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Les sociétés anonymes dans la législation haïtienne. Entre favoritisme et rigorisme.


par Maniela SEJOUR
Université d'Etat d'Haiti - Licence en droit 2012
  

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CHAPITRE IV : LES OBLIGATIONS FISCALES DES SOCIETES ANONYMES

Les obligations des sociétés anonymes sont nombreuses et ont toujours un caractère contraignant. Elles sont d'ordre juridique, d'ordre administratif ou d'ordre fiscal. En général, les trois sont consacrées par la législation et on peut donc affirmer sans l'ombre d'un doute qu'elles découlent toutes du droit positif. Cependant, les obligations fiscales sont celles qui soulèvent le plus de controverses dans le domaine. L'une des caractéristiques du fisc c'est qu'il est réaliste, c'est-à-dire qu'il est opposable au contribuable dès qu'il y a matière à imposer, sans considération de la légalité et/ou de licéité des sources de revenus imposables. C'est peut être ce réalisme -ou ce cynisme- qui rend les obligations fiscales aussi accablantes. Dans ce chapitre, il sera question des obligations fiscales dans ce qu'elles ont de rigueurs et de libertés (ou faveurs !). La section I traitera de l'inégalité devant l'administration fiscale, la section II abordera la question de la double imposition applicable seulement aux sociétés anonymes et la section III énoncera les impacts du rigorisme fiscal (et de toutes les autres rigueurs).

Section I : L'égalité devant l'impôt, un principe discuté

Les sociétés commerciales sont généralement soumises aux différents prélèvements fiscaux dans le pays où elles sont fiscalement domiciliées, quelque soit leur nationalité. La loi fiscale ne tient pas compte de la nationalité, mais de la territorialité. En d'autres termes les sociétés commerciales haïtiennes et étrangères sont imposées en vertu des mêmes principes. Chaque Etat est souverain pour imposer selon le principe de la territorialité. Aussi, a-t-il la possibilité ou bien d'imposer des revenus réalisés sur son territoire ou bien de n'imposer que les revenus réalisés par ses résidents quelque soit leur provenance, ou les deux.

Les sociétés commerciales sont assujetties à différents droits, taxes et impôts. Ils peuvent être des impôts indirects (ex : le droit d'accise, la taxe sur le chiffre d'affaire, les droits de douane, le droit d'enregistrement...), des impôts locaux (ex : la patente, la contribution foncière des propriétés bâties, la contribution au fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales), ou des impôts sur les revenus. Généralement, il n'y a pas de discrimination lorsque les sociétés commerciales paient les impôts locaux et indirects. Mais s'agissant de l'impôt sur le revenu, les disparités sont criantes entre les sociétés anonymes et les autres types de sociétés

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commerciales. Voilà pourquoi l'accent sera mis l'impôt sur le revenu individuel (IRI) ou celui sur les sociétés (IS).Parlons d'abord de l'impôt tout court.

L'impôt constitue un prélèvement obligatoire effectué par voie d'autorité par une administration (État, collectivités territoriales, provinces, régions et départements, cantons, pays, communes etc.) sur les ressources des personnes vivant sur son territoire ou y possédant des intérêts pour être affecté aux services d'utilité générale. Formant aujourd'hui la plus grosse part des recettes publiques (sauf ressources minières extraordinairement abondantes), les impôts alimentent le budget de l'État ou d'une subdivision nationale ou fédérale (une province, une région, un territoire, un département, un district, etc.), et dans une moindre mesure des organismes à compétence spécialisée. Historiquement, l'impôt est un élément important dans l'histoire des États et l'évolution de leurs formes : l'État moderne se réserve le monopole de la levée des impôts. Gaston Jèze a défini dans la première moitié du XXe siècle l'impôt de la manière suivante : « L'impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques1». C'est la définition classique de l'impôt. Selon BELTRAME2, l'impôt est un acte de la puissance publique, perçu dans un but d'intérêt général et qui constitue un prélèvement sur la propriété. L'égalité devant l'impôt est un principe reconnu en droit, mais un principe souvent discuté.

