L'imposition des jeux de hasard en droit fiscal camerounaispar Princesse De Christ KOUNDE EBENE Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2017 |
Paragraphe 2 : La matière imposable des impôts sur les jeux de hasardS'agissant de la matière imposable, il appartient à la loi de définir la consistance imposable de la matière: la matière imposable ou encore l'assiette de l'impôt est ce sur quoi porte le prélèvement80(*). Asseoir l'impôt c'est donc constater et évaluer la matière imposable, déterminer le fait générateur ainsi que la personne imposable81(*). C'est également dégager la cause immédiate de l'imposition82(*). S'il est vrai que la définition de la matière imposable est de l'entière compétence du législateur, il appartient à l'administration fiscale de déterminer ensuite pour chaque contribuable l'assiette de son imposition, c'est-à-dire la base d'imposition83(*). Il convient de ressortir la matière imposable des impôts sur les jeux de hasard. Celle-ci peut être commune à certains impôts(A) ou propres à d'autres (B). A- La consistance de la matière imposable commune à certains impôts sur les jeux de hasard Certains impôts sur les jeux de hasard ont des assiettes communes ou mieux, une assiette identique. Il s'agit en l'occurrence de la taxe spéciale et la TVA sur les jeux de hasard. 1- La matière imposable de la TVA sur les jeux de hasard Dans son principe universel, la TVA n'admet pas de cohabitation avec d'autres taxes sur les affaires au Cameroun, la TVA sur les jeux de hasard et la taxe spéciale sur les jeux de hasard cohabitent allègrement. Cette double taxation n'effraie pas outre mesure le législateur84(*) qui ajoute ceci : « la taxation spécifique des jeux n'est pas exclusive de la TVA »85(*). La Loi de Finances pour l'exercice 2005 supprime l'exonération de TVA dont bénéficiait le secteur des jeux de hasard et de divertissement86(*). La taxation de toutes les opérations de jeux sans distinction au taux normal permettra aux exploitants des jeux de collecter la TVA et d'user du droit à déduction. L'assiette de la TVA sur les jeux de hasard est sans doute la valeur ajoutée des entreprises des jeux de hasard, c'est-à-dire la valeur créée par l'entreprise des jeux du fait uniquement des opérations taxables effectuées par l'entreprise de jeux87(*). La base d'imposition des entreprises de jeux de hasard au Cameroun a connu une évolution : tout d'abord elle était constituée du produit intégral des jeux en dehors des distributions faites aux parieurs. Ensuite, en 200588(*), le législateur est revenu sur sa décision en considérant dorénavant comme base d'imposition de la TVA le produit intégral des jeux y compris les distributions faites par les parieurs. En 2010 cependant, il revient consacrer l'abattement de 40% représentant la part distribuée aux parieurs89(*). En 201390(*), le législateur supprime l'abattement de 40% pratiqué sur la base d'imposition des jeux de hasard qui tenait compte des sommes versées aux parieurs. Ce forfait étant supprimé, il appartient aux redevables de tenir compte des sommes réellement versées aux parieurs. C'est une évolution négative car elle ne permet pas de dire avec exactitude que la TVA est assise sur la valeur ajoutée réelle de l'entreprise. Il était vraiment hasardeux d'affirmer que « la base d'imposition en ce qui concerne les entreprises de jeux de hasard et de divertissement est constituée du produit des jeux , après un abattement de 40% »91(*) , l'incertitude venait de ce texte qui n'était pas clair, car le législateur en prévoyant chez les entreprises de jeux de hasard la déduction de 40% sur les produits de jeux représentant les gains donnés aux heureux gagnants , refusait d'admettre qu'on peut se retrouver dans une situation de fuite de la valeur ajoutée. La détermination de l'assiette de la TVA devenait incertaine car on ne pourrait dire qu'on appréhende toute la valeur ajoutée, on conclut que, la détermination de la valeur ajoutée est un hasard dans les entreprises de jeux de hasard92(*). Nonobstant ce qui précède, l'assiette de la TVA sur les jeux de hasard diffère selon le jeu en question : ainsi, la base imposable de la TVA pour les casinos est constituée par le produit brut des jeux augmentés, le cas échéant des recettes accessoires, notamment celles de la restauration et du spectacle pour les établissements de casino comportant la restauration et ou le spectacle. Par produit brut des jeux, il faut entendre : - La différence entre le montant de l'encaissement en fin de partie et celui de la mise initiale pour les jeux de contrepartie ; - Le montant intégral de la cagnotte pour les jeux de cercle. - S'agissant des machines à sous, jeux vidéo, flippers, baby-foot, l'assiette de la TVA est constituée du montant total des mises, multiplié par le coefficient de conversion qui est de 0,83893(*).Les jeux vidéo, baby-foot et flippers ne sont pas des jeux de hasard à proprement parlé, nous nous attarderons uniquement sur les machines à sous. Car il peut s'agir à la fois des jeux de hasard ou de divertissement. Le montant total des mises étant considéré toutes taxes comprises, l'utilisation du coefficient de conversion permet de retrouver la base hors taxe à laquelle on appliquera le taux de la TVA94(*). 2- L'assiette de la taxe spéciale sur les jeux de hasard Au regard de ce qui précède, nous n'envisagerons pas de façon plus détaillée la base imposable de la taxe spéciale sur les jeux de hasard dans la mesure où, l'assiette de la taxe sur les jeux de hasard et de divertissement est la même que celle de la TVA sur les jeux de hasard notamment en ce qui concerne les casinos, à savoir les produits bruts des jeux augmentés, le cas échéant, des recettes accessoires issues de la restauration et du spectacle , conformes aux éléments d'une comptabilité particulière obligatoirement tenue par l'exploitant par nature de jeu95(*). Le produit des jeux est constitué : - pourles jeux de contrepartie : par la différence entre le montant de l'encaissement en fin de partie et celui de la mise initiale ; - pour les jeux de cercle : par le montant intégral de la cagnotte. Il convient de noter que la taxe sur les jeux de hasard et de divertissement dont le taux est fixé à 15 % ne s'applique qu'aux seuls casinos96(*). B- La matière imposable spécifique à certains impôts sur les jeux de hasard À ce niveau, la matière imposable est le revenu. La notion de revenus n'a pas été clairement définie ; néanmoins, on peut entendre par revenu une somme d'argent provenant d'une source permanente d'une manière périodique. La taxation des revenus est simple en principe et consiste à imposer les gains d'une personne (IRPP) ou d'une entreprise dès que ces gains sont acquis et, quel que soit leur emploi ultérieur on parle parfois de bénéfices (IS). La matière imposable concernant certains impôts sur les jeux leur est propre, notamment l'IRPP(1), l'IS(2), la contribution des patentes(3) et la taxe annuelle forfaitaire(4). 1- La matière imposable de l'IRPP Comme son nom l'indique l'IRPP est assis sur les revenus des personnes physiques. Les revenus dont il est question sont constitués de tous les produits susceptibles d'être renouvelés y compris les bénéfices de toutes les opérations lucratives auxquelles se livre un assujetti.Ce qu'on appréhende donc, ce sont les bénéfices ou revenus de source camerounaise ou étrangère que le contribuable réalise ou dispose au cours d'une année. Pour être imposable ce revenu doit être disponible.Le système cédulaire dont bénéficiait l'IRPP a été supprimé suite à la réforme de 2003, et l'IRPP est devenu un impôt unique et global constitué de plusieurs revenus nets catégoriels97(*). Pendant longtemps, l'IRPP était seulement applicable aux seuls jeux de casino. Avec la loi de finances de 2005, outre les casinos, le champ d'application de l'Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques, catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux a été élargi à tous les autres types de jeux de hasard et de divertissement98(*). Les Bénéfices Industriels et Commerciaux sont entendus comme, pour l'application de l'Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques, les bénéfices réalisés par des personnes physiques dans des entreprises exploitées