6.6. Annexe VI : Recension brut d'un des entretiens
ESI : Je suis étudiante en
3ème année, il s'agit d'un entretien de
mémoire, je vais vous poser des questions et à la fin de
l'enregistrement, si vous voulez on pourra reprendre un peu les questions pour
vous donner des informations complémentaires.
Depuis combien d'années avez-vous eu votre diplôme
d'état ?
IDE : Depuis 2013, ça nous fait 9 ans cet
été.
ESI : Et depuis combien d'années travaillez-vous
dans votre établissement ?
IDE : Ça fait 3 ans 1/2 et 4 ans cet
été, en fait.
ESI : Avant, vous avez fait quel service ?
IDE : J'étais sur le POOL médecine
à l'hôpital de Thonon et ensuite j'ai fait le service neuro qui
s'est transformé en médecine générale des
néphro.
ESI : Pour vous, qu'est-ce que la communication ?
IDE : En générale ? ESI : Oui, en
générale
IDE : C'est le fait d'interagir avec quelqu'un
oralement ou ... non pas forcément oralement. C'est le fait d'interagir
avec quelqu'un.
ESI : Il y a combien de type de communication ?
IDE : Je dirais deux. Verbale et non verbale
ESI : Selon vous, quelles sont les différences
entre une personne malentendante et sourde ?
IDE : Malentendante, c'est qu'elle va entendre quand
même des choses. Sourde, elle n'entendra rien. Il y aura que des bruits
internes j'imagine, propre à son corps. Malentendante, elle va entendre
des sons et des voix, des mots, mais pas correctement et elle ne comprendra pas
ce que l'on va lui dire.
ESI : Pour vous, qu'est-ce que la surdité ?
IDE : Heu ... c'est des colles en fait ! Ahaha
ESI : Ahaha, exactement. C'est pour ça que je vous
expliquerai tout à la fin ahah.
IDE : Alors la surdité, je dirais que c'est
à partir du moment où l'on entend moins bien. Si c'est une
première surdité et plus c'est grave, plus on va vers une
surdité grave et on n'entend plus rien. En gros mais je n'ai pas les
termes. Ahah
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ESI : Ahah ce n'est pas grave. Selon vous, pour une
personne sourde ou malentendantes, quelles sont les conséquences et les
risques sur sa vie quotidienne ?
IDE : Entendre ça fait tout pour une personne.
Si elle n'entend plus, elle se sentira perdue, voir même seule. Elle ne
discutera plus avec les autres, elle va s'isoler, ... elle se montrera triste.
Elle risque de ne plus pouvoir communiquer avec nous et les autres
résidents.
ESI : Quelle importance à la communication dans la
prise en soin d'un résident ?
IDE : Houlala bah tout ! Ça va permettre
déjà d'instaurer une relation de confiance, une relation tout
court, avec le patient. Du coup, ça va nous permettre de prendre en
soin, de manière à ce que la personne comprenne ce que l'on va
faire. Pour moi, la communication est primordiale pour ce que je vais faire et
que la personne comprenne et adhère ou pas, à ce que je vais
faire.
ESI : Quels seraient les risques et/ou les
conséquences liés à une non communication avec un
résident ?
IDE : Ah bah la non adhérence aux soins. Ou la
non compréhension du soin ou de l'action que je voulais faire. Je ne
sais pas si c'est clair.
ESI : Si ça l'est. Mais la conséquence pour
le résident ...
IDE : Ah bah le refus de soin. Euh ... pour moi,
ça peut être le refus de soins ou l'agressivité ou qu'il
n'y est pas de confiance. Vraiment que rien ne se passe.
ESI : Dans votre établissement, des
résidents sont-ils en situation d'isolement liée à une
communication déficiente ?
IDE : Alors, heu... on a une personne qui a une
surdité assez forte, quand même. Bon, elle a une démence
aussi... mais la communication est difficile, donc elle est très seule.
Et c'est une dame qui signe et nous on ne sait pas signer. Donc, c'est
très compliqué. Elle lit sur les lèvres donc
déjà maintenant c'est difficile (en montrant son masque), donc
elle est assez dans son coin. Après, je ne peux pas dire qu'ils soient
dans leur coin, car on va plus les chercher même s'ils n'ont pas envie.
Donc, effectivement ils peuvent à table, ne pas discuter avec les gens.
Ça pour moi c'est être dans son coin, du fait qu'ils n'entendent
pas. On en a quelques-uns. Soit parce qu'ils ne supportent pas les appareils,
car ça leur fait mal, soit parce qu'ils se sont habitués au fait
de ne pas entendre. On en a quelques-uns, mais ce n'est pas une
majorité.
