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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

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Partie 2 - La protection des océans à travers le

prisme de la régulation du climat

L'approche précédemment effectuée avait pour principal but d'observer le manque de lien entre le droit du climat et la protection du milieu marin. Il a notamment été observé de manière climato-centrée que l'environnement marin était grandement soumis à une vision et une application sectorielle passant par le prisme de l'activité économique. Ces activités, quand elles sont une émanation à des fins de protection du milieu marin, laissent en effet une grande place aux enjeux économiques. Cela provient notamment de la recherche d'un équilibre entre les nombreux risques que supportent les océans, l'économie se pose ainsi au côté d'enjeux technologiques, touristiques, archéologiques, météorologiques, climatologiques et énergétiques. À bien y regarder, ces domaines constituent autant de secteurs que le droit de l'environnement appliqué aux océans pourrait voir apparaître. C'est la raison pour laquelle la protection du milieu marin passe très souvent par des mesures en relation avec l'économie. Néanmoins les objectifs peuvent parfois manquer d'uniformité afin de répondre à des objectifs systémiques à l'instar des changements climatiques. De même, la protection du milieu marin ne se trouve être qu'un domaine pouvant permettre une protection plus globale92. Ainsi le rapport entre la biodiversité et les changements climatiques n'est plus à remettre en cause93, et la protection de cette dernière est un élément essentiel dans les actions à mener contre le réchauffement global.

Il va donc être question d'aborder non plus le manque ou l'absence de lien entre deux droits aux objectifs différents mais de s'attarder sur les éléments distincts de la protection du milieu marin. Pour ce faire il faudra observer qu'il existe une multitude d'institutions pour la gouvernance des océans, mais qu'elles ne sont peut-être pas opérationnelles pour la mission de protection des océans (Chapitre 1). De même, il sera abordée la question de l'enfouissement du CO2, une activité nouvelle méritant un encadrement juridique relativement strict (Chapitre 2).

92Infra Partie 1.

93 https://uicn.fr/biodiversite-et-changement-climatique/.

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Chapitre 1 - Le problème de l'encadrement des activités par

le droit

L'étude des institutions au sein de ces développements se fera sous le prisme de la régulation du climat. Au final la question principale est de savoir comment la gouvernance des océans peut permettre une protection effective du milieu marin dans le cadre de la régulation du climat. En effet, les institutions qui existent fournissent des actions concrètes pour encadrer certaines activités (la pêche, la surveillance d'une zone, la délivrance de permis d'exploration ou d'exploitation). Ces dernières doivent en effet appliquer des conventions protectrices quand la mission n'est pas elle-même la protection. C'est notamment le cas des aires marines protégées. Par ailleurs, la question au sujet de ces dernières est de savoir si elles peuvent jouer un rôle dans la régulation du climat.

Néanmoins pour une protection globale, il semble évident d'observer l'absence de lien concret entre les différentes institutions (Section 1). Ce constat n'empêche pas pour autant de proposer des solutions institutionnelles sur cette base (Section 2).

Section 1 - L'absence de lien concret entre les différentes
institutions en présence

Pour noter l'utilité d'un lien entre des institutions il convient de préciser que celles-ci sont à l'origine très fragmentées et obéissent donc à une vision sectorielle (A). De plus, ces dernières disposent d'outils juridiques qui pourraient être complétés pour permettre une meilleure efficacité des relations actuelles, ou même pour en créer de nouvelles (B).

A - Des institutions présentes mais sectorielles

Les institutions ayant des rôles plus ou moins importants dans la régulation et la protection des milieux marins sont nombreuses. Cette multiplicité pourrait apparaître comme le constat de l'inefficacité des institutions. Toutefois elle est davantage le reflet d'une approche sectorielle sur plusieurs plans, d''abord, sur la répartition des missions. En effet, chaque institution qui participe à cette gouvernance dispose de missions différentes. Ces missions se développent selon les niveaux des institutions existantes. Il sera vu par exemple

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que l'Organisation Maritime Internationale94 agit à un niveau différent de celui des AMP. Pourtant il existe des enjeux parfois communs et l'une et l'autre auraient tout intérêt à faire converger leurs actions.

Le second plan de l'approche se concentre sur les champs géographiques déterminés. Ce peut être à la fois l'un des freins mais également un des avantages des institutions. En effet, d'une certaine manière le manque d'une vision globale ne permet pas la convergence des actions dont il était question préalablement. Comment considérer les effets du réchauffement climatiques si ces derniers ne sont pas reconnus de manière universelle par les institutions ? D'un autre côté, l'attribution à chaque institution d'un champ géographique permet une répartition en termes d'objectifs et de moyens. Cette approche participe notamment à ce que l'institution puisse exercer ses missions dans un cadre préalablement défini.

