratique, les textes existants ne sont pas suffisamment
vulgarisés dans les formations sanitaires, ce qui limite leur
application. En effet, la dernière journée d'information sur la
politique sanitaire nationale et le code de l'hygiène publique au
district sanitaire de Bogodogo a eu lieu depuis le 10 mai 2007. Une autre
insuffisance réside dans l'absence de dispositions relatives aux
autorisations ou aux permis de créer des sociétés, des
associations ou des entreprises privées, chargées
spécifiquement du traitement des DBM à l'image
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LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
des services privés de collecte des déchets
ménagers. Pour une gestion efficace des DBM, chaque formation sanitaire
doit s'associer à une société de traitement des
déchets.
La gestion des DBM à l'hôpital du district
sanitaire de Bogodogo se situe à l'étape embryonnaire
malgré les efforts consentis par le bureau d'hygiène
hospitalière. Cette gestion présente de ce fait quelques
insuffisances : l'absence d'une structure de supervision impliquant l'ensemble
des acteurs de l'hôpital ; l'absence d'une réglementation interne
sur la gestion des DBM ; l'absence d'un budget spécifique alloué
à la gestion des DBM. Les autres contraintes majeures portent sur
l'absence de données sur les quantités des DBM produites. Le
bureau d'hygiène souffre d'une léthargie par manque de moyens
matériel et financier, de personnel, de motivation, de programme et de
soutien administratif. Au moment où l'enquête était
menée, le bureau d'hygiène était en train de mettre en
place un plan de gestion des DBM.
? Les contraintes humaines et
matérielles
A priori, le personnel soignant dispose d'un niveau de
connaissances dans la mesure où il bénéficie d'une
formation sur la prévention des infections (PI) au début de sa
carrière professionnelle, mais les attitudes et les pratiques ne
respectent pas les normes en matière de gestion des DBM. C'est le cas
par exemple du service du bloc opératoire où nous retrouvons
parfois des aiguilles, et même des seringues sur les bocaux d'aspiration
ou les champs opératoires. Les programmes de formation continue des
agents de santé de l'hôpital du district par le biais de cours de
perfectionnement ou de séminaires de recyclage sont rares, et, cela, du
fait de la baisse du budget réservé à cet effet ces deux
dernières années. Cela multiplie les possibilités
d'accident pour le personnel de soins, surtout pour les garçons et
filles de salles qui nettoient les salles d'opération. Nous avons aussi
constaté que le personnel de santé de l'hôpital consacre
peu de temps aux tâches de gestion des DBM comme l'affirme un
enquêté « Je ne m'occupe pas de la gestion des
déchets, il faut voir le personnel de nettoyage ». En 2010, les cas
d'accidents par exposition au sang et par piqûre à l'hôpital
du district de Bogodogo se chiffraient entre 12 et 16 personnes. Le personnel
d'entretien et de nettoyage qui dispose en général d'un niveau de
connaissances relativement bas a des comportements à risque lors de la
manipulation des DBM.
En ce qui concerne le public qui fréquente
l'hôpital du district de Bogodogo, notamment les accompagnants des
malades et les visiteurs, l'observation directe a montré qu'il n'est pas
conscient des dangers liés à la gestion des DBM. Cela s'explique
par le fait que des excrétas humains ont été
retrouvés, au cours de notre enquête, dans la cours de la morgue
et aux alentours des incinérateurs qui sont des endroits à fort
risque d'infection.
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LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
Les responsables des services d'hygiène doivent prendre
en compte ces besoins car l'insuffisance du matériel de protection et
des équipements de conditionnement, le manque de formations du personnel
de gestion des DBM, les coupures d'eau et d'électricité sont de
véritables obstacles qui s'opposent au respect des règles
d'hygiène hospitalière, et partant, celui des normes de gestion
des DBM.
La plupart des services enquêtés réalisent
uniquement le tri entre les déchets piquants ou coupants et les autres
types de déchets. Cela peut s'expliquer par le fait que les
récipients de pré-collecte ne sont pas en nombre suffisant dans
les unités de soins et ne sont pas appropriés à la
manutention. En effet, les boîtes de sécurité
utilisées pour le tri des objets piquants ne sont pas adaptées
car le carton est perforable par les termites et est très sensible
à l'humidité. Le mélange de déchets courants et de
déchets infectieux augmente les risques d'infection (cf. Photo 8, page
56). De plus, nous notons une insuffisance de sacs-poubelles et de boîtes
de sécurité, ainsi qu'un manque d'équipements de
protection adéquats pour le personnel de gestion des DBM. Il n'existe ni
un système de code couleur à l'hôpital du district qui
puisse faciliter l'identification des déchets selon leur
catégorie, ni un symbole international du risque biologique ou du risque
des radiations ionisantes sur les poubelles.
Les boîtes de sécurité des
différents services de l'hôpital du district sont
incinérées par l'incinérateur Baeul car
l'incinérateur De Montfort spécifiquement destiné à
incinérer ces types de déchets n'est plus fonctionnel. Ce dernier
vient remplacer l'incinérateur De Montfort qui nécessite beaucoup
plus de combustibles et qui ne produit pas suffisamment de chaleur. Il est en
mesure d'incinérer une trentaine de sacs poubelles et plus de vingt
boîtes de sécurité par jour. Au regard du nombre de
boîtes de sécurité usagées chaque année dans
l'ensemble du district (3184 en 2011), il est impératif que chaque
formation sanitaire aie un incinérateur, ne serait-ce que pour
l'élimination de boîtes de sécurité. Tous les autres
types de déchets sont brûlés, à ciel ouvert à
l'intérieur de l'hôpital et les cendres sont accumulées
à l'air libre (cf. Photo 6, page 51). Cette situation est contraire
à l'article 13 de la loi N° 022-2005/ AN portant code de
l'hygiène publique au Burkina Faso et à l'article 49 de la
section 7 de la loi N° 005/97/ADP portant code de l'environnement au
Burkina Faso. Si les responsables du service d'hygiène et de
l'entreprise de nettoyage pouvaient fournir suffisamment de sacs-poubelle, tous
les déchets allaient être brûlés au niveau des
incinérateurs. Selon l'OMS, il faut une température d'au moins
800° C pour détruire les germes pathogènes contenus dans les
DBM or, à ciel ouvert, on n'excède pas 100° C.
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LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
Il n'y a qu'un seul préposé à
l'incinération ; s''il tombe malade, il n'y a personne pour le remplacer
; les déchets peuvent alors demeurer au pied de l'incinérateur
jusqu'à trois semaines, voire un mois. Les déchets courants, les
déchets radioactifs et les autres types de déchets infectieux
sont collectés et entassés à l'intérieur de
l'hôpital, à ciel ouvert, constituant ainsi un dépôt
sauvage, mais les déchets courants peuvent parfois séjourner
pendant 48 à 72 heures avant d'être évacués ; ceci
par manque de personnel de collecte et à l'inadéquation du moyen
de transport. En effet, le moyen de transport utilisé n'est pas
adapté ; au lieu d'un chariot, il n'y a qu'une seule brouette pour
transporter tous les déchets des différents services jusqu'au
site de traitement qui se trouve à environ deux cent mètres de
ces derniers. Néanmoins, le site de dépôt des
déchets n'est pas accessible par les enfants compte tenu du fait que
l'hôpital est bien clôturé et que les habitations y sont un
peu distantes (Figure 3, page 21). Cependant, certaines personnes viennent
parfois couper les herbes dans la cour l'hôpital pour aller nourrir leurs
animaux domestiques. Elles rentrent par la porte principale sans aucune forme
d'interdiction car les responsables de l'hygiène ont du mal à
gérer les herbes qui poussent dans la cour, source de
prolifération de reptiles très dangereux (serpents); c'est la
raison pour laquelle ils autorisent les femmes du service de nettoyage à
cultiver des arachides ou du haricot dans l'enceinte de l'hôpital afin de
réduire la superficie à défricher. Ces faits sont
étayés par les propos du préposé à
l'incinérateur qui dit : « J'ai payé un jeune homme à
mes propres frais pour qu'il désherbe l'alentour des
incinérateurs ; on ne pouvait même pas y accéder ».
Ces pratiques vont à l'encontre des règles d'hygiène et de
sécurité en milieu hospitalier.
Les caractéristiques du site de stockage ne sont pas
conformes aux réglementations nationales. Les déchets
biomédicaux font l'objet d'un dépôt sauvage sur le site qui
ne dispose d'aucune clôture capable de restreindre l'accès aux
individus ou les mettre à l'abri des intempéries, de certains
animaux, oiseaux sauvages et des insectes. Des études déjà
effectuées montrent que ces êtres vivants peuvent transmettre des
germes pathogènes aux personnes qui les consommeront (KANKOUDRI,
1995-1996).
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LA GESTION DES DECHETS BIOMEDICAUX DANS LE DISTRICT
SANITAIRE DE BOGODOGO : CAS DE L'HÔPITAL DU DISTRICT
Photo 8 : Un mélange d'ordures
ménagères et de déchets de soins.
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