Les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016 |
1.5. REVUE DE LITTERATURELa montée en puissance des mouvements terroristes ces dernières années dans le Proche et le Moyen Orient sous l'impulsion d'Al-Qaïda et de l'EI ont étendu leur influence dans l'ensemble des groupes terroristes qui pullulent dans le reste du monde entier notamment dans le continent africains. Les groupes terroristes impulsés par un islamisme messianique, ont déporté la violence dans le monde en bouleversant les doctrines militaro-stratégiques en matière de défense et de sécurité. Cette situation est à l'origine de l'émergence d'une abondance littérature ayant une relation directe avec les questions de défense et de sécurité nationale des Etats à l'aune de la prolifération du terrorisme. Le point d'ancrage de ces travaux repose sur la problématique liée à la menace terroriste sus évoquée, et surtout sur les politiques de défense déployées pour y faire face. La porosité aggravée des frontières nationales des Etats, les fragilités des systèmes politiques des Etats, les faiblesses opérationnelles des armées nationales, la montée en puissance de l'extrémisme religieux, l'inadaptation de la force militaire dans la conduite des opérations antiterroristes, la lutte pour les intérêts géopolitiques entre les grandes puissances occidentales favorisent la montée en puissance et de la contagion terroriste dans le monde. Les stratégies prises sur le plan national, régional et international pour contenir le terrorisme transnational restent insuffisantes et inefficaces. Se sont là le centre de gravité des travaux émergents liés à la problématique sur les difficultés des forces armées nationales à lutter contre les groupes terroristes. L'évaluation des stratégies déployées sur le plan militaire pour juguler cette menace terroriste est le point d'orgue de ces travaux. Au regard de cette situation inquiétante, l'on peut se demander : comment faire pour lutter efficacement contre les groupes terroristes ? Quelles stratégies adoptées pour rendre efficace l'action des force armées nationales contre les mouvements terroristes ? Comment utiliser avantageusement la force armée contre les groupes armés terroristes qui pullulent dans le monde ? C'est cet ensemble de questionnements que se posent les acteurs et les experts s'intéressant à la problématique sur l'efficacité de l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme. Ces différents travaux illustrent une prise de conscience de la communauté épistémique, et tend tant bien que mal à trouver des réponses appropriées, sans toutefois parvenir à une solution efficace et définitive. Il ne faut donc pas s'étonner si l'intérêt porté par la recherche sur l'efficacité de l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme en général, les forces armées camerounaises en particulier n'est que dans une pente ascendante. Ce nouvel intérêt peut d'abord s'expliquer par le fait que, la problématique sur l'efficacité de l'action des forces armées contre les organisations terroristes constitue l'un des aspects, sinon le plus important sur lequel le monde est résolument tourné aujourd'hui. D'autre part, la construction des politiques pour endiguer le phénomène terroriste amène les Etats à accorder une importance de plus en plus accrue à cette forme de menace. De la littérature éparse et parcellaire publiée sur la question des difficultés des armées nationales à lutter contre les mouvements terroristes en général, sur celles que rencontre l'armée camerounaise dans la lutte contre Boko Haram en particulier. On retient deux principales tendances dans cette problématique, quoique reparties de façon inégale. La première tendance repose sur une approche militaro-pessimiste. Dans ce sens, Cyrille Caron dans ses travaux, présente les défis des nouveaux engagements des forces armées régulières occidentales dans les conflits dits « asymétriques ». L'auteur fait une analyse sur les difficultés auxquelles les armées régulières font face dans les nouveaux conflits, notamment dans la lutte contre le terrorisme30(*). Il présente la supériorité technologique et militaire qui est gage d'une victoire militaire certaine dans le cadre d'un conflit conventionnel. Mais, dans un conflit irrégulier celle-ci peut constituer un désavantage. Pour lui, « Les armements des armées régulières sont conçus pour un emploi coordonné, voire, groupé. Ils deviennent vulnérables dès qu'ils sont isolés, particulièrement si les combats ont lieu en milieu urbain, qui cloisonne les unités, leur fait perdre le contact entre elles, donc désorganisent la coordination des actions et les contraints à des engagements de courte portée »31(*). La nature ambigüe des enjeux entre les acteurs dans ces conflits complexifient même l'action des forces armées régulières. Ainsi, la guerre asymétrique « nous montre désormais que nous sommes désarmés et que nous pouvons perdre »32(*). Le général Vincent Desportes quant à lui dans ses travaux, construit son analyse sur les difficultés que les armées occidentales ont rencontré sur les différents théâtres où elles ont été engagées depuis la fin des de la seconde guerre mondiale. Pour faire émerger une problématique claire : est-il encore possible aujourd'hui pour elles de gagner une guerre33(*) ? Vincent Desportes fait une observation, sur la grande coalition des forces armées occidentales dans les guerres d'Iraq et d'Afghanistan. De là, il se dégage un constat d'échec, sur le fait que, ces forces, avec des moyens militaires colossaux, ne parviennent dans la difficulté qu'à des résultats tactiques ambigus face à quelques milliers d'insurgés. Pour lui, « la lecture historique des deux siècles derniers de conflictualité n'incite pas à l'optimisme. Quel que soit l'habilité tactique de leurs forces armées, les Etats occidentaux semblent progressivement perdre un de leurs avantages comparatifs essentiels, celui de leur capacité à imposer leurs visions et valeurs, par la force »34(*). Cette situation est due à la faiblesse des sociétés avancées. Ces conflits sont caractérisés par, la dissymétrie des enjeux qui favorise le faible, la dissymétrie des comportements dans la conduite des opérations militaires et la dévalorisation des avantages comparatifs des armées occidentales (dévalorisation de la puissance, dévalorisation de la capacité de destruction, dévalorisation de la technologie). Pour Desportes, dans les conflits modernes, il y'a une émergence d'avantages nouveaux pour l'adversaire à savoir : des rapports au temps et à l'espace favorisent le faible, l'adversaire connait désormais « l'Autre » et s'adapte de plus en plus vite. Pour lui, les conflits contemporains seront toujours difficiles parce que, ces contraintes permettront difficilement de respecter les principes classiques de la guerre. Dans ce sens, gagner « les guerres probables »35(*) devient improbable. Messinga Ernest Claude dans ses travaux sur les Forces Armées Camerounaises face aux nouvelles formes de menaces à la sécurité, s'interroge sur l'efficacité des mesures mises en place pour parer aux nouvelles formes de menaces dont le pays fait face. Ainsi, il fonde son analyse sur l'étude des systèmes de défense à travers les performances de l'armée camerounaise, et de sa capacité à pouvoir gérer ces menaces. Selon lui, ces menaces plus difficiles à prévoir, à parer et à évaluer, peuvent avoir des conséquences graves dans la vie des Etats. En réalité, le monde part d'une menace principale, conventionnelle et identifiée, à une prolifération de menaces diffuses et hybrides36(*). Il s'interroge sur le fait de savoir, si la politique de défense camerounaise est à mesure de circonscrire avec pertinence les nouvelles menaces à la sécurité et d'y réagir efficacement ? Pour l'auteur, le dispositif camerounais de défense nationale semble avoir été formulé pour répondre aux menaces conventionnelles et ne parait pas, en conséquence, suffisamment outillé pour riposter aux nouvelles menaces en dehors d'une modification de ses cadres d'action. Il fait ainsi une évaluation de la politique de défense camerounaise face à l'émergence de nouvelles menaces transnationales. Pour Messinga, les forces armées camerounaises devraient s'ajuster, pour s'adapter aux fortes évolutions sociétales et géostratégiques relevant de la conceptualisation institutionnelle et générale des menaces, indispensable pour la définition de la doctrine d'emploi des forces et son adéquation aux nouvelles menaces37(*). Pour Mouaha-Bell Stans38(*), l'inefficacité apparente des forces armées nationales africaines dans leurs nouveaux engagements doit toutefois être relativisée. Car, les forces armées africaines font désormais face à des organisations non-étatiques, où les ressorts du conflit sont asymétriques, et ceci renforce singulièrement le sentiment d'inefficacité auprès des opinions publiques nationales et internationales. L'auteur préconise par conséquent, une coalition judicieusement articulée, par une meilleure définition des objectifs dans le cadre d'une action coalisée de soutien à la paix. Pour Boubacar Diallo, « la dépendance économique et politique des Etats de l'Afrique fragilise les capacités opérationnelles des armées nationales »39(*)et de ce fait, ces armées manquent d'efficacité dans la lutte contre les acteurs sub-étatiques, notamment les groupes armés terroristes. Laurence Aida Ammour, pour sa part, la coopération sécuritaire entre les pays transfrontaliers du Sahel reste éclatée et individualisée. Elle est caractérisée par une méfiance réciproque qui grève l'édification d'une stratégie commune allant dans le sens de la lutte contre les groupes armés terroristes dans la région40(*). C'est dans ce même sens qu'aborde la pensée de Pauline Guibaud. Elle déplore le cas défectueux de la coopération sécuritaire entre les pays de la ligne de front engagés dans la lutte contre Boko Haram41(*). Celle-ci est matérialisée par des méfiances réciproques entre les forces engagées dans l'anti-Boko Haram. Cette situation a pour corolaire, l'amenuisement des performances des forces engagées sur le terrain. Mbia Yebega Germain-Hervé quant à lui présente le terrorisme comme un enjeu de sécurité majeur dans la région Afrique Centrale. Cette menace terroriste est véhiculée par le groupe terroriste Boko Haram. Cette menace met particulièrement à l'épreuve le dispositif sécuritaire du Tchad et du Cameroun dans leur double fonction de préservation de la stabilité interne et de protection contre les menaces externes42(*). L'auteur fait donc une évaluation des mesures prises pour contenir la menace terroriste de Boko Haram dans la sous-région en générale, notamment au Cameroun et au Tchad. Au regard de ces mesures prises sur le plan militaire, pour Mbia Yebega la menace terroriste persiste, ceci à cause d'une différence de perception de la menace par chacun des pays de la sous-région. Les contraintes et les tensions de politiques intérieures et les dynamiques d'intégration régionale, la corruption au sein des forces armées nationales constituent un élément révélateur du désengagement des militaires au front. A cet effet, ces éléments rendent inefficace l'action des militaires engagés dans la lutte contre Boko Haram. Wulson Mvomo Ela, dans ses travaux, présente le continent africain comme un théâtre pertinent dans la géostratégie du terrorisme. A partir des attentats terroristes survenus à Dar es Salam et à Nairobi dans les années 90 et la montée en puissance des groupes terroristes à l'instar de l'ex Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) qui devient AQMI en 2007, sur le sol africain. Cette situation suscite une forte réaction de contre terrorisme de la part de la communauté de défense et de sécurité des Etats de l'Afrique Subsaharienne et de leurs partenaires internationaux43(*). Pour l'auteur, les forces de défense des pays d'Afrique Subsaharienne présentent des avantages, mais, malgré ces avantages celles-ci ne gagnent pas en efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi, le professeur Mvomo Ela relève que cette situation est due à la conception, ou à la création même des forces de défense. Celles-ci ont été créées pour faire face aux menaces conventionnelles interétatiques, aux guerres conventionnelles au sens Clausewitzien du terme. De ce fait, le terrorisme lui relève des conflits irréguliers et asymétriques. Dans ce sens, les forces armées éprouvent des difficultés dans le cadre de cette lutte. Ces difficultés sont sur le plan stratégique, où il y'a un problème sur la compréhension de l'ennemi, d'objectivation stratégique et la complexité des enjeux. Ce qui pose donc un problème sur la conception d'une stratégie adéquate de contre terrorisme. Elles éprouvent également des difficultés sur le plan opérationnel, face à un ennemi mobile et difficile à cerner. Pour l'auteur, la supériorité des forces armées d'Afrique Subsaharienne de loin, mieux équipées, mieux organisées face à un ennemi insaisissable mobile, tombent facilement sous le coup d'infériorité stratégique qui les rend incapable d'assurer une victoire décisive. C'est dans le même sens que Jean-Eudes Biem déplore les faiblesses institutionnelles et les carences d'une stratégie globale entre les pays de la ligne de front engagés dans la lutte contre le groupuscule Boko Haram44(*). Georges Bergezan quant à lui dans son article sur « Eradiquer Boko Haram : Acteurs multiples résultats incertains »45(*), ressort les causes de la prolifération de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad et les facteurs de revers subis par l'armée nigériane face aux insurgés. Pour l'auteur, ces revers sont dus à plusieurs facteurs, notamment, à une corruption très rependue à divers échelons de l'appareil militaire nigérian, l'impopularité de l'armée nigériane dans le nord, des réalités au sein de la hiérarchie militaire, des effectifs trop peu nombreux sur le terrain et leur infiltration par les militants de la secte terroriste. A ce niveau, nous pouvons dire que, les travaux de cette tendance ont le mérite de relever le fait que les mesures militaires mises en place pour pallier à la menace terroriste ne sont pas toujours adaptées à la nature de la menace. Elle a aussi su relever la nature des difficultés que rencontrent les forces armées nationales dans les combats qui les opposent aux terroristes. Ces difficultés sont d'ordre stratégique, tactique et opérationnel. Mais à quelques égards, nous tenons ici à souligner que, cette tendance relève certes certains points importants sus élaborés. Mais, elle omet le fait que, les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme sont propres à chaque armée et spécifiques à chaque théâtre d'opération. A cet effet, les forces armées nationales tendent de plus en plus à se professionnaliser pour mieux adapter leur cadre d'action dans les combats irréguliers, par la création des unités spécialisées dans les conflits de basses intensités et dans la lutte contre le terrorisme. C'est dans ce sens que nous constatons que le Cameroun s'implique de plus en plus dans la modernisation de son outil de défense par la création des unités spéciales, pour répondre à la nature hybride des conflits modernes. Étant donné qu'une armée ne peut palier toute seule au terrorisme. Les forces armées nationales s'investissent à combattre le terrorisme dans des coalitions, avec une interopérabilité entre les armées et les forces de sécurité et le soutien local. Car, le terrorisme est une menace globale qui nécessite une riposte globale. La deuxième tendance repose sur une approche militaro-optimiste dans la lutte contre le terrorisme par les forces armées nationales, pour laquelle l'efficacité de celles-ci est un enjeu majeur pour la sécurité globale. Cette approche vise à implémenter de nouvelles stratégies pour les forces armées nationales dans la lutte contre les terroristes, afin de promouvoir la paix, la sécurité et le développement dans le monde en général, en Afrique en particulier. Ainsi, pour Honoré Lucien Nombre46(*), le terrorisme contemporain est un phénomène qui fait peser de graves menaces sur la paix et la sécurité collective, par le recours systématique à la violence armée par celui-ci. De ce fait, il présente « la guerre contre le terrorisme » comme faisant partie « des guerres asymétriques ». A cet effet, Lucien Nombre fait d'abord le distingo entre une guerre conventionnelle ou symétrique (guerre opposant des adversaires qui sont comparables du point de vue des moyens humains, des infrastructures et des équipements militaires). Dans ce type de conflit, les forces en présence s'appuient sur les raisonnements similaires pour atteindre les objectifs de même nature. La victoire dans ce cas revient à celui qui obtient la supériorité sur le terrain. La guerre asymétrique quant à elle est une guerre qui oppose les adversaires qui ont des organisations, des stratégies, des tactiques et des valeurs différentes. Il fait donc une analyse prospective sur les défis de l'option militaire dans la lutte contre le terrorisme sur le continent africain. Pour lui, les défis de l'option militaire dans la lutte contre le terrorisme sont liés à la planification et à la conduite même de la guerre asymétrique dans le contexte africain. Pour Nombre, il s'agit de relever quatre défis à savoir : la vision commune, la formation, l'équipement et le soutien logistique. Jean-Eudes Biem47(*) quant à lui, dans ses travaux sur la lutte contre le terrorisme de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, met en exergue le défi de « comprendre la menace pour mieux la combattre ». Pour lui, il s'agit d'une clarification opérationnelle et de l'identification de la menace terroriste. Jean-Eudes Biem souligne également que, la stratégie globale n'est pas seulement militaire. Il faut prendre en compte le statut polémologique et l'emprise territoriale du mouvement terroriste. A ce titre, il préconise des perspectives d'une mise en oeuvre renforcée et coordonnée de la stratégie globale contre le terrorisme en Afrique Centrale. Ces perspectives se résument en quatre piliers : les mesures pour adresser les conditions favorables à l'expansion du terrorisme ; les mesures pour prévenir et combattre le terrorisme ; le développement capacitaire et institutionnel de l'Etat en collaboration avec les Nations Unies et le respect des Droits de l'Homme dans la lutte contre le terrorisme. Cette approche globale dans la lutte contre le terrorisme va en droite ligne avec le nouveau concept onusien des gestions civiles et militaires appelé « théorie en 3D », associant, « Défense-Développement-Démocratie »48(*). Mfoula Edjomo Marie Thérèse Chantal49(*)pour sa part, met en exergue sur le fait que, l'Afrique est le continent l'un des continents les plus affectés par les crises et les conflits. Face à cette situation, bon nombre d'initiatives de développement et de lutte contre la pauvreté font face à la permanence des violences socio-politiques, militaires. A ces menaces s'ajoutent d'autres menaces transversales (piraterie maritime, trafic des stupéfiants, des êtres humains, braconnage et autres actes de criminalité transnationale...). Ces nouvelles formes de conflictualité, sources d'insécurité plus insidieuses et moins prévisibles, ont succédé aux conflits traditionnels et aux guerres civiles et sont susceptibles de fragiliser encore les Etats africains. Cette situation est l'oeuvre des groupes terroristes dont les plus actifs sont : AQMI, MUJAO, El Shebab, EI, Boko Haram. Pour l'auteur, s'agissant du cas de Boko Haram, sa montée en puissance au Nigéria, s'est étendu dans les pays voisins, dont le Cameroun. Face à la régionalisation de cette menace transversale, la construction d'une réponse adaptée, donnant encore plus de place à la coordination, à la complémentarité et à la cohérence des politiques et des actions c'est avérée nécessaire50(*). Ainsi, Mfoula Edjomo se propose de s'appesantir sur l'évaluation de la mobilisation sous-régionale, continentale et internationale dans la lutte contre le terrorisme de Boko Haram. Cette mobilisation s'est résumée par une mutualisation des efforts UA-UE-ONU contre Boko Haram. Pour l'auteur, cette mobilisation qui relève d'une stratégie globale de la lutte contre Boko Haram, a eu des résultats probants sur le théâtre d'opérations. Et a permis dans une certaine mesure de circonscrire cette menace terroriste. Le professeur Wullson Mvomo Ela51(*)pour sa part articule sa pensée dans la lutte contre le terrorisme en Afrique Subsaharienne. Il part d'un double questionnement sur la pertinence du continent africain comme un théâtre pertinent dans la géostratégie du terrorisme et du contre terrorisme ? Si oui, les forces de défense et de sécurité des pays concernés ont-elles des capacités stratégiques et tactiques nécessaires à l'éradication d'un phénomène dont l'effet traumatique serait à terme fatal pour la sécurité et le développement d'une région aux potentialités humaines incontestables ? Après avoir présenté les défis à relever par les forces de défense et de sécurité des pays concernés dans la lutte contre le terrorisme, Mvomo Ela préconise une capacité africaine autonome de lutte contre le terrorisme. Celle-ci s'articule autour, d'une vision globale d'appréhension de la menace terroriste et de la capacité proactive dans la lutte contre le terrorisme, et l'édification d'un partenariat stratégique conséquent entre les pays concernés par la menace terroriste. Koungou Léon52(*)pour sa part, dans ses travaux, présente la situation sécuritaire inquiétante du Cameroun à l'aune de la montée en puissance des actions criminelles et terroristes de Boko Haram dans la partie septentrionale du pays. De ce fait, il fait une analyse sur l'efficacité des mesures sécuritaires prises par les autorités de Yaoundé depuis que leurs forces armées sont entrées dans une confrontation directe avec les terroristes de Boko Haram. Pour se faire, l'auteur relève que le Cameroun face à Boko Haram, peut compter dans cette entreprise sur son armée dont les réformes sont amorcées depuis 2001. Les réformes engagées depuis 2001 au sein de l'armée camerounaise constituent un atout pour ce pays dans la lutte contre Boko Haram. Ces réformes s'appuient sur la professionnalisation, le rajeunissement et l'équipement des forces. Le passage d'une armée des habitudes de défense pour mener la guerre aux frontières, à une armée des besoins de sécurité apte à contenir les menaces sans cesses fluctuantes. La création des unités spéciales au sein de l'armée camerounaise constitue pour l'auteur une réponse appropriée à la nature de la menace. On peut citer le cas avec la création en 2005 d'un Centre Anti-terroriste à Limbé (CAT)53(*). L'organisation à Rey Bouba en 2013 d'un programme dénommé « Silent warrior »54(*) focalisé sur les méthodes anti-terroristes. Koungou relève également que, la modification partielle de la carte territoriale de commandement de l'armée camerounaise face à la montée en puissance des activités terroristes de Boko Haram au Cameroun est une réponse appropriée à la menace. L'activation des unités tactiques de combat prévues dans la réforme de 2001 entre également dans le même sens. Pour l'auteur, certes l'armée est « le marteau », mais, tous les problèmes ne sont pas « des clous ». Par conséquent, la lutte contre le terrorisme nécessite une approche militaire impliquant un maillage sécuritaire, combinant les motivations des terroristes auxquelles doivent se greffer les réponses d'ordre politique. A ce niveau, nous constatons que cette tendance a su intégrer les manquements de la première tendance. Ainsi, les forces armées nationales s'investissent de plus en plus à modifier leurs doctrines d'emploi de forces, pour les adapter aux spécificités des combats modernes et dans la lutte contre le terrorisme. On peut dès lors remarquer, la création des unités spécialement conçues pour faire face aux combats asymétriques, notamment dans la lutte contre le terrorisme. C'est le cas de l'armée camerounaise avec la création du CAT au sein des BIR. On peut également remarquer les réformes mises en oeuvre au sein de l'armée camerounaise pour adapter son outil de défense à la nature des combats modernes. Il y a tout de même des efforts considérables dans la communauté de défense, pour rendre efficace l'action des forces armées contre la menace terroriste. La mutualisation des efforts au niveau sous-régional, régional et international se fait sentir avec l'implication des grandes puissances. Toutefois, nous tenons à souligner ici que, l'implication des grandes puissances dans la lutte contre le terrorisme doit être prise avec une mise en perspective dans la mesure où, l'implication de celles-ci est souvent alimentée par la recherche d'intérêts stratégique et géopolitique. Les différentes stratégies prises sur le plan militaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en général, au Cameroun en particulier, ont montré leurs limites malgré quelques victoires tactiques ambigües. Rendre efficace l'action des forces armées nationales dans la lutte contre le terrorisme passe par, une redéfinition des doctrines d'emploi des forces armées nationales. De ce qui précède, notre approche consistera par conséquent, à abandonner la tendance militaro-pessimiste sur les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme, au profit d'une démarche militaro-optimiste. Laquelle, les modes de luttes nationales contre le terrorisme et communautaires s'imbriqueraient les unes à les autres, au gré des intérêts et des perceptions que les différents acteurs se font de leurs relations. Et de l'ennemi qu'ils combattent. L'originalité de notre étude se situe donc dans l'analyse des difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme d'une manière générale, l'armée camerounaise d'une manière particulière. L'objectif est de rechercher de nouvelles stratégies pour un renforcement des capacités opérationnelles des armées nationales dans la lutte contre les groupes armés terroristes. * 30 Cyrille Caron, « Anticiper les nouvelles menaces : Au-delà du combat », Collège Interarmées de Défense, 2010, op. cit. * 31 Cyrille Caron. Idem. * 32 Ibid. * 33 Vincent Desportes, « Peut-on encore gagner une guerre ? », Défense et Sécurité Internationale, N0 74, octobre 2011.pp.40-53. * 34 Vincent Desportes, Op cit. * 35 Cette expression est du général français Vincent Desportes pour qualifier les futurs engagements des forces armées. * 36Messinga Claude Ernest, Les Forces Armées Camerounaises face aux nouvelles formes de menaces à la sécurité : d'une armée de garde vers une armée d'avant-garde 1960-2010, Université de Yaoundé 2-Soa, thèse pour le Doctorat/Ph.D en Science Politique, 2012, https://www.memoireonline.com/.../Les-forces-armées-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces-la-securite-dune-arm.html * 37Messinga Ernest Claude, Op cit. * 38 Mouaha-Bell Stans, « Combattre en coalition les groupes armés terroristes : Principes et pratiques », ESIG, Cameroun, 2015. * 39 Boubacar Diallo, « les Armées de l'Afrique de l'Ouest face à la menace des groupes politico-militaires : la consolidation des alliances comme alternative », mémoire de géopolitique, ESIG, 2014. * 40 Laurence Aida Ammour, « les défis sécuritaires dans la zone Sahélo-Saharienne et leurs répercutions dans la région méditerranéenne », ponencia presentada en el IX seminario international sobre seguridad y defensa en el mediterraneo. Una visioncompartida para el mediterraneo y su vecindad, organizado en Barcelona por CIDOB y el Ministedad de Defensa el dia 25 de octubre de 2010, p. 1. * 41 Pauline Guibaud, « Boko Haram : le nord-Cameroun dans la tourmente ? », Note d'analyse du GRIP, éclairage, 03 juin 2013. * 42 Germain-Hervé Mbia Yebega, « Terrorisme et contre terrorisme en Afrique Centrale : Quelle vision stratégique pour le Tchad et le Cameroun ? », Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité, No 15, 22 janvier 2015. * 43 Wulson Mvomo Ela, « L'Afrique Subsaharienne dans la géostratégie du terrorisme et du contre terrorisme : Défi politique, stratégique et opérationnel pour la communauté de défense et de sécurité », Vigie, Bulletin d'analyse stratégique et prospective, EIFORCES, Nos 003 et 004, décembre 2014.pp.30-38. * 44 Jean-Eudes Biem, « Evolution du statut polémologique de Boko Haram face à la stratégie globale des Nations Unies en Afrique centrale : Esquisse de prospective intégrée », VIGIE, bulletin d'analyse stratégique et prospective de l'EIFORCES, Ns 003, 004, décembre 2014. * 45 Gorges Bergezan, « Eradiquer Boko Haram : Acteurs multiples, résultats incertains », GRIP, 07 mars 2016. * 46 Honoré Lucien Nombre, « Face au terrorisme, les défis de l'option militaire », in Défense Nationale, 2011. * 47 Jeans-Eudes Biem, « Evolution du statut polémologique de Boko Haram face à la stratégie globale des Nations Unies en Afrique Centrale : Esquisse de prospective intégrée », op.cit.p.18. * 48 Mohamed Tawfik Mouline, « La sécurité au Sahel après la crise du Mali : quels enjeux et défis pour les pays régionaux et internationaux », Séminaire international organisé le 28 mars 2014 à Rabat, no 04/2014. * 49 Mfoula Edjomo Marie Thérèse Chantal, « La mobilisation sous régionale, continentale et internationale dans la lutte contre Boko Haram », in Vigie, Bulletin d'analyse stratégique et prospective, Nos 003 et 004, décembre 2014, pp.86-93. * 50Mfoula Edjomo Marie Thérèse Chantal, Idem. * 51 Wullson Mvomo Ela, « L'Afrique Subsaharienne dans la géostratégie du terrorisme et du contre terrorisme : un défi politique stratégique et opérationnel pour la communauté de défense et de sécurité », op.cit.p.18. * 52 Koungou Léon, Boko Haram : Le Cameroun à l'épreuve des menaces, Harmattan. 2015. p.185. * 53 Koungou Léon, Idem. * 54 Un exercice binational entre 35 militaires des forces spéciales américaines et 70 militaires camerounais issus essentiellement du 3e BIR de Bamenda (région du nord-ouest du Cameroun), et du Centre Anti-terroriste de Limbé. |
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