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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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Chapitre II

La loyauté de la preuve en lien avec la légalité de la

preuve

56. L'idée de la loyauté. Le mot loyauté est dérivé de loyal qui est issu, par évolution phonétique, de legalis c'est-à-dire conforme à la loi et, dans le contexte des valeurs de

347

chevalerie a le sens de l'honneur, de la probité. Dans un système pénal gouverné par le principe de la liberté de la preuve comme celui du droit libanais et français, il est extrêmement difficile et complexe de déterminer ou de fixer la limite exacte entre ce qui est permis et ce qui

348

ne l'est pas pour découvrir la vérité. L'idée de la loyauté

349

et le caractère loyal dans la

89

recherche des preuves évoquent normalement la rectitude et signifient un minimum de probité et d'honnêteté dans la recherche de la preuve. Pour rendre la justice, le juge a besoin de

. La

350

preuves irréfutables mais qui ne peuvent être obtenues de n'importe qu'elle manière

loyauté signifie encore droiture, correcte et bonne foi351. La loyauté de la preuve fait également allusion à la figure de la justice dans la société et à la manière dont la justice pénale répond au double défi de réunir les preuves de l'infraction tout en respectant le plus possible

347 B. De Lamy, « De la loyauté en procédure pénale, brèves remarques sur l'application des règles de la chevalerie à la procédure pénale » in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas 2006, p. 98.

348 V. en ce sens : H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 49, p. 39 : « Distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas pour découvrir la vérité reste une tâche des plus délicates... » ; V. encore : K. Grévain-Lemercier, Le devoir de loyauté en droit des sociétés, Thèse de droit, Université de Rennes, 2011, n° 5, p. 3: « La loyauté s'oppose à certains traits de caractère, elle interdit certains actes ; les actes de loyauté sont alors négatifs ».

349 V. D. Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Éditeur Debure Père, Paris, 1771, t. 2, p. 275 :

M. Daniel Jousse exprime l'idée de la loyauté de preuve d'une manière implicite dans son Traité de la justice criminelle de France en 1771 : « Il faut que les moyens d'adresse que le juge emploie soient justes et légitimes ; et il doit toujours être sur ses gardes, pour ne pas devenir le ministre de la calomnie et de l'oppression. S'il doit user de beaucoup d'art pour découvrir la vérité, ce doit être aussi toujours sans aucune tromperie et sans alarmer le criminel par de fausses craintes ou sans le gagner par de fausses espérances ».

350 V. S. Guinchard, M. Baudrac, M. Douchy et X. Lagarde, Droit processuel. Droit commun du procès, 1er éd., Dalloz-Sirey, 2001, n° 542, p. 64 : « Rendre la justice est une oeuvre collective et se passer de loyauté est impossible ; on rejoint ici l'éthique : le procès n'est pas un combat comme les autres. Tous les coups ne sont pas permis ».

351 V. F. El hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 160 : « La loyauté dans la recherche des preuves contribue donc à la crédibilité de la justice, à la conformité de son fonctionnement à une norme éthique supérieure, faisant ainsi accepter moralement l'autorité de cette institution».

352

les droits et libertés individuelles . Généralement, la loyauté constitue un outil pour la

90

doctrine et la jurisprudence pénale afin d'exclure ou prohiber l'usage de certains modes de

353

recherche des éléments de preuve. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve « a pour objet d'interdire à celui qui administre la preuve l'utilisation de procédés déloyaux, de

354

ruse ou de stratagèmes ». Comment comprendre l'idée générale de la loyauté et l'exigence

355 356

de loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale? La loyautése rattache à l'idée qu'il n'est pas permis aux enquêteurs d'avoir recours par tout procédé ou moyen à tout

. MM. Serge

357

prix et qu'une certaine éthique doit présider à l'action des autorités répressives

Guinchard et Jacques Buisson soulignent que l'objet direct du principe de loyauté dans la recherche des preuves est d'empêcher et de prohiber durant l'administration de la preuve

358 359

l'utilisation des moyens et de procédés déloyaux, de rusesou de stratagèmes. De surcroît, afin de mieux assurer et de garantir les intérêts de la poursuite, une obligation de loyauté

352 V. H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 48, pp. 38-39 : « Évoquer la loyauté dans la recherche des preuves, c'est, au fond, s'interroger sur la façon dont la justice doit être rendue ».

353 V. en ce sens : Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109 :« C'est à elle que la doctrine et la jurisprudence font généralement appel pour repousser l'usage de certains moyens de preuve... ».

354 J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 412, p. 260.

355 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 569, p. 410 : «Au cours des débats ayant précédé l'adoption de la loi du 15 juin 2000, les parlementaires avaient pourtant songé à l'y inscrire. S'ils y ont renoncé, c'est que la loyauté est un peu comme ces images que l'on aperçoit clairement de loin et qui se brouillent quand on les approche. La loyauté se présente en effet a priori comme une notion a-juridique, située dans une zone grise entre légalité - qui est d'ailleurs le sens originel du mot - et morale. On adhère de manière immédiate et spontanée à sa nécessité plus facilement qu'on ne la démontre ».

356 V. sur la loyauté : O. Bourgancier, Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale, Mémoire DEA en droit pénal et sciences pénales, Université Panthéon-Assas (Paris), 2005 ; A. Soumaya, La loyauté de la preuve dans la recherche de la preuve pénale: Etude comparative : Des droits français, égyptien et syrien, Thèse de droit, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2010 ; S. Potier, La loyauté dans la recherche de la preuve pénale par les institutions publiques, Mémoire de DEA en Droit pénal et sciences sociales, Université Panthéon-Assas (Paris 2), 1999.

357 P. Gagnoud, L'enquête préliminaire et les droits de la défense, Thèse de droit, Université Nice Sophia-Antipolis, 1997, n° 205, pp. 294-295.

358 V. sur la ruse dans la recherche de preuve: G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, Chronique, pp. 153-156 : « l'absence de moralité est illustrée par la ruse. La jurisprudence l'appréhende comme tout moyen destiné à tromper le délinquant potentiel. Elle revêt concrètement la forme d'une provocation policière ».

359 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 587, p. 590.

s'impose aux enquêteurs

360

. M. Georges Flécheux affirme que le principe de loyauté domine

91

preuve et la protection contre l'abus et l'arbitraire dans cette recherche

367

. Du point de vue de

361

l'éthique de la vie judiciaire. De toute manière, l'obligation ou le devoir de loyauté imposé

362

à tous les acteurs de la vie judiciaires'applique dans le domaine pénal. Cette exigence de loyauté se trouve au coeur et au fond de la notion de procès équitable et en même temps constitue l'une des avancées les plus remarquables fondée sur les droits fondamentaux qui

363

affectent l'homogénéisation de l'ensemble des procédures européennes.

57. Loyauté et État de droit. Dans un État de droit qui s'oppose naturellement à l'État de police, l'exigence de loyauté dans la récolte des preuves apparaît comme un principe sine qua

364

non, c'est-à-dire une condition nécessaire (indispensable), ou une condition essentielle dans la recherche de la preuve qui vise à interdire l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de

365

stratagèmes en vue de rassembler des éléments de preuve d'infraction . Le principe de liberté de preuve qui domine le procès pénal est instauré normalement pour de justes raisons, mais cette liberté dans l'administration de la preuve peut être dévoyée et utilisée abusivement en entravant les libertés et les garanties que tout justiciable doit pouvoir attendre dans un État de

366

droit . L'importance particulière du principe de la loyauté dans la recherche de preuve réside dans le fait que la loyauté constitue la limite nécessaire entre l'efficacité de la recherche de

360 F. Démanya Akouete, L'enquête préliminaire dans la procédure pénale Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p. 110.

