3.2.2. Discussion et conclusion
a) La non-incinération comme facteur de maintien de la
matière organique et de la fertilité du sol
La matière organique est la base de la fertilité
des sols (Maldague, 2007). Cet auteur propose de mettre fin au système
d'agriculture itinérante sur brûlis, de ne plus défricher
dans les forêts primaires pour une utilisation agricole non durable,
d'appliquer les règles de gestion des bassins versants,
d'améliorer les pratiques agricoles et de recourir à
l'agroforesterie si on l'on veut maintenir de manière durable la
matière organique du sol. L'agriculture itinérante sur
brûlis (ASB) est jusqu'à ce jour pratiquée par 60 à
70 % de la population en RDC (Semeki, 2007). Selon Chaplot, 2008, ce
système utilise essentiellement le feu lors de la préparation du
terrain avant la mise en culture et se fait suivre des périodes de
jachères plus longues que de périodes de cultures. C'est dans ce
contexte que (Tollens. 2010) estime que dans ce système, ce sont les
périodes courtes de culture qui se succèdent à des longues
jachères naturelles arborées et destinées à
régénérer la fertilité des sols. La durée de
la jachère peut prendre 15 à 20 ans (Van Vliet et al.
2012) et dans cette condition, l'agriculture Itinérante sur brûlis
peut ou ne pas constituer une menace pour les écosystèmes
naturels (De Wachter 1993) si les exploitants exerçaient une pression
relativement faible sur la forêt primaire (Maldague, 2007). Cela est
influencé par la pression démographique. Lorsque la
densité de la population est faible et que la qualité des sols
est bonne et/ou l'accès aux marchés est réduit, l'ASB peut
être un choix parfaitement rationnel (Ickowicz,2006 ; Nielsen et
al. 2006).
Inversement, lorsque la croissance démographique est en
plein essor cela se traduit par le raccourcissement de la durée de la
jachère et une dégradation accrue des forêts, du fait de
l'augmentation des besoins en surfaces agricoles pour les populations.
En RDC, certaines études suggèrent que lorsque
la densité de population atteint 20 à 30 habitants au
km2, l'ASB n'est plus viable, car il n'y a plus de période de
jachère, entraînant ainsi une diminution de la fertilité
des sols, et delà la réduction des rendements (Zhang et al.
2002). Selon (Karsenty, 2012), le taux de croissance de 3.3% en RDC
entraîner un doublement de la population dans les 22 prochaines
années. Cela étant, considérant que la densité
moyenne de la RDC est déjà proche de 30 hab/km² (mais
considérant également qu'il y a une forte
hétérogénéité de densités dans le
pays), l'on peut craindre un accroissement de la pression plus rapide de la
population sur la forêt. Les rendements obtenus sur la friche non
incinérée lors de la préparation du terrain (moyenne de
24,43 t/ha) n'ont pas indiqué des différences statistiquement
significatives par rapport à l'ASB (29,71 t/ha en moyenne). Cependant,
il ressort que le sol a été bien organisé après la
culture du manioc dans la friche non incinérée. La
non-incinération lorsqu'elle est pratiquée dans les
jachères en zones forestières, elle permet (i) la conservation de
la matière organique dans le sol (de 2,8 % à 3,25 %
respectivement avant et après le manioc), (ii) l'amélioration de
la structure du sol (30,07 % de limon après le manioc contre 23,38 %
avant le manioc), (iii) une réduction de l'acidité du sol (de
5,38 à 5,96)et de la porosité (de 57,14 % avant le manioc
à 48,59 % après le manioc. La densité apparente aussi est
améliorée. En sol incinéré par contre, on observe
des phénomènes contraires tels que la diminution du pH et
l'augmentation de la porosité. La structure du sol est mal
organisée. On reproche à l'ASB une perte rapide de la
fertilité du sol. Cette pratique ouvre la porte au déboisement
tropical, à la perte de la biodiversité et au
réchauffement mondial (Fujisaka et Escobar, 1997). Le rapport mondial
sur le changement climatique de 2007/2008 attribue jusqu'à 14% des
émissions de gaz à effet de serre à l'ASB. Pourtant la
non-incinération épargne l'environnement de tous ces effets
néfastes sur le climat et permet de sédentariser le
système agricole surtout lorsqu'elle est associée à
d'autres pratiques telles que l'agroforesterie, la rotation et les associations
des cultures. Dans ce contexte, on peut soutenir une production
végétale sur la même surface pendant plusieurs saisons et
épargner la forêt des effets destructifs de l'ASB.
b) La non-incinération face aux changements climatiques
(cas de la sécheresse)
Le manioc exige une bonne pluviosité surtout en
début de croissance. A cause des changements climatiques, il se
chevauche de plus en plus des périodes sèches pendant les saisons
de pluie et cela influence défavorablement le rendement du manioc. On a
observé des pertes très importantes de rendements à cause
de la sécheresse. La décroissance de rendement due à la
sécheresse est évaluée à -47 %. Pendant ces
périodes sèches inattendues, il est impérieux d'adopter
des pratiques culturales qui permettent d'épargner au sol les radiations
directes du soleil qui provoquent une incertitude des rendements liés
aux carences hydriques (Dugué et Floquet, 2000). La pratique telle que
la non - incinération permet de maintenir pendant des périodes
relativement longues une bonne litière au sol. Celle-ci, jouant le
rôle de paillis, permet aussi de conserver l'eau dans le sol.
c) Le choix de variétés de manioc
résilientes aux changements climatiques
Les variétés de manioc s'adaptent
différemment aux effets pervers des changements climatiques. On observe
que la variété Mvuama réagit plus positivement aux
conditions de la non - incinération (28 t/ha). Les écarts de
rendement entre l'incinération et la non-incinération sont de 16
% en faveur de l'incinération mais ne présentent pas des
différences statistiquement significatives. Obama a produit 21 t/ha en
condition de non-incinération et les écarts sont de 22 %
lorsqu'il est comparé aux conditions d'incinération.
Suivant les saisons de cultures, Mvuama réagit aux
conditions de saison de transition (39 t/ha). Les pluies qui
précédent les périodes sèches suffisent à
cette variété de maintenir sa production même si une
situation de sécheresse survient un ou deux mois après la mise en
place du manioc. Cependant, Obama se comporte bien lorsque les conditions
hydriques sont optimales. Cette variété ne supporte pas les
périodes sèches allongées au début de sa
croissance. Les pertes de rendement peuvent aller jusqu'à- 42 %.
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