b) Le manque de consensus
Le manque de consensus a été observé
notamment autour du fichier électoral et de l'utilisation de la machine
à voter.
S'agissant du fichier électoral, les différentes
Missions d'Observation Electorale (MOE), dont celle de Justice et Paix Congo de
la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) et de l'Union
Européenne (UE) ont formulé des recommandations en vue de
l'amélioration de prochains scrutins, suite aux graves
irrégularités ayant marqué les élections de 2011.
Parmi ces recommandations, figuraient l'audit du fichier électoral,
l'audit externe du fichier électoral et la révision inclusive du
fic hier électoral29.
Puis, à la demande de la CENI, le fichier
électoral a été audité par les experts de
l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), du 17 juillet au
1eraout 201530. A l'issue de l'audit, ces experts ont
conclu que les opérations de fiabilisation n'apportaient « pas les
garanties d'un fichier épuré et conforme aux normes en vigueur
»31. Sur base de leurs conclusions, ils ont formulées
des recommandations 9 à l'attention de la CENI, dont la suppression des
doublons et des personnes décédées ainsi que l'insertion
de nouveaux majeurs, dans l'objectif d'arriver à obtenir un fichier
électoral inclusif et fiabilisé32.
Toujours à l'invitation de la CENI, les experts du
Consortium pour le Renforcement des Elections et le Processus Politique (CEPPS)
ont déployé, du 25 mai au 17 juin 2016 à Kinshasa, une
équipe d'évaluation afin d'examiner les questions relatives
à
28 Le risque de manipulation des Cours et Tribunaux
ainsi que des lois à des fins politiciennes, au regard du Contexte
politique, était perceptible et à craindre. (Voir Rapport
JPC/CENCO sur la cartographie de juridiction).
29 Mission de suivi électoral de l'Union
Européenne en République Démocratique du Congo, Rapport
final,
Résumé. Septembre 2014. p. 7.
30Cf. CEPPS, Appui au processus électoral en
RDC. Rapport d'évaluation. 18 juillet 2016, pp. 28-31
31OIF, Mission d'audit du fichier électoral de
la République Démocratique du Congo. Rapport. p. 21
32 Idem, p.23.
[31]
l'inscription des électeurs et aux préparatifs
électoraux. Au terme de l'évaluation, ils avaient émis des
recommandations à la CENI, au gouvernement, aux partis politiques,
à la société civile et à la communauté
internationale pour l'amélioration du processus électoral. Trois
options assorties chacune d'avantages et inconvénients avaient
été proposées par l'équipe des experts :
1. Utilisation des listes électorales existantes (sans
mise à jour), le fichier de2011 ;
2. Réalisation d'une mise à jour partielle des
listes existantes en y intégrant les nouveaux majeurs ;
3. Révision complète des listes
électorales.33
Ces experts avaient recommandé aux autorités
nationales de s'engager dans un échange inclusif avec l'ensemble des
parties prenantes afin d'aboutir à un accord politique global permettant
de fixer les modalités de révision du fichier électoral et
l'adoption d'un calendrier consensuel34.
Il sied de souligner que bien avant, au terme de l'atelier
d'évaluation du processus électoral, organisé du 03 au 09
décembre 2015 par la CENI, l'option avait été levée
de procéder à la révision totale du fichier
électoral35.
A mi-parcours des opérations de refonte du fichier
électoral, la CENI a adressé une requête à l'OIF, le
18 mars 2017, en vue de son soutien « pour réaliser une
première évaluation de ce processus »36. La
mission déployée en RDC du 30 avril au 14 mai 2017, avait comme
objectifs « d'évaluer :
? L'évolution du cadre juridique et
réglementaire relatif aux opérations électorales et en
particulier de l'enrôlement des électeurs ;
? La préparation de la gestion du contentieux
électoral ;
? Les procédures applicables pour la refonte du fichier
électoral ;
? La cartographie et le plan opérationnels de la refonte
du fichier électoral ;
? L'état d'avancement de la collecte des données
des électeurs. ».
33OIF, Mission d'évaluation du processus
électoral en République démocratique du Congo du 24 avril
au 6 mai 34 Nations Unies, Rapport de la mission d'évaluation
des besoins électoraux. République démocratique du Congo.
Kinshasa, 24 avril au 10 mai 2016, p. 35
35CENI, Rapport annuel. Juin 2015-Mai 2016. P. 83
36OIF, Mission d'évaluation et d'assistance
électorale en République Démocratique du Congo. Rapport
final.
[32]
A l'issue de ces travaux, la mission a adressé des
recommandations 16 aux autorités nationales, à la CENI, aux
partis politiques et aux candidats, à la société civile et
aux partenaires techniques et financiers ainsi qu'à l'OIF. Il s'agissait
notamment :
? D'envisager une session extraordinaire de deux chambres,
pour adopter la loi portant répartition des sièges, la fin de
l'enrôlement devant intervenir après le 15 juin 2017, date de la
clôture de la session parlementaire ordinaire ;
? De communiquer sur le calendrier des opérations
d'enrôlement, incluant i) les périodes de déploiement
à Kinshasa, ii) dans les postes consulaires à l'étranger,
iii) les délais envisagés pour la consolidation et
l'épuration des données du fichier, iv) le traitement des
candidatures et v) la révision du cadre juridique, etc.
Ce fichier électoral a été encore
audité par l'OIF qui a détecté la présence
d'environ 6 millions d'électeurs inscrits sans empreintes digitales.
Face à cette situation, la CENCO avait adressé
une correspondance à la CENI sollicitant un audit citoyen du fichier
électoral, en complément de l'audit mené par l'OIF, dans
l'objectif de soutenir le travail de la CENI « par l'évaluation de
la fiabilité du fichier électoral en vue de renforcer la
confiance, en proposant des mesures d'encadrement, le cas échéant
», en vue d'obtenir un consensus autour de ce fichier.
L'introduction de la machine à voter dans le
système électoral congolais quant à elle, renvoie au vote
électronique qui peut être effectué via une urne
électronique ou encore par internet. Dans ce système, le choix se
fait soit par vote ou comptage en utilisant une machine électronique.
Cependant, le code électoral congolais proscrit
L'applicabilité du mode de vote électronique
pour « les élections en cours ». Par ailleurs, la Commission
Electorale de la République de Corée du sud (NEC) avait
exprimé "de sérieuses inquiétudes à propos de
l'introduction obligatoire de la machine à voter en RDC, malgré
la situation politique instable et un environnement vulnérable, le
faible taux d'infrastructures électriques et l'état des routes,
le fort taux d'illettrisme et le climat tropical pouvant conduire à un
mauvais fonctionnement des machines". Cependant, le Président de la CENI
se disait ne pas être officiellement saisi par la centrale
électorale sud-coréenne et considérait la machine à
voter comme une introduction de nouvelles technologies de vote manuel.
[33]
Il convient cependant de reconnaître que, même si
cette décision de l'introduction d'une nouvelle technologie pouvait
être conforme à l'esprit et à la lettre de la loi
électorale, la CENI n'avait pas tenu compte de la situation politique
instable, du faible taux d'infrastructures électriques, du taux
d'illettrisme et du climat tropical pouvant conduire au dysfonctionnement des
machines à voter. A ce sujet, la Conférence Episcopale Nationale
du Congo avait demandé à la CENI d'accepter une étude
approfondie de la machine à voter par des experts nationaux et
internationaux, et s'était dite perplexe par le fait que l'introduction
de ladite machine dans le système électoral congolais ne faisait
pas l'unanimité. En effet, pour les Evêques, l'usage de cette
machine prédisait des contestations des résultats des prochaines
élections.
|