361 G. Flécheux, « L'avocat et les principes généraux du droit », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Éditeur : Université Saint-Joseph (Faculté de droit et des sciences politiques) CEDROMA (Centre d'études des droits du monde arabe), Beyrouth (Liban), 2001.

362 V. A. Leborgne, « L'impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d'un grand principe », in RTD Civ., 1996, p. 535 : « L'obligation d'être loyal, aujourd'hui généralisée à toutes les relations juridiques, ne pouvait être absente des procès ; aussi, s'accorde-t-on pour reconnaître l'existence d'un principe processuel de loyauté, notamment lors de la recherche de preuves ».

363 G. Flécheux, « L'avocat et les principes généraux du droit », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Éditeur : Université Saint-Joseph (Faculté de droit et des sciences politiques) CEDROMA (Centre d'études des droits du monde arabe), Beyrouth (Liban), 2001.

364 Latin expression « conditio sine qua non ».

365 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 51 : « ... il faut signaler les limites liées à ce que l'on peut rattacher à la catégorie très générale des conceptions morales et sociales d'une époque. En découlent alors l'exclusion naturelle de la torture et toutes formes de brutalités policières, et toutes formes de déloyauté dans les preuves, mensonges, questions-pièges, ruses, artifices destinés à confondre le coupable ».

366 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 96.

92

la loyauté de la preuve, l'évolution de la délinquance ou des comportements délinquants et des techniques d'investigation pose à la justice française la question de l'étendue du contrôle qu'elle exerce sur les preuves qui lui sont soumises, au regard notamment des principes contenus, dans les articles 3, 5, 6, 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des

368

droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le point de vue précédent pose aussi les mêmes questions à la justice libanaise qui concernent l'étendue du contrôle qu'elle exerce sur les preuves qui lui sont soumises mais au regard seulement des principes contenus dans le Code de procédure pénale libanais et la législation nationale parce que le juge libanais n'applique pas la Convention européenne des droits de l'homme. Nous ajoutons que l'évolution de la délinquance et des techniques d'investigation pose des défis considérables à la justice pénale en matière de preuve qui se manifeste par la dualité entre efficacité de la recherche des preuves et liberté individuelle afin de respecter et renforcer le respect des droits et libertés individuelles et en même temps garantir le bon déroulement du procès pénal. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve est considéré dans le domaine de la procédure pénale comme le révélateur des conditions dans lesquelles sont conçues les

relations de l'État et de la personne humaine dans un pays donné369. Le principe général de loyauté est donc indispensable à l'existence d'un État de droit qui se manifeste dans tous les contentieux. Cette nécessité explique la consécration explicite et chronologiquement première de ce principe dans le domaine de la recherche de la preuve en matière pénale parce que ce contentieux peut être considéré comme un témoin majeur du caractère démocratique d'un État370.

La première section de ce chapitre porte sur le principe de loyauté comme principe fondamental controversé. La seconde section porte sur le duel ou l'affrontement entre respect de la loyauté et efficacité dans la recherche des preuves.

367 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 157 :« Il existe heureusement un élément pondérateur : la loyauté dans la recherche des preuves, qui protège l'individu contre les abus toujours possibles et impose à l'enquête un style ».

368 P. Lemoine, « La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation (française).

369V. en même sens : R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel- procédure pénale, 5e éd., Cujas, 2001, spéc. n° 156 et s.

370 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 86.

Section I

Un principe fondamental controversé

58. Enjeux autour d'un principe controversé. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve en droit libanais et français se trouve parmi les principes généraux du droit qui sont non écrits. Mme Julie Daniel souligne que « la notion de principe général du droit est une source non écrite du droit pénal procédural. En effet, les principes généraux permettent d'assurer le caractère loyal de l'administration de la preuve et garantissent ainsi une recherche efficace des preuves tout en préservant la régularité d'une procédure pénale se

devant d'être protectrice de certains intérêts particuliers jugés essentiels »

371

. Au vu de ce qui

précède se pose la question suivante: quelle valeur accorder au principe de loyauté de la preuve ? La loyauté est-elle un principe d'application stricte ou un principe appliqué avec souplesse et tolérance ? Dans le silence des textes, la force du principe de loyauté reste

incertaine

372

. Le principe de loyauté dans la recherche des preuves soulève controverses et

93

ambiguïtés parce qu'il n'est pas toujours appliqué avec la même rigueur par la jurisprudence et parce qu'il n'est pas consacré textuellement. À vrai dire, il est difficile de trancher la question de savoir si le principe de loyauté doit être appliqué d'une façon définitive sans aucune exception ni réserve parce qu'il est un principe sans fondement textuel exprès et

373

baigne dans un environnement dominé par le principe de la liberté de preuve. C'est une question qui provoque beaucoup de débats et fera toujours couler beaucoup d'encre. Il est souhaitable que les législateurs libanais et français tranchent expressément la question de la présence et de la valeur du principe de la loyauté de preuve pour éviter toutes formes de controverse. En effet, la loyauté dans la recherche de la preuve en matière pénale fait l'objet d'un faible enracinement. Selon plusieurs auteurs, le principe de la loyauté de la preuve est un principe controversé, certains auteurs réclamant de vive voix la consécration d'un principe

371 J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 423, p. 267.

372 Ph. Bonfils, « Loyauté de la preuve et droit au procès équitable », in D., 2005, pp. 122 et s.

373 V. en droit français sur l'absence de consécration textuelle du principe de la loyauté de preuve : F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008, in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Le Code de procédure pénale n'exprime pas formellement le principe de loyauté des preuves. Ce principe est le fruit de la synthèse des principes de liberté de la preuve et de légalité de la preuve, eux-mêmes dégagés de l'interprétation de deux dispositions éparses du Code de procédure pénale ».

374

général et absolu de loyauté dans la recherche de la preuve pénale. Ni la loi libanaise, ni la loi française, ni la Charte internationale des droits de l'homme, ni la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, définissent ou mentionnent le principe de loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale. La loyauté est un principe moral qui doit être considéré comme une condition inévitable dans la recherche des preuves, si ce n'est la condition de la conduite d'un procès équitable ; il constitue un repère

fondamental dans l'exercice des droits de la défense

375

. La loyauté dans la recherche de preuve

impose une manière et une exigence générale d'éthique des comportements pendant le rassemblement des preuves des infractions et la recherche de leurs auteurs, et sans doute il

376

.

ajoute une marque générale de l'aspect d'une déontologie et d'une moralité nécessaire

Malgré l'hésitation qui domine l'application de ce principe dans la pratique judiciaire, M. Jérôme Lasserre Capdeville affirme que « différentes branches du droit se montrent

377

aujourd'hui très attachées à cette exigence de loyauté en matière de preuve ».