ESI : Heureusement.
IDE : Oh oui
ESI : Avez-vous déjà pris en charge des
personnes en déficience auditive ... ? IDE : Dans ma
carrière ou ici ?
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ESI : Les deux
IDE : Oui, j'en ai déjà pris en charge,
par exemple la personne. Mais j'ai déjà eu des gens
complètement sourds, après on essaye toujours d'avoir quelqu'un
qui signe ou à rigueur lire sur les lèvres. On s'adapte un petit
peu. Des pictogrammes ou des choses comme ça. Euh ... autre que
ça ... après non ils sont tous appareillés. Je n'ai pas
trop rencontré ce type de population. Il en a mais je n'ai pas
beaucoup... ou sinon on développe le parler fort, ça on le
maitrise bien. Ahah. Fort et dans l'oreille. Mais sinon non, je n'ai pas eu.
ESI : Du coup, quelle serait la difficulté de cette
prise en charge ?
IDE : Le refus de soin et moi j'ai besoin de parler. Je
parle beaucoup et même pour expliquer. Ça serait difficile pour
moi que la personne ne comprenne pas ce que je vais faire. Car pour moi, c'est
50% du soin, que la personne comprenne les choses. Donc, faire les choses par
surprise ou quoi, ... c'est ça qui me dérangerait le plus en
fait. Juste faire une piqûre et ne pas dire je vais piquer ou je pique,
qu'il y est un sursaut. Ça peut entraver le bon déroulement du
soin. Ça peut entrainer une agressivité car les gens vont avoir
peur, on peut aller au refus de soin s'ils ne nous entendent pas et qu'ils se
débattent et que nous... oui ça serait ces grandes
choses-là.
ESI : Durant votre formation initiale, avez-vous
été sensibilisé sur les déficiences auditives ?
IDE : Mais c'est loin ça ! ahah. Je ne crois
pas, ça ne me dit rien, ça ne me parle pas du tout et non je ne
crois pas du tout.
ESI : Durant la carrière, avant ?
IDE : Non, même pas je ne crois pas. Les fois
où j'ai pu avoir, c'est une ou deux personnes avec des gens qui signent
ou des pictogrammes qui étaient apportés par les patients en
général avec eux, mais c'est tout. Je n'ai vraiment pas
rencontré beaucoup de ce type de personne là. Le plus c'est ici
à la MAPAD, où j'ai le plus de personnes malentendantes ou
j'adapte ma communication.
ESI : Depuis votre arrivée dans votre
établissement de soin, avez-vous eu des formations ?
IDE : Non, on n'a pas eu de formation, mais par contre
je crois que je l'ai demandé c'est pour apprendre la base des signes
pour signer. J'aurai bien aimé apprendre. Après, on a
été sensibilisé avec tous les pictogrammes, car justement
à l'arrivée de cette dame, on a mis en place des choses au
départ et c'est des choses que je connais par la neurologique, qui n'est
pas utilisée pour la même chose, mais qui peut être
utilisée de cette façon-là. Mais sinon, on n'a pas de
formation interne à ce niveau-là.
ESI : Est-ce que vous connaissez le nom des associations
du langage des signes ?
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IDE : Non pas du tout, je ne me suis pas du tout
penché sur la réponse, ça m'intéresse mais je ne me
suis pas penché dessus.
ESI : Eh bah je vous dirais tout après
l'enregistrement. IDE : Je veux bien
ESI : Connaissez-vous des moyens ou des aides que vous
pouvez employer afin de communiquer avec des personnes en déficience
auditive dans votre établissement ?
IDE : On a un énorme cahier de pleins de
pictogrammes. On a des petits, des gros, couleurs pas couleurs. Plusieurs
choses différentes. On a une élève qui nous a fait un gros
panneau sur ma journée. C'était pareil, pour une dame, avec une
la date, heure, le temps qui fait. Des choses comme ça pour comprendre.
De quelle humeur je suis. Des choses comme ça. Mais après, on n'a
pas plus d'outils que ça. Mais, on n'en utilise pas, donc on n'en a pas
développé plus que ça. Le jour où l'on a quelqu'un
qui est complètement sourd, on utilisera cette chose-là. Mais par
contre, on n'en a pas ... mais c'est moyen car on n'en a pas qui soit
déployé dans l'établissement à l'heure actuelle.
ESI : Pour la personne qui est malentendante, il y a
ses prothèses, mais qu'elle n'aime pas porter...
