Les océans face au réchauffement climatique.par Pierrick ROGE Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019 |
Partie 1 - Les océans sujets de protection contreles effets du réchauffement climatiqueLa question qui va se poser dans les prochains développements est de savoir si juridiquement l'environnement a permi aux milieux océaniques d'être protégés du réchauffement climatique. Ici la menace identifiée est globale et provient de différentes causes comme le dioxyde de carbone relâché par l'ensemble des États dans le monde ainsi que d'autres gaz accélérant le réchauffement climatique. De même, ces relâchements ont différentes sources comme l'agriculture, les transports, les activités de production et représente 87% du total des émissions de sources humaines20. Ainsi l'océan est un milieu très affecté par l'ensemble des activités humaines quelle que soit l'origine de ces dernières. Cette remarque s'applique d'ailleurs à grande échelle aux pollutions plastiques d'actualité et qui sont pour 60 à 80 % des débris marins d'origine terrestre21. Dans cette optique il convient donc d'observer le droit du climat qui s'intègre à l'environnement et d'analyser en quoi l'océan n'est pas un objectif important dans les actuels outils juridiques permettant une protection contre le réchauffement climatique. Il faudra dans ce cas noter l'existence de sources diverses pouvant permettre une protection des océans (Chapitre 1) mais faire le constat que les solutions apportées sont peu effectives pour la protection de ces derniers (Chapitre 2). Chapitre 1 - L'existence de sources diverses de protection desocéansCes sources sont classiquement divisées en deux groupes : la soft law et la hard law. La distinction n'est absolument pas inutile car ces sources disposent d'une nature totalement 20 https://votreimpact.org/gaz-a-effet-de-serre/sources-de-co2 21 https://www.greenpeace.fr/pollution-oceans-limpact-plastiques/?utm_medium=cpc&utm_source=google&utm_campaign=Plastique&utm_content=&utm_term=&gcl id=Cj0KCQjwtr_mBRDeARIsALfBZA48JM5F1aRWmT8bMMQV75afSKbL547BNYrPWn3VqGnlPdYr1kvE oRsaAsaPEALw_wcB 24 opposées l'une à l'autre quand bien même les objectifs poursuivis sont les mêmes. Il est donc possible d'observer que les instruments de soft law posent des problèmes en terme d'effectivité (Section 1) et que la conséquence de ce problème est la nécessité d'une effectivité renforcée au travers de la hard law. Section 1 - La problématique des instruments de soft lawCette problématique peut se traduire par une solide base politique reposant sur des engagements non contraignants de la part des États parties aux déclarations. Elles constituent néanmoins une source d'inspiration, quand bien même une évolution sectorielle de la soft law environnementale est critiquable (A), et que cette dernière s'est poursuivie avec l'Accord de Paris qui, devant faire ses preuves, ne marque pas d'étape pour protéger les océans des conséquences du réchauffement climatique (B). A - Une évolution sectorielle et politique de la soft law environnementaleIl convient de retracer sensiblement l'évolution historique pour en comprendre les fondements et ainsi appréhender les différents aspects qu'offre la soft law environnementale22. Cette partie de la branche du droit international public est donc apparue le 16 juin 1972 durant la Conférence des Nations Unies sur l'environnement qui adopte la Déclaration de Stockholm. Cette conférence résulte du constat croissant de la détérioration de l'environnement à la suite d'incidents pouvant être qualifiés de « catastrophes écologiques » à l'instar du Torrey Canyon en 1967 suivie d'autres accidents maritimes, notons également la catastrophe de Tchernobyl en 1986. L'un des problèmes ici représenté n'est pas le problème inhérent à la soft law mais bel et bien au droit de l'environnement en général. Ainsi faut-il évoquer la problématique de la définition de son objet. Jusqu'alors, lorsqu'un traité était adopté l'objet ne posait aucune difficulté23. Ce constat est aujourd'hui toujours d'actualité avec pour exemple pertinent la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) dont l'objet concerne 22Partie intégrante du droit international de l'environnement. 23DAILLIER Patrick, FORTEAU Mathias, PELLET Alain, QUOC DINH Nguyen, Droit International Public, 8e édition, L.G.D.J. 25 directement la mer en tant que telle24. La conséquence de cette difficulté est donc l'absence d'une définition claire dans la plupart des textes existants. Pour autant il existe des exceptions comme la résolution25 de l'IDI26 de 1997, qui reprend de manière quasi-similaire la définition présente à l'article 2, paragraphe 11 de la Convention du Conseil de l'Europe de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement. Cette convention dispose dans son article premier les suivantes : « Aux fins de la présente Résolution, le concept d' « environnement » englobe les ressources naturelles abiotiques et biotiques, notamment l'air, l'eau, le sol, la faune et la flore ainsi que l'interaction entre ces mêmes facteurs. Il comprend aussi les aspects caractéristiques du paysage. » C'est-à-dire qu'en l'espèce il existe une définition de l'environnement qui peut prétendre à englober les océans à travers la présence de l'eau (ainsi que de la faune et de la flore de ces derniers) mais également du climat en général avec la présence de l'air. Le climat ayant une incidence sur la globalité des écosystèmes, la définition permet également d'observer le cadre scientifique qui établit les interactions entre les différents facteurs. Des questions peuvent alors se poser : pourquoi avec la présence de cette définition l'océan n'est-il pas plus considéré dans le droit du climat ? Comment se fait-il qu'une définition large de l'objet ne permette pas le développement de liens entre les Déclarations et les Conventions ? Par ailleurs la science a joué un rôle extrêmement important pour le développement de ce droit. Davantage encore pour le droit du climat depuis, car en 1967 deux scientifiques établissent que la concentration de CO2 dans l'atmosphère allait doubler d'ici l'an 2000. La question a pu être abordée durant la première conférence mondiale sur le climat en février 1979 qui développa un programme mondial de recherche sur le climat et qui déboucha sur la création du GIEC en 1988. Le GIEC a été déterminant dans l'avancement des connaissances sur le climat et son second rapport de 1995 affirme qu'il y a « une influence perceptible de l'Homme sur le climat ». Le premier rapport rendu en 1990 a été initiateur de la prise de conscience des enjeux que représentent les changements climatiques. Il faut observer que ces 24CNUDM, en vigueur le 16 novembre 1994. Même si cette dernière n'a pu aborder toutes les problématiques actuelles lors de son adoption en 1982. 25 http://www.idi-iil.org/app/uploads/2017/06/1997_str_02_fr.pdf consulté le 06/05/2019. 26Institut de Droit International. 26 rapports ne s'intéressent pas précisément aux océans de prime abord et ne permettent pas d'inclure ces derniers dans le cadre de la protection de l'environnement. Cette dernière étant « limitée » au sein de multiples Conventions s'inspirant de la partie XII de la CNUDM. Ainsi les sujets de droits internationaux, les États donc, se sont saisis de la question lors de la Conférence de Rio de 1992. Alors que la CNUDM avait été signée en 1982, démontrant ainsi l'intérêt pour le milieu marin, la question se pose de savoir si les rédacteurs de la Déclaration de Rio de 1992 ont su intégrer ce dernier dans ses articles. Le principe premier énonce : « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. »,il est donc davantage question de développement durable que de protection même de l'environnement. Néanmoins la Déclaration de 1992 a opéré de grandes avancées sur les questions environnementales. Premièrement ces avancées ont permis l'apparition de la notion de développement durable qui semble trouver son sens au principe 4 qui précise : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. » et démontre ainsi la continuité de la volonté de créer des normes de manière sectorielle. Ainsi, cette Déclaration consacre une nouvelle fois l'intention de lier l'environnement à des secteurs bien précis. L'exemple ici présent est l'intégration de l'environnement à l'économie par la voie du développement durable qui reste malgré tout une notion relativement vague et non définie. Cette notion est néanmoins assistée de trois piliers que sont l'économie, l'écologie et le domaine social. Ainsi une recherche d'un développement économiquement efficace est mise en place, socialement équitable et écologiquement soutenable. L'inconvénient de ces mesures est qu'elles font de l'environnement l'accessoire de domaines différents qui viennent également fractionner la globalité que représente l'environnement. La vision sectorielle est présente depuis la création du droit international de l'environnement en 1972 quand elle prenait pour fondement les Droits de l'Homme. Pour terminer à propos du développement durable il est nécessaire de préciser que les trois aspects qui le composent sont indivisibles et interdépendants, et que « les préoccupations environnementales ne peuvent pas être opposées aux préoccupations sociales et économiques, ni être mise en concurrence avec elle »27, ce qui 27ROS Nathalie, Développement durable et droit de la mer, ADMO 2017, p. 149. 27 explique en partie la raison pour laquelle l'environnement est aujourd'hui profondément accessoire mais d'une importance capitale. Deuxièmement, il y a une forte juridicité dans la rédaction de la Déclaration de Rio qui établit des principes importants tel que le principe 7 : « Les États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l'intégrité de l'écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l'environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l'effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. » Cela signifie en théorie la fin du déni environnemental. Ce qui se révéla faux, ou en tout cas peu effectif dans la mise en pratique puisque boudé par les États ayant signé la Déclaration. Un autre principe, très commenté mais d'une importance capitale est le principe 15 qui établit le devoir pour les États de prendre des mesures de précaution. Le principe de précaution est complémentaire au principe de prévention. Pour son application il doit y avoir un danger potentiel qui risque de causer un dommage grave et irréversible et dont l'incertitude scientifique est probante28. Néanmoins ces avancées ne se font pas sans contreparties. Il convient d'observer que tous les sujets n'ont pas été abordés, ce qui peut parfois être regrettable notamment pour les océans. L'un de ces sujets a fait l'objet de débats ; l'abattage des forêts. Force est de constater que le droit international s'intéresse aux dégâts visibles aux yeux des Hommes. L'avis n'est pas tant de discriminer la volonté des États participant au Sommet de la Terre de vouloir créer une Convention contraignante et spécifique aux forêts, au contraire aujourd'hui celle-ci serait tout aussi appréciée quand le constat est fait des déforestations massives dans les pays subtropicaux comme le Brésil. Toutefois l'océan est un objet de droit silencieux et qui 28BOISSON DE CHAZOURNES Laurence, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, Principes du droit international de l'environnement, Jurisclasseur Environnement et Développement Durable, 2011, p. 14-17. 28 absorbe encore correctement les dégâts de cette période. Les conséquences physiques ne se font pas encore ressentir comme aujourd'hui. Ce qui vient en revanche discréditer la soft law est son absence de contraintes. C'est-à-dire que même si les États sont signataires, il n'existe rien qui puisse les obliger à respecter ou à développer les lignes directrices établies au sein de leurs législations. Pourtant il est permis de croire qu'à l'instar des déclarations des Droits de l'Homme, les États se sentiront moralement contraints d'y adhérer29. La soft law, si elle n'est pas contraignante, reste malgré tout créatrice de droits qui sont eux contraignants aux travers des Conventions qui y sont rédigées, adoptées et pour beaucoup ratifiées. L'exemple même se trouve au Sommet de Rio de 1992 qui a vu apparaître la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)30 ainsi que la Convention sur la diversité biologique31 (CDB)32, toutes entrées en vigueur. La faible présence des océans dans ces textes n'incite pas à aller plus loin et à intégrer ces derniers comme des milieux à protéger comme certaines zones sensibles notamment les récifs coralliens qui ont fait l'objet d'une attention plus particulière33. La question de l'application des déclarations reste pour le moins entière. D'autres Conférences donnant lieu à d'autres Déclarations ont été faites. N'est-ce pas là le signe d'une certaine inefficacité ? Il faut également se demander si les océans ont été depuis intégrés au droit du climat, notamment avec les connaissances toujours plus grandes de l'impact du réchauffement climatique sur ces derniers. |
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