Enfin l'approche se concentre sur l'étendue des compétences des institutions à agir et à réglementer. Il s'agit d'une particularité qui leur est donnée. Le terme d'institutions est ici abordé au sens large : il peut s'agir d'institutions dont la mission est de réglementer des domaines déterminés (à l'instar de l'OMI) ou encore des organes moins puissants permettant la gestion et le contrôle des AMP. Entre autres, il convient de s'arrêter sur la CNUDM car des auteurs confirment que :

« La Convention des Nations unies sur le droit de la mer n'assure pas la cohérence des innombrables instruments juridiques qui régissent les océans et leurs ressources. Si elle n'a pas le statut de Constitution de la mer, l'évolution des instruments démontre tout de même qu'elle encadre les dispositions adoptées par des institutions sectorielles et régionales indépendantes, et peu coordonnées »95.

Il est ainsi démontré que la coordination n'est pas le point fort du droit de la mer et que cela dessert fortement la protection du milieu marin.

Cette fragmentation a des origines antérieures à la CNUDM de 1982 et se structure notamment sur la multiplicité des acteurs. L'un d'eux est l'OMI, agence spécialisée des Nations unies créée en 1948 par la Convention OMI, elle se voit attribuer des compétences concernant la navigation. Elle a donné naissance à de nombreux traités et mesures à l'instar de ceux identifiés à la sécurité maritime, et plus précisément à la prévention des accidents, mais

94OMI

95DIRE TLADI, Gouvernance des océans : un cadre de réglementation fragmenté ?, Regards sur la Terre, 2011.

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également des traités sur la prévention de la pollution marine. Cela reste toutefois orienté sur l'exploitation des navires principalement. Nonobstant ces textes, de nombreux aspects du milieu marin ne sont pas du ressort de l'OMI, telles que la réglementation des pêcheries, la protection des fonds marins contre les pratiques destructrices et même la réglementation de la pollution imputable à des sources telluriques (la principale source de pollution marine). Si cela peut apparaître regrettable après les développements apportés96, cela reste néanmoins cohérent.

L'OMI apporte néanmoins des nuances quant à son implication dans la protection du milieu marin. La première est l'intégration à l 'OMI de la protection du milieu marin, car sur 51 instruments conventionnels qui ont été adoptés à ce jour, 21 sont directement liés à l'environnement, voire 23, si l'on tient compte des aspects des Conventions sur l'assistance et sur l'enlèvement des épaves liées à l'environnement97. En sus, il existe le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) qui est le principal organe technique de l'OMI traitant des questions relatives à la pollution des mers. Ce dernier traite notamment des questions relatives à la Convention MARPOL98, c'est-à-dire principalement à la pollution causée par les navires, c'est à dire la pollution par les hydrocarbures, les produits chimiques transportés en vrac, les eaux usées ou les ordures. Le MEPC participe également à la réduction des GES en provenance des navires et des polluants atmosphériques.

La deuxième nuance est la préparation de travaux afin de prévenir la pollution de l'océan par l'immersion de déchets et d'autres matières. Cela a principalement été réalisé au travers du prisme de la Convention de Londres de 197299 et de son protocole de 1996 sur « la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières ». Cette convention est particulièrement intéressante car elle va constituer le socle d'une activité nouvelle qui pourra grandement participer à la diminution (davantage que la réduction) du dioxyde de carbone dans l'atmosphère notamment à travers le captage et le stockage de ce

gaz100.

96Notamment dans la partie 1.

97 http://www.imo.org/fr/OurWork/Environment/Pages/default.aspx

98Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires, du 2 novembre 1973

complétée par le protocole de 1978.

99Adopté le 13 novembre 1972 et entrée en vigueur le 30 août 1975.

100Infra chapitre 2.

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Enfin, l'OMI peut déterminer des zones maritimes particulièrement vulnérables (PSSA). Ces zones « en raison de l'importance reconnue de ses caractéristiques écologiques, socio-économiques ou scientifiques et de son éventuelle vulnérabilité aux dommages causés par les activités des transports maritimes internationaux »101, sont éligibles à : « [une] protection particulière, conférée par des mesures prises par l'OMI ». Il existe pour cela des critères applicables à l'identification de ces zones et des critères applicables à la désignation de zones spéciales qui ne s'excluent pas mutuellement. Dans de nombreux cas, une PSSA peut être identifiée à l'intérieur d'une zone spéciale et inversement, ce qui peut permettre un croisement entre des zones de pêcheries ou même des AMP. Dans ce dernier cas, la zone bénéficiera d'une protection double en terme d'institutions. La résolution A.982(24)102 contient des Directives révisées pour l'identification et la désignation des zones maritimes particulièrement vulnérables. Ces directives proposent un certain nombre de critères qui s'appliquent à la désignation des PSSA comme des critères écologiques relatifs aux écosystèmes rares ou uniques, relatifs à leur diversité ou expose encore leur vulnérabilité face aux dégradations d'origines naturelles ou humaines. Parmi ces zones, il est possible de citer la grande barrière de corail, en Australie103 ou encore le détroit de Bonifacio, en France et Italie104.

