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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

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Chapitre 2 - Les solutions peu effectives pour la protection

des océans

Dire qu'il n'existe pas de solutions pour protéger l'environnement serait un non sens. Il convient de rappeler que les conventions sont issues de la volonté des États et sont destinées à être appliquées par ces derniers. Cette application passe par différents cheminements selon la forme de l'État (République, Monarchie) mais il y a consensus pour dire que les conventions doivent être ratifiées. Une fois ratifiée, une convention n'est pas directement applicable à l'instar des règlements de l'Union européenne (UE) et l'usage veut que celle-ci soit traduite par une loi. Il est important de comprendre ce mille-feuille juridique afin de mieux observer les problèmes inhérents à la protection des océans contre le réchauffement climatique ou pour malgré tout limiter les dégâts des changements en cours.

Ainsi se pose la question des problématiques qui concernent la structure de construction des droits en présence (Section 1), il s'agit d'en dégager quelques pistes pour évoluer vers une interrelation des différents sujets de droits et des différents niveaux de la pyramide de Kelsen notamment à travers le prisme des principes du droit de l'environnement (Section 2).

Section 1 - Des conventions sectorielles apportant des
solutions éparses

L'identification des risques est probablement la source de l'aspect sectoriel du droit de l'environnement tel qu'il existe actuellement. Il est donc possible de constater une volonté d'anticiper et de répondre aux risques pour l'environnement qui proviennent des changements climatiques ou non (A). Néanmoins, ce constat plutôt encourageant se trouve affecté par une préférence politique notoire pour un droit de l'environnement qui répond avant tout à des enjeux économiques (B).

A - La volonté d'anticiper et de répondre aux risques pour l'environnement

Pour identifier les conventions il convient d'énumérer quelques conventions utiles aux différents combats en présence liant de fait les océans et le climat. Ici le traitement est donc par nature moins global qu'une application directe du droit du climat au sens large. Mais il

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convient d'opérer une analyse pour déterminer si cette vision sectorielle est efficace ou non pour la menace urgente qu'est le réchauffement climatique. Les risques pour les océans sont établis par le rapport du GIEC de 2018. Ces risques sont d'abord l'acidification de la colonne d'eau, qui elle-même entraine une réduction considérable de la biodiversité marine, dont les milieux qui vont être les plus impactés dans les années avenirs sont les récifs coralliens, du moins en apparence. Ensuite, le second risque est la multiplication de certaines algues invasives dont le milieu ainsi changé favorise leur développement. En bref, un risque en entraine un autre c'est là toute la vision de la structure d'un écosystème. Le droit est-il armé pour répondre à ces risques en cascade ?

Il serait possible d'aborder énormément d'aspects dans cette analyse mais il s'agira d'aborder uniquement quelques-uns d'entre eux. Premièrement la Convention sur la diversité biologique51 est un pilier de la protection de l'environnement car il s'agit du premier traité conclu au niveau international qui énonce tous les aspects de la diversité biologique, notant non seulement la protection des espèces mais aussi celle des écosystèmes et du patrimoine génétique. Ainsi, elle garantit l'utilisation durable des ressources naturelles, c'est-à-dire que l'exploitation des écosystèmes, des espèces et des gènes doit se faire au bénéfice de l'humanité mais à un certain rythme et de manière à ce que cela n'entraîne pas, à long terme, une diminution de la diversité biologique. Ses trois objectifs principaux sont donc la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation de ses ressources génétiques. Cette convention est importante car elle opère des définitions non négligeables dans son article 2 pour l'apport d'une protection effective à l'instar d'un écosystème qui est « le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur interaction, forment une unité fonctionnelle. », mais également d'une zone protégée qui se définit comme suit : « toute zone géographiquement délimitée qui est désignée, ou réglementée, et gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation. ». Ces définitions sont essentielles car l'une marque l'affirmation de la conscience que l'environnement est formée d'écosystèmes liés entre eux, l'autre marque pourtant la volonté de protéger des zones bel et bien délimitées. Ainsi se pose la question de l'établissement de ces zones. Ces dernières sont effectuées discrétionnairement

51Convention sur la diversité biologique (CDB) de 1992.

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par les États signataires52, ce qui signifie que l'établissement de ces dernières, même si elles prennent en compte des études scientifiques relèvent avant tout d'une décision politique une nouvelle fois. Néanmoins, dans une approche systémique la protection d'une zone ne devrait-elle pas en amener à une autre du fait des liens entre les écosystèmes qui les relient ? La critique ici apportée est non plus l'absence d'un lien entre les droits mais le manque de prise en compte de faits scientifiques par le droit.

Une autre critique à apporter consisterait à dire que les aires marines protégées (AMP), ne protègent pas du réchauffement climatique. De plus ces dernières sur le fondement de la CDB ne peut être créées que dans un cadre national au sein du territoire d'un État partie. Or comme il a déjà été vu, le réchauffement climatique est un danger global qui va toucher indistinctement les écosystèmes les plus sensibles sans distinction étatique. Néanmoins, cette approche peut être un levier supplémentaire avec l'apparition du contentieux climatique qui est principalement interne même si des éléments internationaux peuvent a fortiori avoir un rôle de preuve dans les manquements des États. Cette vision pose davantage de questions non négligeables. Parmi ces dernières, il est possible de se demander si, en l'absence de conventions pour répondre à ces risques, il existerait une volonté politique centrée sur l'environnement. Plus précisément le politique est-il aussi pertinent que le scientifique sans distinction des affaires internes ou internationales ?

Certains auteurs dépeignent la protection de l'environnement comme effectivement globale dès la saisie de ce domaine par le droit international et dès lors que celui-ci adopte des Conventions-cadres mises en application par des protocoles53. Il y a certes une part de vérité dans ces affirmations. Néanmoins la mise en place est assurément sectorielle et si elle est globale d'un point de vue juridique il manque une vision d'ensemble pour affronter les changements climatiques. L'exemple même est celui des récifs coralliens qui ne sauraient être prêts, comme les océans à affronter ces risques « invisibles » qui pèsent sur eux.

Deuxièmement, l'exemple des récifs coralliens est le parfait indicateur pour dégager le manque cruel de transversalité entre la protection des océans face au climat. En effet, toujours

52Ici 168 ratifications

53BOISSON DE CHAZOURNES Laurence « La protection de l'environnement global et les visages de l'action normative internationale », dans Pour un droit commun de l'environnement, Mélanges en l'honneur de Michel Prieur.

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d'après le rapport du GIEC de 2018 auquel s'ajoute le rapport de l'IPBES54 de mai 2019, les récifs coralliens font face à diverses menaces d'origine humaine. Les changements climatiques ainsi que les risques sous-jacents marquent la présence de menaces globales pour les récifs coralliens55. Juridiquement il importe donc peu de s'interroger sur la nature des obligations qui se dégagent des conventions car ces dernières s'attaquent aux problèmes de manière tellement sectorielle que leur étendue même ne permet pas d'obtenir un champ d'application suffisamment large pour permettre une action contre la menace du réchauffement climatique. Toujours dans la même logique, Greenpeace cherche à influencer les discussions sur le statut de la haute-mer en faisant participer la société civile à une pétition. La finalité de la demande et d'obtenir une sanctuarisation de 30% de la haute-mer. Loin d'être une réclamation inutile, la question est encore de savoir si cela est vraiment utile face à un risque systémique ?

