![]() |
L'imposition des jeux de hasard en droit fiscal camerounaispar Princesse De Christ KOUNDE EBENE Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2017 |
Paragraphe 2 : les joueurs des jeux de hasard : contribuable secondaireLe joueur des jeux de hasard est considéré comme un contribuable secondaire. Secondaire ne signifie pas à notre sens qu'il est second après l'exploitant de jeux ou qu'il succède à celui-ci en son absence. Il signifie tout simplement que dans certaines hypothèses le joueur de jeux de hasard s'acquitte de certains impôts sur les jeux de hasard. Le joueur des jeux de hasard est considéré comme un contribuable secondaire puisqu'il est imposé à plusieurs titres et parfois de façon inconsciente comme c'est le cas exemple lors du paiement de la TVA. Il faut entendre par joueur de jeu de hasard toute personne physique qui s'adonne ou pratique l'activité de jeux de hasard de façon permanente ou occasionnelle. Toutefois, certaines personnes sont exclues du champ de cette définition dans la mesure où l'accès aux établissements des jeux de hasard est strictement réglementé. Pour être considéré comme joueur de jeu de hasard certains critères doivent être remplies (A). Critères qui permettent de faire une classification des joueurs(B). A- Les critères d'identification des joueurs de jeux de hasard Il s'agit ici des différents éléments permettant d'identifier un joueur de jeu de hasard ou des éléments lui permettant d'acquérir cette qualité. Ces éléments sont nombreux et ont trait tantôt à l'âge de la personne tantôt à la profession de celle-ci. Ainsi, l'article 50 du décret de 1989 65(*)précise que, ne peuvent avoir accès aux salles de jeux de casino, plus précisément : -les personnes n'ayant pas atteint l'âge de la majorité civile tel que fixé par les textes en vigueur66(*); il s'agit dans ce cas des mineurs. Toutefois, le mineur qui participe à un jeu de hasard ne peut être considéré comme un joueur au regard de la loi dans la mesure où il exerce dans l'illégalité et devrait à ce titre être interpellé. Une interdiction similaire est faite par la loi française aux mineurs tant sur Internet qu'auprès des opérateurs physiques sous monopole, que ce soit pour l'offre de jeux d'argent que de hasard en ces termes : « Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard légalement autorisés sont tenus de faire obstacle à la participation de mineurs (...) aux activités de jeu ou de pari qu'ils proposent.»67(*) La protection des mineurs est spécifiée comme étant un des objectifs de la loi. - les militaires, les agents de maintien de l'ordre ou de toute autre personne en uniforme, de tous grades et de toutes nationalités ; - les individus en état d'ivresse ou susceptibles de provoquer du scandale ou des incidents et toute personne qui fait l'objet d'une interdiction légale ou judiciaire, notamment les majeurs incapables et les personnes faibles d'esprit. En outre, concernant les employés des établissements desdits jeux, ceux-ci ne peuvent également pas prendre part aux jeux, soit directement, soit par personnes interposées68(*). C'est dire que les personnes en service dans les établissements de jeux de hasard notamment le croupier, ne peut participer au jeu pour son propre compte ou pour le compte d'autrui. A contrario, les personnes ayant accès aux salles de jeux ne peuvent prendre part au jeu pour le compte des employés desdits établissements. Même si les joueurs se rencontrent dans tous les milieux sociaux et qu'hommes et femmes sont concernés, cette activité est relativement plus pratiquée chez les hommes. En France une étude menée en 2014, révèle que cette activité est plus usitée chez les hommes âgés de 25 à 54 ans, professionnellement actifs, chez les ouvriers et employés plus que chez les cadres ou les individus de professions intellectuelles supérieures. Les joueurs ont un niveau d'éducation un peu moins élevé que celui des non joueurs69(*). Le joueur peut se trouver imposé de différentes manières selon la classification qui en est faite. B- La classification des joueurs de jeux de hasard Il existe plusieurs classifications de joueurs de jeux de hasard suivant plusieurs critères70(*). Mais un seul, celui du caractère professionnel ou non du joueur retiendra notre attention. Ce dernier permet de distinguer d'un côté le joueur professionnel (1), et de l'autre, le joueur non professionnel des jeux de hasard (2). 