Au final, l'OMI est une institution plutôt complète concernant la protection du milieu marin même si ce n'est pas sa mission première. D'autres organisations se trouvent moins adaptées à cette protection. Pire encore, il est possible de constater une servitude totale à des intérêts économiques dans une organisation dont la mission d'origine et de permettre une meilleure gestion des ressources. L'exemple qui suit est celui de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). C'est une agence spécialisée créée en 1945105, qui oeuvre en faveur de la sécurité alimentaire dans le domaine des pêcheries et de l'aquaculture. Ici il faut remarquer que sa mission est bel et bien déterminée. Un cadre est

101 http://www.imo.org/fr/OurWork/Environment/PSSAs/Pages/Default.aspx.

102Résolution A.982(24) adoptée le 1er décembre 2005 (point 11 de l'ordre du jour) Directives révisées pour

l'identification et la désignation des zones maritimes particulièrement vulnérables

103Désignée en 1990 puis étendue afin d'inclure le détroit de Torres en 2005.

104Désignée en 2011.

105Par les Nations unies.

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établi afin de cantonner l'organisation à un secteur, celui du prélèvement halieutique. Elle a pour compétence d'élaborer des instruments relatifs à la pêche, contraignants ou non106.

Il est possible de constater une articulation avec la CNUDM ici. Par exemple la liberté en haute-mer accorde une liberté de pêche, sauf pour certaines espèces protégées spécifiquement107, mais celle-ci contribue au déclin des pêcheries et à de plus grandes menaces sur la biodiversité marine. Par ailleurs, les dispositions issues du droit des pêches ne peuvent relever de la Convention sur la biodiversité et ce à travers les organisations régionales de pêches (ORGP). En effet ces dernières sont destinées à permettre une utilisation durable des ressources halieutiques. La nature juridique de ces organisations a pour unique but de servir les intérêts économiques via le prisme de l'alimentation humaine et ne prend pas en compte les poissons comme faisant partie de la biodiversité. Ce constat peut se faire notamment à travers la Convention OSPAR de 1992 qui établit une organisation régionale dans l'Atlantique du Nord-Est et dont les missions sont la protection de l'écosystème de la zone ainsi que la protection de la diversité biologique qui s'y trouve. Il faut pourtant noter la définition donnée de la diversité biologique au sein de l'article 2 de la Convention qui dispose que celle-ci est une :

« Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »

Il est possible d'extraire ici les expressions « organismes vivants de toute origine » et « diversité au sein des espèces et entre espèces » qui permettent sans doute d'inclure les poissons péchés. Ainsi sur la même zone dispensée par OSPAR il est possible de retrouver l'ORGP NEAFC ou Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (CPANE)108.

Au final, la fragmentation observée au sein des droits permettant la protection des océans face au climat se retrouve lui-même au sein du droit de la protection du milieu marin.

106DIRE TLADI, « Gouvernance des océans : un cadre de réglementation fragmenté ? », Regards sur la Terre, 2011

107Convention Baleinière Internationale de 1946 par exemple.

108https://www.neafc.org/

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En effet, l'équilibre est précaire entre les dispositions de la CNUDM sur la protection du milieu marin et les intérêts économiques qui restent l'intérêt majeur. Cette « Constitution pour la mer », aurait du apporter un ciment solide pour créer des liens et une uniformité dans ces problématiques, surtout en notant que la CNUDM a été adoptée en 1982, c'est-à-dire 10 ans après la Déclaration de Stockholm qui marquait la naissance du droit international de l'environnement. Pour exemple, l'article 193 qui dispose que les États ont : « le droit [souverain] d'exploiter leurs ressources selon leur politique en matière d'environnement et conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin », marque avant tout le droit d'exploiter les ressources selon leur bon vouloir.

Néanmoins ces institutions et organisations disposent pour certaines de la capacité à créer des règlementations et à les faire appliquer. À ce titre, il est nécessaire d'observer quels outils elles peuvent mettre en oeuvre.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe