La théorie de l'action planifiée est une
extension de la théorie de l'action raisonnée. Elle a
été développée par Ajzen (1991). L'apport majeur de
cette théorie est la prise en compte des perceptions de l'individu sur
les capacités dont il dispose pour atteindre ses objectifs. Selon
Ajzen(1991) l'intention d'adoption d'un comportement donné est aussi
influencée par la perception du contrôle sur celui-ci. La
perception du contrôle sur le comportement regroupe principalement 4
aspects : les ressources disponibles, les capacités personnelles, les
opportunités éventuelles, la perception de l'importance des
résultats possibles. La notion de perception du contrôle sur le
comportement présente des similitudes avec celle de l'auto-efficience
développée par Bandoura (1982). En effet, selon cette
théorie, la croyance qu'un individu a de sa capacité propre
à mener une action influence considérablement la décision
d'adoption d'un comportement donné. Ainsi la décision d'un
individu d'entreprendre une action va dépendre de trois facteurs : ses
croyances, les normes subjectives et la perception du contrôle.
Dans le domaine de la recherche sur les questions d'ordre
agricole, les déterminants sociologiques du comportement de l'individu
seront combinés avec les déterminants d'ordre économique
pour
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
étudier la décision d'adoption des techniques
de conservation et de défense des eaux et sols prise par les
agriculteurs.
Travaux empiriques sur les déterminants du choix
d'adoption des CES/DRS
Les théories précédemment
évoquées permettent de faire ressortir généralement
les déterminants du choix d'un individu de mener une activité
donnée. Elles ont donné lieu à plusieurs travaux visant
à expliquer les processus de prise de décision des individus dans
plusieurs domaines (santé, consommation, psychologie, sociologie, etc.).
C'est ainsi que certains travaux se sont intéressés à
l'étude des facteurs qui influencent la décision du producteur
agricole d'adopter une technique donnée.
Depuis 1980, avec la mise en place des projets de
vulgarisation des pratiques de conservation et de défense des eaux et
sols, plusieurs études se sont penchées sur les facteurs qui
influencent les décisions d'adoption de ces techniques.
Généralement, ces études se focalisaient sur les facteurs
d'ordre comportemental, sociodémographique, biologique, physique et
économique.
Les études menées par Rahm et Huffman (1984) et
Barbier (1990) étaient basées sur les facteurs physiques tels que
la position de la parcelle cultivée, son degré d'inclinaison et
le type de sol qu'on y retrouve. Ces études ont pu faire ressortir
l'influence de ces facteurs physiques et environnementaux sur la
décision d'adoption des techniques de conservation et de défense
des eaux. Par ailleurs, Featherstone et al. (1993) ; Norris et Batie (1987)
montrent que l'âge du responsable des activités sur la parcelle
affecte considérablement la probabilité que celui-ci adopte une
technique de conservation de sol. Ervin (1982) aboutit à la même
conclusion avec le niveau d'instruction. D'autres études menées
à partir de 1998 ont montré que le niveau d'information de
l'agriculteur sur les problèmes d'érosion influence positivement
ses intentions d'adopter l'utilisation des techniques de conservation de sol
(Traoré et al. 1998 ; Anim 1999 ; Thurow 2000).
Les facteurs économiques et financiers sont
examinés par Norris et Batie (1987) et Gould et al. (1989). Ces
études ont établi un lien entre l'adoption des techniques de
conservation des sols et certains facteurs économiques et financiers
tels que les sources de revenu (revenus provenant de l'activité agricole
et revenus externes) du producteur agricole et son aversion au risque. Elles
montrent que les revenus issus de l'activité agricole influencent
positivement la décision d'adoption tandis que les revenus externes
l'influencent négativement.
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Barrières et opportunités à
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Francis (1986) a cherché à expliquer les
décisions d'adoption des techniques de conservation de sol par les
caractéristiques foncières de la terre et les facteurs d'ordre
organisationnel et institutionnel. Il s'agit du statut du responsable en termes
de détention de la parcelle, de l'appartenance de l'unité de
production à un groupement de producteurs et de l'assistance technique.
Les analyses ont conclu que l'inefficacité du régime foncier
influence négativement et significativement la décision
d'adoption des pratiques de conservation (Lee et Stewart, 1983) tandis que
l'appartenance à un groupement de producteurs l'influence
positivement.
