Dans la théorie microéconomique, une fonction
de production détermine le lien entre la quantité d'input
utilisée dans le processus de production et la quantité d'output
obtenue à terme. Pour Thiry et Tulkens (1988), il y a lieu de
préciser que : « la fonction de production spécifie les
quantités maximales d'outputs accessibles pour tout niveau des inputs,
et, pour tout niveau de l'output, les quantités minimales
nécessaires à leur obtention». Le recours aux
frontières de production au-delà des simples relations
établies entre outputs et inputs se fonde sur cette notion de
maximalité et l'imperfection de l'être humain
caractérisée par la sous-utilisation des facteurs de production.
La frontière de production est une fonction limite sur la base de
laquelle sera mesurée l'efficacité de chaque producteur. Le
principal objectif de l'analyse par fonction de production est la
détermination du degré d'inefficacité économique
des agents.
Farrell (1957) fut l'un des précurseurs dans
l'élaboration des méthodes de détermination de
l'efficacité/inefficacité économique d'un système
de production. Il procède par la construction d'une frontière de
production et d'une droite d'isocoût pour déterminer les deux
types d'efficacité vus précédemment. Une frontière
de production est une fonction qui indique la quantité maximale d'output
obtenue, à l'issu d'un processus de production, pour une quantité
donnée d'input. Ainsi, toute technologie qui ne permet pas au producteur
de se situer sur la frontière est dite techniquement inefficace. Cette
inefficacité est mesurée par l'écart entre le niveau de
production observé et la frontière de production, soit le
complément à un du score d'efficacité technique (Farrell,
1957).
Dans la littérature économétrique, deux
familles de méthodes de construction des frontières de production
sont proposées, les méthodes paramétriques et des
méthodes non paramétriques. Les
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
méthodes paramétriques seront
développées dans la partie méthodologique du document ;
à présent nous nous intéressons aux déterminants de
l'efficacité afin d'en déduire le lien existants entre elle et la
décision d'adoption de techniques agricoles.
VII.1.3 Déterminants de l'efficacité
technique
L'analyse des théories économiques
récentes sur les déterminants de l'efficacité technique,
dans le cadre agricole, fait ressortir généralement des facteurs
d'ordre financier, organisationnel, sociodémographique et les facteurs
relatifs à la nature (le climat).
Selon Battese et Coelli (1993), l'efficacité technique
est fortement influencée par l'accès au crédit, le niveau
d'encadrement des agriculteurs, l'expérience, l'âge et le niveau
d'instruction de l'exploitant. La significativité de l'influence de
l'accès au crédit a fait l'objet de plusieurs controverses. Pour
certains chercheurs, le niveau d'accès au crédit influence la
productivité mais pas l'efficacité technique (Nuama, 2010). Quant
à la relation entre l'efficacité technique et le niveau
d'instruction, elle est établie de façon indirecte. En effet,
plus sera instruit un exploitant plus celui-ci serait apte à
apprécier la pertinence de certaines techniques agricoles et cela
pourrait agir positivement sur son efficacité technique. Cependant, un
individu plus instruit aura tendance à mieux se concentrer sur des
activités non agricoles au détriment du niveau d'attention
accordé à son exploitation agricole (Audibert et al. 1999).
Ces développements théoriques vont ainsi donner
lieu à plusieurs travaux empiriques visant à déterminer
l'influence de l'adoption des technique CES/DRS sur la performance des
exploitations agricoles. Les plus récents d'entre ces travaux ont
utilisé la notion de frontière de production pour atteindre leurs
objectifs.
Travaux empiriques sur les liens entre
l'efficacité et l'adoption des CES/DRS
Les travaux de détermination des opportunités
d'adoption des techniques de conservation et de défense des eaux et sols
se sont effectués essentiellement sur la base de la productivité
et de l'efficacité technique ou allocative. L'on distingue
principalement deux types d'approche utilisés : l'analyse par
frontières de production et l'analyse par fonctions de production
moyennes.
Shively (1998) réalise une étude visant
à déterminer l'influence des techniques de conservation de sol
sur le rendement et sa variabilité. Il utilise des données
recueillies sur un échantillon de 89
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
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exploitations de maïs en Philippines, pour la
période 1994/1995, concernant l'utilisation des haies vives. Dans son
étude, deux modèles ont été utilisés : un
modèle de choix binaire pour modéliser le choix d'adoption et un
modèle de régression avec
hétéroscédasticité pour déterminer l'impact
de cette adoption sur le rendement et sa variabilité. Au niveau du
deuxième modèle, Shively (1998) effectue une régression
sur les deux sous populations (adoptants et non adoptants) en utilisant le
rendement comme variable expliquée. Cette dernière variable est
expliquée par la quantité de travail effectué sur
l'exploitation, la légalité du statut de l'exploitation, la
profondeur du sol et l'âge de l'exploitation observés dans chaque
strate. Les analyses effectuées à base de cette méthode
ont mis en exergue un impact positif de l'adoption des haies vives sur le
rendement. En effet, les résultats obtenus ont
révélé que l'adoption des haies vives contribue à
augmenter le rendement par hectare de 125 kg, même si cette contribution
est décroissante avec l'intensité d'adoption. En ce qui concerne
la variabilité du rendement, dans les travaux de Shively, elle est
négativement influencée par l'adoption des haies vives. Il
ressort des travaux de Shively que l'adoption des techniques de conservation
améliore la productivité totale et diminue la variabilité
de la production.
Kinane (2002) analyse les déterminants de l'adoption
des cordons pierreux et des zaï dans le Yatenga au Burkina Faso en
utilisant des données sur un échantillon de 199 ménages
agricoles (sur 685 au total) recueillies en 1998. A travers une fonction de
production de type Cobb Douglas, il mettra en exergue l'effet de l'adoption des
deux techniques de CES citées précédemment sur la
production. Les résultats montrent que les variables liées aux
pratiques de CES/DRS expliquent à 30% la production. Ces variables sont
: l'âge des sites antiérosifs, le niveau de formation de
l'exploitant sur les techniques utilisées et la consommation en fumure
organique.
Albouchi et al. (2006) mènent des travaux visant
à estimer l'efficacité économique des exploitations
agricoles du bassin versant de Merguelli en Tunisie. Les données en
panel recueillies couvrant la période 1994-2003 leur permet de
construire une frontière de production stochastique basée sur les
fonctions de production de type Cobb-Douglas et évoluant dans le temps.
La frontière de production construite mettait en relation la production
annuelle et différentes variables susceptibles de l'influencer. Comme
variables explicatives, l'on retrouve dans ces travaux la consommation
intermédiaire en substances organiques, minérales et
phytosanitaires (engrais, eau d'irrigation et produits divers), le travail, les
charges (de transport et des travaux mécaniques), le
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
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capital et la terre. L'analyse de la frontière de
production permet de déterminer les scores d'inefficacité de
chaque individu. Ces scores ont ensuite été expliqués par
d'autres variables dont l'adoption des techniques de conservation des eaux. Les
résultats ont montré que l'adoption de ces techniques contribue
à réduire significativement l'inefficacité des
exploitations du bassin de Merguelli.
Les développements faits sur l'adoption des techniques
de CES/DRS nous ont permis d'exhiber les différents indicateurs à
exploiter pour l'atteinte des objectifs de cette étude et aussi de
déterminer les méthodes d'analyses adéquates aux
données dont nous disposons. C'est donc à partir de ces
développements que sera élaborée notre méthodologie
de détermination des barrières et avantages liés à
l'adoption des techniques de CES/DRS dans la zone sahélienne
burkinabè.
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
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