A) Du principe de l'égalité devant l'impôt

Les lois fiscales ont des caractères qu'elles seules s'attribuent3. Elles sont à la fois autonomes et réalistes. Elles s'encadrent d'un ensemble de principes juridiques pour les aider à bien remplir leur mission. Le droit fiscal consacre quatre principes concernant l'impôt :

1- Le principe de la légalité de l'impôt : qui fait de la loi la source de tout impôt. Un impôt n'est pas valable s'il ne découle pas d'une loi, d'un décret, d'un décret-loi,

1 - Professeur Gélin I. COLLOT : Cours de Droit Fiscal, 3e Année ,2009-2010.

2- BELTRAME, Pierre : La fiscalité en France, 3e édition Hachette 1994, page 12.

3- GORE, F. et JADAUD, B. : Droit fiscal des affaires, 2eme édition, Précis Dalloz, Paris, 1997, page 8.

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d'un traité international, ou d'une règle administrative (art. 218 de la constitution du 29 Mars 1987).

2- Le principe de l'égalité devant l'impôt : qui fait des contribuables des sujets égaux devant l'administration fiscale. Ce principe a fait couler jusqu'ici beaucoup d'encre, car l'égalité devant l'impôt est comprise différemment par chaque contribuable selon ses intérêts. (art. 219 de la constitution). De manière générale, on parle de l'égalité fiscale pour absorber toute la masse fiscale dans le principe.

3- Le principe de la nécessité de l'impôt : l'impôt est nécessaire pour la couverture des charges publiques et la redistribution des richesses. Pour remplir des fonctions d'intérêt général, économiques et sociales que l'Etat s'attribue, l'impôt est indispensable.

4- Le principe de l'annualité de l'impôt : Généralement, l'impôt est perçu chaque année. D'ailleurs un calendrier fiscal est établi annuellement et l'année fiscale est aussi ponctuelle que l'année ordinaire. (Article 152 du décret du 29 Septembre 2005).

L'égalité fiscale recouvre une dimension politique et juridique1. Le principe d'égalité fiscale est d'abord entendu comme l'égalité des contribuables devant l'impôt. En ce sens, il découle de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC). Celle ci établit que la " contribution commune (...) doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". C'est l'idée d'une justice fiscale. Afin d'assurer une répartition plus juste de la charge fiscale et de favoriser une égalité de sacrifices financiers, le législateur est donc autorisé à opérer des différences de traitement (ex : payer 20 % de son revenu est un effort plus important pour les moins aisés).

En 1987, les Constituants ont reconnu au principe d'égalité devant l'impôt une valeur constitutionnelle. Bien qu'un contrôle attentif ne soit pas exercé sur chaque impôt séparément des autres, la constitution du 29 Mars 1987, en son article 219 consacre le principe de l'égalité devant l'impôt. Elle considère que l'égalité devant les charges publiques s'entend comme l'égalité devant le système fiscal, c'est-à-dire devant l'ensemble des prélèvements obligatoires, ensemble des impôts et des cotisations sociales perçus par l'administration publique.

1 - TROTABAS, Louis et COTTERET, Jean-Marie : Droit Fiscal, 8e édition Dalloz, Paris, page 118.

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Le principe d'égalité devant l'impôt consiste également en l'égalité des contribuables devant la loi fiscale. Il découle des articles 1 et 6 de la DDHC qui proclament respectivement l'égalité des hommes et l'égalité devant la loi. Un même régime fiscal doit alors s'appliquer à tous les contribuables placés dans la même situation.

Posée en réaction face aux privilèges fiscaux de l'Ancien Régime en France et à ceux accordés aux nantis d'Haïti à l'époque moderne, l'égalité fiscale est aujourd'hui surtout invoquée dans le débat politique contre des exonérations fiscales ciblées, assimilées à des privilèges. Elle est souvent rapprochée des principes de proportionnalité et de progressivité de l'impôt.

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