IDE : Je ne crois même pas, si elle a des
prothèses mais qui ne suffisent pas. Je crois qu'elle est comme
ça depuis qu'elle est petite. Dans une surdité qu'elle a depuis
toute petite, qui se majore avec le temps et elle a toujours signé et
quand sa fille quand elle vient, elle a un masque un peu spécial
justement. Au départ on avait trouvé et mis des masques avec une
vitre, pour justement les gens qui lisent sur les lèvres notamment cette
dame-là. Mais en fait ce n'est pas concluant car ça faisait de la
buée. Mais du coup pour cette dame, même si on lui parle fort elle
ne va pas comprendre, par contre si on lui fait lire sur les lèvres,
obligatoirement on est obligé de baisser le masque et de se reculer.
C'est quelque chose qui a été entendu avec la famille. Elle
comprend ce que l'on lui dit, on lui dit les mots et ça suffit avec le
langage de lire sur les lèvres. Sa fille signe, elle a son masque
exprès pour qu'elle puisse lire sur les lèvres et elle signe en
même temps pour qu'elle la comprenne. Mais nous notre moyen c'est la
lecture labiale et ça suffit pour le moment.
ESI : Avec les conditions actuelles du covid,
normalement c'est masque FFP2 pour les visites et employés, comment
ça se passe ?
IDE : La plupart des employés et cette dame a eu
le covid, donc pour l'instant c'est bon. Et en fait, on se reculait d'un
mètre et on baissait le masque, on disait la phrase, on remettait le
masque. Donc il n'a pas plus d'exposition que ça. Bon on ne fait pas non
plus une discussion avec cette dame, il y a une démence par-dessus donc
c'est juste : « comment allez-vous ? Je
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viens pour la toilette. Etc. » En temps de covid, on n'a
pas de personnes avec qui on est complètement bloqué
ESI : De quoi avez-vous besoin pour répondre aux
difficultés de communication avec les personnes malentendantes ?
IDE : Pour l'instant, je ne dirai rien car on y arrive
quelque part. Après ça serait pas mal de sensibiliser les gens
sur... je pense par respect pour elle, j'aimerai bien savoir dire : «
bonjour, comment ça va, au revoir, merci » Juste du fait de savoir
ça avec les signes, pour qu'elle voit, elle n'a pas la capacité
de comprendre que l'on fait ça pour elle. Mais une personne qui vient de
l'extérieur du même cas, j'aimerai bien savoir dire ces mots.
Juste avoir des petites formations sur ces types de personnes. Enfin je pense
que ça devrait être fait partout.
ESI : Oh oui
IDE : Car je pense que le jour où l'on est face
à des gens comme ça, on est bloqué autant eux que nous.
Car nous on communique, eux communiquent différemment. Donc qui
communique normalement. Il me manquerait ça pour moi. Après on
adapte. Mais ça ne suffit pas.
ESI : Trouvez-vous que les conditions actuelles du
covid-19 induisent une part supplémentaire d'isolement des
résidents avec un handicap auditif ?
IDE : Sur tous les points ? ESI : Oui
IDE : On a eu beaucoup de mal avec les masques au
début car on a des gens malentendants léger appareillés
qui comprennent bien si on parle fort mais qui lisent sur les lèvres car
ça les aide pour le confort. Mais si ! J'ai une collègue, comment
n'ai-je pas pensé à elle ! J'ai une collègue qui est
malentendante et qui a des appareils et quand elle en a marre, elle les coupe
comme ça elle n'entend plus personne. Elle, elle s'est
complètement isolée et les résidents pareils car ça
a coupé. Par exemple pour ma collègue, elle verbalisait bien les
choses et je pense la plupart des résidents n'osait pas nous le
verbaliser car par exemple quand on est dix on connait un peu les voix de tout
le moment mais elle ne savait pas qui parlait, et en fait elle avait toujours
l'impression que l'on se fichait d'elle. En plus, c'était très
angoissant pour elle, ce contexte de masque et plusieurs fois elle s'est
isolée. On la voyait s'isoler dans sa bulle et c'est vrai que les
résidents ne se sont pas sentis isolés à ce
niveau-là, car ça a mis une barrière à ce
niveau-là. Pour moi, ce masque est une barrière à la
communication et du coup il a empêché la bonne communication.
Maintenant, ça va un peu mieux, ils sont habitués nous aussi, on
parle un peu plus fort, ça va un peu mieux. Mais au départ, la
première année j'ai trouvé que c'était très
difficile pour tout le monde. Dans les cantous, ils ne supportent pas de voir
les masques, ils nous les baissent.
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C'est difficile, ce contexte. Après nous on a toujours
fait pour protéger les gens donc on a mis les masques dès le
début, on a isolé des familles dès qu'il y avait des cas
de covid ou des choses comme ça mais après on fait attention
à ce qu'il faut pour que le contact humain reste mais c'est ce fichu
masque qui fait que sinon au niveau covid, ça un peu isolé les
gens au premier confinement. Mais c'est de nouveau ouvert ça va bien.
