La règlementation sur les prix de transfert au camerounpar Régis Léonel Nana Batake Université de Dschang - Master professionnel 2020 |
INTRODUCTION GÉNÉRALELe commerce international couronné par le libre-échange a connu ces dernières années une croissance importante de mouvements de flux et reflux ou d'échanges de marchandises et services au-delà des frontières1(*)entraînant une multiplication des entreprises ayant une activité internationale. La mondialisation s'accompagne de la prolifération des firmes multinationales, développant des stratégies incompatibles avec la politique fiscale des États. Plus de 75.000 entreprises multinationales comptant plus de 950.000 filiales étrangères contrôlent plus de 60%2(*) du commerce mondial, n'étant cependant pas sans conséquences, tant sur le planéconomique, que social et fiscal dans un État. Afin de déterminer et traiter ces transactions entreentreprises associées disposant des filiales sur un territoire étranger, la notion de prix de transfert est introduite. Cette notion est définie par la Convention OCDE3(*) comme étant« Des prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels où rend des services à des entreprises associées 4(*) ». De manière plus succincte, ce sont des prix de transactions entre sociétés d'un même groupe et résidantes d'Etats différents; c'est une opération d'import-export au sein d'un même groupe, au-delà des frontières. Ce qui exclut toute transaction à l'international, avec des sociétés indépendantes, ainsi que toutes transactions intragroupes,sans passage de frontières. Dans l'espace OHADA auquel appartient le Cameroun, la notion groupe de sociétés quantà elle, se comprend selon différents contextes ; juridiquement, l'article 173 de l'Acte Uniforme OHADA relatif auxSociétésCommerciales et du Groupement d'Intérêt Économique définit comme étant «l'ensemble formé par des sociétés unies entre elles par des liens divers qui permettent à l'une d'elles de contrôler les autres5(*)». Cette définition,reconnaît de ce fait l'existence d'un lien de dépendance juridique et financier. Sur le plan fiscal, selon le principe de l'autonomie de la société, chaque société du groupe est assujettie à titre individuel à l'impôt, droit et taxe prévu à cet effet par la législation camerounaise. Sur le plan comptable, l'Acte Uniforme OHADA relatif au Droit Comptable et de l'Information financièreassimile aux groupes de sociétés, un ensemble de sociétés dont les comptes sont consolidés et combinés. Le Cameroun étant l'un des Étatséconomiquementimportant de la zone CEMAC, est doté d'importantes ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz, le bois, le café, le coton, le cacao, le maïs, qui sont sources d'attraction des entreprises multinationales. Ces dernièress'implantent sur ledit territoire, par la création des filiales, afin d'effectuer des opérations entre ellesconstituant ainsi les prix de transfert.Le législateur fiscal a récemment doté l'Administration fiscale camerounaise des moyens pour encadrer et contrôler ces opérations. La mobilisation des ressources intérieuresest affectée par le fait que ces entités, soupçonnées d'êtreutilisées comme sociétés écran à des fins d'érosion de la base d'imposition, transfèrentles bénéfices qu'elles réalisent en dehors de la région,vers des États à fiscalité très privilégiée ou avantageuse6(*)(paradis fiscaux)7(*).Affectant ainsi, les recettes réalisées par l'Administration fiscale camerounaise.Lorsque ces groupes fixent leurs prix pendant les transactions, ils opèrent des choix qui affectent de façon immédiate et directe la base imposable des Etats concernés par lesditestransactions.Soucieux d'assurer la transparence fiscale et l'échange des renseignements en matière fiscale, le Cameroun a adhéré à des organismes internationaux tels que l'OCDE et le Forumsur l'Administration Fiscale en Afrique (ATAF)8(*) réunissant un grand nombre d'acteurs,qui cherchent à apporter une assistance importante afin d'améliorer et rendre transparente sa fiscalité. Ces organisations internationales compte tenu de la problématique que posent les prix de transfert dans les différents Etats, et en plus de les assister, proposent des règlesque pourront adopter les pays membres de ces organisations, pour résoudre la problématique que posent les prix de transfert sur leur territoire.Le Cameroun étant membre de ces organisations internationales, dans le but d'encadrer et maîtriser les prix de transfert, la démarche de son administration fiscaledevrait s'appuyer sur ces règles que préconisent ces organisations internationales en occurrence l'OCDEpour résoudre ladite problématique que posentles prix de transfert. I- DÉFINITION DES TERMES Pour une meilleure compréhension du sujet qui nous est soumis, il est important de définir les concepts clés tels que réglementation (A) et prix de transfert (B) A : Définition de réglementation La réglementation se comprend ici comme un ensemble de règles régissant ou applicables à une matière donnée ou à un domaine particulier. D'une manière générale, la réglementation se compose des lois, des règlements, des circulaires émises par des ministères(Ministère des finances et Lois de Finances) et destinées à préciser ou à éclairer des points particuliers des lois. Ces textes peuvent être rassemblés sous forme de codes en occurrence, le Code Général des Impôts.Dans ce contexte, il s'agit de présenter les règles prévues par l'Administration et la doctrine fiscale camerounaise, qui s'appliqueront aux prix de transfert. L'OCDE qui est une organisation internationale auquel le Cameroun en est membre, préconise une règle sur laquelleles Etats devraient s'en tenir pour fixer les règles qui seront applicables aux prix de transfert, cecidans le but de résoudre la problématique que posent lesdits prix de transfert. Cette règle est « le principe de pleine concurrence9(*)». L'OCDEpropose également des méthodes de fixation ou détermination10(*) des prix de transfert, telles que les méthodes traditionnelles fondées sur transactions11(*) et les méthodes transactionnelles de bénéfices12(*). B : Définition des prix de transfert La notion prix de transfert semblerait être une matière trompeuse, car à première vue, on a tendance à croire qu'il pourrait s'agir du« transfert de crédit de consommation téléphonique » ou du« transfert d'argent ». Les premières, renvoient aux opérations d'envoi et de réception du crédit de communication téléphonique effectuées par les opérateurs de la téléphonie mobile. Les secondes, aux opérations d'envoi et de réception de monnaie, effectuées par les institutions financières et de plus en plus par certains opérateurs de téléphonie mobile13(*). Alors qu'il s'agit du prix des transactions intragroupes au-delà des frontières. L'OCDE définit les prix de transfert comme étant des « prix auxquels une entreprise transfère les biens corporels, actifs incorporels et prestations de services à une entreprise associée ». En d'autres termes, c'est une opération d'import-exportau-delà des frontières entre groupe d'entreprises multinationales. Le manuel OCDE définit des entreprises associéescomme : « Deux entreprises sont associées si l'une d'entre elle remplit les conditions fixées à l'article 9 alinéa 1a) ou 1b) du modèle de convention fiscale de l'OCDE vis-à-vis de l'autre entreprise »14(*). En d'autre terme, deux entreprises sont associées quand il existe un lien de dépendance entre elles. Ces liens sont juridiques et de fait. Juridiquement, elles sont associées si l'une d'elles détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital social ou du droit de vote de l'autre15(*). De fait, c'est lorsque l'une d'elles exerce directement ou indirectement un pouvoir de décision ou de contrôle sur l'autre16(*). Pour que la dépendance soit établie, il faudrait que l'une d'elles soit située dans un territoire différent. II- PROBLÉMATIQUE La définition des concepts clés de notre sujet nous permet de ressortir une problématique, celle de savoir si l'appréhension de la règle internationale relative aux prix de transfert par la législation et la doctrine fiscale camerounaise, suffit-elle pour limiter de manière optimale la pratique irrégulière des prix de transfert ? III- INTÉRÊT Comprendre la quintessence de la réglementation surles prix de transfert au Camerounnécessite que l'on se penchesur son intérêt, celui théorique et celui pratique. Les organismes internationaux auxquels le Cameroun en est membre,préconisent des méthodes que pourront adopter les Etats, pour fixer leurs propres règles, qui devront ainsis'appliquer auxdits prix de transfert. L'étude de la fixation de ces règles par le Cameroun, constitue notre intérêt théorique. L'intérêt pratique de notre étude serésumeraà la mise en pratique de ces règles relatives aux prix de transfert par l'Administration et doctrine fiscale camerounaise, à contrôler l'application deces règles sur le territoire camerounais. IV- HYPOTHÈSE La pratique irrégulière des prix de transfert au Cameroun, impactant sur son économie, est un moyen pour le législateur fiscal camerounais,de mettre en oeuvre des mesures devant permettre à sonAdministration fiscale d'encadrer cette matière dont sa complexité limite ces moyens. V- MÉTHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE
La méthode est définie comme un cheminement ou une voie à suivre pour atteindre un but. Pour cette thématique, nous ferons recours à plusieurs méthodes.Notamment celle juridique qui comprend l'exégèse, la casuistique et celle comparative. · La méthode exégétique consiste à étudier les textes de loi sur les prix de transfert · La casuistique permet de résoudre les problèmes pratiques par une discussion entre d'une part des principes généraux ou des cas similaires, et d'autre part la considération du cas étudié.
Contrairement à la méthode, la technique de recherche s'inscrit dans une démarche plus pratique consistant à réunir des éléments de réponses par rapport au problème à résoudre. Dans le cadre de ce travail, nous avons eu recours à plusieurs techniques notamment : · La technique documentaire,qui a consisté à étudier et à analyser des textes ou documents juridiques liés au sujet de l'étude ; elle nous a aidé à la consultation des ouvrages et autres documents y relatifs tels que les revues, mémoires et thèses, les articles, les sites internet etc. · Descente sur le terrain matérialisé par un entretien direct qui a permis d'auditionner le chargé des affaires fiscales afin de réunir des informations liées aux prix de transfert. VI- ANNONCE DU PLAN La problématique que soulève les prix de transfertconstitue un sujet de préoccupation de plus en plus récurent pour les dirigeants, fiscalistes et conseils d'entreprises. En effet, on note sur le plan international des réglementations strictes imposant aux multinationalesdes méthodes de calculs précises. D'où l'attention particulièrede l'administration fiscale camerounaise dans la pratique qui s'attèle à vérifier quele prixdes transactions conclue entre entreprises multinationales sur son territoire soit conforme au principe que préconise l'OCDE.Afin de mieux cerner ce contexte de travail, il nous a paru judicieux de présenter les règles permettant à la législation fiscale camerounaise de limiter la pratiqueirrégulière des prix de transfert ( Première partie ) avant de nous interroger sur la mise en pratique ducontrôle de cette règle ( deuxième partie ). VII- PRESENTATION DE LA STRUCTURE DE STAGE Brain consulting Limited est un Cabinet Juridique et Fiscal situé au Cameroun et plus précisément à Douala Bonanjo en face de la BEAC et répond au numéro 691 78 60 27. Brain consulting Limited est un cabinet dont le secteur d'activité est principalement axé sur l'expertise comptable et financière, audits et conseils. Il a 22 employés, et à sa tête l'Associé Gérant Monsieur Henri MOUTALEN MOUTASSI qui est Conseil Fiscal Agréé CEMAC et Expert Judiciaire. Il ouvre de lundi à vendredi de, 08h30 à 18h30 Le service TAX and Legal est géré par Monsieur Philippe Olivier ZOUNA qui est Senior Manager Tax and Legal et Conseil Fiscal Agréé CEMAC. Pour l'élaboration de ce mémoire, j'ai bénéficié de l'appui de Monsieur Philippe Olivier ZOUNA, qui m'a soumis la documentation nécessaire. * 1 RAINELLI (M), Le commerce international. 9e édition « Un véritable tour de force. » Éditions La découverte, Paris 2003. P.106 « Les FM ne se contentent pas de vendre leurs produits à des consommateurs extérieurs à leur système, qu'il s'agisse de firmes ou de ménages, elles font également circuler les productions des filiales entre elles, principalement lorsqu'il s'agit de produits intermédiaires. Cela crée des flux identiques à ceux qui existent entre les ateliers d'une grande firme situés dans diverses régions d'un pays. La particularité réside ici dans le fait que le franchissement des frontières nationales transforme ces flux en importations et en exportations. » * 2 Données OCDE * 3 Créée en 1961, regroupant plus de 70 pays dont le Cameroun en fait partie qui vise à lutter contre l'évasion fiscale des entreprises multinationales. www.journalducameroun.com * 4 OCDE, Principes applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et les administrations fiscales, Éditions OCDE, Paris 2015. * 5 AUDSCGIE, article 173. * 6 NATION GHARBI, Le contrôle fiscal des prix de transfert, op. cit. p.19 et 20. * 7 Code Général des Impôts, édition 2020, article 8 ter 3, « Est considéré comme un paradis fiscal, un État ou un territoire dont le taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ou morales est inférieur au tiers de celui pratiqué au Cameroun, ou un État ou un territoire considéré comme non coopératif en matière de transparence et d'échanges d'informations à des fins fiscales par les organisations financières internationales. » * 8 ATAF, Forum sur l'Administration Fiscale en Afrique, lancé le 26 juin 2015, contenant 38 pays membres dont le Cameroun. * 9 Article 9-1 de la convention ONU OCDE sur les principes applicables aux prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales. Éditions OCDE, Paris 2017. * 10 Guide OCDE 2017, p.105 * 11 Guide OCDE 2017, dans Les principes applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, Éditions OCDE, Paris 2017, Glossaire p.31. « Méthode du prix comparable sur le marché libre, méthode du prix de revente et méthode du coût majoré ». * 12 Guide OCDE 2017, p.30, c'est une « Méthode de fixation des prix de transfert qui consiste à examiner les bénéfices réalisés à la suite de transactions contrôlées d'une ou plusieurs entreprises associées. » * 13 AYANGMA AYANGMA (J.) La pratique du contrôle fiscal des prix des prix de transfert dans l'espace CEMAC : Le cas du Cameroun, op cit. P.17 * 14 Guide OCDE 2017, p.28 * 15 Art.174 de l'Acte Uniforme OHADA des Sociétés Commerciales et du GIE révisé. * 16 Art.180 de l'Acte Uniforme OHADA des Sociétés Commerciales et du GIE révisé. |
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