au Cameroun et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle, artisanale ou d'une exploitation minière ou forestière.99(*) En conséquence, sont considérés comme Bénéfices Industriels Commerciaux, non seulement les revenus tirés de l'exploitation par des personnes physiques des casinos, mais également ceux issus de l'exploitation de loterie, des salles de jeux, des manèges, des cirques, des courses des animaux et de tous autres jeux fondés sur l'espérance d'un gain pécuniaire ou en nature ou tout simplement ayant pour but de distraire, à l'exclusion des activités qui du fait du seuil du chiffre d'affaires réalisé sont soumises à l'impôt libératoire100(*). Par ailleurs, qu'ils soient exploités à titre principal ou accessoire, les machines à sous, les jeux vidéo, les flippers, les babyfoots et les manèges constituent des activités taxables à l'IRPP dans la catégorie des BIC. La matière imposable de l'IRPP sur les jeux de hasard est constituée des bénéfices de l'exploitation desdits jeux ou des recettes brutes des jeux en fonction du régime d'imposition. Ainsi, l'article 52 du CGI dispose à cet effet que : 1) Le bénéfice imposable des contribuables soumis au régime simplifié prévu à l'Article 93 quater ci-dessous, dont le chiffre d'affaires est égal ou supérieur à 10 millions et inférieur à 30 millions, est constitué par le résultat d'exploitation découlant de leur comptabilité tenue selon le système minimal de trésorerie. Lorsque le chiffre d'affaires desdits contribuables est égal ou supérieur à 30 millions et inférieur à 50 millions, le bénéfice imposable est constitué par l'excédent brut des recettes sur les dépenses nécessaires à l'exploitation, déterminé selon le système allégé. (M. L. F. 2012) En cas d'absence de déclaration ou de comptabilité, l'assiette de l'impôt est déterminée par application au chiffre d'affaires reconstitué par l'Administration selon les éléments réels en sa possession, du taux de bénéfice fixé par décret. 2) Le bénéfice imposable des contribuables soumis au régime simplifié est constitué par l'excédent brut des recettes sur les dépenses nécessaires à l'exploitation. 3) Les frais professionnels déductibles pour la détermination du revenu net des mandataires ou agents commerciaux non-salariés sont fixés forfaitairement à 30% du revenu brut, sauf justification des frais réels exposés. 2- La matière imposable de l'IS L'assiette de l'IS au Cameroun est le principal champ d'élection des sociétés de capitaux101(*). L'idée est l'appréhension du revenu des personnes morales. C'est en cela que les sociétés de personnes ne bénéficient que par option. L'assiette de l'impôt est donc le bénéfice fiscal définitif qui est un résultat déterminé selon les règles et les dispositions fiscales102(*). D' après l'article 6 du CGI, le bénéfice imposable est un résultat net déterminé d'après les résultats de l'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises au cours, soit en fin d'exploitation. Il est établi sous déduction de toutes les charges nécessitées directement par l'exercice de l'activité imposable au Cameroun. S'agissant de l'IS, aucune différence n'est apportée en ce qui concerne les entreprises de jeux de hasard soumise à l'IS. C'est dire que, les entreprises de jeux de hasard s'acquittent de l'ISdans les mêmes conditions que les autres personnes morales. Le bénéfice imposable est constitué de l'ensemble des bénéfices ou revenus réalisés par les entreprises, exploitant les jeux de hasard. Les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte uniquement des bénéfices obtenus dansles entreprises exploitées ou sur les opérations réalisées au Cameroun, sous réserve des dispositions des conventions internationales103(*). L'IS frappe le bénéfice net des entreprises, c'est-à-dire les résultats de l'ensemble des opérations de toutes natures effectuées par l'entreprise au cours de la période servant de base à l'impôt104(*). Les entreprises des jeux de hasard réalisent des opérations qui leur donnent des bénéfices. De ce fait, elles sont passibles de l'IS sur le résultat de l'ensemble des opérations de toute nature réalisées