ESI : Est-ce que vous avez beaucoup de syndrome de
glissement avec l'isolement des patients ?
IDE : Alors, pas tant. Pas tant car on est très
très vigilant là-dessus. On a une équipe d'aide-soignante
qui est très vigilante là-dessus et dès que l'on a des
gens isolés, elle passe les voir régulièrement, nous
aussi. On fait très très attention à ça. Bon
après s'ils veulent rester dans leur chambre, on les laisse bien
sûr. Mais on n'a pas eu beaucoup de syndrome de glissement en deux
ans.
ESI : Les résidents mangeaient tous ensemble ou en
chambre ?
IDE : C'est arrivé une fois, quelques jours je
crois. Au premier confinement ou deuxième confinement. Enfin la
première année. On a dû confiner en chambre, car on a deux
cantous de dix donc on a juste séparé les cantous par
activité. Avec chaque agent confiné dans leur service et nous
à l'étage, on a deux unités, une de 28 et une de 14 que
l'on a confiné en chambre au tout début. Mais ça
été l'horreur. Déjà pour nous, logistiquement
parlant c'était très difficile. Pour eux pour comprendre, car ils
ont un peu de démence de sénilité, comprendre le pourquoi
du comment, c'était très difficile. Donc ça n'a pas
duré très longtemps. Puis on a préféré
isoler par service, en sachant qu'ils sont vaccinés depuis le
début, les agents c'est pareil. Le risque n'est pas très
élevé et on a une bonne étoile au-dessus de la tête
ou un travail bien fait. Ça a été tous ensemble en salle
de vie, comme d'habitude. Hormis ceux qui sont positifs, c'était
isolé bien sûr.
ESI : Je n'ai plus de questions est-ce que vous voulez
revenir sur un point ?
IDE : Non, il y a juste ma collègue que je n'ai
pas pensé. Qui est la même chose que la dame. Mais sinon non.
Nom : BOUARD Alexia Name : BOUARD Alexia
« Les résidents dans le monde du
silence
et la communication de l'infirmier »
Dans un EHPAD, en quoi l'adaptation de la communication de
l'infirmier auprès des résidents en déficience auditive
peut permettre de réduire l'isolement social ?
Résumé : Ce mémoire
présente l'importance de la communication dans la prise en charge des
résidents en déficience auditive. Pour l'analyse, j'ai
interrogé trois infirmières d'EHPAD et j'ai confronté
leurs données et celles de mes recherches documentaires. La
communication reste indispensable dans notre métier, sans elle,
l'adhésion aux soins sera rompue et le résident ne nous fera plus
confiance. La différence entre une personne sourde et malentendante
ainsi que la définition d'une surdité sont peu connues. Les
troubles auditifs induisent de l'isolement et ils ont des répercussions
sur la vie personnelle, sociale et psychique. Des moyens sont mis en place pour
créer une relation soignant-soigné qui favorisent la
communication et évitent l'isolement. La covid-19 a apporté du
stress et de l'isolement supplémentaire pour tous les résidents
même sans surdité, mais grâce aux stratégies
infirmières, ils peuvent être réduits. Les résultats
démontrent que l'adaptation de la communication de l'infirmier est
indispensable dans la prise en charge des déficiences auditives et dans
la réduction de l'isolement des résidents. Cependant la
surdité est un domaine restant peu connu et peu abordé dans les
formations soignantes.
Mots clés : communication, isolement,
infirmier, déficience auditive, EHPAD
« Residents in the world of silence and nursing
communication »
In an EHPAD, how can the adaptation of the nurse's
communication with residents with hearing loss reduce social isolation
?
Abstract : This thesis discusses the importance of
communication in the care of residents with hearing loss. For the analysis, I
interviewed three nurses from the EHPAD, then I compared their research and my
documentary research. Communication is really essential in our profession,
because without it, adherence to care will be broken and the resident will no
longer trust us. Little is known about the difference between a deaf person and
a hard of hearing person and the definition of deafness. Hearing disorders lead
to isolation and have repercussions on personal, social and psychological life.
Means are put in place to create a relationship between caregivers and
patients, to promote communication and avoid isolation. Covid-19 has brought
additional stress and isolation for all residents even without deafness, but
thanks to the nurse's methods, these can be reduced. The results show that the
adaptation of the nurse's communication is essential in the management of
hearing impairments and in the reduction of the isolation of residents.
However, deafness is an area that remains little known and little addressed in
nursing training.
Key words : communication, isolation, nurse,
hearing impairment, EHPAD.
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