59. Difficulté d'une définition précise. Comment définir la loyauté dans la recherche de

preuve pénale ? Sans doute est-il difficile de préciser la définition de loyauté

378

et de trouver

94

379

une définition satisfaisante qui peut aisément convaincre. En fait, la loyauté est un concept

380

qui ne fait pas l'objet d'une définition préciseet qui n'a pas un fondement stable. La doctrine se réfère comme indique M. Christian De Valkeneer « tantôt à la dignité, tantôt à

374 G. Royer, L'analyse économique et le droit criminel, Éditions le Manuscrit, 2005, p. 177.

375 Ph. Vouland, « L'exercice quotidien de la fonction de défense et la loyauté de la preuve », in AJ Pénal, 2005, pp. 275 et s.

376 V. sur la philosophie de la loyauté: L. Raison Rebufat, « Le principe de loyauté en droit de la preuve », in Gaz. Pal., 27 juillet 2002 n° 208, p. 3 : « La loyauté dans la collecte des preuves puise ses origines dans une évolution favorable à la constitution d'un code éthique du procès ; l'analyse des fondements auxquels peut être rattaché le principe permet d'en dégager la nature juridique ».

377 J. Lasserre Capdeville, « La preuve fournie par les parties privées : confirmation de la tolérance quant au principe de loyauté », in AJ Pénal, 2010, pp. 280 et s.

378 La loyauté étant synonyme de droiture, de probité et d'honnêteté, ne fait l'objet d'aucune définition précise en droit libanais et français, ni en droit conventionnel.

379 V. G. Beaussonie, Le rôle de la doctrine en droit pénal, L'Harmattan, 2006, p. 56 : « Le principe de loyauté dans la recherche des preuves, par exemple, n'est reconnu dans aucun texte. La jurisprudence a pourtant pu et peut encore s'y référer. Pour la doctrine, le principe est indéniable et celle-ci multiplia les tentatives de définition ».

380 V. Ph. Vouland, « L'exercice quotidien de la fonction de défense et la loyauté de la preuve », in AJ Pénal, 2005, pp. 275 et s. : La loyauté se définit dans le Larousse comme dans le Robert autour des mots droiture et probité, la probité étant l'observation rigoureuse des devoirs de la justice et de la morale alliée à une honnêteté scrupuleuse.

381

.

l'exhaustivité de la procédure, tantôt aux principes de bonne administration de la justice »

M. Bertrand De Lamy croit que la loyauté n'est pas définissable avec les précisions qu'attend le droit parce qu'elle s'inscrit sur le terrain des valeurs et doit être conciliée avec d'autres

valeurs 382 . Selon M. Pierre Bouzat « la loyauté n'est pas une notion juridique autonome. Aussi

383

il est malaisé d'en donner une définition précise ». Pour M. Pierre Bouzat, une telle définition apparaît utile si l'on veut que la notion de loyauté apparaisse comme une notion

384385

autonome . M. Jean Pradel a essayé de définir la loyauté par son contraire. M. Cédric

Tahri considère que la preuve est loyale, si elle est obtenue sans fraude ou violence

386

. Mlle

Hélèna Houbron propose la définition suivante : « la loyauté constitue, dans le cadre du procès, un instrument de moralisation des comportements processuels indispensable à la

387

légitimité des décisions de justice ». La définition précédente signifie que « la loyauté de la preuve supposerait alors un comportement reposant sur la bonne foi et exempt de toute

intention de tromper»

388

. En droit libanais, la loyauté n'occupe pas une place importante dans

95

la culture juridique. Ainsi on remarque l'absence totale d'une définition de la loyauté de preuve en matière pénale par le législateur libanais et même par la doctrine spécialisée en droit pénal et procédure pénale. La doctrine néglige également la définition du principe de la loyauté. Même lorsqu'il est question de recherche de la preuve, le principe de la loyauté n'est

évoqué que timidement par la doctrine. Nous proposons de définir la loyauté389 dans la

381 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109 .

382 B. De Lamy, « De la loyauté en procédure pénale, brèves remarques sur l'application des règles de la chevalerie à la procédure pénale » in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas 2006, p. 101.

383 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherché des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 160.

384 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherché des preuves, in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 171.

385 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p. 358 : « Il y a déloyauté lorsque l'enquêteur ou le juge d'instruction use de procédés non conformes aux principes fondamentaux de notre ordre juridique pour obtenir des éléments de preuve. La déloyauté évoque, doit-on ajouter, la tromperie, les artifices, les promesses, les menaces, tout agissements réduisant ou supprimant le libre arbitre » ; V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p. 358 : « La question de loyauté pose la question récurente de la fin et des moyens ».

386 C. Tahri, Procédure civile, 1er éd., Éditions Bréal, 2007, p. 26.

387 H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 58.

388 H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 58.

389 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherché des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 172 :

recherche de la preuve comme une obligation ou une exigence de recherche des preuves en conciliant l'efficacité et la transparence dans les comportements que doivent adopter les acteurs à la recherche de la preuve de l'infraction.

60. La loyauté est un principe d'inspiration morale. Une certaine morale doit exister dans

l'opération de la recherche de la preuve 390 . Le concept de la loyauté dans la recherche de la

391

preuve pénale traverse l'ensemble des sources du droit. Mme Géraldine Danjaume croit que la moralité doit jouer un rôle essentiel de lutte contre les abus qui pourraient se produire

. Le principe de loyauté probatoire n'est pas

pendant le déroulement du procès pénal392

consacré par le législateur français mais c'est une création prétorienne

393

. En dépassant les

96

considérations d'ordre purement juridique, l'obligation de loyauté semble disposer de

394 395

fondements morauxet éthiques. Ce principe de loyauté n'a pas été consacré textuellement par le législateur libanais à l'instar de son homologue français qui n'a pas jusqu'à présent reconnu explicitement et directement ce principe dans une disposition d'un texte législatif. De même, la Convention européenne des droits de l'homme ne consacre pas textuellement le principe de la loyauté de preuve et rappelle toujours que l'administration des preuves relève au premier chef des règles du droit interne. Au regard de l'absence d'une

396

consécration législative explicite de ce principe de loyauté, ce concept d'inspiration morale

M. Pierre Bouzat définit la loyauté comme étant « une manière d'être de la recherche des preuves, conformes au respect des droits de l'individus et à la dignité de la justice ».

390 V. G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, Chronique, pp. 153-156 : « Si la transparence résulte de la loi, l'oeuvre de la jurisprudence tend à favoriser la moralité dans la recherche de la preuve ».

391 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109.

392 V. G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, pp. 153 et s : « La moralité doit constituer un élément pondérateur contre les abus ».

393 É. Mathias, Procédure pénale, op. cit., p. 34.

394 V. au contraire : F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 570, p. 411 : Selon l'avis de M. Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer : « La loyauté, au sens procédural, ne se réduit pas à une exigence déontologique. Contrairement à ce qui est parfois avancé, il ne s'agit pas ici de préserver la dignité de la justice ou de veiller au respect du serment prêté par les magistrats de se comporter de manière digne et loyal ».

395 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.

396 V. E. Molina, La liberté de la preuve en droit français contemporain, op.cit., n° 394, p. 414 : M. Emannuel Molina affirme à juste titre qui' « Il serait sans doute excessif de déduire de l'absence de consécration expresse de la loyauté par le Code de procédure pénale que le concept moral qui est la substance n'exerce aucune influence sur le déroulement de la recherche de preuve et, par suite, sur l'admissibilité de ses résultats ».