1- Le joueur professionnel des jeux de hasard Professionnel vient de profession, c'est-à-dire selon le Vocabulaire juridique une activité habituellement exercée par une personne pour se procurer les ressources nécessaires à son existence71(*). Le professionnel serait celui-là dont l'appartenance à une profession, les jeux de hasard, atteint une qualification par opposition au profane ou amateurs des jeux. Le joueur professionnel peut ainsi être défini comme le joueur qui pratique les jeux de hasard de façon régulière dans l'ordre d'un travail rémunérateur. À ce titre, celui-ci peut se voir imposé au regard de son activité. Les joueurs qualifiés de professionnels sont soumis à la taxation de leurs profits au titre des Bénéfices non commerciaux72(*).La définition de joueurs professionnels est essentielle car elle déterminera la taxation des gains. L'assimilation de l'activité d'un joueur à une activité professionnelle repose sur des éléments concrets, d'indices, à l'occasion notamment de contrôles fiscaux73(*). Certains éléments permettront à l'administration d'apprécier le caractère ou la qualité de professionnel notamment : - Le temps passé : l'administration sera par exemple en droit de demander les heures de jeu aux différentes « rooms on line »pour constater que le temps passé sur les tables est assimilable à une activité professionnelle. - La régularité des revenus : elle pourra identifier les gains encaissés de poker supérieurs aux revenus imposables et considérer ses profits au titre d'une activité professionnelle ; - Les outils mis en place par le joueur ; l'administration pourra constater la détention et l'utilisation d'un logiciel de tracking comme outil professionnel permettant de réduire fortement le hasard et connaitre les profils de joueur ; - Le nombre de tournois ; - La prédominance des gains par rapport à ces revenus globaux lors de ces contrôles. La limite est donc dans l'appréciation de l'administration d'une occupation lucrative ou professionnelle par l'étude de l'ensemble de ces éléments où chacune des situations est différente.74(*) 2- Le joueur non professionnel des jeux de hasard Au contraire du joueur professionnel, le joueur non professionnel est celui qui ne fait pas de la pratique du jeu de hasard sa profession. Il s'agit des personnes qui s'adonnent au jeu de hasard pour une première fois ou de façon inhabituelle. Une large majorité des personnes qui pratique des jeux d'argent et de hasard le font de manière occasionnelle. Le joueur non professionnel est celui qui pratique les jeux de hasard de façon inhabituelle ou occasionnelle. Il peut également les pratiquer de façon régulière. Mais, s'il ne remplit pas les critères sus mentionnés permettant de le classer dans la catégorie des joueurs professionnels, on dira qu'il est un joueur amateur et ne sera pas imposable de ce fait75(*)en sa qualité de joueur. Les joueurs amateurs jouant régulièrement ne sont pas imposables76(*).Le joueur non professionnel n'est pas imposable sur les gains réalisés au cours de son activité. Il est à souligner que, le droit fiscal camerounais ne fait aucune distinction entre le joueur professionnel et non professionnel. Cette distinction est propre au droit français, et le Cameroun pourrait s'en inspirer pour améliorer son système fiscal, surtout en ce qui concerne le joueur professionnel, car nombreux sont les joueurs au Cameroun qui, remplissent les critères pouvant permettre de les classer dans la catégorie de joueurs professionnels. Toutefois, qu'il soit professionnel ou non, le joueur des jeux de hasard peut être considéré comme un contribuable secondaire puisqu'il est imposé parfois de façon inconsciente (indirecte) comme c'est le cas exemple lors du paiement de la TVA. * 65Décret n° 92/050/PM du 17 février 1992 fixant les modalités d'autorisation et de contrôle des jeux de divertissement et des jeux de hasard. * 66L'âge minimum pour pouvoir jouer dans les casinos et salles de jeux est de 21 ans soit l'âge de la majorité civile au Cameroun. * 67 COSTES (J-M), EROUKMANOFF(V), RICHARD (J-B), TOVAR (M-L), « Les jeux d'argent et de hasard en France en 2014 », Les notes de l'Observatoire des jeux n° 6 / avril 2015, P.6. * 68 Voir article 47 du Décret précité. * 69 COSTES (J-M), EROUKMANOFF (V), RICHARD (J-B), TOVAR (M-L), précité P.3 * 70Un autre critère est celui de l'intensité du jeu (fréquence ou montant des dépenses) on a :- le Joueur dans l'année c'est-à-dire celui qui a joué au moins une fois au cours des 12 derniers mois ;- Le Joueur occasionnel c'est celui qui a joué au moins une fois mais moins de 52 fois au cours des 12 derniers mois, - le Joueur actif, a joué au moins 52 fois au cours des12 derniers mois (joueur régulier) et/ou a misé au moins 500 euros au cours des 12 derniers mois (joueur dépensier) ; le joueur actif est donc ou bien un joueur régulier, ou bien un joueur dépensier, ou les deux. La typologie suivant le score Indice Canadien de jeu excessif distingue :- le Joueur sans risque , joueur ne présentant aucun critère indiquant qu'il pourrait se trouver en difficulté par rapport à sa conduite de jeu (score = 0 dans le ICJE) ;- Joueur à risque faible : joueur répondant à des critères indiquant qu'il a peu de chance de se trouver en difficulté par rapport à sa conduite de jeu (score =1-2 dans le ICJE). ; Joueur à risque modéré : joueur répondant à des critères indiquant qu'il pourrait se trouver en difficulté par rapport à sa conduite de jeu (score = 3-7 dans le ICJE) Joueur excessif : joueur répondant à des critères indiquant qu'il est en grande difficulté par rapport à sa conduite de jeu (score = 8 et plus dans le ICJE). Autres termes employés : Joueur problématique : terme générique, fréquemment rencontré dans la littérature en langue anglaise (« problemgambing »), utilisé ici pour désigner un joueur rencontrant des difficultés liées à sa pratique. L'ensemble des joueurs excessifs et à risque modéré au sens de l'ICJE est assimilé ici à la population des joueur problématiques. Joueur pathologique : joueur avec un diagnostic clinique attestant de son trouble. Différentes échelles permettent d'approcher cette notion sans que le diagnostic puisse être formellement posé : un joueur excessif au sens de l'ICJE peut être qualifié de pathologique probable. Voir à cet effet Costes(J.-M.), Maud (M.), Eroukmanoff (V.), Le Nezet (O.), Richard (J.-B.), Guignard (R.), Beck (F.), et Arwidson (P.), « Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d'argent en 2010 », Tendances, n° 77 - Septembre 2011, P. 3. * 71 CORNU (G), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2001, P.680. * 72Selon la doctrine publiée de l'administration fiscale (référencée 5 G-116 n° 8 61 et 119), sont imposables au titre de la catégorie des bénéfices non commerciaux, les gains réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant de supprimer ou d'atténuer fortement l'aléa normalement inhérent aux jeux de hasard. Voir également à cet effet l'Art 92 Code général des Impôts Français. * 73DEBEAUVAIS(F), « imposition des gains au poker : le poker n'est pas un jeu de hasard », www.immobilier-conseils-et-fscalites.com, Le 05 Avril 2012. * 74 A ce propos voir les articles 92 du code général des impôts français. * 75DEBEAUVAIS (F), précité P.4. * 76 Voir à ce propos la réponse ministérielle apportée au député Aurélie Filipetti lors des questions à l'Assemblée Nationale et publiée au JO, le 15 Novembre 2011 apporta les éléments suivants : Les gains réalisés à l'occasion de jeux, même pratiqués de manière habituelle, ne constituent pas, au sens de l'article 92 du code général des impôts, une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition, cité par DEBEAUVAIS (F), précité P.1. |
|