CHAPITRE 4: Opportunités à l'adoption des
techniques
CES/DRS
Ce chapitre, survenant après la détermination
des barrières à l'adoption des techniques de CES/DRS, a pour but
d'analyser les avantages liés à la décision d'utilisation
de ces techniques dans la zone sahélienne burkinabè. Etant
donné que cette décision intervient dans le cadre de la gestion
de l'exploitation agricole, l'analyse se focalisera sur l'éventuel gain
en efficacité technique pour les agriculteurs adoptants. Pour l'atteinte
de nos objectifs, nous décrirons d'abord le niveau de production des
producteurs de mil et de sorgho dans la zone sahélienne
burkinabè, ensuite nous présenterons les résultats issus
de l'estimation de la frontière de production avec
hétéroscédasticité sur le terme d'efficacité
technique.
Analyse descriptive de la production du mil et le sorgho
dans la zone sahélienne Analyse du niveau de production
Dans la zone sahélienne, au cours de la campagne
2015/2016, Le mil a occupé environ 55,8% de la superficie
emblavée. La production du mil est estimée à 364.767
tonnes pour cette campagne. Par ailleurs, la production moyenne par hectare
(rendement moyen) vaut 673,8 kg avec un écart type de 378,0 kg de mil
par hectare.
Quant au sorgho (blanc et rouge), la production est
globalement estimée à 380.845,9 tonnes avec une production
moyenne de 851,8 kg/ha. En termes de dispersion, le rendement du sorgho pour
les exploitations agricoles de la zone sahélienne varie entre 70 et 2680
kg/ha avec une disparité moyenne de 389,9kg.
Tableau 10: caractéristiques de tendance
centrale et de dispersion du rendement du mil et du sorgho
Culture
|
médiane (kg/ha)
|
moyenne (kg/ha)
|
écart type (kg/ha)
|
min (kg/ha)
|
max (kg/ha)
|
Mil
|
600,00
|
673,81
|
378,01
|
70
|
2680
|
Sorgho
|
800,00
|
851,84
|
389,94
|
120
|
2100
|
Source : calcul de l'auteur, EPA
2015/2016
L'on peut aussi s'intéresser au comportement de la
production ou du rendement selon le choix d'adoption des techniques de
conservation et de restauration des eaux et sols au niveau des agriculteurs.
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MARAHASA/DPPO-BF
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SAWADOGO Israel-- ISE 3-- ENSAE
MARAHASA/DPPO-BF
56
Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
Analyse du rendement en fonction de l'adoption de la
CES/DRS
Afin de comparer le niveau de la production en fonction du
choix d'adoption des techniques CES/DRS, le raisonnement sera fait sur la base
du rendement. L'utilisation du rendement neutralisera l'effet de taille en
termes de superficie cultivées. Une analyse bi-variée
effectuée nous montre que le rendement moyen, au niveau des exploitants
ayant adopté l'utilisation des sites antiérosifs, est plus
élevé que celui des non adoptants. En effet, ces derniers
exploitants produisent en moyenne une quantité de mil (respectivement de
sorgho) estimée à 615kg/ha (respectivement 798 kg/ha) contre 706
kg/ha (respectivement 849 kg/ha) pour les adoptants. Par ailleurs, au niveau
des producteurs de mil, la moitié des non adoptants ont un rendement
inférieur à 560 kg/ha tandis qu'au niveau des adoptants le
rendement médian est évalué à 680 kg/ha. En ce qui
concerne les producteurs du sorgho, la production médiane par ha est la
même au niveau des deux catégories de producteurs (adoptants et
non adoptants), mais lorsque qu'on étend l'analyse sur les quartiles, on
remarque que 3 exploitations sur 4 ayant adopté les techniques CES/DRS
ont un rendement en dessous de 1080 kg/ha contre 1040 kg/ha pour les non
adoptants pour la campagne 2015/2016. La représentation des boites
à moustache (Graphique 5) permet de cerner, de façon visuelle,
l'impact de l'adoption de la CES/DRS sur le niveau de rendement des
agriculteurs.
