Essai critique de la nature juridique. Justice-paix-travail en droit positif congolais.par Michel Ntumba mpoyi Université de Lubumbashi - Licence en Droit 2019 |
§3. LE TRAVAILNous allons examiner la naissance du travail (A), et l'évolution du travail (B). A. Naissance du travailLe Droit du travail, contrairement au Droit civil auquel il est souvent comparé, est de création relativement récente. Il n'a pas toujours existe. Son apparition est en réalité étroitement liée au développement, au XIXe siècle, d'un vaste prolétariat urbain et ouvrier, travaillant dans des conditions très dures, souvent inacceptables. Cette apparition, cependant, n'a pas été spontanée. La création du droit du travail s'inscrit dans un contexte de luttes et de conquêtes sociales. Il ne s'affirmera vraiment qu'au XXe siècle, avec l'avènement d'un Etat pratiquant l'interventionnisme économique et social. Cet Etat cependant aujourd'hui fortement déstabilisé, le droit du travail classique s'en trouve lui aussi contesté.49(*) Ø Le corporatisme d'Ancien Régime Il n'existait pas à l'époque monarchique de législation sociale telle que nous la connaissons aujourd'hui. Les professions, dites jurées, étaient regroupées en corporations, elles-mêmes organisées par des statuts. Ceux-ci tendent lieu de lois économique et sociales, défendant l'intérêt professionnel du groupement et organisant une entraide mutuelle entre ses membres. Ces corporations étaient cependant très hiérarchisées (maîtres, compagnons et apprentis) ; elles se figèrent définitivement après le XVIe siècle, interdisant toute ascension sociale aux catégories inferieures. Cette sclérose, sociale mais aussi économique, exposa les corporations à la critique du libéralisme naissant, qui devait triompher avec la Révolution de 1789. Celle-ci entraîna la chute du corporatisme, qui laissa la place à un grand vide social.50(*) Ø L'anomie de l'époque libérale Le décret d'Allarde et la loi le chapelier, en 1791, ont supprimé les corporations et interdit les groupements. Il n'exista plus alors de dispositions pour réglementer les rapports salariés. Le code civil de 1804 se bornait à interdire l'engagement perpétuel(en souvenir du servage d'antan) et précisait qu'en cas de litige, le maître (c'est-a-dire l'employeur) était cru sur parole. Les conditions de travail étaient en réalité définies alors par le contrat de travail, appelé contrat de louange de services.51(*) Les salariés étaient toute fais relativement peu nombreux à l'époque (pour l'essentiel des « gens » de maison et des « domestiques »agricoles). Cependant, avec la révolution industrielle, le salariat ouvrier devait rapidement et fortement progresser. Ces nouveaux travailleurs n'étant pas en situation de négocier égalitairement avec les patrons, leurs conditions de travail se dégradèrent et jamais la formule de fouillé « qui dit contractuel dit juste » ne fut plus cruellement démentie. Le contrat de travail était devenu un véritable diktat. Villermé put ainsi dresser le « noir tableau » de la condition salariée et dénoncer le « campement de la classe ouvrière dans la Nation ». Sous l'influence de diverses doctrines sociales (catholicisme social, socialisme), une première ébauche du droit du travail s'esquissa alors. Les pouvoirs publics firent adopter en 1841 une loi sur le travail des femmes et des enfants, première loi sociale, plus humanitaire d'ailleurs que réellement sociale. La Révolution de 1848 permit ensuite la proclamation du droit au travail et l'Empire libéral supprima la prison pour grève. L'ère des luttes sociales et du droit du travail pouvait ainsi commencer.52(*) * 49 MOULY.J, Droit du travail, 6e édition, Nouvelle Imprimerie LABALLERY, France, mai 2012. p.12. * 50 Ibidem. * 51 MOULY.J, Op.cit. * 52 Idem, p.13. |
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