par celles-ci.Les éléments sur lesquels l'administration fiscale se base pour pouvoir déterminer l'assiette de l'impôt sont ceux inscrits dans la comptabilité105(*) 3- La matière imposable de la contribution des patentes La contribution des patentes est un impôt local. La matière imposable est le chiffre d'affaires. Avant la M.L.F 2017, la contribution des patentes était fixée en fonction du chiffre d'affaires annuel déclaré par le redevable à l'intérieur des classes106(*). Aujourd'hui la contribution des patentes est assise sur le chiffre d'affaires du dernier exercice clos déclaré par le redevable107(*). C'est donc dire que, les entreprises de jeux de hasard pourront calculer plus facilement leur patente dès lors que le mécanisme de calcul est simplifié. Ce qui est constant est que la matière imposable pour ce qui est de la contribution des patentes est le chiffre d'affaires. 4- La matière imposable de la taxe annuelle forfaitaireS'agissant de la taxe annuelle forfaitaire, il faut noter que, les autres formes de jeux subissent la taxe annuelle forfaitaire sous forme de vignettes exclusive de la taxe sur les jeux de 15%. En effet, quelle que soit la dénomination et la forme qu'elle revêt ( casino, salle de jeux, débit de boisson, parc d'attraction etc.), quel que soit le régime d'imposition de l'opérateur, l'exploitation à but lucratif des machines à sous, des jeux vidéo, des flippers, des babyfoots et tout autre appareil procurant un espoir de gain ou un divertissement donne lieu à paiement d'une taxe annuelle forfaitaire matérialisée par l'apposition de vignettes . * 80 COLLET(M), Droit fiscal, Paris, PUF, 3ème éd, 2007, P. 29. * 81 BOUVIER (M), Introduction au droit fiscal et à la théorie de l'impôt, Paris, LGDJ, 2ème édition, P.33. * 82 TROTABAS (L) et COTTERET (J-M), Droit fiscal, Paris, Dalloz, 8ème édition, 1997, P.16. * 83 BOUVIER (M), op. cit, ibid. * 84 NZAKOU(A), Droit fiscal et douanier appliqué, tome I, 2013, P. 108. * 85 CGI du Cameroun art. 216. * 86 Circulaire portant application de la LF 2010. * 87 NDOKO BOUWE (R), L'assiette des impôts étatiques au Cameroun, Mémoire de Master en Droit des Affaires et de l'Entreprise, Université de Dschang, 2012/2013, P. 36. * 88 Voir LF 2015. * 89 Voir LF 2016. * 90 V. LF 2013. * 91 NDOKO BOUWE (R), Op. cit 35. * 92 NDOKO BOUWE (R), Op. cit, P.36. * 93 Instruction n° 01/ MINFI/DI/LC/L du 31 janvier 2005 précisant les modalités d'application des dispositions fiscales de la loi de finances pour l'exercice 2005. * 94Instruction n° 01/ MINFI/DI/LC/L du 31 janvier 2005 précisant les modalités d'application des dispositions fiscales de la loi de finances pour l'exercice 2005. * 95 Article 210 du CGI, Les modalités de tenue de la comptabilité visée ci-dessus sont précisées par voie réglementaire. * 96Instruction n° 01/ MINFI/DI/LC/L du 31 janvier 2005 précisant les modalités d'application des dispositions fiscales de la loi de finances pour l'exercice 2005. * 97 D'après l'article 24 du CGI il existe six revenus catégoriels : les bénéfices artisanaux, industriels et commerciaux, les bénéfices agricoles, les bénéfices des professions non commerciales et revenus assimilés, les revenus issus des traitements de salaires, indemnités, émoluments, pensions et rentes viagères, les revenus des capitaux mobiliers et les revenus fonciers. * 98 Article 51 du CGI. * 99 Article 50 du CGI. * 100Instruction n° 01/ MINFI/DI/LC/L du 31 janvier 2005 précisant les modalités d'application des dispositions fiscales de la loi de finances pour l'exercice 2005. * 101 NDOKO BOUWE (R), op.cit, P.76. * 102 NDOKO BOUWE (R), op.cit, ibid. * 103Art 5bis de la loi de finance 2015 au Cameroun. * 104 Voir l'alinéa 1 et 2 de l'article 6 du CGI. * 105 La tenue de la comptabilité est obligatoire en matière d'IS. Voir à ce propos l'article 73(nouveau) de la loi n°2011/020 du 14 décembre 2011 portant loi de finances de la république du Cameroun pour l'exercice 2012 qui prévoit cette obligation comptable et les modalités d'application. * 106 Art C 10 du CGI. * 107 Art C 10 alinéa 1 de M.L.F 2017. |
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