Graphique 5: boites à moustache pour
adoptants et non adoptants, rendements du mil et du sorgho
Source: construction de l'auteur, EPA
2015/2016
Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
Analyse des avantages liés à l'adoption
CES/DRS
Le choix d'adoption des techniques de CES/DRS effectué
par un exploitant agricole entre dans le cadre de l'organisation des travaux au
niveau de son exploitation. Si le choix d'adoption a un impact
considérable sur le rendement, ce serait alors par le biais de
l'efficacité technique observée dans la gestion de cette
exploitation. C'est ce qui nous amène à nous intéresser
à la détermination des opportunités, en termes de gain en
efficacité technique, liées à l'adoption des techniques de
conservation et de défense des eaux et sol. Ainsi, il convient de faire
une brève description des frontières de production
estimées.
Description des frontières de production
stochastiques du mil et du sorgho
Au niveau de chacune des cultures, le test d'absence de terme
d'inefficacité effectué rejette l'hypothèse nulle (Tableau
9). L'estimation d'une frontière de production en lieu et place d'une
régression par les moindres carrés est donc justifiée pour
les deux spéculations.
Au niveau de la culture du mil on estime à 82,5% la
part des écarts entre les rendements observés et les rendements
frontières due à l'inefficacité technique. Cette valeur
est cependant significativement différente de 1 du fait de la
significativité de la variance du terme stochastique (Tableau 9).
L'estimation d'une frontière de production stochastique est donc
pertinente pour cette culture. Par ailleurs, les résultats montrent que
la moyenne de la distribution du terme d'efficacité technique n'est pas
significativement différente de zéro. Ce résultat nous
conduit donc à la spécification d'une loi semi normale pour
décrire le terme d'efficacité technique pour la culture du
mil.
En ce qui concerne la production du sorgho, les conclusions
sont les mêmes: la part des écarts due à
l'inefficacité technique (87,1%) est significativement positive et
inférieure à 1 et la part due au terme stochastique est
également significative (Tableau 9). Alors, l'estimation d'une
frontière de production, stochastique, pour le sorgho est aussi
justifiée. En outre, la moyenne de la distribution du terme
d'inefficacité technique n'est pas jugée significative, la
spécification d'une loi semi normale est donc adéquate pour
décrire ce terme.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les variables
décrivant les intrants dans le processus de production sont
exprimées en quantité utilisée par ha. Cela permet donc de
déterminer, à travers
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
la frontière de production, l'effet de
l'intensification de chaque intrant sur le rendement de la terre
cultivée.
Frontière de production stochastique du
mil
Le résultat de l'estimation de la frontière de
production montre que, globalement, la quantité d'engrais
consommée par hectare influence positivement et significativement le
niveau de production de mil à l'hectare. Une variation de 1% de la
quantité d'urée consommée, à l'hectare, conditionne
une hausse de la production potentielle à l'hectare de 0,042% et une
consommation supplémentaire de 1% de la quantité de NPK, par
hectare, contribue à améliorer le rendement frontière de
l'exploitation de 0,018%. L'analyse du travail à travers le nombre
d'actifs par unité de surface révèle une
élasticité de la production potentielle de 0,044 par rapport
à cette variable. Comme le présente le tableau 9, les substances
phytosanitaires ayant une influence significative sur la production du mil sont
les herbicides. Par ailleurs, la prise en compte de
l'hétéroscédasticité du terme stochastique montre
que sa variance est significativement déterminée par la part de
la superficie labourée et le sexe (Annexe B, Tableau 14).
Frontière de production stochastique du
sorgho
Les résultats de l'estimation de la frontière de
production du sorgho laissent voir quelques particularités. En effet,
les influences de la quantité de semence et du nombre d'actifs agricoles
par hectare sur le rendement frontière ne sont pas jugées
significatives à 5% de risque tandis que la quantité de fongicide
l'influence négativement et significativement (Tableau 9). Cependant,
l'augmentation de la quantité de NPK (respectivement de fumure
organique) d'un pourcent occasionne une augmentation du niveau de la production
par hectare de 0,016% (respectivement 0,009%). Le rendement frontière du
sorgho est aussi influencé, positivement, par la consommation
d'herbicide et d'urée (Tableau 9). Quant à
l'hétéroscédasticité du terme aléatoire au
niveau des producteurs du sorgho, elle est principalement due à
l'adhésion à une organisation paysanne (Annexe B, Tableau 14).