La décision de pratiquer les techniques de
conservation est expliquée par Foltz (2003) à travers un
modèle à choix binaire :
Il pose Y la variable dépendante
représentant la décision de l'agriculteur. Y = 1 s'il
adopte, 0 sinon. Il considère ??(A, X, H) comme le niveau
d'utilité du producteur agricole caractérisé par les
paramètres A, X et H. A désigne les actifs
agricoles, X représente l'ensemble les facteurs
sociodémographiques et H permet de capter les
préférences de l'agriculteur. L'objectif de ce modèle est
de faire ressortir l'impact des différents facteurs sur la
probabilité d'adoption des techniques de conservation en ayant recours
à une régression logistique.
Cependant, de tels modèles ne prennent pas en compte
l'entretien des sites construit dans le cadre de l'adoption des techniques de
conservation des eaux et sols. Néanmoins, Santos et al. (2000) ont tenu
compte de cette dernière composante dans l'étude de la
décision d'adoption des cordons pierreux en Honduras.
Par ailleurs, certaines études menées sur les
techniques agricoles se sont intéressées à
l'intensité d'utilisation des techniques de conservation des eaux et
sols. C'est ainsi que Baidu-Forso (1999) utilisera un modèle Tobit afin
de déterminer l'influence de facteurs d'ordre économique,
démographique et physique sur le niveau d'adoption des techniques de
conservation des eaux.
Enfin, des études menées récemment se
sont focalisées sur l'aspect multinomial des techniques de conservation
des eaux et sols. Owombo et Idumah (2015) ont analysé les
déterminants de l'adoption à travers 11 variables de diverses
natures décrivant un échantillon d'agriculteurs nigérians.
Il s'agit des caractéristiques du ménage exploitant, des
caractéristiques de la surface cultivée et des
caractéristiques socioéconomiques. Ils utilisent un modèle
Logit multinomial sur
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trois techniques : le mulching ou paillage, les cultures de
couverture et les arbres plantés (pour assurer la protection du
champ).
La revue sur les travaux empiriques fait ressortir
déjà les facteurs pouvant expliquer la décision d'une
unité de production agricole d'adopter les techniques de conservation et
défense des eaux et sols. Ces facteurs peuvent être
regroupés en 3 principaux groupes : les facteurs liés au
ménage exploitant, les facteurs liés à la parcelle
cultivée et les facteurs liés au cadre institutionnel et
organisationnel de l'activité agricole. Par ailleurs il serait aussi
nécessaire d'interroger la littérature sur les avantages
liés à l'adoption d'une technique agricole. Il s'agira d'analyser
les développements théoriques faits sur l'évaluation de
l'efficacité et de la productivité d'une technique
utilisée dans un processus de production agricole.
Théorie du producteur et notion de
productivité
Dans le cadre de cette étude, plusieurs notions
émanant de la microéconomie sont utilisées afin d'analyser
les performances des exploitations agricoles. Il est alors convenable de faire
un bref développement sur la microéconomie du producteur
agricole. L'analyse sur le plan microéconomique est justifiée par
le fait que l'étude soit basée sur des ménages agricoles.
Un aperçu sur la théorie néoclassique, concernant le
comportement de production, permettra de mieux cerner celui du producteur
agricole.
La théorie du producteur
La production désigne l'action de combiner des biens
et services selon une technologie donnée afin d'obtenir d'autres biens
et services. La relation établie entre les quantités de biens
incorporés dans le processus et la quantité de biens obtenus
à terme est appelée fonction de production. La forme classique de
la fonction de production est donnée par Y = ??(x1, ... ,
x??) où Y désigne la quantité produite à
l'issu de l'utilisation des facteurs x1, ... , x??.
On appelle facteurs de production les ressources,
matérielles ou non, utilisées dans le processus de production.
Ces facteurs peuvent être analysés sous 3 principaux
critères.
Lorsqu'on analyse la possibilité de modification
quantitative, on distinguera les facteurs fixes des facteurs variables. Les
facteurs fixes sont ceux qui ne peuvent varier en quantité tandis que
les facteurs variables sont ceux dont la quantité est modifiée
selon la quantité produite.
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
Lorsqu'on considère le rapport existant entre les
facteurs, on parlera de facteurs substituables et facteurs
complémentaires. Deux facteurs sont substituables lorsqu'on peut
remplacer une quantité déterminée d'un des facteurs par
une quantité supplémentaire de l'autre, tout en conservant le
même niveau de production. Lorsque ces deux facteurs doivent être
combinés selon une proportion donnée de chacun d'entre eux, alors
ils sont dits complémentaires.
Plusieurs concepts sont définis pour déterminer
les relations entre les intrants et les outputs dans un processus de
production.