Les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016 |
B-LE MAINTIEN DE L'INITIATIVE PAR BOKO HARAM SUR L'ARMEE NIGERIANEFace aux mailles de filets qui se resserrent, Boko Haram ne désarme pas. Le groupe terroriste bénéficie toujours d'un sanctuaire quasi inexpugnable dans la célèbre forêt de Sambissa, les îles et îlots du bassin du lac Tchad et les Monts Mandara. Obtenus grâce à la défaillance des Etats de la région. Cet environnement est propice, aux déplacements discrets, au camouflage et aux combats de guérilla. Une situation qui permet à ce groupe terroriste de se reconstruire dans sa structure et son mode de fonctionnement. Vu qu'il prouve jour après jour sa capacité à imprimer la terreur au Nigéria et dans les pays voisins qui lui ont déclaré la guerre. Les mesures prises par les forces armées nigérianes dans la lutte contre Boko Haram, comme le meilleur approvisionnement en armes des soldats sur le front restent insuffisantes. Selon certains experts, l'armée nigériane comme la société nigériane, reste toujours gangrenée par une corruption endémique au sein de l'appareil de défense nigérian134(*). Fin novembre 2015, l'attaque d'un village du sud de l'Etat de Borno et l'enlèvement de nombreuses jeunes filles n'ont entrainé d'autres réactions des soldats que des tirs en l'air et leur fuite. Presque simultanément une autre attaque marquée par la destruction d'un village aurait pu être évitée si l'armée, avait pris en compte les avertissements des villageois faisant état d'une l'imminence de l'assaut135(*). Alors qu'Abuja n'a pas autorisé les incursions des forces armées tchadiennes sur son territoire136(*). Outre de vieilles querelles frontalières, à propos du lac Tchad, la collaboration entre les deux armées est handicapée par les réticences de hauts gradés nigérians qui accusent le Tchad d'avoir longtemps été complice de Boko Haram137(*). Sur le plan politique, les relations difficiles entre les deux présidents n'ont pas évolué après le changement de titulaire du poste à Abuja. Buhari avait d'ailleurs déclaré, quelques semaines avant son élection, qu'il combattrait et chasserait « les troupes tchadiennes qui ont envahi notre territoire »138(*). Face à la montée en puissance de l'armée nigériane, et à la conjugaison des efforts entre les forces armées des pays du bassin du lac Tchad. Boko Haram a décidé de ne plus tenter des opérations militaires de grande envergure, couteuses, longues et compliquées à planifier et qui exposent à des répressions. Tel un virus, le mouvement mute, un revirement stratégique par l'adoption des méthodes de combat totalement asymétriques. Il fait preuve d'une certaine capacité de résilience sur font de changement de mode opératoire évoluant vers les actions de guérilla et d'embuscades extrêmement planifiées. Si le groupe terroriste s'attaque toujours aux forces de défense nigérianes, aux populations chrétiennes et musulmanes, ou ceux qui sont critiques à son égard. La rhétorique du mouvement semble évoluée vers un nouveau registre. Désormais, le recours à des attentats-suicides complique encore plus l'action des forces armées nigérianes, dans la mesure où ceux-ci sont difficiles à prévenir. L'enracinement de Boko Haram au Nigéria et dans le bassin du lac Tchad, n'est que la conséquence des hésitations et de volte-face de la diplomatie des différents acteurs impliqués dans la lutte contre cette nébuleuse terroriste. Les différentes mesures prises lors des sommets, ateliers ou réunions sur la menace de Boko Haram à l'échelle nationale, régionale, ou internationale démontrent un décalage entre les intentions des acteurs et la volonté réelle sur le terrain. Or, le Nigéria et ses pays voisins ont choisi le défi de l'option militaire qui se veut une vision qui rassemble et mobilise les énergies à tous les niveaux, selon les axes stratégiques définis pour une synergie d'actions à long terme. Mais force est de constater que ses stratégies de riposte ne convergent pas, malgré une vision commune de la menace terroriste. Bien au contraire, elles se croisent voire se neutralisent au nom des calculs étroits et laissent déjà entrevoir toutes les difficultés à venir d'autant plus que les objectifs des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Si le Nigéria en combattant Boko Haram cherche à venir à bout à ce groupe terroriste qui menace son intégrité territoriale et son unité nationale, le Cameroun, le Tchad et le Niger quant à eux veulent contenir la menace hors de leurs frontières. Dans ce chapitre, il était question de faire une analyse sur les difficultés des forces armées nationales dans les théâtres d'opérations de lutte contre le terrorisme. Ainsi donc, après avoir fait état des actions menées par les forces armées américaine et française en Afghanistan, nous avons également présenté, celles des forces armées malienne et nigériane au Sahel et au bassin du lac Tchad. Il ressort que les réponses apportées par ces différentes armées dans leurs théâtres d'opérations respectifs répondaient chacune aux spécificités de la menace à laquelle ces armées faisaient face. Mais, les réponses escomptées par ces différentes campagnes militaires non pas été atteints. Elles ont mêmes été un désastre stratégique pour certaines armées, comme il a été le cas avec l'armée malienne en 2012. Cette situation fait suite aux différents facteurs rencontrés sur le plan stratégique et sur le plan opératif. Ainsi, les difficultés rencontrées par les forces armées nationales dans ces différents théâtres de lutte contre le terrorisme sont d'ordre stratégique et tactique. Difficultés relevant de nature de la menace terroriste, à l'environnement dans lequel les opérations militaires sont menées. Elles relèvent également des spécificités des combats anti-terroristes, dont chaque armée faisait face et aux difficultés propres à chaque armée. La suite de notre analyse sera donc axée sur l'action de l'armée camerounaise face à Boko Haram.
* 134 Frédéric Powelton, Boko Haram : le président Buhari impuissant face à la secte terroriste, Sahel intelligence, 2 octobre 2015. * 135 Ndahi Marama, Boko Haram kills soldier, 6 others in fresh Borno attacks, vanguard, 30 novembre 2015. * 136 Nigeria stells Chad, aims to beat Boko Haram before election, Reuters, 3 mars 2015. * 137 Vincent Duhem, op. cit. * 138 Fanny Pigeaud, Dans la lutte contre Boko Haram, le Tchad jugé ambigu, Mediapart, 16 février 2015. |
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