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58
Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
Tableau 11: frontière de production
stochastique Cobb Douglas du mil et du sorgho
Mil
|
Spéculation Sorgho
|
|
Statistique
|
p value Test d'hypothèse Statistique
|
p value
|
-10,327
|
0,000
|
z-test: H0 : absence de
terme d'inefficacité
|
-10,835
|
0,000
|
-1,13
|
0,260
|
test H0:u = 0
|
-1,00
|
0,317
|
-19,68
|
0,000
|
test de Significativité de ln Q,j,
|
-25,76
|
0,000
|
107,89
|
0,000
|
test H0 : Qû = 0 contre H1: Q??2 >
0
|
133,96
|
0,000
|
62.71
|
0,000
|
test de significativité globale de Wald
|
66.19
|
0,000
|
Coefficient
|
p value Variable dépendante: rendement
Coefficient
|
p value
|
|
Frontière de production stochastique
|
|
6,77056***
|
0,000
|
Constante
|
7,11195***
|
0,000
|
0,01355
|
0,316
|
semence locale
|
0,00694
|
0,431
|
0,01226
|
0,577
|
semence améliorée
|
0,02085
|
0,110
|
0,00622
|
0,089
|
fumure organique
|
0,00916**
|
0,001
|
0,01772*
|
0,042
|
NPK
|
0,01599**
|
0,006
|
0,04217*
|
0,022
|
Urée
|
0,02091*
|
0,050
|
0,04714***
|
0,000
|
herbicide liquide
|
0,02491***
|
0,000
|
0,01411
|
0,061
|
fongicide poudre
|
-0,02247***
|
0,000
|
0,04446***
|
0,000
|
Travail
|
-0,00107
|
0,910
|
|
Déterminants de l'inefficacité technique,
variable expliquée : In o ??
|
|
-0,27358**
|
0,003
|
adoption de la CES/DRS
|
-0,17188*
|
0,035
|
-0,24875**
|
0,004
|
part de la superficie labourée
|
-0,37701***
|
0,000
|
-0,00726**
|
0,005
|
âge
|
-0,00371
|
0,134
|
-0,32704***
|
0,000
|
sexe (référence femme)
|
-0,10331
|
0,210
|
0,33140*
|
0,013
|
constante
|
-0,23999.
|
0,071
|
nombre d'observations:1763 nombre d'observations:1871
log likelihood:- 505,7772 log likelihood: -1248,9513
Source : Estimations, sorties de
logiciel
Gain en efficacité et en productivité
lié à l'adoption des techniques de CES/DRS
II.2.1 Effet de l'adoption des CES/DRS sur
l'efficacité
Pour toutes les deux spéculations analysées dans
cette étude, les résultats apparaissent conformes aux attentes.
L'adoption de l'utilisation des sites antiérosifs contribue à
diminuer significativement le degré d'inefficacité des
exploitations agricoles (Tableau 9). En moyenne, l'adoption de l'utilisation
des sites antiérosifs contribue à diminuer le degré
d'inefficacité technique de 0,18 pour un producteur de mil et de 0,20
pour un producteur de sorgho. L'adoption de l'utilisation de tels
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59
Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
sites contribue donc à rapprocher le niveau de rendement
de ces producteurs à celui pouvant être atteint en présence
d'une efficience dans la gestion de leur exploitation (Graphiques 6 et 7).
Graphique 6: frontières de rendement et
rendements observés pour les adoptants (à gauche) et
non adoptants (à droite), culture du mil
rendement (kg/ha)
2500
2000
1500
1000
500
0
frontières rendements observés
Sources : construction de
l'auteur
Graphique 7: frontière de rendement et
rendement observé pour les adoptants (à gauche) et
non adoptants (à droite), culture du sorgho
rendement 2500 (kg/ha)
2000
1500
1000
500
0
frontières rendements observés
Sources : construction de
l'auteur
L'aspect économique décrit ici constitue la
productivité partielle du facteur de production terre pour une campagne
agricole donnée. L'adoption des techniques de CES/DRS est donc d'un
intérêt économique considérable au niveau des
producteurs de la zone sahélienne en ce sens qu'elle permet d'accroitre
la productivité des surfaces emblavées. Cet avantage de
l'utilisation des techniques CES/DRS est déduit du lien mis en exergue
précédemment entre l'adoption de ces techniques et le niveau
d'efficacité technique.
Ces résultats confirment, par ailleurs,
l'efficacité de l'utilisation des techniques de CES/ DRS dans le cadre
de la limitation de la chute de la productivité des terres
sahéliennes par le biais de la
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MARAHASA/DPPO-BF
60
Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
réduction des effets néfastes des facteurs
érosifs. Les avantages peuvent être exprimés sur le plan
microéconomique ou macroéconomique. En effet, la hausse de la
productivité constitue un gain en termes de niveau de production des
agriculteurs de cette zone et cela permet d'accroitre le niveau de production
individuelle pour une quantité donnée d'intrant consommée.
En agrégeant les comportements individuels, on aboutit à la
conclusion que l'adoption des CES/DRS permet d'accroitre le niveau de
production de la localité faisant l'objet de l'étude.
Par ailleurs, lorsqu'on se réfère à la
microéconomie du producteur agricole, dans le cadre de cette
étude, le rendement renvoie par définition à l'effet de
l'extension, d'une unité, de la surface cultivée sur la
production. Le gain en productivité associée à
l'utilisation des techniques CES/DRS peut donc être analysé comme
une augmentation de l'élasticité de la production par rapport
à la taille de l'exploitation agricole en termes de superficie
emblavée.
II.2.2 Analyse de l'effet de l'adoption des CES/DRS en
fonction de la région
L'effet marginal de l'adoption des techniques CES/DRS sur le
degré d'efficacité étant individuel, il peut être
analysé au niveau de chacune des régions figurant dans la zone
délimitée pour l'étude. Bien que l'effet de l'adoption de
ces techniques sur l'inefficacité technique reste négatif, quelle
que soit la région dans laquelle l'on se positionne, l'intensité
de cet effet varie légèrement d'une région à une
autre.
Lorsqu'on se focalise sur les producteurs de mil, on
s'aperçoit que le choix d'adoption à un effet marginal, sur
l'inefficacité, plus élevé dans le Sahel que dans les 3
autres régions. Au Sahel, les effets marginaux varient entre -0,25 et
-0,12 avec une moyenne de -0,19 étant supérieure à la
moyenne de la zone. La région du Sahel est suivie du Centre-Nord
présentant un effet marginal moyen de 0,18.
En ce qui concerne la production du sorgho, la structure ne
diffère pas de celle du mil. La région du Sahel présente
les effets marginaux les plus élevés ; l'effet marginal moyen
dans cette région vaut 0,21. Au niveau du Centre-Nord et du Nord,
l'effet marginal moyen de l'adoption des CES/DRS sur le degré
d'efficacité coïncide avec la moyenne générale de la
zone (Tableau 10).
SAWADOGO Israel-- ISE 3-- ENSAE
MARAHASA/DPPO-BF
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
Tableau 12: effet marginal de l'adoption des
techniques de CES/DRS par région
Région
|
|
Mil
|
|
|
Sorgho
|
|
Moyenne
|
min
|
max
|
Moyenne min
|
max
|
Sahel
|
-0,19
|
-0,26
|
-0,12
|
-0,21
|
-0,23
|
-0,17
|
Centre-Nord
|
-0,18
|
-0,26
|
-0,12
|
-0,20
|
-0,23
|
-0,17
|
Nord
|
-0,17
|
-0,26
|
-0,12
|
-0,20
|
-0,23
|
-0,17
|
Total général
|
-0,18
|
-0,26
|
-0,12
|
-0,20
|
-0,23
|
-0,17
|
Sources : calculs de
l'auteur
Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
|
|