Dans les termes qui concernent purement le droit de la mer, l'article 192, issu de la partie XII de la CNUDM56 énonce la chose suivante : « Les États ont l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin. », l'article suivant affirme que les droits souverains de ces États leur permettent d'exploiter les ressources naturelles de leurs territoires à condition de remplir l'obligation de l'article précédent. L'obligation de protection est formulée en des termes généraux. Ainsi il n'est pas nécessairement question de protéger le milieu marin qui incombe directement à leurs territoires mais seulement et uniquement « le milieu marin ». Il est possible d'en déduire qu'un lien juridique avec le droit du climat serait ici fort utile car il étendrait largement l'obligation de résultat énoncé à cet article. Ce lien s'il devenait effectif viendrait donc appuyer les obligations de due diligence et de coopération qui viennent parfaire le système juridique actuel. Il y aurait donc une obligation par ricochet de devoir limiter les changements climatiques en pratiquant des politiques effectives au sein des États parties à la CNUDM.

Néanmoins, la Convention57 a su développer une approche écosystémique de l'article 63 à l'article 67. Mais cette approche se cantonne au domaine des pêcheries qui se démarque en droit de la biodiversité. Pourtant, d'un point de vue scientifique, la biodiversité inclut en son

54Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques.

55GUYONNARD Thomas, La protection des récifs coralliens, mémoire de recherche sous la direction de Madame

Odile DELFOUR-SAMAMA, 2017-2018.

56Op.cit.

57Ibid.

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sein les espèces de poissons pêchés. C'est ici une décision au service de l'économie agroalimentaire.

Troisièmement, il existe des protections qui ne s'attachent pas aux océans mais dont les inspirations juridiques devraient être certaines. Ces protections existent non seulement au niveau régional (avec l'exemple de l'UE) mais également au niveau national.

Au sein de l'environnement il existe des mécanismes naturels dont la fonction est d'absorber le dioxyde carbone. Ces mécanismes peuvent être pris en compte en droit de deux manières. D'une part, il faut simplement protéger leur existence voire les assister de façon à ce que ces derniers se développent. D'autre part, il faut permettre aux acteurs économiques de participer à la réduction du CO2 dans l'atmosphère que ce soit par des mécanismes d'incitations ou encore par l'encadrement juridique d'une activité58. Sur le point de vue incitatif il est possible d'évoquer la Politique Agricole Commune (PAC) de l'UE car les sols sont reconnus comme étant le second plus grand puits de carbone notamment après les océans59. La question se pose alors de savoir s'il ne pourrait exister au niveau régional des instruments juridiques permettant à l'instar de la PAC d'actionner des politiques de protection du puits de carbone « océan ». Une telle politique ne serait pas totalement absurde concernant les océans qui fournissent le domaine alimentaire avec une importance aussi grande que l'agriculture. Néanmoins la mise en place d'une telle politique dans l'UE obligerait une nouvelle fois à opérer des liens entre des règlements sectoriels et rendant le droit de l'UE transversal concernant les domaines de l'environnement et des pêches.

Au niveau national il est important de noter qu'il existe également des mesures qui ne sont pas sans importance. Ainsi par exemple, la France a promulgué une loi le 15 juin 2016 autorisant la ratification de l'Accord de Paris de 2015. Les objectifs de l'Accord sont donc repris notamment pour la limitation de l'élévation de la température mais également en ce qui concerne les capacités d'adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à

58Infra Partie 2, Chapitre 2 l'enfouissement du dioxyde de carbone.

59DESROUSSEAUX Maylis, « La protection des puits de carbone par la PAC », dans Energie - Environnement - Infrastructures, n°5, mai 2018, p. 42.

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effet de serre. L'importance de la biodiversité océanique face au réchauffement climatique60 oblige à considérer la loi du 8 août 2016 dite de Biodiversité comme un pilier des mesures françaises contre le réchauffement climatique.

Néanmoins l'Accord de Paris prévoit de rendre les flux financiers compatibles, dans un profil d'évolution, vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et adapté aux changements climatiques, il est donc prévu dans la loi de ratification. De même la loi Biodiversité semble elle aussi adoptée avec des considérations économiques61. Cela amène à s'interroger sur la réelle volonté de protection des océans face au réchauffement climatique ou d'ores et déjà sur l'environnement. Ainsi l'outrecuidance des politiques adoptées n'est-elle pas en train de rendre moins efficaces ces mesures existantes ?

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault