Les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016 |
PARAGRAPHE 2 : POUR UNE MUTUALISATION DES FORCES ENTRE LES ARMEES DES PAYS LIMITROPHES CONFRONTES AU TERRORISMEAucune armée au monde, aussi puissante soit-elle ne peut faire face avec la plus grande efficacité contre les acteurs transnationaux. C'est en mutualisant les efforts que les armées pourront combattre avec efficacité le terrorisme. Car, le terrorisme est une menace globale qui nécessite une approche conjuguée. Il sera donc ici question d'analyser, la nécessité d'une vision globale, des capacités proactives (A) et la nécessité d'un partenariat stratégique crédible (B). A-LA NECESSITE D'UNE VISION GLOBALE ET DES CAPACITES PROACTIVESLa mise en place d'une stratégie de lutte contre le terrorisme par les armées nationales, dans une approche à la fois individuelle et collective des Etats, pose comme préalable, la construction d'une vision, d'une grille de lecture et d'analyse de la menace terroriste. Il s'agit pour le Cameroun de ne pas se contenter de se laisser imposer une vision ou de s'en inspirer aveuglement, mais de prendre pour sa sécurité l'initiative de la recherche fondamentale et de l'action. A propos de l'Europe, Alain Bauer et Xavier Raufer constatent : « le vieux continent semble (...) incapable de dire qui est l'ennemi aujourd'hui, ce qui est l'hostilité en 2009. Pays par pays, la défense administre, gère et réagit coup par coup, mais l'Europe manque d'une doctrine claire en matière d'hostilité. Soit qu'elle en ait pas conçue une elle-même, soit qu'on lui en ait pas fourni une convaincante et opérationnelle »260(*). Selon eux, « cette situation est regrettable » pour des raisons suivantes : « 1 - La défense d'un Etat souverain, ou d'une coalition d'Etats, dépend normalement de la nature des entités hostiles que ces Etats pourraient affronter et non pas l'inverse. L'inverse relève de la médecine soviétique, qui soigne le patient, non selon sa maladie, mais en fonction des potions en rayonnage. En matière de défense, cette pratique revient à modeler un adversaire ou des menaces fictives, à créer un ennemi de confort selon les forces ou le matériel que l'on a en stock. « 2 -Qui ne connait pas de recherche originale sur la sécurité se condamne à adopter celles d'autres puissances en ayant, elle, produit, une. Accepter cette position subalterne c'est se ravaler au rang tactique : d'autres édictent la doctrine dans laquelle vous évoluez désormais sans pouvoir s'en sortir. « 3 -La recherche fondamentale produite par d'autres peut-être contraignante mais, pire encore fausse, ou sciemment truquée. Accepter de tels travaux comme base de ses propres recherches égare forcément... »261(*). Nous pouvons donc retenir ici que, sans vision claire et précise de la menace terroriste, point de stratégie. Que la vision et la stratégie qui en découlent participent d'une initiative de réflexion et d'action, sauf à s'abandonner dans la supplétive. La vision, quant à elle est le produit d'une observation, d'une recherche personnelle, à travers la compréhension du terrorisme, de se définir une ligne d'action propre prenant en compte les enjeux du local et du global (glocalisation), et d'échapper au diktat des concepts et des théories imposées par la pensée dominante. C'est donc l'appréhension de la menace terroriste qui détermine l'approche de la lutte qui lui est réservée. De ce point de vue, il convient de relever que l'appréhension de la menace terroriste s'articule autour de deux approches. L'approche policière et judiciaire, qui est celle de la France, définit le terrorisme comme un crime et le terroriste comme un criminel. Elle prescrit par conséquent une action civile, visant successivement l'établissement par les forces de sécurité de la factualité criminelle, et la condamnation par la justice des acteurs terroristes262(*). Quant à l'approche militaire, sublimée par les Etats-Unis, et qui s'articule autour de des concepts de « guerre globale contre le terrorisme » (Terrorism with a global reach) et de « défense contre le terrorisme ». Elle met en oeuvre ainsi en évidence les dimensions offensive et défensive d'une même réalité stratégique. Elle a été adoptée par les USA au lendemain des attentats de 2001. Au-delà de ses aspects, une appréhension globale mais précise de la menace terroriste, dans ses dimensions politique, religieux et psychologique..., permettrait de comprendre son environnement et le comportement généralement fluctuant de ses acteurs. De manière, le cas échéant à anticiper et à gérer les incertitudes liées à cette menace. Prospective et proactivité, telles sont les capacités fondamentales nécessaires à une stratégie et à une tactique anti-terroristes. Mais celles-ci ne trouveraient toute leur efficacité que si elles sont nourries par un renseignement prévisionnel toujours actualisé. De même, l'anticipation et l'interopérabilité des systèmes de défense et de sécurité : tels pourraient être les éléments fondateurs d'une initiative stratégique contre le terrorisme au Cameroun et par extension dans le continent africain. C'est cette approche opérationnelle intégrée, favorable au développement des complémentarités entre les différents outils de défense et de sécurité qui doit guider la gouvernance et la réforme du secteur de la défense et de sécurité. Une telle initiative qui, pour être camerounaise ou africaine, ne trouvera sa pleine efficacité opérationnelle que dans un partenariat global de lutte anti-terroriste. * 260 Alain Bauer et Xavier Raufer, La face noire de la mondialisation, Paris, CNRS Editions, 2009, pp. 7-8. * 261 Alain Bauer et Xavier Raufer, op.cit. * 262 Cf, Intervention de Loïc Garnier (Contrôleur Général de Police), Chef de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), sur la lutte contre le terrorisme, au 12ème FICA/IHEDN, Paris du 18 au 26 mai 2011 à Paris. |
|