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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

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Section 2 - Les propositions de solutions institutionnelles
pour un cadre plus protecteur

Les représentants des gouvernements sont réunis aux Nations unies, à New York, pour discuter d'un traité mondial sur la haute-mer. Cet espace représente en effet 61% de la surface des océans et près de la moitié de la surface du globe. Il s'agit d'après Greenpeace d'une occasion de consacrer 30% de la haute-mer en tant que zone protégée119. Au-delà des questions que pose une telle superficie ainsi que sa gouvernance, cela est peut-être l'occasion de créations et d'innovations quant à l'approche à adopter vis-à-vis des organisations. C'est la raison pour laquelle il convient d'établir des communications effectives entre les structures existantes ou à créer (A), et de mettre en place un cadre juridique plus scientifique (B).

118ODILE DELFOUR-SAMAMA, « Les aires marines protégées, outil de conservation de la biodiversité en haute mer », Neptunus, revue électronique, Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, Vol. 19, 2013/1

119 https://www.greenpeace.fr/proteger-30-oceans-dici-2030/

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A - La nécessité d'établir des communications effectives entre les zones

Dans son rapport du 4 avril 2019, Greenpeace rappelle que les écosystèmes marins de haute-mer sont « une pompe biologique des océans » et qu'ils « captent le dioxyde de carbone en surface et le stockent dans les profondeurs »120. Il s'agit ici d'un fonctionnement crucial qui permet à notre atmosphère ne pas contenir 50 % de CO2 en plus, et la hausse des températures rendrait le monde inhabitable. L'étude démontre ainsi la capacité actuelle à collecter des données et la présence de moyens à disposition permettant de cartographier les zones océaniques à protéger et ainsi créer un réseau de réserves marines interconnectées et représentatives de la biodiversité marine mondiale.

Sans doute ce type de projet est-il ambitieux, mais cela pourrait permettre de mettre un terme aux dérives étatiques de la surexploitation des océans. Il faut noter qu'en terme de compétence il ne s'agit ici que de la colonne d'eau puisqu'il est question de la haute-mer. Comme il a été vu, l'AIFM, bien que son but premier soit l'exploitation, a le devoir d'assurer une protection du milieu marin vis-à-vis des personnes qui pratiquent pour le moment l'exploration et à l'avenir l'exploitation. Pourtant, le rapport de Greenpeace évoque, tout en évoquant un traité sur la haute-mer, la question des ressources minières qui concerne directement les grands fonds marins et donc l'AIFM. Ce constat amène une question cruciale en terme de protection du milieu marin : comment assurer la protection effective d'une zone qui dépend d'un point de vue systémique d'une autre zone ? La réponse à apporter semble couler de source. Cela semble impossible et il est déjà difficile d'appréhender les problèmes de pollutions telluriques s'étendant dans le milieu océanique. Comment serait-il possible de gérer une pollution en provenance des grands fonds marins sans que la colonne d'eau soit impactée ?

Cela amène nécessairement à penser qu'il faudrait d'abord créer, à l'image des commissions existantes, d'autres commissions sous l'égide d'une Commission centrale des aires marines protégées. Ce modèle serait fait sous la coupe des Nations Unies à l'instar de grandes institutions existantes. Ainsi, cette Commission centrale pourrait disposer d'un fichier commun permettant d'opérer des liens entres les sous-commissions gérant des zones

120Ibid.

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régionales afin d'assurer la protection de la biodiversité. Cette Commission devra également pouvoir communiquer avec l'AIFM afin qu'il n'y ait pas de contradictions.

Les missions qui lui seraient attribuées seraient à l'instar des organisations déjà existantes d'établir la surveillance et de permettre une gestion éco-responsable des ressources biologiques pouvant apporter des solutions clés pour l'humanité. À la fin, il ne s'agit pas de couper totalement l'accès des activités humaines sur ces zones mais d'en limiter grandement la présence et l'impact afin de garantir la résilience des océans. En effet, l'échec d'un consensus politique pour la création par la Commission CCAMLR d'une réserve de 1,5 millions de mètres carrés en mer de Ross permet d'imaginer à quoi peuvent ressembler les négociations sur un traité sur la haute-mer. La Chine, la Norvège et la Russie se sont opposées à l'institution de cette réserve qui aurait bloqué toutes les activités économiques. Un projet d'une telle ambition semble alors complètement utopique. De même, si des organes tels que la CCAMLR continuent d'échouer dans leur mandat de protection de l'océan, ils ne pourront plus faire partie de la solution, y compris sous l'égide d'une Commission centrale.

Finalement dans une tentative de consensus politique entre les intérêts économiques et la protection des océans, il semble clair que les États privilégieront constamment les aspects économiques ne comprenant pas à quel point ce manque de protection sera faillible pour l'économie dans le futur. Si une institution aussi grande qu'une Commission centrale de la haute-mer ne peut exister, peut-être faut-il néanmoins permettre aux instruments déjà existants de posséder des outils de communication entre eux pour établir une coordination des objectifs de protection.

Il s'agit une nouvelle fois d'une proposition moins utopique qu'ambitieuse car après tout : « Rien ne s'est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée »121.

L'inspiration pourrait également venir de ce qui existe au travers des travaux de la Commission OSPAR qui possède un domaine de compétence interdisciplinaire. Il va de soi que l'avenir de la protection du milieu marin se trouve dans l'interdisciplinarité. En effet, « protéger les espaces en mer reviendrait à protéger de façon spécifique un immense chapelet

121Jules Verne.

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de biotopes particuliers tout en tenant compte des interactions que chacun d'eux peut entretenir avec l'espace voisin »122. Il serait ainsi dommage de n'envisager qu'un domaine de compétence pour les AMP à venir, car les risques en provenance directe des activités humaines sont relativement nombreuses, y compris quand ces dernières ont pour objectif à long terme de réduire les émissions de CO2123. Ceci-dit, certains auteurs ont déjà pu aborder la thématique de la protection de la haute-mer au travers de ce prisme et ont pu affirmer que le sujet était d'une « extrême complexité » car il nécessite une conjugaison « au niveau de la société internationale, [de] la protection d'espaces dont la définition juridique ne se calque pas sur la réalité biologique »124. C'est ici tout le problème invoqué par Greenpeace et la solution recherchée à travers ce réseau d'AMP qui concernerait 30% ou davantage de la haute-mer. Même si la Convention de Montégo Bay fixe une délimitation juridique des espaces en mer pour les États, elle confie également la protection des espaces qui sont attribués à ces derniers. Cela signifie alors que la protection des espaces est conçue au travers de la souveraineté et qui plus est de celle de l'État côtier principal bénéficiaire des dispositions du texte.

Cette vision des choses permet d'opérer un constat déjà effectué : « Créer un instrument global de protection ne peut être efficace qu'à la condition d'être appliqué uniformément, et des initiatives locales ou régionales ne peuvent être bénéfiques qu'à la condition de pouvoir être généralisées ». Le choix sera très probablement discuté lors des négociations en cours au siège des Nations unies à New York mais il faudra attendre 2020 avant d'observer le choix qui aura été fait. Il faudra néanmoins que soit envisagée une meilleure prise en compte des études scientifiques effectuées pour accompagner et comprendre les instruments décisionnaires.

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