397

. La

97

tend, aujourd'hui, à se hisser au rang des exigences fortes régissant la preuve pénale loyauté peut être qualifiée parmi les droits appartenant au droit naturel. Ce dernier relève à son

398

tour de la sphère morale afin de répondre à une exigence supérieure de l'idéal de justice. M. Mohamed Hedi Lakhoua considère qu'en matière pénale surtout pendant l'activité de recherche de la preuve, certains abus et dérives portant atteinte à la justice ne sont pas toujours sanctionnés expressément par la loi, ce qui nécessite le recours aux principes généraux du

droit dont le fondement est essentiellement moral399. La reconnaissance d'une valeur juridique d'un principe moral est une question qui demeure essentielle. La force juridique impose sa

. La notion de loyauté

400

consécration par le droit positif comme l'affirme Mme Cécile Petit

apparaît ainsi, dans son contenu et ses limites, sujette à deux critères essentiels : le respect de la personne humaine et le respect de la dignité de la justice, elle trouve ses sources dans des règles d'ordre moral qui sanctionnent tout ce que la loi ne prévoit pas mais qui porte atteinte aux libertés individuelles et aux droits de la défense, et tout ce que la loi prévoit mais que la

401

pratique bafoue par abus d'autorité. Donc la loyauté comme exigence dans la recherche des preuves reste le seul garant du respect des principes qui doivent gouverner l'administration et

397 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.

398 V. en ce sens : J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p. 2012 : « Le principe de loyauté constitue incontestablement un instrument important de moralisation de la procédure ; il contribue utilement à la dignité et à la crédibilité de la justice. A cet égard, il renouvelle et alimente, en permanence, le débat sur la fin et les moyens » ; V. encore F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 570, p. 412 : « La loyauté ne peut davantage être vue comme l'expression d'une sorte de morale procédurale qui exclurait le recours à certaines méthodes clandestines consistant en des artifices et stratagèmes destinés à tromper ou à piéger la personne soupçonnée. » ; V. L. Raison Rebufat, « Le principe de loyauté en droit de la preuve », in Gazette du Palais, 27 juillet 2002 n° 208, p. 3 : «le principe de la loyauté en droit de la preuve relève d'un certain idéal de justice, qui tendrait à mettre en échec les principes directeurs du procès au profit de la bonne conduite des parties à l'instance ».

399 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, p. 11 : « C'est aux principes généraux à fondement essentiellement moral qu'il faudrait recourir chaque fois que l'on se trouverait en face d'un abus non sanctionné expressément par la loi et qui pourrait porter atteinte à la justice ».

400 V. Avis de Mme C. Petit, premier avocat général, Pourvois n° X 09-14.316 et D 09-14.667 Assemblée plénière du 17 décembre 2010, Décisions attaquées : 29/04/2009 de la cour d'appel de Paris, Société Philips France et Société Sony France c/ le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi : « La loyauté est une vertu qui fait référence à une valeur universelle mais sa traduction dans les relations processuelles implique qu'elle soit identifiée par le biais d'une obligation juridique, sanctionnée en cas de non-respect, de façon à permettre d'en assurer son application. En effet, le succès de son passage de la sphère morale à la sphère juridique dépend de son degré d'intégration dans le droit positif ».

401 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, p. 192.

402

le contrôle des éléments apportant la preuve qui doit être menée de façon digne et

98

403

franche

.

61. Définitions proposées. Mme Marie-Emma Boursier propose dans sa thèse de définir la loyauté comme « comportement fait de droiture et de probité attendu du plaideur envers le

404

juge et envers son adversaire » . Selon Mme Héléna Houbron, la loyauté consiste en général à ne pas utiliser une arme dans la preuve pénale que l'adversaire ou la partie contre laquelle

on entend prouver qu'elle ne soit pas en mesure de contrer 405 . La doctrine illustre la définition de la loyauté en matière de recherche de la preuve, en déterminant en matière de preuve pénale par exemple qu'« il est des ruses et des stratagèmes qui ne sont informellement prohibés ni expressément autorisés par la loi » et dont l'opportunité doit donc être discutée, marquant ainsi la présence du principe général de loyauté processuel au-delà des obligations

406

nées de la légalité ou même de la licéité en ce domaine . La loyauté est donc un principe ayant pour objet de garantir les principes qui protègent contre la violation du droit à un procès

équitable 407 . En droit libanais, ce qui est remarquable, c'est l'absence quasi totale d'une définition de la loyauté de preuve.

62. La relation entre le principe de loyauté avec le principe de légalité. Le principe de loyauté de la preuve occupe une place différente de la légalité 408 , tout en en constituant le

402 V. J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p. 2012 : « Le principe de loyauté, sorte de principe général supérieur, véritable dénominateur commun de tous les actes effectués pendant l'enquête, peut aujourd'hui être analysé comme un pouvoir modérateur accordé au juge, gardien naturel des libertés individuelles ».

403 Sur la nécessité de respecter une certaine éthique dans la recherché de la preuve : J. Pradel, « Vers des principes directeurs communs aux divers procédures pénales européennes », in Mélanges Levasseur, Litec, 1992, spéc. n° 2, pp.460-472 : « La loyauté dans la recherche de la preuve peut seule garantir le respect des principes, donc d'une certaine éthique en tant qu'instrument du contrôle de la liberté de cette recherche ».

404 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99 et s.

405 H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 60.

406 M. Blondet, « les ruses et artifices de la police au cours de l'enquête préliminaire », in J.C.P., 1958-In° 1419.

407 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 85 : « La loyauté est donc a priori une norme plus vaste que le droit écrit qui permet de garantir efficacement le respect des principes généraux issus des droits de l'homme dans la perspective du droit du justiciable à une bonne justice, une justice équitable ».

408 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s. : « Celui-ci (la loyauté) dispose d'une philosophie propre et constitue une exigence procédurale indépendante, plus large et plus protectrice que la légalité. En l'espèce, les magistrats n'auraient pu articuler leur raisonnement autour de la légalité, les agissements de provocations n'étant pas, dans

99

prolongement nécessaire. La loyauté est donc le garant du respect d'une certaine éthique judiciaire. Mme Marie-Emma Boursier souligne l'importance de préciser le champ du

409

contrôle induit par le principe général de loyauté processuel dans la recherche de la preuve : « la loyauté enfin est tout à la fois légalité et licéité mais fait de surcroît appel à un idéal de justice dans les relations entre les acteurs du procès parce qu'elle puise aux sources du droit

410

naturel» .Un autre auteur souligne que la notion de déloyauté ne se confond pas avec celle

411

d'illégalité. Un autre avis distingue entre la légalité et la loyauté en considérant que la légalité de la preuve constitue un principe fondamental dans le système procédural mais la légalité qui est d'ordre social relève d'un domaine différent de celui de la loyauté qui est

d'essence morale 412 . Pour certains auteurs, l'étude du principe de loyauté doit être faite à

l'occasion de celle consacrée au «respect de la légalité matérielle» 413 . Nous trouvons que la loyauté de preuve en matière pénale comme principe d'inspiration morale non consacré explicitement par les législateurs libanais et français doit être étroitement liée au principe de la

414

légalité de preuve et doit être considérée comme un principe complémentaire nécessaire de la légalité de preuve.

cette hypothèse, expressément réglementés par le législateur. Prolongement nécessaire de la légalité, le principe de loyauté est donc garant du respect d'une certaine éthique judiciaire. En effet, dépassant les considérations purement juridiques, l'obligation de loyauté semble disposer de fondements moraux et éthiques. La loyauté dans la recherche des preuves « impose un style à l'enquête ».

409 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.

410 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 85.

411 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

412 V. P. Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 161 : «Mais légalité et loyauté ont un domaine différent : La première est d'ordre social, la seconde plutôt d'essence morale. Bien qu'elle consacre la liberté de la preuve, la loi contient cependant des principes directeurs destinés à garantir la loyauté de sa recherche. Comme dans toute la Nation démocratique, la loi assure une protection contre l'arbitraire, grâce aux conventions internationales humanitaires, à garanties constitutionnelles et aux dispositions du Code de procédure pénale ».

413 J. Buisson, « Preuve », in Rép. pén. Dalloz., février 2003, n° 87 et n° 88, pp. 18-19.

414 V. sur ce point H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 343, p. 303 : « L'idée d'une corrélation entre les notions de loyauté et de légalité ne devrait pas surprendre. On pourrait tout d'abord rappeler que, selon l'étymologie, la loyauté vient du latin legalis qui signifie conforme à la loi. Ensuite, le principe de loyauté est, spécialement en procédure pénale, classé par certains auteurs comme faisant partie de la légalité dans l'administration de la preuve dans la mesure où l'une comme l'autre ont pour fonction de limiter la libre recherche des preuves, de poser un minimum de règles. Le devoir de loyauté, en tant qu'exigence d'ordre moral, existe indépendamment de toute référence textuelle ».

100

A ce propos, nous soutenons entièrement l'avis de M. François Fourment qui considère que le Code de procédure pénale français n'exprime pas formellement le principe de loyauté des preuves, mais que ce principe est le fruit de la synthèse des principes de liberté de la preuve et de légalité de la preuve, eux-mêmes dégagés de l'interprétation de deux dispositions éparses

,

415

du Code de procédure pénale français. D'une part, l'article 427, alinéa 1er, du CPP français

qui est le fondement de la thèse de la liberté de la preuve. D'autre part, l'article 81, alinéa 1er,

416417

du CPP français , fondement de la thèse de la légalité de la preuve . Nous croyons que l'avis précédent est également applicable en droit libanais, parce qu'on peut trouver deux articles dans le Code de procédure pénale libanais qui sont très semblables aux articles du Code de procédure pénale français mentionnés par M. François Fourment. D'un côté, l'article

418

179 du CPP libanaisqui constitue le fondement de la liberté de la preuve est l'équivalent de

419

l'article 427 du CPP français. De l'autre, l'article 61 du CPP libanaisqui constitue le fondement de la légalité de la preuve, est l'équivalent de l'article 81 du CPP français.

L'intitulé du premier paragraphe sera la genèse du principe de loyauté de la preuve. L'intitulé du deuxième paragraphe sera la faiblesse du principe de loyauté de la preuve.

§ 1. La genèse du principe de la loyauté de la preuve.

63. Le principe de loyauté est une pure invention et construction jurisprudentielle. La

loyauté est un principe purement jurisprudentiel420 . Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale a été évoqué pour la première fois en 1888 par la jurisprudence de la Cour de cassation française qui a eu l'occasion de manifester et d'exprimer sa volonté expresse de

415 L'article 427 du CPP français dispose : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ».

416 L'article 81 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'instruction qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité».

417 F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008 , n° 08-81.045, in JCP G., 14 Janvier 2009, n° 3, II 10009, pp. 43-45.

418 L'article 179 du CPP libanais dispose : « Les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement ».

419 L'article 61 du CPP libanais dispose : « Dans le cadre de l'ensemble des mesures d'instruction qu'il entreprend aux fins de la manifestation de la vérité, le juge d'instruction a recours à des moyens légaux ».

420 V. Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 352, p. 355 : Loyauté : « Découvert et consacré par la jurisprudence, ce principe exige globalement une attitude honnête, sincère et conforme au droit dans la recherche de la preuve ».

créer le principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale dans un arrêt de principe

421

concernant la célèbre affaire Wilson

. La jurisprudence française a ainsi inventé un nouveau

101

422

principe de recherche de preuve en matière pénale sous le nom du principe de loyauté

.

Selon la Cour de cassation française, le fait pour un magistrat d'imiter une voix pour obtenir, auprès d'un suspect, des aveux par téléphone était un procédé déloyal lorsque le juge Vigneau a employé selon la Cour « un procédé s'écartant des règles de loyauté que doit observer toute information judiciaire et constituant, par cela même, un acte contraire aux devoirs et à la dignité du magistrat». C'est la provocation pratiquée par le juge Vigneau, son stratagème pour masquer son identité et sa qualité qui sont jugés comme des actes déloyaux. De telles attitudes sont proscrites pour les membres de la magistrature, soumis dans leurs obligations

423

disciplinaires à un devoir de loyauté . Le magistrat fut sanctionné, en janvier 1888, par le

424

Conseil de la magistrature pour avoir eu recours à ce stratagème . M. Fallières, ministre de la Justice française à cette époque, a exposé les faits qui ont motivé cet acte de rigueur concernant le juge Vigneau dans l'affaire Wilson en déclarant qu'il avait voulu, par là,

425

affirmer le principe de la loyauté et de l'impartialité de l'instruction criminelle . De ce qui précède, il est clair que la liberté d'investigation dont disposent les enquêteurs pour la recherche des preuves en matière pénale implique que cette liberté de recherche soit effectuée

de manière loyale 426 . Le principe de la loyauté dans la recherche des preuves entraîne la prohibition de tous les actes portant gravement atteinte aux principes généraux du droit et aux

427

libertés fondamentales . Bien évidemment, être titulaire d'un droit est une chose, et pouvoir en rapporter la preuve en est souvent une autre. Face à la difficulté de prouver, cette difficulté

421 La Cour de cassation française, toutes chambres assemblées, constituée en Conseil supérieur de la magistrature, 31 janvier 1888.

422 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 102 : « La jurisprudence a très tôt fait écho aux exigences formalisées par la doctrine de respect d'un principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale marquant la volonté de protéger les droits de l'individu ».

423 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p.103

424 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale : Analyse en droits belges et international complétée par des éléments de droits français et néerlandais, op. cit., p. 566.

425 V. Le Temps (Le Temps est un quotidien français, aujourd'hui disparu, publié à Paris du 25 avril 1861 au 30 novembre 1942), 14 Janvier 1888, Numéro 9756.

426 V. en ce sens : M. Guerrin, « Le témoignage anonyme au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 2002/49, pp. 45-68. V. p. 45 : « En droit interne français, l'article 427 du Code de procédure pénale pose le principe de la liberté des modes de preuve, sous réserve toutefois que leur administration se fasse sans ruse ni artifice, c'est-à-dire de manière loyale ».

427 J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 74.

102

explique que, parfois, certains se laissent tenter par le recours à des procédés déloyaux, voire illicites, et cette tentation peut même paraître d'autant plus grande que les progrès scientifiques

428

et techniques en multiplient les possibilités.

64. Le principe de la loyauté est confirmé par la doctrine. Bien que le principe de loyauté dans la recherche de preuve n'ait pas fait l'objet d'une consécration textuelle. La doctrine en général, surtout française, a contribué largement au renforcement et à la consécration de ce

429

principe qui est né par une consécration jurisprudentielle. M. Mohamed Hedi Lakhoua souligne que les procédés interdits durant la recherche des preuves ne sont pas toujours prévus

430

par des textes, ce qui ne veut pas dire qu'ils sont nécessairement tolérés. Dans le cas où les procédés interdits heurtent les principes généraux du droit, le juge doit les écarter parce qu'ils ne sont pas compatibles avec ce que M. Mohamed Hedi Lakhoua a appelé « la conscience

431

juridique qui trouve ses fondements dans des principes d'ordre moral ». Le principe de loyauté vient compléter le principe de la légalité dans la recherche de preuve même en l'absence d'un texte formel consacrant le fondement du principe de la loyauté. « Toutes les règles protectrices des droits individuels ne sont pas nécessairement inscrites dans les textes, certaines d'entre elles s'imposent dans le silence de la loi parce que le droit d'une nation

432

civilisée ne saurait les exclure ».

65. Influence ou contribution négative de la doctrine et de la jurisprudence libanaise. Selon MM. Elias Namour et Fadi Namour, les restrictions au principe de la liberté de preuve en matière pénale résultant des principes généraux du droit sont basées sur l'idée de loyauté

433

dans la recherche de la preuve. A tout ce qui précède, nous ajoutons, les idées de bonne foi, de droiture, d'honnêteté et de rectitude qui se regroupent ensemble pour former cette notion

428 Ph. Bonfils, « Loyauté de la preuve et droit au procès équitable », in D., 2005, pp. 122 et s.

429 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 84 : « Le respect des principes encadrant le système juridique doit être assuré dans la recherche libre de la preuve, d'abord et a minima par le contrôle du respect des formes légales imposées à son administration et nécessaires à sa recevabilité. La doctrine a donc, la première, consacré la nécessité d'encadrer par un principe général de loyauté le domaine de recherche de la preuve ».

430 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, pp. 191-192.

431 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, pp. 191-192.

432 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, p. 11.

433 V. en langue arabe : E. Namour et F. Namour, Les libertés individuelles et les droits de l'homme à la lumière de la criminologie et de la poursuite pénale, Édition Sader, Beyrouth, 2000, tome 2, n° 1348, p. 930.

large de la loyauté dans la recherche de preuve dans le cadre du procès pénal. L'officier de police judiciaire et le juge doivent respecter minutieusement le principe de loyauté et de la

434

sincérité pendant l'opération de recherche de preuve surtout dans l'enquête préliminaire

.

103

Plusieurs jugements et arrêts confirment sans doute que le droit français a eu une incidence considérable sur le droit libanais, au niveau de la législation, de la jurisprudence et de la doctrine en droit pénal. Il est reconnu que les juges libanais ont profité des apports de la jurisprudence et de la doctrine française dans diverses questions juridiques afin de le confronter aux solutions et problèmes juridiques posés en droit libanais. Le principe de la loyauté de preuve n'a pas pourtant été reconnu explicitement en droit libanais bien que certains auteurs le mentionnent. D'autre part, la plaidoirie de l'avocat libanais qui n'a pas étudié la notion du principe de la loyauté de preuve à l'université ne rappellera pas l'exigence et l'obligation de loyauté dans la recherche et l'administration des preuves pénales. Au Liban, la formation professionnelle des magistrats pendant trois ans à l'Institut d'études judiciaires ne consacre pas l'étude du devoir de loyauté dans la recherche de la preuve pénale qui interdit l'utilisation de procédés déloyaux, des ruses et stratagèmes en vue de réunir des éléments de preuve. Bien évidemment, la doctrine libanaise est très déficiente et a contribué très négativement comme facteur de la non-diffusion et de la non-consécration du principe de loyauté dans la culture juridique libanaise. Or, on sait que l'influence exercée par la doctrine juridique est indéniable, et qu'elle joue un rôle important dans la création du droit comme

435

.

source inspiratrice et novatrice à travers les différents modes d'expression qu'elle utilise

A. La loyauté, un principe purement jurisprudentiel.

66. L'arrêt Wilson fondateur du principe. En France, la loyauté de preuve en matière pénale non prévue explicitement par la loi a été découverte par la jurisprudence au nom d'une

certaine éthique judiciaire 436 . C'est la fameuse affaire Wilson de 1888, au cours de laquelle un magistrat instructeur s'était fait passer pour un tiers, qui a mené les Chambres réunies de la

434 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2e partie, n° 293, p. 284.

435 V. sur le rôle et l'influence de la doctrine : X. Labbée, Introduction générale au droit: Pour une approche éthique, Presse Universitaire du Septentrion, 2005, p. 151 : « On pourrait concevoir un système juridique dans lequel les avis de la doctrine auraient force de loi : ainsi des empereurs romains avaient-ils décidé que les opinions de certains jurisconsultes, émises dans leurs consultations ou dans leurs livres, devaient s'imposer au juge ».

436 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p. 358.

104

437

Cour de cassation à consacrer le principe de loyauté en procédure pénale française. Mme Marie-Emma Boursier considère que dans l'arrêt Wilson, la Cour de cassation française a ouvert une voie au principe général de loyauté dans la recherche de la preuve d'une façon

438

exemplaire mais timide. Dans l'affaire Wilson, cet arrêt qui a évoqué pour la première fois l'exigence de la loyauté dans la recherche de preuve n'a pas affirmé la présence d'un principe général fondamental clair et exact parce que cet arrêt constitue une condamnation disciplinaire du juge Vigneau qui a utilisé des procédés déloyaux afin de rechercher les preuves d'une infraction. Si les premières lueurs du principe de la loyauté ont commencé avec l'arrêt Wilson, cet arrêt n'a pas manifesté l'intention de la Cour d'exiger ou d'imposer un devoir de loyauté absolue dans la recherche de la preuve pénale. En fait, la lecture attentive de cette décision montre beaucoup d'ambiguïté autour du champ d'application de la loyauté de preuve, ceci induisant un véritable doute quant à l'influence de cet arrêt sur la présence réelle d'un principe général en droit concernant l'obligation de loyauté dans la recherche de preuve. L'arrêt Wilson peut être qualifié d'comme un arrêt fondateur du principe de loyauté de preuve en matière pénale mais il ne consacre pas la loyauté comme principe d'exigence générale

.

439

puisqu'il est rendu en formation disciplinaire contre le juge Vigneau

67. L'arrêt Imbert portant généralisation du principe. Sans doute, l'arrêt Wilson été la pierre angulaire dans le processus de construction du principe de la loyauté dans la recherche des preuves et a contribué à établir ce principe. Mais un très fameux arrêt va créer une nouvelle reconnaissance du principe de la loyauté dans la recherche de preuve pénale et va éliminer beaucoup d'incertitudes concernant ce principe. C'est dans son célèbre arrêt Imbert du 12 juin 1952 que la chambre criminelle de la Cour de cassation française a imposé le principe de loyauté comme principe juridique. Cet arrêt va étendre le champ d'application du principe de loyauté aux officiers de police judiciaire. Il a fallu attendre jusqu'en 1952 pour que la Cour de cassation française confirme la naissance complète du principe de loyauté et élimine toute l'ambiguïté et les hésitations qui entouraient ce principe depuis l'arrêt fondateur,

437 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 103 : La décision des chambres réunies dans l'arrêt Wilson implique « que tous les moyens ne sont pas admis pour obtenir une preuve pénale, même dans le but d'atteindre une répression efficace. La Cour de cassation souligne ainsi que la fin ne justifie pas les moyens, quelle que soit l'importance des enjeux de la procédure ».

438 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 102.

439 V. sur ce point : M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 103 : « Il apparaît que la décision est prise en formation disciplinaire et surtout qu'elle se fonde sur un manquement aux obligations professionnelles des magistrats. Il ne s'agit désormais pas d'une règle de droit positif susceptible d'embrasser toutes les procédures en matière pénale puisqu'elle va s'appliquer intuitu personae ».

440

l'arrêt Wilson de 1888

. L'importance de l'arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952 réside dans

105

l'étendue du champ ou du domaine d'application du principe de la loyauté par rapport à l'arrêt

Wilson de 1888 441 . Le demandeur au pourvoi dans l'arrêt Imbert reproche à la Cour d'appel de s'être fondée « sur un acte d'instruction accompli par un officier de police judiciaire commis rogatoirement et consistant à avoir provoqué et intercepté, entre le principal témoin et l'inculpé, un entretien téléphonique en vue d'amener ce dernier à faire des aveux ». Or, selon le pourvoi, les officiers de police agissant sur commission rogatoire sont soumis aux mêmes exigences que celles du délégant, c'est-à-dire du juge d'instruction, et notamment à

l'obligation d'agir découvert donc sans ruse ni stratagème 442 . La chambre criminelle dispose que cette opération d'enregistrement organisée par le commissaire sur commission rogatoire du juge d'instruction (elle précise même que ce dernier avait préparé la question à poser au prévenu par la personne sollicitée pour la tentative de corruption) « a eu pour but et pour résultat d'éluder les dispositions légales et les règles générales de procédure que le juge d'instruction ou son délégué ne sauraient méconnaître sans compromettre les droits de la

défense » 443 . Donc, l'arrêt Imbert déclare expressément que le principe de la loyauté de preuve est imposé aux officiers de police judiciaire lorsque ces derniers interviennent pendant la recherche des preuves sur la base de commissions rogatoires d'un juge d'instruction parce que ce dernier est obligé de se soumettre aux exigences du principe de loyauté dans la recherche des preuves conformément à la règle posée par l'arrêt Wilson. Avec l'arrêt Imbert, le principe de loyauté a commencé à exercer une influence certaine et explicite dans la recherche de preuve pénale étant considéré comme un devoir imposé sur l'épaule de l'autorité étatique qui recherche la preuve de l'infraction et son auteur.

440 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 104 : « La chambre criminelle de la Cour de Cassation confirme et éclaire ce mouvement dans son arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952, qui permet de limiter les inconvénients apparus à la lecture de la décision Wilson nés du critère choisi par les chambres réunies : celui de la personne qui agit, pour déterminer ensuite le champ d'application du principe général de loyauté dans la recherche de la preuve nouvellement érigée ».

441 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 104 : Pour Mme Marie-Emma Boursier, le champ d'application du principe de loyauté dans l'arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952 « concerne non plus directement les actions du juge d'instruction comme dans la décision Wilson, mais bien celles des officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire de celui-ci pour le recueil de la preuve des infractions ».

442 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, pp. 104-105.

443 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 105.

106

B. Les visas fondant le principe de loyauté.

68. Principe de loyauté et la Cour européenne des droits de l'homme. L'exigence d'une procédure juste et équitable est un concept qui inclut la notion de loyauté. La Convention européenne des droits de l'homme laisse sans hésitation à l'appréciation des législations

internes le soin de fixer les règles d'admissibilité des preuves 444 . La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme rappelle souvent que « l'article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que

telles, matière qui relève au premier chef du droit interne » 445 . Malgré l'absence expresse de la consécration du principe de loyauté, ce principe dans la recherche de la preuve constitue une nécessité d'obligations de source interne en droit français (le respect de l'ensemble des principes généraux protecteurs de la personne humaine) et d'obligation d'origine européenne. En effet, les principes issus de la C.E. D.H s'imposent aux juridictions répressives françaises, notamment celles de procédure pénale, et sont d'application directe en droit interne. L'article 6 de la Convention européenne revêt une importance particulière parce qu'il est applicable directement en droit interne et la jurisprudence de la Cour européenne interprète d'une manière très extensive la notion de procès équitable qui constitue indiscutablement le texte le

. La

446

plus important et le plus complet garantissant la loyauté de la preuve implicitement

Cour de Strasbourg applique indirectement le principe de la loyauté de preuve sous la notion

444 L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ne mentionne pas directement ou expressément le principe de loyauté dans la recherche des preuves.

445 (V. Schenk c. Suisse, arrêt du 12 juillet 1988, et Teixeira de Castro c. Portugal, arrêt du 9 juin 1998); Dans Affaire Jalloh c. Allemagne, 11 juillet 2006, Requête n°54810/00, la cour de Strasbourg a considéré dans le paragraphe § 96 de l'arrêt que « Pour déterminer si la procédure dans son ensemble a été équitable, il faut aussi se demander si les droits de la défense ont été respectés. Il faut rechercher notamment si le requérant s'est vu offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve et de s'opposer à son utilisation. Il faut prendre également en compte la qualité de l'élément de preuve, dont le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité ou de son exactitude. Si un problème d'équité ne se pose pas nécessairement lorsque la preuve obtenue n'est pas corroborée par d'autres éléments, il faut noter que lorsqu'elle est très solide et ne prête à aucun doute, le besoin d'autres éléments à l'appui devient moindre ».

446 V. P. Lemoine, « La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation (française) : « La Cour européenne des droits de l'homme, depuis un arrêt du 6 décembre 1988 (CEDH, 6 déc. 1988, Barbara, Massegue et Jabardo c/ Espagne, également CEDH 9 juin 1998, Texeira de Castro c/ Portugal), paraît avoir consacré une obligation de loyauté dans la réunion policière et judiciaire des preuves, corollaire de l'exigence d'un procès équitable. Elle prend soin cependant de rappeler que l'admissibilité des modes de preuve relève essentiellement du droit interne (CEDH, 12 juill. 1988, Schenk c/ Suisse), et que les organes de la Convention se bornent "à rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des preuves, revêt un caractère équitable" (CEDH, 6 déc. 1988, Barbara, Massegue et Jabardo).

447

de procès équitable comme un droit fondamental reconnu et garanti d'une manière

.

107

448

efficace

69. Loyauté et la Cour de cassation françaises. La chambre criminelle de la Cour de cassation française n'hésite pas à citer expressément le principe de loyauté des preuves en combinaison avec l'article 6§1 de la Conv. EDH et avec l'article préliminaire du CPP

français 449 . La loyauté dans l'administration de la preuve puise son existence dans l'article 6 de la convention EDH comme l'a affirmé expressément l'assemblée plénière de la Cour de

cassation française : 450 « L'assemblée plénière, chambre criminelle et chambres civiles de la Cour de cassation s'accordent au moins sur un point : la loyauté dans l'administration de la preuve puise sa source dans l'article 6, § 1er, de la Convention EDH relatif aux garanties

451

générales du procès équitable... ». De ce qui précède, on peut affirmer conformément avec l'avis de M. François Fourment que le principe de loyauté dans l'administration de la preuve

452

.

