La problématique de la protection des fonctionnaires internationaux : cas de l'ONUpar Israel BONGONGO ATULA Université de Kinshasa - Graduat 2018 |
SECTION 2.NOTION SUR LES FONCTIONNAIRES INTERNATIONAUXM. Grintchenko, dans la Revue Stratégique énonçait que « pouvoir nommer une chose, c'est en grande partie mieux les connaître; les faire entrer dans une catégorie, et s'offrir la possibilité de mieux les appréhender en raisonnant par analogie à partir d'autres modèles similaires mieux connus»72(*). Le professeur M. Doat n'est pas éloigné de telles considérations lorsqu'il affirme: « Dans la tradition juridique, le concept... nous place au niveau de l'universel et permet d'accéder, grâce au procédé descriptif, à des énoncés vrais ou faux. Un juriste, chercheur ou juge, qui doit résoudre un cas, vérifie que oui et non telle structure ou telle situation peut être qualifiée par tel concept »73(*). Pareilles considérations éclairent quant à l'analyse doctrinale du fonctionnaire international systématisant, et les fonctionnaires communautaires européens et les fonctionnairesde l'ONU. En considération donc des éléments sus évoqués, la présentation à laquelle se soumet cette étude, est tout autre. Sans que le jeu de mots apparaisse provocateur (il reste quand même utilisé à ces fins), il ne s'agit pas de résoudre la «quadrature du cercle », mais tout de même, il reste évident que la reconnaissance de la constante circulaire de la notion innove un renversement de perspective qui ne peut être saisi que dans la concision des notions de « statut juridique » et des notions connexes, bien entendu en lien avec celle de fonctionnaire international. De plus, le renversement de perspective qui prend acte du caractère Circulaire du statut juridique du fonctionnaire international ne rompt pas avec la traditionnelle conception puisqu'il conserve l'opportunité d'exploiter les mêmes pistes, mais avec une lecture différente, qui cadre, à juste titre, avec la réalité scientifique (la réalité scientifique, dans ce cadre, peut être définie sous la notion d'objectivité (avec toutes les limites de définition qui l'affectent). §1. Notion et DéfinitionLes notions de « condition », de « statut » et de « régime » envisagées dans les études juridiques sont convergentes dans leur caractère non univoque. En des termes concis, même s'il demeure une sorte de «consensus », quand on sait à peu près ce qu'impliquent les notions étudiées, on ne se résume que très difficilement à admettre leur équivalence. Si les disciplines juridiques font état d'une divergence, malgré les nuances qui peuvent y être décelées, les autres disciplines adjacentes (voisines et associées) du droit restent aussi plurielles dans leur préhension des notions, nonobstant la distanciation qui puisse et qui peut exister entre ces sciences. Ces notions équivoques résultent des différences étymologiques qui d'ailleurs même relativisées, par l'adjonction du qualificatif «juridique », n'éclairent pas plus. On peut donc partir du postulat que le sens des mots et des concepts ne vaut que par la recherche du vrai, par l'étymologie74(*) qui en est l'archétype. A juste titre, le sociologue D. Cuche notait : « Les mots ont une histoire, et dans une certaine mesure aussi, les mots font l'histoire. Le poids des mots est lourd de ce rapport à l'histoire, l'histoire qui les a faits et l'histoire qu'ils contribuent à faire. Les mots apparaissent pour répondre à certaines interrogations, à certains problèmes qui se posent dans des périodes historiques déterminées et dans des contextes sociaux et politiques spécifiques. Nommer, c'est à la fois poser le problème et déjà le résoudre, d'une certaine façon »75(*) Aborder le concept de « fonctionnaire international » qui est une notion éminemment doctrinale76(*) nécessite une précision sémantique du terme « concept »77(*). Terme usité par les scientifiques pour circonscrire leur objet d'étude, il exprime la « signification », la « notion »78(*) et la « définition ». Sous l'angle de la philosophie, Deleuze exprime que « philosopher c'est créer des concepts »79(*); dans cette matière, les controverses insurmontables sur le sens à donner au vocable « concept »s'inscrivent dans la partition chère à Bachelard du «construit et du donné »80(*). Sur le strict plan juridique, le concept correspond à la catégorisation64 dans la mesure où la représentation est synonyme de création de l'objet d'étude81(*). L'auteur M. Troper l'exprime, en des termes plus que probants, lorsqu'il définit « le concept juridique comme un concept nécessaire au fonctionnement du droit »82(*). Cette approche du phénomène scientifique (juridique) par le « concept » correspond, nécessairement, à l'objet «fonctionnaire international» qui est une création et même une catégorisation doctrinale ; car la doctrine accusa réception de son apparition ex nihilo ou plus exactement, sui generis. Ainsi, La Cour Internationale de Justice, et certains auteurs comme Mdme Basdevant Bastid, George Langrod et Gérard Cornu ont donné différentes définitions de fonctionnaires internationaux. Faisons une brève analyse de ces différentes définitions présentées : 1. Selon la Cour Internationale de JusticeLa Cour Internationale de Justice, CIJ en sigle, définit le fonctionnaire international comme « un agent administratif, quelconque, fonctionnaire rémunéré ou un employé à titre temporaire ou non, a été chargé par un organe de l'institution, d'exercer ou d'aider à exercer l'une des fonctions de celle-ci ; bref, toute personne par qui l'organisation agit ». La définition de la CIJ n'est pas correcte d'autant plus que d'abord, la nomination des fonctionnaires internationaux ne dépend pas de n'importe quel des organes des OI. Elle est seulement de la compétence de l'autorité suprême du secrétariat. Ensuite, un fonctionnaire international est par nature toujours employé à titre permanent étant donné qu'il est lié par un contrat à durée indéterminée. Enfin, un fonctionnaire international est toujours rémunéré. Tout agent non rémunéré et oeuvrant au sein d'un secrétariat international ne peut être qualifié de fonctionnaire. Il pourrait avoir le statut d'un expert ou d'un consultant. * 72M. Grintchenko, La Guerre d'Indochine Guerre régulière ou guerre irrégulière in Revue Stratégique, Stratégies irrégulières, n° 93/94/95/96, Economica, 2009, p. 338. * 73M. Doat, Remarques sur les rapports juridiques entre concepts juridiques et complexité in M. Doat, J. Le Goff, Ph. Pédrot (dir), Droit et complexité, Pour une nouvelle intelligence du droit vivant, Actes de Colloque de Brest du 24 mars 2006, P.U.R., Collection «L'Univers des normes», 2007, p. 192. * 74Le mot « Étymologie » Dans la définition que donnent les dictionnaires usuels communs comme le Littré et le Larousse, a une étymologie croisée gréco-latine « etymo » signifiant le « vrai » et l'invariant «logos» entraînant l'idée de science et de systématisation * 75D. Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales Repères, « La découverte », 3ème éd., 2004, p. 7. * 76D. Ruzié, La notion de fonctionnaire international in Recueil d'études à la mémoire de Ch. Eisenmann, Cujas, 1975, p. 441 et spéc. p. 442 note de page N° 13 ; G. Langrod, La fonction publique internationale : sa genèse, son essence, son évolution, 1963, Sythoff, Leyde, p. 72 ; J. Siotis, Essai sur le Secrétariat international, Genève, Droz, 1963, pp. 91-96 et spéc. p. 93. * 77Le « concept » dérive selon le Larousse et le Littré, du latin « conceptus » qui équivaut à « saisi ». Ainsi, le concept est « une représentation d'un objet conçu par l'esprit ». La tautologie ainsi remarquée est levée par le verbe « concevoir » dont la signification (donné par les mêmes dictionnaires) est « se représenter par la pensée ».Dictionnaire Littré, sous les références électroniques : http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/; http://www.larousse.fr * 78V. G. Vedel, La juridiction compétente pour prévenir, faire cesser ou réparer la voie de fait administrative, J.C.P./S.J, 1950, I, n° 851. * 79G. Deleuze, F. Guattari, Qu'est-ce que la philosophie, Éditions de Minuit, Collection « Critique », 1991, p. 22. * 80G. Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1938, rééd. Paris, Vrin, 1999, p. 14. * 81F. Terré, L'opération de catégorisation in P. Bloch, C. Duvert et N. Sauphanor-Brouillaud, Différenciation et indifférenciation des personnes dans le code civil , Economica, 2006, p. 4 ; Ch. Eisenmann, Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en science juridique , A.P.D., Tome XI, 1966, p. 38 ; D. Anzilotti, Cours de droit international, 1927, La Haye, rééd., Panthéon Assas, L.G.D.J. Diffuseur, 1999, p. 18 ; H. Kelsen, Théorie pure du droit, trad. Eisenmann, Paris, 1962, p. 95; H. L. A. Hart, Le concept de droit, trad. M. Van de Kerchove, F.U.S.L., Bruxelles, 1976, p. 153. * 82L. Todorova s'exprime clairement à ce propos. Ainsi, elle affirmait: « L'excessif degré d'abstraction et d'imprécision de la catégorisation juridique se trouve ainsi être principalement dû au caractère médiat et nébuleux de son objet : plutôt que sur les réalités existentielles elles-mêmes, elle porte pour l'essentiel sur la retranscription normative de l'existence ». L. Todorova, L'engagement en droit : l'individuation et le code civil au XXIème siècle, E.P.U., Droit et Sciences politiques, 2007, p. 74 |
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