« a une valeur supra-législative et s'impose en matière pénale comme en matière civile »

Ceci explique les grandes marques de respect accordé au principe de la loyauté dans la recherche de preuve qui est dû à la hiérarchie des normes dans le système juridique. Pourtant,

447 V. B. Favreau, « Les droits de la défense dans l'espace judiciaire européen », in L'espace de liberté, de sécurité et de justice à la recherche d'un équilibre entre priorité répressive et exigence de garantie, Conférence prononcée à l'Université de Catane, le 10 juin 2005, dans le cadre du colloque Action Jean Monnet, p. 16 : « la Cour précise toutefois, relève «en priorité» du droit interne, ce qui signifie qu'elle se réserve toujours la mission de contrôler si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable ».

448 V. J.-F. Renucci, Introduction générale à la Convention européenne des Droits de l'Homme. Droits garantis et mécanisme de protection, Éditions du Conseil de l'Europe, 2005, p. 89 : « L'obligation de loyauté dans la réunion policière et judiciaire des preuves s'impose au nom de l'équité du procès » ; V. en ce sens : Cour eur. DH, 6 déc. 1988, Barberà, Massegué et Jabordo c/ Espagne, Série A n° 146.

449 V. Cass. crim 4 juin 2008, B.C., n°141 : «...Vu l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves; Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission;... ».

450 V. Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, Bulletin 2011, Assemblée plénière, n° 1 : « Il résulte des articles 9 du Code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que l'enregistrement d'une conversation téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».

451 F. Fourment, « Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale », Note sous Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, in D., 24 février 2011, n° 8, p. 562.

452 F. Fourment, « Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale », Note sous Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, in D., 24 février 2011, n° 8, p. 562.

108

il semble que la chambre criminelle de la Cour de cassation française n'applique pas le principe de loyauté d'une façon satisfaisante.

70. La loyauté de la preuve dans la procédure pénale libanaise. Le législateur libanais ne consacre pas expressément le principe de la loyauté de preuve comme norme juridique, ce qui fait de la loyauté un principe vague. Selon M. Hatem Madi, la liberté dans la recherche de preuve en droit libanais connaît quelques restrictions. Outre les restrictions prévues par la loi, il existe plusieurs restrictions imposées par les principes généraux du droit qui gouvernent de

453

manière suprême l'administration de la preuve pénalecomme l'affirme la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise : l'établissement des éléments de preuve dans une

procédure doit être fait en respectant le principe du contradictoire ; l'utilisation d'une preuve

454

455

obtenue de manière illégale comme la fraude, la torture ou la contrainte et par le moyen d'écoute clandestine et des méthodes scientifiques de preuve (le détecteur de mensonges et

456

l'utilisation de l'hypnose) ne peut être utilisée . Mais il est notable que, M. Hatem Madi ne mentionne pas expressément le principe de loyauté. De même, M. Atef Nakkib ne mentionne pas explicitement le principe de loyauté, mais il souligne qu'il est inacceptable d'adopter des méthodes de preuve qui sont incompatibles ou ne respectent pas scrupuleusement les droits de l'homme, et considère que ne relève pas d'une procédure correcte le fait d'arracher l'aveu ou toute autre déclaration de l'inculpé sous l'effet de la torture, des coups ou de la contrainte morale et sous l'influence de l'hypnose ou d'un médicament destiné à contraindre la volonté

d'une personne 457 . M. Atef Nakkib considère encore que n'est pas admissible parmi les moyens de preuve le fait d'imiter la voix d'une personne connue par l'inculpé lors d'une

458

conversation téléphonique pour obtenir une preuve . D'autre part, M. Elias Abou-Eid affirme que le juge doit s'élever au-dessus de tous les moyens méprisables afin de préserver le

453 V. en langue arabe : H. Madi, Procédure pénale, 2e éd., Éditions juridiques Sader, 2002, pp. 306-307.

454 V. en ce sens: Arrêt de la 3e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n° 152, le 23/6/1999, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1999, p. 163.

455 V. en ce sens: Arrêt de la 7e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n° 145, le 30/4/1998, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1998, p. 896.

456 V. en langue arabe : H. Madi, Procédure pénale, 2e éd., Éditions juridiques Sader, 2002, pp. 306-307.

457 V. en langue arabe : A. Nakkib, Procédure pénale. Etude comparative, Éditions juridiques Sader, 1993, Beyrouth, pp. 326-327.

458 V. en langue arabe : A. Nakkib, Procédure pénale. Etude comparative, Éditions juridiques Sader, 1993, Beyrouth, pp. 326-327.

109

459

principe de légitimité dans la recherche de preuve, M. Elias Abou-Eid a utilisé en langue arabe un terme qui désigne la légitimité en langue française, ensuite il a écrit en langue française le terme loyauté comme traduction française du terme arabe. Ce qui prouve que l'auteur confond continuellement légalité, légitimité et loyauté de preuve. M. Doreid Becheraoui mentionne le principe de loyauté en écrivant que les preuves obtenues doivent

l'être de manière totalement légale, sans contradiction avec le principe de la loyauté460 des

preuves 461 . À vrai dire, on ne peut pas parler d'une consécration jurisprudentielle du principe de la loyauté de la preuve pénale en droit libanais parce que c'est un principe qui est ignoré en droit libanais. Parmi les très rares arrêts, la loyauté comme principe général est consacrée par un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise qui affirme que les déclarations ont été accompagnées de violences et coups, ce qui implique en tout cas que

l'interrogation souffre du manque de loyauté 462 . Ce n'est pas exagérer que d'affirmer sans hésitation que le principe de la loyauté de preuve en droit libanais est un principe qui souffre d'une grande timidité jurisprudentielle et d'une ignorance doctrinale.

§ 2. La faiblesse du principe de loyauté de la preuve.

71. Les facteurs ayant contribué au déclin du principe. Peut-on parler d'un déclin du principe de loyauté ? Sans doute, le principe de la loyauté de preuve en matière pénale en droit français souffre sérieusement d'une absence de consécration législative et connaît depuis des années un déclin remarquable. Sa présence est donc très menacée comme principe fondamental et comme une garantie de moralité procédurale dans la recherche de la preuve. L'étude de ces menaces ou facteurs qui entourent le principe de la loyauté permet une meilleure compréhension des causes du déclin. Parmi les facteurs qui ont essentiellement contribué au déclin du principe de la loyauté, le premier de ces facteurs tient au statut

459 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 181, p. 289.

460 M. Doreid Becheraoui utilise en langue arabe le terme aleestqamh qui désigne rectitude en français puis il traduit l'expression arabe en français en écrivant : « Le principe de la loyauté des preuves ». Nous pensons que le terme arabe alnzaha désigne la loyauté en français.

461 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, p. 105.

462 V. en ce sens en langue arabe : Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n°45, le 22/1/1998, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 1996-1999, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth, 2000, n° 50, p. 81.

110

législatif. Le législateur libanais comme son homologue français n'a pas consacré expressément le principe de la loyauté de preuve pénale par des textes législatifs (A). Le second facteur qui constitue réellement un déclin du principe de loyauté est lié à l'application trop stricte du principe de liberté dans la recherche, la constatation et la production des preuves, et à la liberté totale du juge quant à l'appréciation des éléments de preuve (l'intime conviction du juge) (B). Le troisième facteur le plus important est l'application variable du principe de loyauté (C).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand